Saisie par le ministre de la culture, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 14 octobre 2019, relative à un panneau de Cenni di Pepo, dit Cimabue, La Dérision du Christ, peinture à l'œuf et fond d'or sur panneau de peuplier, vers 1280 ;
La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 20 novembre 2019 ;
Après en avoir délibéré,
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé constitue une remarquable oeuvre inédite de Cenni di Pepo, dit Cimabue (c. 1240-1302), issue vraisemblablement d'un diptyque de dévotion exécuté autour de 1280 et représentant le thème du Christ aux outrages ; que l'attribution de cette scène à ce peintre précurseur de la Renaissance italienne fait une grande unanimité, rare pour les artistes de cette période, parmi les spécialistes de la peinture des XIIIe et XIVe siècles, notamment par les similarités des types physiques des personnages, très proches de ceux des saints figurés dans les médaillons du cadre de la Maestà, conservée au musée du Louvre ; qu'en outre, la Dérision du Christ provient du même ensemble que deux autres panneaux figurant la Flagellation du Christ (New York, Frick Collection) et La Vierge et l'Enfant (Londres, National Gallery), ainsi que l'attestent des traits stylistiques proches, tels que les architectures, le décor incisé de l'or et le type de nimbes, tout comme l'emploi de pigments semblables, particulièrement riches, et le support sur une même planche de peuplier amincie, dont le tracé des galeries d'insectes xylophages coïncide ; que ces trois œuvres appartenaient très probablement au volet droit d'un grand diptyque, dont les autres parties ne sont pas localisées, comparable à celui peint quelques années plus tard par le Maître de san Martino alla Palma, qui a été peut-être commandé pour une église de Pise, ou, sous l'impulsion du développement d'une dévotion plus intimiste à l'époque, pour la chapelle de riches notables ou d'une congrégation religieuse ; que ce Christ moqué témoigne d'un langage plastique nouveau, s'éloignant des références byzantines hiératiques pour adopter un naturalisme plus affirmé, comme dans le traitement de la figure empreinte d'humanité de Jésus, le rendu des expressions des personnages ou de l'espace ; qu'il est possible que ce diptyque ait été démembré dès le début du XIXe siècle et que la Dérision du Christ ait gagné la France durant le même siècle, peut-être par l'intermédiaire du conservateur-marchand de Pise, Carlo Lasinio ; qu'il est particulièrement important de maintenir sur le territoire national cette redécouverte majeure récente, pièce manquante d'un rare ensemble encore lacunaire, demeurée en bon état de conservation, qui permet de porter un regard renouvelé sur la manière de Cimabue et sur les nouveautés qu'il a introduites dans la peinture en Occident ;
Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national ;
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.
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