La Commission,
Vu la lettre en date du 28 septembre 2018 par laquelle le ministre chargé de l'économie a saisi la Commission, en application de l'article 26 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014, en vue de la mise en œuvre d'une opération de marché sur le capital de la société Safran ;
Vu l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique et le décret n° 2014-949 du 20 août 2014 portant application de ladite ordonnance ;
Vu le décret n° 2004-1320 du 26 novembre 2004 relatif au transfert du secteur public au secteur privé de la société Snecma ;
Vu les avis de la Commission des participations et des transferts n° 2005-A.C.-1 du 17 février 2005 relatif au transfert au secteur privé de la société Snecma, n° 2011-A.C.-4 du 31 mars 2011 relatif au transfert au secteur privé de la société SNPE Matériaux Energétiques (SME), n° 2013-A.-2 du 25 mars 2013 et n° 2013-A.-3 du 27 mars 2013 relatif à une cession sur le marché de titres de Safran, n° 2013-A.-6 du 12 novembre 2013 et n° 2013-A.-7 du 15 novembre 2013 relatif à une cession sur le marché de titres de Safran, n° 2015-A.-2 du 2 mars 2015 et n° 2015-A.-3 du 4 mars 2015 relatif à une cession sur le marché de titres de Safran, n° 2015-A.-12 du 12 novembre 2015 et n° 2015-A.-13 du 2 décembre 2015 relatif à une cession sur le marché de titres de Safran, n° 2016-A.-6 du 22 novembre 2016 et n° 2016-A.-7 du 23 novembre 2016 relatif à une cession sur le marché de titres de Safran ;
Vu les documents d'information financière publiés par Safran et en particulier :
- le communiqué de presse du 27 février 2018 sur les résultats de l'exercice 2017 intitulé « Résultats 2017 : tous les objectifs sont dépassés » ainsi que le document de présentation rendu public le même jour sur le site internet de la société ;
- le Document de référence 2017 de Safran intégrant le rapport financier annuel déposé auprès de l'Autorité des Marchés financiers le 29 mars 2018 ;
- le communiqué de presse du 6 septembre 2018 sur les résultats du premier semestre 2018 intitulé « Très bons résultats du premier semestre 2018. - Relèvement significatif des perspectives pour 2018 » ainsi que le document de présentation rendu public le même jour sur le site internet de la société ;
- le rapport financier semestriel 2018 déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers le 12 septembre 2018 ;
Vu le rapport d'évaluation établi par Société générale, banque conseil de l'Etat, transmis à la Commission le 28 septembre 2018, et le document de présentation remise en séance le 1er octobre 2018 ;
Vu la note de l'Agence des participations de l'Etat transmise à la Commission le 28 septembre 2018 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu le 1er octobre 2018 :
- Conjointement :
- le ministre chargé de l'économie représenté par Mme Lucie MUNIESA, directrice générale adjointe de l'Agence des participations de l'Etat (APE), M. Jack AZOULAY, M. Pierre JEANNIN, Mme Claire VERNET-GARNIER et M. Hadrien BOLNOT ;
- Société générale, banque conseil de l'Etat, représentée par MM. Jacques BITTON, responsable banque d'investissement France, Edouard DUBAIL, Damien IENTILE, Stéphane KRIEF, Alexis LE TOUZE, Colomban MATHIEU de VIENNE et Daniel WEISSLINGER ;
- Le ministre chargé de l'économie représenté comme ci-dessus ;
Emet l'avis suivant :
I. - Par lettre en date du 28 septembre 2018, le ministre chargé de l'économie a saisi la Commission en vue de la mise en œuvre d'une opération de marché sur le capital de la société Safran, actuellement détenu par l'Etat à hauteur de 13,16 % (et 21,91 % des droits de vote).
L'opération envisagée consiste dans la cession d'une partie des actions existantes détenues par l'Etat pour un volume maximum de 11 566 667 actions soit 2,61 % du capital de Safran.
La cession d'un maximum de 10,41 millions d'actions sur le marché (2,35 % du capital) se fera, selon la technique du livre d'ordres accéléré (dite ABB), sous la forme d'un placement privé auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux, conduit par un syndicat bancaire qui en garantit la bonne fin en termes de volume et de prix minimum.
Conformément à l'art. 31-2 de l'ordonnance du 20 août 2014, dix pour cent des titres cédés par l'Etat (un neuvième de l'opération de marché soit 1 156 667 titres) seront proposés aux salariés et anciens salariés de Safran dans des conditions qui seront déterminées par arrêté.
La réalisation de la cession sur le marché, pour le volume envisagé, est susceptible de faire passer la participation de l'Etat dans le capital de Safran à 10,81 % (et 17,71 % des droits de vote).
En cas de souscription par les salariés de l'intégralité de l'offre qui leur sera réservée, ainsi que des offres associées aux cessions de novembre 2015 et novembre 2016 restant à mettre en œuvre (1 866 666 titres), la participation de l'Etat passerait à 10,13 % du capital de Safran (et 16,59 % des droits de vote).
L'ensemble des salariés et anciens salariés constituent le deuxième actionnaire de Safran avec à ce jour environ 6,97 % du capital (et 10,21 % des droits de vote). En cas de souscription des salariés à l'intégralité des trois offres à eux réservées, elle passerait à 7,65 % du capital (et 11,97 % des droits de vote). Le reste du capital, hormis les actions détenues en auto-contrôle, est détenu par le public. Suite à l'acquisition par Safran de Zodiac Aerospace, FFP Invest détient, en concert avec le Fonds Stratégique de Participations, 1,35 % du capital.
II. - La société Safran résulte du rapprochement opéré en 2005 entre les sociétés Snecma, alors détenue par l'Etat à hauteur de 62 % du capital, et Sagem. Cette opération avait consisté en une offre publique initiée par Sagem sur la totalité des actions de Snecma et qui comprenait une offre principale d'échange et une offre subsidiaire d'achat. L'Etat avait décidé d'apporter les titres qu'il détenait à cette offre publique, ce qui entraînait le transfert au secteur privé de la société Snecma, l'Etat ne détenant qu'environ le tiers du capital du nouveau groupe et le secteur public y étant globalement minoritaire. La Commission avait émis sur cette opération l'avis du 17 février 2005 susvisé.
Le transfert de la société Snecma au secteur privé avait été autorisé par le décret du 26 novembre 2004 susvisé.
L'Etat a procédé depuis 2013 à cinq cessions d'actions de Safran sur le marché, réduisant ainsi progressivement le niveau de sa participation. Celle-ci a de plus a été diluée par l'augmentation de capital (26 651 058 actions de préférence) de février 2018 destinée à rémunérer les actions de Zodiac Aerospace apportées à l'OPE subsidiaire comprise dans l'offre publique de Safran sur le capital de cette société (voir au point III). Safran a émis par ailleurs en juin 2018 des obligations convertibles ou échangeables (OCEANE) à hauteur de 700 millions d'euros et à valeur nominale unitaire de 140,10 €.
En vue de protéger les intérêts nationaux, l'Etat, Sagem et Snecma avaient conclu le 21 décembre 2004 une convention visant à protéger les actifs identifiés comme stratégiques, sensibles ou de défense. En considération de ces dispositions, l'Etat n'a pas institué d'action spécifique au capital de Snecma. Cette convention a été mise à jour pour tenir compte en particulier de l'intégration de Zodiac Aerospace au groupe Safran. La nouvelle convention a été approuvée par l'assemblée générale mixte de Safran le 25 mai 2018. Elle prévoit notamment les conditions de la représentation de l'Etat au conseil d'administration dans l'hypothèse où sa participation viendrait à être inférieure à 10 % du capital.
III. - Safran est historiquement un groupe international de haute technologie opérant dans les domaines de la propulsion et des équipements aéronautiques, de l'espace et de la défense. Implanté sur tous les continents, le groupe employait fin 2017 plus de 58 000 collaborateurs pour un chiffre d'affaires de 16,5 milliards d'euros. Safran occupe, seul ou en partenariat, des positions de premier plan mondial ou européen sur ses marchés. Le périmètre du groupe a sensiblement évolué depuis deux ans dans le sens d'un recentrage de l'activité sur l'aéronautique.
Safran a d'une part finalisé en 2017 les deux importantes cessions qui lui ont permis de se retirer du secteur de la sécurité :
- vente en avril 2017 de Morpho Detection LLC et des autres activités de détection à Smiths Group pour environ 685 millions d'euros ;
- vente en mai 2017 de Morpho (Safran Identity & Security), spécialisé dans les équipements de sécurité et d'identité, au fonds Advent International, propriétaire d'Oberthur Technologies, et à Bpifrance, pour un montant de 2,4 milliards d'euros.
En janvier 2017, Safran a d'autre part annoncé le lancement d'une offre publique amicale sur la société Zodiac Aerospace. Jugées coûteuses par certains investisseurs, les conditions de cette opération, suite à la dégradation de la situation de Zodiac Aerospace, ont été revues en mai 2017. L'offre publique, qui comprenait une offre d'achat à titre principal et une offre d'échange à titre subsidiaire, a été un plein succès et a été suivie d'une procédure de retrait obligatoire en mars 2018. L'acquisition de 95,58 % des titres a été réalisée pour un prix global de 6,7 milliards d'euros, dont 4,5 milliards versés en numéraire et 2,2 milliards en actions de Safran.
L'intégration de Zodiac Aerospace a élargi le périmètre d'activités du groupe Safran dans le domaine des équipements et systèmes aéronautiques. Zodiac Aerospace est consolidé dans les comptes de Safran à compter du 1er mars 2018.
Le groupe Safran, dans son document de référence 2017, estimait qu'en données pro forma le nouveau groupe emploierait plus de 91 000 collaborateurs (dont plus de 45 000 en France) et réaliserait environ 21 milliards d'euros de chiffre d'affaires ajusté et environ 2,7 milliards d'euros de résultat opérationnel courant ajusté. Sur cette base, le nouveau groupe devient le troisième acteur mondial du secteur aéronautique et le deuxième équipementier aéronautique mondial, avec un chiffre d'affaires pro forma d'environ 10 milliards d'euros dans les équipements et une présence dans plus de 60 pays.
IV. - Le groupe Safran, suite à la prise de contrôle de Zodiac Aerospace, présente, depuis le premier semestre 2018, son activité en cinq secteurs opérationnels caractérisés par leurs produits et leurs marchés (les pourcentages sont ceux relatifs au premier semestre 2018) :
- secteur Propulsion aéronautique et spatiale (50 % du chiffre d'affaires et 62 % du produit opérationnel) : il comprend la conception, le développement, la production et la commercialisation de systèmes de propulsion pour les avions et hélicoptères (civils et militaires) ainsi que les drones. Le secteur comprend aussi les activités de maintenance, réparation et services connexes ainsi que la vente de pièces détachées ;
- secteur Equipements aéronautiques (27 % du chiffre d'affaires et 25 % du résultat opérationnel) : il comprend l'ensemble des équipements et sous-systèmes destinés aux avions et aux hélicoptères civils et militaires (systèmes d'atterrissage et de freinage, systèmes et équipements moteurs notamment nacelles, inverseurs de poussée et transmissions de puissance mécanique, étapes de la chaîne électrique, systèmes de ventilation). Le secteur comprend aussi les activités de maintenance, réparation et services connexes ainsi que la vente de pièces détachées ;
- secteur Défense (7 % du chiffre d'affaires et 4 % du résultat opérationnel) : il comprend les activités (optronique, avionique, électronique et logiciels critiques) destinées aux marchés de la défense navale, terrestre et aéronautique ;
- secteur Aerosystems (8 % du chiffre d'affaires et 9 % du résultat opérationnel) : issu de Zodiac Aerospace, il regroupe les activités civiles et militaires liées au marché SFE (Supplier Furnished Equipment) dont les clients directs sont essentiellement les constructeurs d'avions, d'hélicoptères, d'engins spatiaux : systèmes d'évacuation, systèmes d'arrêt d'urgence, parachutes de protection et systèmes d'oxygène, systèmes de gestion de la puissance électrique et actionneurs, systèmes et technologies élastomères, calculateurs embarqués et systèmes de carburant, systèmes hydrauliques et régulation, distribution d'eau sanitaire et blocs toilettes ainsi que systèmes IFEC (In Flight Entertainment and Connectivity) ;
- secteur Aircraft Interiors (8 % du chiffre d'affaires et résultat opérationnel négatif) : issu également de Zodiac Aerospace, il rassemble les activités liées au marché BFE (Buyer Furnished Equipment) dont les clients directs sont essentiellement les compagnies aériennes (sièges passagers et d'équipages, intérieurs de cabine complets, coffres à bagages, systèmes de réfrigération, trolleys, containers cargo, etc.).
Le groupe connaît deux enjeux majeurs :
- le redressement de Zodiac Aerospace, dont il constate les premiers effets positifs ;
- le passage du moteur CFM56 au moteur LEAP (tous deux construits en partenariat historique avec le groupe General Electric). La commercialisation du moteur LEAP est déjà un réel succès (15 450 commandes et intentions d'achat au 31 juillet 2018) et sa mise en service est désormais bien lancée (plus de 400 avions sont équipés de moteurs LEAP 1-A et LEAP 1-B). Le groupe, dans son rapport semestriel 2018 indique que la montée en cadence de la production des moteurs LEAP se poursuit avec l'objectif maintenu de livraison de 1 100 moteurs en 2018.
V. - Le groupe Safran a annoncé le 27 février 2018 ses résultats de l'exercice 2017. Il est rappelé qu'en raison de l'impact important de l'effet de change et des instruments de couverture du dollar, ces éléments ainsi que certains écarts d'acquisition sont retraités par le groupe Safran dans ses comptes consolidés. Le groupe communiquant sur ces « comptes ajustés », ce sont leurs données qui sont résumées ci-après sauf mention contraire. Les comptes de l'exercice 2017 n'intègrent pas Zodiac Aerospace.
Le chiffre d'affaires consolidé s'est établi pour l'année 2017 à 16,5 milliards d'euros, en hausse de 4,7 % sur un an grâce à la croissance de l'ensemble des secteurs. En particulier, les livraisons de moteurs CFM56 et LEAP ont atteint un nombre record et la demande est restée soutenue.
La marge opérationnelle recule de 15,2 à 15 %. Cette diminution qui était anticipée est due en particulier à la marge négative des moteurs LEAP livrés et à la baisse de l'activité liée aux turbines d'hélicoptères ; ces facteurs sont partiellement compensés par l'augmentation des services pour moteurs civils, la progression des livraisons de moteurs militaires et la contribution d'ArianeGroup. Safran poursuit la mise en œuvre de son plan de réduction progressive des coûts de production du LEAP. Le résultat opérationnel courant s'est élevé à 2,47 milliards d'euros enregistrant une hausse de 2,7 % par rapport à l'exercice 2016.
Les dépenses de recherche & développement effectuées dans l'année connaissent une réduction importante (1,37 milliard d'euros contre 1,71 milliard en 2016) mais l'effet sur le résultat opérationnel est décalé en raison de l'amortissement des dépenses antérieurement capitalisées.
Le résultat net part du groupe est de 2,62 milliards, en progression de 45 % par rapport à celui de 2016 (qui avait lui-même progressé de 21 % sur celui de 2015). En données consolidées publiées, le résultat net 2017 s'élève à 4,79 milliards en raison de l'importance de l'évolution favorable de la valorisation des instruments dérivés de change (impact net de 2,25 milliards).
Le cash-flow libre a augmenté de 32 % pour s'établir à 1,44 milliards d'euros.
Les fonds propres consolidés s'élèvent au 31 décembre 2017 à 10,6 milliards d'euros contre 6,8 milliards au 31 décembre 2016, l'ampleur de cette évolution étant due au volume du résultat consolidé publié de 4,79 milliards (voir ci-dessus). Du fait des cessions réalisées en 2017, le groupe est passé d'une dette nette de 1,38 milliard au 31 décembre 2016 à une situation de trésorerie nette de 294 millions d'euros au 31 décembre 2017.
VI. - Le 6 septembre 2018, le groupe Safran a annoncé ses résultats du premier semestre de l'exercice 2018. Pour la première fois Zodiac Aerospace y est consolidé à compter du 1er mars 2018 soit pour quatre mois de son activité. Les données ne sont donc pas directement comparables avec celles du premier semestre 2017. Les pourcentages d'évolution indiqués ci-après sont à périmètre constant. Il s'agit de plus des données « ajustées » sauf mention contraire.
Le chiffre d'affaires consolidé s'est établi à 9,5 milliards d'euros, soit une hausse de 4,3 % (hors Zodiac). La croissance a été plus particulièrement marquée dans le secteur propulsion (+ 7,5 %), grâce aux programmes moteurs et aux activités de services, et dans le secteur défense (+ 6,4 %) grâce aux systèmes de guidage et de visée et aux équipements optroniques portables.
Le résultat opérationnel courant s'est élevé à 1,39 milliard d'euros, en hausse de 20 % (hors Zodiac). La progression a été très soutenue dans l'ensemble des secteurs, spécialement la défense. Le résultat opérationnel courant non ajusté n'est cependant que de 912 millions en raison principalement de l'effet des écritures passées dans le cadre de l'allocation préliminaire du prix d'acquisition de Zodiac Aerospace.
Le résultat net ajusté, part du groupe, d'un montant de 974 millions, est difficilement comparable à celui du premier semestre 2017 en raison des changements de périmètre. On notera que le résultat net publié non ajusté est de 535 millions en raison de l'évolution défavorable de la valorisation des instruments dérivés de change mais aussi de l'effet des écritures ci-dessus mentionnées.
Le cash-flow libre généré au premier semestre atteint 820 millions d'euros
Après l'acquisition de Zodiac Aerospace, les capitaux propres du groupe Safran s'élèvent à 10,8 milliards d'euros au 30 juin 2018. La dette nette est de 3,53 milliards. Les écarts d'acquisition nets (goodwill) inscrits à l'actif du bilan s'élèvent 7,35 milliards.
On notera que, au cours du premier semestre 2018, Safran et Dassault Aviation sont parvenus à un accord concernant l'indemnité à verser à Dassault Aviation à la suite de l'abandon du programme Silvercrest pour la motorisation de l'avion Falcon 5X. Le montant de cette indemnité (280 millions de dollars) est couvert par des provisions antérieurement constituées.
VII. - Safran, lors de l'annonce le 6 septembre 2018 de ses résultats semestriels, prenant acte de la très forte dynamique dans les activités de propulsion, d'équipements aéronautiques et de défense, a relevé ses perspectives pour l'ensemble de l'année 2018 (hors Zodiac Aerospace) qui sont ainsi devenues :
- une croissance organique du chiffre d'affaires ajusté de 7 % à 9 %. (précédemment « dans le haut de la fourchette de 2 % à 4 % »). Sur la base d'un cours spot moyen estimé de 1,21 $ pour 1 € en 2018, le chiffre d'affaires ajusté devrait augmenter de 4 % à 6 % (précédemment « sur la base d'un cours spot moyen estimé de 1,23 $ pour 1 € en 2018, le chiffre d'affaires ajusté devrait légèrement croître. ») ;
- une croissance du résultat opérationnel courant ajusté d'environ 20 % (précédemment « dans le haut de la fourchette de 7 % à 10 % ») sur la base d'un cours couvert de 1,18 $ pour 1 € ;
- une génération de cash-flow libre supérieure à 50 % du résultat opérationnel courant ajusté, un élément d'incertitude demeurant le rythme de paiement de plusieurs Etats clients.
En ce qui concerne la contribution de Zodiac Aerospace pour les 10 mois de son intégration dans les comptes en 2018, Safran prévoit :
- entre 3,6 et 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires ajusté (sur la base d'un cours spot moyen estimé de 1,21 $ pour 1 € en 2018) ;
- entre 260 et 300 millions d'euros de résultat opérationnel courant ajusté (sur la base d'un cours couvert de 1,18 $ pour 1 € au 1er septembre 2018) ;
- de 80 à 120 millions d'euros de cash-flow libre.
A cette occasion, Safran a précisé que les travaux d'intégration de Zodiac Aerospace progressent et qu'ils sont axés sur trois priorités :
- organisationnelle avec notamment comme objectifs une simplification des structures, une réduction des frais généraux et une meilleure réactivité opérationnelle ;
- fonctionnelle avec l'apport d'outils méthodologiques permettant de redresser les programmes critiques ;
- opérationnelle avec un pilotage renforcé des plans de redressement des sites en difficulté.
Le groupe Safran poursuit une politique de distribution de dividende en croissance. Ils se sont ainsi pour les cinq derniers exercices élevés à : 1,12 € par action pour 2013, 1,20 € pour 2014, 1,38 € pour 2015, 1,52 € pour 2016 et 1,60 € pour 2017.
Le 24 mai 2017, Safran a annoncé par ailleurs son intention de mettre en place un programme de rachat d'actions ordinaires de 2,3 milliards d'euros s'étalant sur les deux années suivant la réalisation de l'offre d'achat sur les actions Zodiac Aerospace. Les premiers rachats sont intervenus en 2018. Le prix maximum de rachat des titres ne peut pas dépasser 118 € par action, montant fixé par l'assemblée générale du 25 mai 2018.
VIII. - Conformément à la loi, la Commission a procédé à l'évaluation de Safran en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir. Elle a disposé à cet effet d'un rapport établi par Société générale, banque conseil de l'Etat.
La banque conseil a eu recours à deux méthodes d'évaluation :
- l'actualisation des flux (DCF) : la banque conseil a construit un plan d'affaires sur la période 2018-2022 qui intègre l'activité de Zodiac. Elle retient le concept de « résultat ajusté » (incluant en particulier l'effet économique des couvertures de change) utilisé par le groupe et largement suivi par les analystes. Compte tenu, suite à la cession de Morpho, de la prédominance des activités aéronautiques, la banque n'a pas distingué différents secteurs. Les trois premières années du plan sont fondées sur un consensus des analystes ayant révisé leurs projections après la publication des résultats du premier semestre 2018. Le plan anticipe en particulier une progression de la marge de résultat opérationnel (EBIT) notamment liée au déploiement du moteur LEAP et aux synergies résultant de l'intégration de Zodiac. Les deux années suivantes (2021 et 2022) sont construites par extrapolation linéaire. Du fait de la durée limitée du plan ainsi défini, la valeur résiduelle a un poids déterminant dans l'évaluation (82 %). Elle est basée sur une année normative pour laquelle sont retenues une marge d'EBIT proche de celle atteinte en 2020 et une croissance à l'infini égale à celle du PIB pondérée par la part de chiffre d'affaires réalisée par zone géographique (2,4%). Les flux sont actualisés au coût moyen pondéré du capital estimé à 8,13 %. La banque précise que les paramètres ainsi retenus sont en ligne avec ceux des analystes financiers qui indiquent ces éléments. A la valeur d'entreprise ainsi déterminée est retranchée la dette financière nette et sont pris en compte les autres éléments non opérationnels du bilan (provisions, titres de participation non consolidés par intégration globale). L'évaluation de Safran en résultant est soumise à une analyse de sensibilité en fonction de variations du taux d'actualisation et des hypothèses de croissance perpétuelle, de marge d'EBIT et de taux d'impôt normatif ;
- les multiples boursiers : les multiples implicites à la capitalisation des sociétés comparables sont étudiés et appliqués aux agrégats correspondants de Safran. Les multiples utilisés sont ceux pour les années 2018 à 2020 de valeur d'entreprise / EBIT (agrégat utilisé de préférence à l'EBITDA par la société pour sa communication) mais aussi de revenus par action (fonds propres/résultat net : « P/E ») ; ils sont les deux multiples utilisés comme référence par les analystes. Safran capitalisant ses dépenses de recherche-développement, la banque a opéré un retraitement des données afin de les homogénéiser avec celles des sociétés du secteur. Ont été retenues comme comparables sept sociétés cotées européennes et américaines : Airbus, Boeing, Meggitt, MTU, Rolls Royce, Thales, United Technologies. Ce sont également les comparables généralement utilisés par les analystes financiers. Les multiples boursiers historiques des sociétés comparables et de Safran lui-même ont aussi été pris en considération par la banque conseil pour mettre en perspective une valorisation de la société sur longue période (10 ans).
La banque conseil écarte d'autres méthodes d'évaluation : la somme des parties (l'aéronautique constituant désormais l'essentiel de l'activité), l'actif net réévalué (s'agissant d'une société industrielle en activité) et l'actualisation des flux de dividendes futurs (qui dépend du taux de distribution qui n'est pas un élément majeur de l'analyse du titre Safran).
La banque étudie par ailleurs l'évolution du cours de bourse sur les deux dernières années et sa moyenne, pondérée par les volumes, sur 12, 6, 3 et 1 mois. Elle étudie enfin les recommandations des analystes financiers et leurs objectifs de cours.
Sur ces bases, la banque conseil présente des fourchettes d'évaluation résultant des différentes approches qui s'avèrent largement convergentes.
IX. - La Commission a analysé l'évolution du cours de bourse de Safran ainsi que l'évolution des grands enjeux du groupe depuis sa précédente évaluation (60 € par action) du 22 novembre 2016.
Le cours de l'action Safran a connu sur longue période une progression soutenue, étant multiplié par près de 9 en dix ans. De début 2015 à fin novembre 2016, le titre connaissait, avec l'ensemble du marché et spécialement les entreprises de son secteur, un mouvement successif de hausse puis de baisse. A partir de novembre 2016, la progression soutenue du titre reprenait, interrompue seulement de façon provisoire par les interrogations du marché sur la première offre sur Zodiac (baisse du titre sur janvier 2017 et la première quinzaine de février). Le cours passait ainsi en un an d'un peu plus de 60 € aux environs de 90 € en novembre 2017. Une période de stagnation suivait, marquée notamment par les secousses générales du marché en février-mars 2018. Le cours reprenait ensuite très vivement à partir d'avril 2018 jusqu'à aujourd'hui passant des alentours de 80 € à plus de 120 €. Sur toute la période, les publications de résultats, en ligne ou supérieurs au consensus des analystes financiers, conjuguées aux conditions plus favorables de la deuxième offre sur Zodiac soutenaient régulièrement le cours de l'action. La hausse du titre Safran s'inscrivait aussi, tout en l'accentuant, dans la progression soutenue de l'ensemble des valeurs du secteur. Au total, sur deux ans, l'action Safran a progressé de 95 % alors que l'indice Stoxx Aerospace & Defense était en hausse de 61 % et que l'indice CAC 40 augmentait de près de 24 %.
Le cours de bourse apparaît comme un élément de référence important dans le cadre de l'analyse de la valeur de la société compte tenu de l'importance du flottant et du volume des transactions.
L'action Safran est suivie régulièrement par un nombre important d'analystes des grands établissements financiers. Leurs recommandations sont également partagées entre acheter (ou renforcer) et conserver, un nombre très restreint préconisant alléger ou vendre. La moyenne des objectifs de cours des analystes est d'environ 113 €, soit un niveau inférieur à celui des cours de bourse récents, mais avec une grande diversité (de 75 € à 140 €). Les analystes ont pour la plupart rehaussé leurs objectifs après la publication des comptes du premier semestre 2018 mais leurs modèles d'évaluation peinent parfois à atteindre le niveau des cours de bourse actuels.
Par ailleurs, les évaluations de Safran conduites par la banque conseil, selon les méthodes usuelles, présentent des résultats largement convergents. L'entreprise n'ayant pas encore adopté son nouveau plan d'affaires incluant l'activité de Zodiac, les banques conseils ont fondé leurs travaux sur les estimations d'un panel d'analystes ayant revu leurs prévisions après la publication des résultats semestriels 2018. Les évaluations qui ont ainsi été présentées par les banques conseils à la Commission, selon les méthodes de l'actualisation des flux et des multiples de sociétés comparables, constituent une référence essentielle ; elles sont en ligne au demeurant avec l'évolution des cours de bourse.
La Commission a considéré qu'il convient de prendre pleinement en compte les éléments favorables intervenus pour le groupe dans les périodes récentes. Les cessions opérées par Safran depuis deux ans et mentionnées au point III ci-dessus, puis l'acquisition structurante de Zodiac Aerospace, ont fait évoluer le visage de Safran en centrant son activité sur l'aéronautique et en consolidant sa place d'acteur majeur dans cette industrie.
Certains risques, souvent réduit par les évolutions favorables observées depuis deux ans, demeurent :
- le moteur LEAP, enjeu essentiel du groupe, reste dans une phase initiale de production et de mise en service, ce qui ne peut faire exclure tout risque d'apparition de difficultés ;
- si les conséquences financières des difficultés du moteur Silvercrest ont été réglées de façon satisfaisante avec Dassault Aviation, un enjeu demeure avec CESSNA ;
- la branche services, qui est une source de marge importante pour le groupe, risque d'être impactée par l'introduction d'une plus grande concurrence dans le secteur des services, tant du fait de l'accord de juillet 2018 entre l'IATA et CFM International sur la maintenance, la réparation et la révision (MRO), que de l'éventuelle internalisation de certaines activités par les avionneurs ;
- le redressement de la rentabilité de Zodiac reste à confirmer au-delà des premiers résultats déjà enregistrés ;
- le groupe, malgré une politique de couverture de change dont l'efficience est reconnue par les analystes, reste très sensible à l'évolution de la parité entre l'euro et le dollar américain ;
- le moment du cycle aéronautique, et la conjoncture économique générale, restent par nature incertains pour un groupe qui en est encore davantage dépendant.
Les éléments favorables se sont néanmoins considérablement renforcés depuis deux ans :
- désormais entré en service commercial, le moteur LEAP connaît un succès commercial exceptionnel avec, au 31 juillet 2018, un carnet de commande de 15 450 unités ;
- le process industriel de production du moteur LEAP se déroule bien, et les coûts de transition s'avèrent moins coûteux que prévu, ce qui a levé une large part des inquiétudes antérieures ;
- dans le même temps les livraisons de moteurs CFM56 se poursuivent et les activités de services sur le parc existant progressent, assurant une base de revenus récurrente ;
- grâce à l'intégration de Zodiac, Safran est désormais présent à travers l'ensemble de la chaîne d'assemblage des avions, ce qui renforce ses relations commerciales avec les avionneurs ;
- l'environnement du secteur aéronautique reste pour l'heure favorable et les prévisions à long terme sur l'aviation civile sont très porteuses ;
- la société réalise régulièrement ses objectifs et sert des dividendes en hausse régulière.
La cession d'actions de Safran envisagée par l'Etat va conduire à la diminution de sa participation au capital et donc de ses droits de vote. L'Etat conservera cependant dans toutes les hypothèses décrites au point I une participation supérieure à 10%. Cette diminution n'a de conséquence ni sur la protection des intérêts nationaux assurée par les droits spécifiques dont dispose conventionnellement l'Etat, ni, dans l'immédiat, sur sa représentation au conseil d‘administration. La Commission a bien noté que la convention entre Safran et l'Etat a été renouvelée en vue d'assurer que, sous ces deux aspects, la position de l'Etat continue à être garantie quelles que soient les évolutions possibles du capital.
Enfin, la Commission observe que l'opération qui lui est présentée consiste en un placement privé garanti par un syndicat bancaire quant à sa bonne fin et à son prix, ainsi qu'il avait déjà été procédé lors des précédentes cessions en 2013, 2015 et 2016. Le recours à cette procédure paraît approprié dans le contexte général du marché.
X. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et au vu des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la Commission estime que la valeur de Safran ne saurait être inférieure à 114 euros par action soit globalement à environ 50,58 milliards d'euros pour 443 680 643 actions composant le capital social.
Adopté dans la séance du 1er octobre 2018 où siégeaient MM. Bertrand SCHNEITER, président, Mme Dominique DEMANGEL, M. Marc-André FEFFER, Mme Danièle LAJOUMARD, Mme Inès-Claire MERCEREAU et M. Yvon RAAK, membres de la Commission.
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