JORF n°0023 du 28 janvier 2014

Délibération du 23 janvier 2014

Participaient à la séance : Hélène GASSIN, Michel THIOLLIÈRE, Olivier CHALLAN BELVAL et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
Dans sa délibération du 17 octobre 2013 publiée au Journal officiel du 31 octobre 2013, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a défini les règles de commercialisation des capacités de transport disponibles à compter du 1er octobre 2014 à la liaison entre les zones Nord et Sud de GRTgaz, à l'interface entre les réseaux de GRTgaz et TIGF et aux interconnexions entre le réseau de TIGF et l'Espagne.
La délibération de la CRE prévoit, sur le fondement de l'article L. 461-1 du code de l'énergie, des conditions particulières d'accès aux capacités Nord-Sud pour les consommateurs gazo-intensifs. Ainsi, les capacités à la liaison Nord-Sud, dans le sens Nord vers Sud, sont commercialisées en deux phases :
― phase 1 : réservée aux consommateurs gazo-intensifs, avec une allocation au prorata des consommations annuelles moyennes ;
― phase 2 : ouverte à l'ensemble des expéditeurs, allocation aux enchères.
Par courrier du 17 décembre 2013, la société GDF Suez a adressé à la CRE un recours gracieux dirigé contre la délibération précitée.
Par courrier du 20 décembre 2013, l'Union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden) a adressé à la CRE un recours gracieux dirigé contre cette même délibération.

  1. Recours gracieux de GDF Suez et de l'Uniden

GDF Suez et l'Uniden demandent toutes deux à la CRE de rapporter sa décision du 17 octobre 2013. GDF Suez demande à la CRE de modifier les termes de la décision précitée « pour mieux encadrer les avantages consentis aux consommateurs gazo-intensifs » au titre de la phase 1. Pour sa part, l'Uniden demande à la CRE de renoncer à la mise en place d'enchères pour la phase 2.
GDF Suez considère que la décision de la CRE crée une rente de congestion au profit des consommateurs gazo-intensifs et ne permet pas une optimisation économique de l'allocation des capacités de transport. GDF Suez met notamment en cause la possibilité pour les sites gazo-intensifs ou leur mandataire de revendre librement les capacités obtenues en phase 1. En outre, la décision de la CRE accorderait des avantages disproportionnés aux consommateurs gazo-intensifs au regard de l'objectif poursuivi par la loi, privant ainsi les autres fournisseurs des moyens de satisfaire leurs obligations de service public. Les consommateurs gazo-intensifs bénéficieraient notamment d'une visibilité disproportionnée sur leurs allocations en phase 1 par rapport aux autres expéditeurs. Enfin, la limitation, en cas de congestion, des capacités pouvant être obtenues lors des enchères à 1/5e des capacités commercialisées aux enchères créerait à GDF Suez un préjudice grave et spécial.
Au contraire, l'Uniden considère qu'une commercialisation aux enchères ne saurait constituer un mécanisme optimal d'allocation des capacités à la liaison Nord/Sud, dans les conditions actuelles de marché dans le sud de la France. L'introduction d'enchères supposerait l'existence d'un « véritable marché », dont les conditions ne seraient pas réunies aujourd'hui. L'Uniden considère qu'avant le 1er novembre 2015, date d'application contraignante du code de réseau CAM, rien n'impose à la CRE de mettre en œuvre des enchères pour la commercialisation des capacités Nord-Sud. En outre, selon l'Uniden, le mode de redistribution des excédents de revenu issus des enchères serait préjudiciable aux industriels situés dans le sud de la France en ce que les volumes consommés au titre des capacités obtenues lors de la phase 1 de commercialisation des capacités ne sont pas inclus dans l'assiette de redistribution. L'Uniden estime que la différence de traitement entre les capacités obtenues par les consommateurs gazo-intensifs lors de la phase 1 et les capacités pluriannuelles préalablement souscrites par les expéditeurs n'est pas justifiée.

1.1. Demandes de GDF Suez

GDF Suez demande que la nouvelle délibération de la CRE :
― porte le plafond des demandes de capacités de chaque expéditeur lors des enchères à un tiers des volumes commercialisés ;
― plafonne la demande des consommateurs gazo-intensifs à 40 GWh/j de capacités fermes sans capacités interruptibles complémentaires ;
― plafonne au niveau du tarif régulé le prix de revente des capacités acquises au cours de la phase 1 par les consommateurs gazo-intensifs ;
― impose la restitution des capacités acquises par un consommateur gazo-intensif en cas de baisse de sa consommation moyenne en dessous de son niveau d'allocation ;
― donne la même visibilité dans l'allocation des capacités pour les expéditeurs que pour les consommateurs gazo-intensifs.

1.2. Demandes de l'Uniden

L'Uniden demande que la nouvelle délibération de la CRE ne prévoie pas de commercialisation aux enchères des capacités de transport disponibles à la liaison Nord-Sud, dans le sens Nord vers Sud, à compter du 1er octobre 2014.

  1. Analyse de la CRE
    2.1. Concernant la mise en place d'enchères
    et les conditions particulières applicables aux consommateurs gazo-intensifs

A titre liminaire, la CRE souhaite rappeler qu'il n'existe pas de lien entre le prix d'adjudication des capacités de transport Nord-Sud et le prix du gaz sur le marché (cf. point iii). Elle rappelle également que les règles de commercialisation prévues dans sa délibération du 17 octobre 2013 prennent en compte les spécificités du marché du gaz dans le sud de la France (cf. point iv).
La délibération du 17 octobre 2013 retient une allocation des capacités à la liaison Nord-Sud dans le sens Nord vers Sud en deux phases. La première, sous forme de vente au guichet, réservée aux consommateurs gazo-intensifs, avec limitation des demandes au niveau des consommations annuelles moyennes des sites éligibles. La seconde, sous forme de vente aux enchères ouverte à l'ensemble des expéditeurs.
GDF Suez et l'Uniden remettent toutes deux en causes ces modalités de commercialisation.
GDF Suez considère que le fait de ne pas allouer l'intégralité des capacités aux enchères, comme le prévoit le code CAM, ne permet pas l'optimisation économique de l'allocation des capacités de transport. Or le règlement n° 715/2009 du 13 juillet 2009 fait obligation au régulateur de mettre en place des mécanismes et procédures qui fournissent des signaux économiques appropriés permettant d'assurer une utilisation efficace et optimale de la capacité technique.
A l'inverse, l'Uniden conteste le caractère optimal d'un mécanisme d'enchères pour l'allocation des capacités à la liaison Nord-Sud dans le contexte actuel de marché en zone Sud. En conséquence, l'Uniden demande à la CRE de renoncer à la commercialisation aux enchères des capacités disponibles, dans l'attente de l'échéance de mise en œuvre contraignante du code de réseau CAM.
Par ailleurs, GDF Suez estime que la limitation des demandes des expéditeurs à 1/5e de la capacité allouée lors des enchères remettra en cause sa possibilité d'honorer ses obligations de service public.
i) Mise en œuvre progressive du code de réseau CAM.
A titre liminaire, la CRE rappelle qu'elle a fixé l'objectif de création d'une place de marché unique en France à l'horizon 2018 dans sa délibération du 19 juillet 2012. Les règles de commercialisation prévues dans sa délibération du 17 octobre 2013 ont donc vocation à être transitoires.
La délibération de la CRE du 17 octobre 2013 objet des deux recours gracieux met en œuvre de manière anticipée certaines dispositions du code de réseau en commercialisant aux enchères une partie des capacités disponibles à compter du 1er octobre 2014. Comme le montre l'étude d'impact réalisée par la Commission européenne dans le cadre des travaux d'élaboration du code de réseau CAM (1), en cas de congestion, il est plus efficace économiquement, et donc dans l'intérêt des consommateurs, d'allouer la capacité à un prix correspondant à sa valeur, c'est-à-dire par un mécanisme d'enchères. Ce point n'est pas contesté par l'Uniden.
L'application anticipée et progressive du code de réseau CAM est encouragée par la Commission européenne et a été retenue par la plupart des régulateurs européens. En France, cette démarche a été retenue pour l'ensemble des points d'interconnexion concernés par le code CAM.
L'Uniden n'apporte pas d'éléments suffisants pour caractériser les risques associés à la mise en place d'enchères dans le cas particulier de la liaison Nord-Sud.
Pour autant, la CRE est fondée à ne pas appliquer intégralement les dispositions du code de réseau CAM dès lors que l'allocation des capacités intervient avant son entrée en vigueur le 1er novembre 2015.
La CRE a ainsi décidé de mettre en œuvre une première phase d'allocation des capacités au prorata pour les consommateurs gazo-intensifs.
Enfin, en ce qui concerne le caractère « prématuré » de la mise en œuvre d'un mécanisme d'enchères et la remise en cause de son intérêt pour le marché, la CRE rappelle que lors des consultations publiques menées en 2012 et 2013 sur ce sujet, une très large majorité des expéditeurs s'est montrée favorable à la mise en place d'enchères au plus tôt. La décision d'allouer les capacités Nord-Sud aux enchères a été longuement préparée et annoncée successivement dans plusieurs délibérations de la CRE. Enfin, cette décision s'inscrit dans une démarche de mise en œuvre progressive des dispositions du code de réseau CAM amorcée dès 2013.
ii) Prise en compte des spécificités du marché du gaz dans le sud de la France.
Le marché dans le sud de la France est caractérisé par sa dépendance aux approvisionnements en GNL, du fait de la capacité de transport de gaz limitée entre le Nord et le Sud du territoire. Il en résulte des périodes de tension sur les prix du marché de gros dans le sud de la France.
La CRE a pleinement pris en compte, dans sa délibération du 17 octobre 2013, cette situation particulière. La décision de mettre en place des enchères s'accompagne de diverses mesures permettant de répondre aux objectifs poursuivis par les textes législatifs et réglementaires relatifs au statut de gazo-intensif, d'une part, et de s'assurer du caractère optimal du mécanisme d'allocation, d'autre part :
― mise en œuvre d'une phase de commercialisation avec des conditions particulières pour les consommateurs gazo-intensifs, sur le fondement de l'article L. 461-1 du code de l'énergie ;
― limitation des demandes de capacité de chaque expéditeur à 1/5e du volume total de capacité commercialisé en cas de congestion, afin de répartir les capacités Nord-Sud entre un nombre suffisamment élevé d'acteurs et de favoriser le développement de la concurrence dans le sud de la France ;
― décroissance des volumes de capacité commercialisés à la liaison Nord-Sud en fonction des différentes maturités (100 % pour la première année, 50 % pour la deuxième année, 25 % pour les troisième et quatrième années), afin de ne pas figer les parts de marché des expéditeurs jusqu'à 2018 et de permettre la tenue d'enchères ultérieures dans des conditions de marché différentes.
En outre, la rente de congestion, constituée des excédents de revenus d'enchères, sera intégralement redistribuée par GRTgaz aux utilisateurs du réseau en zone Sud suivant le mécanisme défini par la CRE. Le coût global du transport de gaz de la zone Nord vers la zone Sud ne sera donc pas augmenté du fait de la mise en place d'enchères.
Enfin, la CRE prendra au premier semestre 2014, après consultation des acteurs de marché, sa décision concernant la réalisation des investissements de décongestion entre les zones Nord et Sud et la création d'une place de marché unique en France en 2018.
iii) Conditions de formation du prix du gaz en zone Sud.
La CRE souhaite rappeler qu'il n'existe pas de lien entre le prix d'adjudication des capacités de transport Nord-Sud et le prix du gaz sur le marché court terme (qui sert aujourd'hui de référence en zone Sud). Le prix du gaz résulte de la confrontation entre l'offre et la demande sur le marché de gros. Ainsi, la commercialisation actuelle au tarif régulé des capacités à la liaison Nord-Sud n'a pas empêché l'apparition depuis novembre 2013 d'écarts de prix élevés entre le Nord et le Sud de la France. De même, le prix de la capacité Nord-Sud qui résultera des enchères reflétera une anticipation par des acteurs de marché des prix futurs sur le marché court terme mais ne conditionnera pas le prix qui se formera au jour le jour dans le sud de la France pour la période considérée. Comme aujourd'hui, ce prix dépendra principalement de l'équilibre physique de la zone (disponibilité de la capacité Nord-Sud, arrivée de GNL dans les terminaux de Fos-sur-Mer, niveau de remplissage des stockages, niveau de la consommation dans le sud de la France et des exportations vers l'Espagne) et du prix du gaz importé dans le Sud.
Pour l'ensemble des raisons décrites précédemment aux points i, ii et iii, il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de l'Uniden de renoncer à la mise en place d'enchères pour la phase 2 de la commercialisation des capacités de transport disponibles à compter du 1er octobre 2014.
iv) Limitation des demandes individuelles à 1/5e des capacités commercialisées lors des enchères.
GDF Suez estime que la mise en œuvre dans le cadre des enchères de la règle de limitation des demandes individuelles à 1/5e des capacités commercialisées est de nature à remettre en cause sa capacité à honorer ses obligations de service public.
Sur ce point, la CRE rappelle que cette règle n'est pas particulière à GDF Suez, mais s'applique à l'ensemble des expéditeurs qui participent à la phase d'enchères. Dans la délibération du 17 octobre 2013, la CRE a jugé nécessaire, pour le bon fonctionnement du marché, qu'en cas de congestion au moins cinq fournisseurs se voient allouer des capacités à l'issue des enchères.
Par ailleurs, le code de réseau CAM dispose que pour « éviter le verrouillage des marchés de la fourniture en aval, les autorités nationales compétentes peuvent, après consultation des utilisateurs du réseau, décider de prendre des mesures proportionnées pour limiter au préalable les offres émanant d'un utilisateur quelconque du réseau pour des capacités à des points d'interconnexion à l'intérieur d'un Etat membre. »
La CRE note que, lors des allocations ayant eu lieu en novembre 2012 et novembre 2013 pour les capacités disponibles du 1er avril 2013 au 30 septembre 2014, le facteur de prorata pour la phase 2 a été d'environ 7. Cela signifie qu'aucun fournisseur n'a pu obtenir plus de 1/7e de la capacité commercialisée lors de cette phase. La décision de la CRE, en permettant à un fournisseur d'obtenir jusqu'à 1/5e des capacités commercialisées en fonction du résultat des enchères, ne dégrade donc pas la capacité de GDF Suez à remplir ses obligations de service public.
En outre, GDF Suez dispose d'une large part des capacités de regazéification sur les terminaux méthaniers de Fos-sur-Mer pour alimenter ses clients situés dans le sud de la France. Il peut également augmenter le niveau de ses souscriptions de capacité dans le terminal de Fos Cavaou, qui dispose de capacités invendues.
Pour ces raisons, il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de GDF Suez de porter à un tiers des volumes commercialisés le plafond des demandes de capacités de chaque expéditeur lors des enchères.

2.2. Concernant la proportionnalité des règles de commercialisation des capacités Nord-Sud
et les effets d'aubaine qu'elles pourraient induire

GDF Suez et l'Uniden estiment toutes deux que les règles formulées par la délibération du 17 octobre 2013 sont de nature à accorder des avantages disproportionnés à certaines catégories particulières d'utilisateurs du réseau et à générer, le cas échéant, des effets d'aubaine.
GDF Suez indique également que « les conditions particulières au bénéfice des industriels gazo-intensifs prévues dans la délibération portent en elles-mêmes un risque juridique vis-à-vis du droit de l'Union » et pourraient potentiellement être qualifiées « d'aide d'Etat ». Pour autant cette affirmation n'est pas assortie des moyens de droit et de fait permettant de justifier cette qualification.
i) Prise en compte des besoins objectifs des consommateurs gazo-intensifs dans la détermination des demandes au titre de la phase 1.
GDF Suez estime que les modalités de commercialisation prévues par la décision objet de la demande de recours gracieux apportent des avantages disproportionnés aux consommateurs gazo-intensifs.
En premier lieu, les demandes des expéditeurs en phase 1 sont limitées à la moyenne des consommations journalières de leur(s) site(s) gazo-intensif(s) constatées au cours des deux dernières années civiles. Or, la consommation des sites gazo-intensifs n'étant pas uniforme sur l'année, ceux-ci ont en pratique des besoins de capacité supérieurs à la valeur retenue.
En outre, les résultats des allocations ayant eu lieu en novembre 2013 ont fait apparaître une demande des sites situés dans le sud de la France entrant dans la catégorie des consommateurs gazo-intensifs (2) de l'ordre de 80 GWh/j. Le volume de capacités fermes proposé au cours de la première phase étant limité à 40 GWh/j, l'allocation effective pour chaque consommateur gazo-intensif a été égale à la moitié de sa demande. Les capacités interruptibles commercialisées en phase 1 (23 GWh/j) ont fait l'objet d'une demande plus de trois fois supérieure aux besoins exprimés.
Ainsi, contrairement à ce qu'affirme GDF Suez, les modalités de commercialisation prévues par la décision objet de la demande de recours gracieux, n'apportent en aucun cas des avantages disproportionnés aux consommateurs gazo-intensifs au regard de l'objectif poursuivi par la loi.
Pour ces raisons il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de GDF Suez de plafonner la demande des consommateurs gazo-intensifs à 40 GWh/j de capacité ferme sans capacité interruptible complémentaire.
ii) Exclusion des capacités allouées en phase 1 de la redistribution de la rente de congestion.
L'Uniden considère que le mode de redistribution des excédents de revenu issus des enchères serait préjudiciable aux industriels situés dans le sud de la France.
La CRE rappelle que les capacités allouées en phase 1 aux consommateurs gazo-intensifs ou à leurs mandataires seront facturées au prix régulé. Ceux-ci ne sauraient bénéficier de la redistribution de la rente de congestion au titre des mêmes capacités. Pour cette raison, la délibération du 17 octobre 2013 prévoit l'exclusion des volumes de gaz correspondant aux capacités obtenues en phase 1 de la redistribution de la rente de congestion constituée des excédents de revenus d'enchères.
Concernant les capacités souscrites préalablement à la mise en œuvre de la commercialisation aux enchères, la délibération de la CRE du 17 octobre 2013 prend en compte la différence objective de situations entre utilisateurs. Les consommateurs gazo-intensifs au moment de leur demande de capacités en phase 1 auront une connaissance de la valeur d'usage de la capacité. Les expéditeurs ayant souscrit des capacités avant 2011 ne disposaient pas de cette visibilité. En outre, les règles prévues par le code de réseau CAM ne prévoient pas la remise en cause des conditions tarifaires applicables aux capacités souscrites antérieurement à son application.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'Uniden, ces capacités n'ont pas à être exclues de la redistribution des excédents de revenu d'enchères.
iii) Absence d'effet d'un encadrement de la revente des capacités allouées en phase 1 sur le marché secondaire.
GDF Suez estime que la possibilité, pour un consommateur gazo-intensif ou son mandataire, de revendre sans contrainte de prix sur le marché secondaire les capacités Nord-Sud obtenues en phase 1 à un prix régulé engendrerait un effet d'aubaine.
La CRE considère que le dispositif retenu écarte ce risque pour une large part et que, par ailleurs, la mesure proposée par GDF Suez serait inefficace.
En premier lieu, la limitation des volumes de capacités alloués en phase 1 à moins de la moitié des besoins (tels qu'ils peuvent être anticipés au regard des résultats des allocations ayant eu lieu en novembre 2013) garantit que, sauf cas exceptionnel, ces capacités seront effectivement utilisées pour alimenter les sites gazo-intensifs concernés.
Par ailleurs, le plafonnement, au niveau du tarif régulé, du prix de revente d'une capacité acquise par un consommateur gazo-intensif ou son mandataire lors de la phase 1, tel que proposé par GDF Suez, ne permettrait en aucune façon de limiter un éventuel effet d'aubaine, dans la mesure où l'expéditeur pourrait toujours choisir, de manière alternative, d'utiliser la capacité et de revendre le gaz au PEG Sud. En revanche, une telle mesure aurait des effets négatifs sur la liquidité du marché secondaire de capacités, en incitant les détenteurs de capacités Nord-Sud à les conserver, même lorsqu'ils n'en ont pas l'usage.
Pour ces raisons il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de GDF Suez de plafonner au niveau du tarif régulé le prix de revente des capacités acquises en phase 1 par les consommateurs gazo-intensifs.
En tout état de cause, la CRE vérifiera l'utilisation effective des capacités allouées en phase 1 par les consommateurs gazo-intensifs.
iv) Restitution des capacités allouées en phase 1 en cas de baisse significative des besoins.
GDF Suez demande que les capacités acquises en phase 1 par un consommateur gazo-intensif soient restituées à GRTgaz en cas de baisse de sa consommation. La CRE estime pertinent de prendre en compte le cas particulier d'une baisse durable de la consommation d'un site gazo-intensif, ayant obtenu de la capacité dans le cadre de la phase 1, en dessous de son niveau d'allocation.
En conséquence, lorsque sur une durée d'un an la consommation moyenne d'un site gazo-intensif est inférieure de plus de 20 % à la capacité Nord-Sud obtenue en première phase, la capacité excédentaire sera restituée à GRTgaz pour la période de souscription restant à couvrir. De même, si un site est retiré de la liste des sites gazo-intensifs publiée par l'autorité administrative, la capacité acquise en phase 1 sera restituée à GRTgaz pour la période de souscription restant à couvrir.
v) Allocation d'un volume constant de capacités fermes et interruptibles sur quatre ans en phase 1.
GDF Suez considère que la visibilité donnée aux consommateurs gazo-intensifs sur leur allocation, par la commercialisation d'un volume constant de capacité sur quatre ans lors de la phase 1, représente un avantage disproportionné par rapport aux autres utilisateurs, qui se voient allouer un volume de capacités dégressif.
La CRE rappelle tout d'abord que, dans l'optique de la création d'un PEG France à l'horizon 2018, la commercialisation des capacités à la liaison Nord-Sud est limitée à quatre ans pour l'ensemble des utilisateurs du réseau. Pour les raisons objectives décrites ci-après, la CRE a décidé que les volumes commercialisés lors de la phase 1 réservée aux consommateurs gazo-intensifs seraient constants sur cette période de quatre ans, tandis que les volumes commercialisés lors de la phase 2 ouverte à tous les expéditeurs seraient dégressifs.
La CRE estime que la commercialisation d'un volume de capacités constant en phase 1, sur cette période de quatre ans, est justifiée par une différence objective de situation fondée sur les caractéristiques intrinsèques de l'utilisation du réseau par les consommateurs gazo-intensifs. En effet, ces derniers utiliseront les capacités souscrites en phase 1 pour leur propre consommation, qui est connue et relativement stable car elle correspond au dimensionnement physique de leur raccordement.
A l'inverse, pour la phase 2, la CRE a retenu un volume de capacités dégressif sur cette même période de quatre ans (100 % la première année, 50 % la deuxième année et 25 % les troisième et quatrième années). En effet, les besoins des fournisseurs sont liés à leur portefeuille de clients et sont, en conséquence, amenés à fluctuer au fil du temps. Par ailleurs, allouer l'intégralité des capacités disponibles aux enchères sur un horizon de quatre ans aurait pour conséquence de figer les positions concurrentielles des différents acteurs dans le sud de la France.
Ainsi, le mécanisme d'allocation des capacités défini par la CRE prend en compte une différence de situation pertinente au regard de l'objectif d'un fonctionnement efficace du marché du gaz, conformément à l'article 16 du règlement 715/2009, d'une façon proportionnée à cet objectif.
Par ailleurs, l'article L. 461-1 permet de faire bénéficier les sites gazo-intensifs de conditions particulières d'accès au réseau de transport lorsqu'elles sont liées aux conditions d'utilisation dudit réseau. Le mécanisme défini par la CRE prévoit bien que les quantités de capacités commercialisées chaque année diffèrent en tenant compte des caractéristiques d'utilisation du réseau propres à chaque catégorie d'utilisateurs.
Pour ces raisons, il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de GDF Suez de donner la même visibilité dans l'allocation des capacités pour les expéditeurs que pour les consommateurs gazo-intensifs.

  1. Décision de la CRE

La CRE décide de maintenir la délibération du 17 octobre 2013 en y ajoutant le paragraphe suivant au point 3.4.1 :
« Lorsque, sur une durée d'un an, il est constaté que la consommation moyenne journalière d'un site gazo-intensif ayant obtenu, directement ou par un mandataire, des capacités en phase 1 est inférieure de plus de 20 % à la capacité obtenue en phase 1, la capacité excédentaire est restituée par son propriétaire à GRTgaz pour la période de souscription restant à couvrir. De même, si un site gazo-intensif est retiré de la liste des sites gazo-intensifs publiée par l'autorité administrative, la capacité obtenue en phase 1 par ce site ou par son mandataire est restituée par son propriétaire à GRTgaz pour la période de souscription restant à couvrir. »
La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 23 janvier 2014.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Un commissaire,

O. Challan Belval

(1) Commission staff working document ― Impact assessment accompanying the document establishing a Network Code on Capacity Allocation Mechanisms in Gas Transmission Systems (http://ec.europa.eu/smart-regulation/impact/ia_carried_out/docs/ia_2013/swd_2013_0421_en.pdf). (2) La liste des consommateurs gazo-intensifs a été publiée le 13 novembre 2013 par le ministre chargé de l'énergie sur le site www.developpement-durable.gouv.fr, conformément au décret n° 2013-972 du 30 octobre 2013.