JORF n°0009 du 11 janvier 2020

Délibération n°2019-278 du 18 décembre 2019

Participaient à la séance : Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Ivan FAUCHEUX et Jean-Laurent LASTELLE, commissaires.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie pour avis par RTE, le 6 décembre 2019, d'une proposition de modification des règles du mécanisme de capacité, en application de l'article R. 335-2 du code de l'énergie.

  1. Contexte et objet

Afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement du système électrique français, la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (« NOME »), par la suite codifiée aux articles L. 335-1 et suivants du code de l'énergie, instaure un mécanisme de capacité.
A la suite de l'enquête approfondie de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne (DG COMP) lancée le 13 novembre 2015, le gouvernement français s'est engagé, à permettre la participation explicite des capacités étrangères au mécanisme de capacité français avant le démarrage de l'année de livraison 2019 (1). Cette participation a été mise en place par le décret en Conseil d'Etat n° 2018-997 du 15 novembre 2018 relatif au mécanisme d'obligation de capacité dans le secteur de l'électricité, sur lequel la CRE a rendu son avis le 27 septembre 2018. Les modalités opérationnelles ont par la suite été définies dans les règles du 29 décembre 2018, sur lesquelles la CRE a rendu son avis le 20 décembre 2018, et reprises par l'arrêté du 5 décembre 2019.
Les règles précisaient plus particulièrement la valeur globale de la contribution des interconnexions à la sécurité d'approvisionnement en France calculée par RTE pour les années 2019 à 2023, ainsi que sa répartition par Etat participant interconnecté.
RTE détermine la valeur de ces contributions en évaluant, selon un jeu d'hypothèses, l'espérance d'import par frontière lors des périodes de défaillance en France. Le calcul de RTE se fonde notamment sur l'évolution des équilibres offre-demande dans les différents Etats interconnectés, ainsi que sur l'évaluation des capacités d'interconnexions futures avec ces mêmes Etats.
En raison d'une mise à jour de ces hypothèses sur la frontière britannique, consécutive à la signature, par ElecLink, d'un accord de participation au mécanisme de capacité à compter de l'année de livraison 2021, la valeur de la contribution de la frontière avec la Grande-Bretagne a été modifiée en début d'année 2019 (2).
Les analyses du bilan prévisionnel 2019 publiées récemment par RTE ont montré que la prévision de la contribution transfrontalière pour l'année 2021 et 2022 de l'ensemble des pays voisins a significativement évolué depuis le dernier exercice de calcul de RTE. Les échanges de garanties de capacité pour les années de livraison 2021 et 2022 n'ayant pas encore débuté, RTE souhaite modifier certains paramètres techniques des règles du mécanisme de capacité pour refléter au mieux les résultats du bilan prévisionnel.
Ce nouveau paramétrage du mécanisme de capacité fait l'objet de la présente délibération.

  1. Proposition de RTE

RTE propose de modifier la contribution de l'ensemble des frontières pour les années de livraison 2021 et 2022. RTE joint à sa proposition un rapport d'accompagnement présentant la méthodologie de calcul ainsi que les hypothèses ayant conduit au paramétrage proposé.
Pour les deux années de livraison en question, les études du bilan prévisionnel de RTE montrent une augmentation de la contribution des pays interconnectés à la sécurité d'approvisionnement de la France métropolitaine continentale par rapport à la contribution définie dans les règles du mécanisme de capacité actuelles (estimée sur la base du bilan prévisionnel 2018). Cette augmentation par rapport aux anticipations de 2018 est principalement liée à une augmentation des marges estimées dans les pays voisins. Une description par Etat participant interconnecté est disponible dans le rapport d'accompagnement de RTE, publié en annexe de la présente délibération.
RTE construit ses simulations sur la base d'hypothèses d'évolution des parcs de production remontées par les gestionnaires des réseaux de transport (GRT) dans le cadre des exercices européens (Mid-term Adequacy Forcast 2019, TYNDP 2020). Les données transmises par les acteurs européens sont désormais détaillées par année (contrairement aux collectes précédentes), permettant ainsi une vision plus précise des trajectoires de déclassement des capacités de production existantes et de mise en service de nouveaux moyens. Cette nouvelle granularité conduit à des capacités d'interconnexions plus élevées qu'en 2018.
Seule la contribution de la frontière espagnole est revue à la baisse sur toutes les années en question. Cette diminution de 200 MW s'explique par l'avarie sur la ligne 400 kV Cantegrit-Agria-Hernani qui entraine une diminution de la capacité de transit depuis l'Espagne pour les années considérées.
Le tableau ci-dessous décrit le paramétrage proposé par RTE :

|Année de livraison |Contribution globale par Etat
participant interconnecté|Valeur actuelle (MW)|Valeur proposée (MW)| |-------------------|---------------------------------------------------------------|--------------------|--------------------| | 2021 | Allemagne | 1500 | 2000 | | Belgique | 400 | 800 | | | Espagne | 2200 | 2000 | | | Grande-Bretagne | 2100 | 3000 | | | Italie | 1100 | 800 | | |Contribution totale| 7300 | 8600 | | | 2022 | Allemagne | 1300 | 1800 | | Belgique | 200 | 700 | | | Espagne | 2200 | 2000 | | | Grande-Bretagne | 2500 | 3800 | | | Italie | 900 | 900 | | |Contribution totale| 7100 | 9200 | |

RTE ne propose pas de modification pour les autres paramètres du mécanisme.

  1. Analyse de la CRE

Les évolutions des paramètres du mécanisme de capacité font partie du fonctionnement normal du mécanisme, lui permettant de tenir compte des variations des sous-jacents au système électrique (parc installé en France, projection des équilibres offre-demande des années futures, évolution des capacités d'interconnexion …).
L'architecture du mécanisme prévoit que le paramétrage doit être fixé 4 années en avance afin d'offrir le maximum de visibilité aux acteurs. Toutefois, cette modification des règles intervient avant le début de la période d'échange des garanties de capacité pour les années 2021 et 2022 et permet donc de s'assurer que les acteurs bénéficient d'un cadre réglementaire stabilisé au moment de leurs futurs échanges de garanties de capacité.
La CRE prend acte de la mise à jour dans les règles des contributions des pays voisins mais souligne qu'en fonctionnement pérenne ce type d'ajustement tardif n'est pas souhaitable.
Par ailleurs, comme demandé par la CRE dans ses délibérations du 20 décembre 2018 et 20 février 2019 portant avis sur le projet de règles du mécanisme de capacité, RTE a accompagné sa proposition d'un rapport détaillant les méthodes et les hypothèses utilisées dans ses calculs, qui avaient préalablement fait l'objet d'un atelier avec les acteurs le 20 novembre 2019 et d'une concertation du 21 novembre au 4 décembre 2019.
Les acteurs accueillent favorablement la démarche mais certains d'entre eux, notamment EDF, s'interrogent, d'une part, sur la vision retenue par RTE de l'évolution des parcs des pays voisins qu'ils jugent optimiste et, d'autre part, sur le détail de la méthodologie de calcul de la contribution des Etats participants interconnectés, en particulier de la prise en compte de la disponibilité des interconnexions.
S'agissant de l'évolution des systèmes électriques des pays voisins, il n'appartient pas à la CRE de se prononcer en faveur d'un scénario en particulier. La CRE observe que les hypothèses retenues par RTE s'appuient sur des données transmises par les GRT des pays voisins et sur les travaux des groupes de travail relatifs au bilan prévisionnel. La CRE souligne néanmoins que l'hypothèse de disponibilité de l'interconnexion en projet ElecLink diffère des scénarios du bilan prévisionnel. ElecLink ayant signé un accord de participation pour 2021 au mécanisme de capacité assorti d'une pénalité en cas de retard du projet, RTE s'est fondé sur une mise en service de l'interconnexion au 1er janvier 2021 pour paramétrer les règles.
S'agissant de la méthodologie, la CRE estime que la quantification des aléas de disponibilité des interconnexions devrait faire l'objet d'analyses plus approfondies de la part de RTE. Toutefois, la CRE constate que la méthodologie de calcul de la contribution des capacités transfrontalières sera réexaminée à court terme au regard des dispositions prévues par le règlement européen sur le marché intérieur de l'électricité. Le réexamen nécessaire de la méthodologie sera alors l'occasion de consulter les acteurs sur les hypothèses détaillées retenues par RTE.
DÉCISION DE LA CRE
La CRE a été saisie pour avis par RTE, le 6 décembre 2019, d'une proposition de modification des règles du mécanisme de capacité, en application de l'article R. 335-2 du code de l'énergie.
RTE propose d'actualiser la valeur de la contribution à la sécurité d'approvisionnement de toutes les interconnexions en cohérence avec le bilan prévisionnel 2019.
Tout en appelant de ses vœux une meilleure anticipation de cette actualisation, la CRE émet un avis favorable sur le projet de modification des règles du mécanisme de capacité tenant compte de cette actualisation.
La présente délibération est publiée sur le site internet de la CRE. Elle est transmise à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré à Paris, le 18 décembre 2019.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Un commissaire,

C. Chauvet

(1) Décision de la Commission du 8.11.2016 concernant le régime d'aides SA.39621 2015/c.

(2) Délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 28 février 2019 portant avis sur le projet de modification des règles du mécanisme de capacité.