JORF n°0302 du 29 décembre 2013

Délibération du 10 décembre 2013

Participaient à la séance : Olivier CHALLAN BELVAL, Hélène GASSIN, Jean-Pierre SOTURA et Michel THIOLLIÈRE, commissaires.
La CRE a été saisie le 6 novembre 2013 par courrier électronique d'un projet d'arrêté pris en application de l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie, relatif à la prime rémunérant la disponibilité des installations de cogénération de puissance supérieure à 12 MW et ayant bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat.
Ce texte prévoit, pour une période s'achevant au 31 décembre 2016, l'instauration d'une rémunération (ci-après la « prime ») pour ces installations en contrepartie d'un engagement de disponibilité pour le système électrique français. Le montant annuel de cette prime est plafonné à 45 k€/MW et permet, par construction, de couvrir une partie des coûts d'exploitation de l'installation ainsi qu'une part des investissements effectués après échéance du contrat d'obligation d'achat.
Le code de l'énergie précise que cette rémunération doit tenir « compte de l'impact positif de ces installations [de cogénération] sur l'environnement » en plus des considérations économiques sous-jacentes à leur fonctionnement. La saisine de la direction générale de l'énergie et du climat ne comporte aucun élément de nature à permettre d'apprécier ce bénéfice environnemental.
Sensibilisée par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'intérêt d'un démarrage du dispositif de soutien au début de l'hiver, la CRE a accepté de rendre son avis dans un délai restreint, ce qui ne lui a pas permis de vérifier les informations strictement déclaratives transmises par les exploitants de cogénérations. Elle a néanmoins auditionné le 4 décembre 2013 les parties prenantes du dispositif, à savoir les exploitants d'installations de cogénération et EDF.

Contexte

Les cogénérations sont des installations dont le principe de fonctionnement est de générer simultanément de la chaleur et de l'électricité. En générant conjointement ces deux énergies, elles bénéficient, pour un volume d'énergie donné, d'un rendement supérieur à celui qu'auraient deux installations qui généreraient la chaleur et l'électricité de manière indépendante. Le présent avis porte sur un arrêté ne concernant que les cogénérations de puissance supérieure à 12 MW. Les autres installations bénéficient, en application de l'article L. 314-1 du code de l'énergie, d'un régime d'obligation d'achat encadré par un arrêté sur lequel la CRE a rendu son avis le 12 septembre 2013.
Le cumul des charges consacrées, depuis quinze ans, au financement des contrats d'obligation d'achat des installations de cogénération, toutes puissances confondues, s'élève aujourd'hui à environ 13 Md€.
En France, on recense actuellement une trentaine d'installations de cogénération d'une puissance supérieure à 12 MW, pour un total d'environ 1 500 MW. Le débouché chaleur de ces installations est, pour environ un tiers de la puissance, le chauffage collectif (réseaux de chaleur) et, pour les deux tiers restants, la participation aux besoins de chaleur de certains procédés industriels. Ceci entraîne une différence structurelle de fonctionnement de ces deux types d'installations : alors que les industriels ont un besoin constant en chaleur qui entraîne un fonctionnement en base ou semi-base de leur installation de cogénération, les installations alimentant des réseaux de chauffage fonctionnent principalement l'hiver, le besoin en chaleur l'été étant faible ou nul.
Par ailleurs, ces installations de cogénération viennent le plus souvent se substituer à des chaudières qui, dans un tiers des cas, fonctionnent au charbon, alors que les autres fonctionnent au gaz. La cogénération est alors considérée comme « effaçant » du charbon ou du gaz.
A leur création, les installations de puissance supérieure à 12 MW bénéficiaient, pour une durée de douze ans, d'un contrat d'obligation d'achat. Un certain nombre de contrats sont arrivés à échéance à partir de 2008, et les derniers en vigueur après 2013.
Les installations dont le contrat d'obligation d'achat est arrivé à échéance ont alors dû évaluer si les revenus apportés par une valorisation sur les marchés de leur électricité leur permettait de continuer à fonctionner, voire d'effectuer les investissements nécessaires au prolongement de leur activité.
Depuis peu, la diminution des prix de marché de l'électricité, la hausse des prix de gaz et un faible niveau du prix du CO2 ont engendré une situation peu propice au fonctionnement des centrales produisant de l'électricité à partir de gaz, augmentant l'incertitude pesant sur leurs revenus. C'est dans ce cadre que la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (1) a introduit un article dans le code de l'énergie créant une prime pour les installations de cogénération en contrepartie d'un engagement de disponibilité pendant les périodes de tension nationale du système français :
« Les installations de cogénération en exploitation au 1er janvier 2013 d'une puissance supérieure à 12 mégawatts électriques et ayant bénéficié d'un contrat d'obligation d'achat peuvent bénéficier d'un contrat qui les rémunère pour la disponibilité annuelle de leur capacité de production, aussi bien en hiver qu'en été. Ce contrat est signé avec Electricité de France. La rémunération tient compte des investissements nécessaires sur la période allant jusqu'au 31 décembre 2016 et de la rentabilité propre des installations incluant toutes les recettes prévisionnelles futures. Elle tient aussi compte de l'impact positif de ces installations sur l'environnement. Cette rémunération est plafonnée à un montant maximal annuel. La dernière rémunération ne peut intervenir après le 31 décembre 2016.
Les termes de ce contrat et le plafond de rémunération sont fixés par arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, après avis de la Commission de régulation de l'énergie. »
Le projet d'arrêté soumis pour avis à la CRE et pris en application de l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie fixe les modalités d'éligibilité et de calcul de la prime aux installations précitées en contrepartie d'un engagement de disponibilité pour le système électrique français. Cette prime a pour vocation de couvrir une partie des coûts d'exploitation ainsi que, chaque année, les amortissements des investissements effectués après l'échéance du contrat d'obligation d'achat. Le niveau annuel de rémunération est plafonné à 45 k€/MW, dont 35 k€/MW de prime indépendante des investissements effectivement consentis.
Le montant de 35 k€/MW de prime est diminué en cas d'indisponibilité ou de non-respect des engagements d'efficacité énergétique.
Avec ce niveau de prime, la CRE a évalué l'impact maximum sur le montant des charges de service public d'électricité (« CSPE ») à environ 70 M€ (2) par an.

Analyse du projet d'arrêté

La mise en œuvre d'un dispositif de soutien spécifique aux cogénérations pourrait avoir des impacts sur le fonctionnement des marchés.
Le contexte macroéconomique est actuellement défavorable aux installations de production d'électricité à partir de gaz. Cette considération affecte certes les installations de cogénération, objet du présent avis, mais aussi l'ensemble des moyens de production fonctionnant au gaz (3).
Les pouvoirs publics ont souhaité mettre en œuvre un dispositif s'appliquant spécifiquement aux installations de cogénération. Ce traitement soulève une problématique concurrentielle, du fait de l'impact qu'il peut avoir sur le fonctionnement des marchés. Ayant accepté de rendre son avis dans un délai restreint, comme rappelé en introduction du présent avis, la CRE n'a pas été en mesure de quantifier cet impact.
En effet, comme tout système de soutien administré de type obligation d'achat, ce dispositif de prime a des conséquences sur le fonctionnement des marchés, en venant affecter la formation des prix résultant du jeu de l'offre et la demande (4). Le dispositif envisagé aura un impact sur la durée de fonctionnement d'autres installations présentant des caractéristiques de fonctionnement proches des cogénérations, telles que les centrales à cycle combiné au gaz. Cet impact sera d'autant plus important que le niveau de la prime sera élevé.
La structure de la prime permet de tenir compte du caractère horosaisonnalisé de la production de certaines installations.
La prime prévue par le projet d'arrêté est la somme de deux termes dépendant respectivement de la puissance disponible déclarée par l'exploitant en hiver et en été, et d'un troisième terme couvrant les amortissements constatés dans les comptes de l'année relatifs aux investissements de rénovation. Le montant annuel de cette rémunération est plafonné à 45 k€/MW :

Rémunération annuelle = 35 k€ × 70 % × Pgarantie hiver + 35 k€ × 30 % × Pgarantie été + Amortissements
Rémunération annuelle < 45 k€ × Pgarantie hiver

Les deux pourcentages de 70 % et de 30 % introduisent une différenciation saisonnière permettant aux cogénérations climatiques, comme celles alimentant des réseaux de chaleur, de bénéficier, d'une part, plus importante de la prime, alors qu'elles seraient fortement désavantagées si cette dernière était répartie de manière homogène dans l'année.
Dans ce cadre, une installation avec une puissance garantie de 100 MW toute l'année et remplissant les critères lui permettant de ne pas être pénalisée aura une rémunération annuelle comprise entre 3,5 M€ et 4,5 M€ selon le montant des amortissements constatés de l'année.

1.1. Analyse du niveau envisagé pour la prime
Données utilisées par la CRE pour élaborer son analyse

Recueil des données :
L'article L. 134-18 du code de l'énergie prévoit que « pour l'accomplissement des missions qui lui sont confiées, la Commission de régulation de l'énergie recueille toutes les informations nécessaires auprès des ministres chargés de l'économie, de l'environnement et de l'énergie, auprès des gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, des opérateurs des ouvrages de transport ou de distribution de gaz naturel et des exploitants des installations de gaz naturel liquéfié, des fournisseurs de consommateurs finals sur le territoire métropolitain continental bénéficiant de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique mentionné à l'article L. 336-1, des exploitants de réseaux de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone ainsi qu'auprès des autres entreprises intervenant sur le marché de l'électricité ou du gaz naturel ou du captage, transport et stockage géologique de dioxyde de carbone. Elle peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer à son information. »
Afin d'établir le niveau de la prime permettant aux installations de cogénération de couvrir le manque à gagner qu'elles constatent en vendant leur production sur le marché de l'électricité, la DGEC a demandé aux exploitants de celles-ci de lui fournir leurs plans d'affaires. Une partie seulement de ces documents a été transmise à la CRE qui n'a donc pu disposer que d'informations technico-économiques partielles, pour seulement 1 150 MW, et strictement déclaratives.
En application des dispositions précitées de l'article L. 134-18 du code de l'énergie, la CRE envisage de procéder à un audit des conditions économiques de fonctionnement des installations de cogénération objet du présent projet d'arrêté.
La CRE rappelle que le défaut de communication de documents et d'informations est susceptible de constituer un manquement et à ce titre, de faire l'objet d'une sanction.
Validité des données :
A partir des informations déclaratives transmises à la CRE, quatre catégories d'installation ont été identifiées, selon que l'installation « efface » du gaz ou du charbon, et selon son usage (procédé industriel ou réseau de chaleur). Le tableau ci-dessous illustre la répartition des plans d'affaire par rapport à la puissance installée par catégorie.

| | EFFACE DU GAZ | EFFACE DU CHARBON | |-----------------|--------------------|---------------------| | Industriel |455 MW/646 MW = 70 %|315 MW/360 MW = 88 % | |Réseau de chaleur| < 20 % des 241 MW |300 MW/300 MW = 100 %|

Cet échantillon fait état d'une faible représentation des cogénérations effaçant du gaz et fournissant des réseaux de chaleur. Les analyses figurant dans la suite du document et se rapportant à cette catégorie devront dès lors être considérées avec précaution.
Compte tenu des délais limités d'instruction, la CRE n'a pas été en mesure de rassembler les éléments qui lui auraient permis de vérifier les chiffres présentés par les exploitants et ainsi de mener une analyse théorique de rentabilité à partir d'une installation de cogénération de référence.
Le niveau de couverture des charges d'exploitation par la prime varie considérablement d'un type d'installation à un autre, mais la plupart des installations se retrouvent dans une situation favorable ou proche de l'équilibre.
L'examen des données transmises a permis de constater que les paramètres varient considérablement d'une installation à l'autre selon, notamment, les caractéristiques de fonctionnement et les technologies de turbines utilisées. Le tableau ci-dessous présente la marge (5) moyenne sur les seuls coûts d'exploitation, constatée sur les années 2013 à 2016 par catégorie d'installations :

| | EFFACE DU GAZ |EFFACE DU CHARBON| |---------------------------------------------------------------------------------------------------|-----------------|-----------------| | Industriel | ― 22,5 k€/MW | ― 38,4 k€/MW | | Réseau de chaleur |― 42,2 k€/MW (*)| ― 25,6 k€/MW | | (*) chiffre peu représentatif car établi sur 15 % seulement des installations de cette catégorie.| | |

Ces marges représentent la perte annuelle que les cogénérations prévoient de constater, sans rémunération de leur capacité et sans investissement, pendant les trois années à venir. Structurellement, ce niveau peut être comparé avec le niveau de la prime prévue par le projet d'arrêté, hors investissement.
En conséquence, un niveau de prime plancher de l'ordre de 35 k€/MW (6) pour les cogénérations à usage industriel et 25 k€/MW pour les cogénérations climatiques (7) permettrait, sur la base de leurs propres déclarations :
― pour les installations industrielles effaçant du gaz de couvrir leurs coûts d'exploitation avec une marge de l'ordre de 33 % ;
― pour les installations effaçant du charbon, de bénéficier d'une marge d'exploitation proche de zéro ;
― pour les réseaux de chaleur effaçant du gaz, de ne couvrir qu'une partie de leurs coûts d'exploitation.
L'appréciation de la couverture des charges d'investissement est délicate ; toutefois, le niveau de la prime permettrait de couvrir les investissements relatifs à la réalisation d'une opération de maintenance lourde, indispensable à la poursuite de l'activité pour une partie des installations concernées par le dispositif.
Les montants des investissements nécessaires à chacune des installations sont très variables d'une installation à l'autre : d'après les données déclarées par les cogénérateurs sur 2013 à 2016, ils peuvent varier de 15 à 280 k€/MW, ce qui rend délicate l'appréciation du niveau de prime destiné à les couvrir.
Le projet d'arrêté prévoit une enveloppe maximale de 10 k€/MW/an pour couvrir les amortissements constatés de ces investissements. Plus précisément, il prévoit de tenir compte des amortissements des investissements effectués entre la date d'échéance du contrat d'obligation et la conclusion du nouveau contrat avec EDF (8). Or, les données transmises par les exploitants d'installations de cogénération ne comprennent que les investissements qu'ils prévoient d'effectuer dans les années à venir (souvent au-delà de la période de trois ans, parfois même jusqu'en 2032) et non les investissements déjà réalisés depuis la fin du contrat d'obligation d'achat. Il est par conséquent impossible de déterminer précisément les niveaux d'amortissements comptables qui seront observés pendant les années de validité du contrat.
Sur la base d'une durée d'amortissement pour les investissements de dix à douze ans, classiquement observée pour ce type d'installations et correspondant à la durée des premiers contrats d'achat, le montant maximal annuel de la prime permettrait de couvrir une annuité d'amortissement correspondant à 100 à 120 k€/MW d'investissements. Ces montants sont cohérents avec les déclarations des cogénérateurs relatives au niveau des investissements de maintenance lourde, nécessaires, selon eux, à la poursuite de l'activité.

Considérations portant sur la prise en compte rétroactive des investissements
consentis après l'échéance du contrat d'obligation d'achat

Les dispositions de l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie prévoient que « (...) la rémunération tient compte des investissements nécessaires sur la période allant jusqu'au 31 décembre 2016 et de la rentabilité propre des installations incluant toutes les recettes prévisionnelles futures ».
Le projet d'arrêté précise quant à lui que sont pris en compte « l'amortissement annuel des investissements de rénovation réalisés entre la date de fin du contrat d'obligation d'achat et le 31 décembre de l'année N ».
L'un des critères d'éligibilité à la prime prévu par l'arrêté est d'avoir bénéficié, par le passé, d'un contrat d'obligation d'achat. Selon les installations, les échéances de ces contrats sont réparties entre 2008 et 2013 ; une fois ces contrats échus, les exploitants ont dû valoriser l'énergie produite par leurs installations sur les marchés de l'électricité.
Certaines de ces installations nécessitant des investissements de rénovation plus ou moins lourds, la décision de les réalisera dû être soumise à l'évaluation de leur rentabilité dans un contexte économique qui n'incluait pas la prime prévue par le projet d'arrêté.
Le projet d'arrêté prévoit de prendre en compte les investissements de rénovation effectués à partir de la fin du contrat d'obligation d'achat jusqu'au 31 décembre 2016. Ainsi, pour les installations sorties d'obligation d'achat sur la période 2008-2012, les investissements effectués sur cette même période sont pris en compte.
Dès lors, la question d'une aide à l'investissement apportée à un exploitant qui avait déjà pris la décision d'investir dans l'environnement économique qui s'offrait à lui à l'époque, soit hors prime, se pose.
A contrario, dans le cas où ces investissements réalisés ne seraient pas pris en compte, se poserait la question de l'effet d'aubaine dont bénéficierait un exploitant ayant à investir seulement à partir de 2013, en comparaison d'un exploitant ayant dû procéder à des investissements avant 2013.
Si les amortissements des seuls investissements effectués sur la période 2013-2016 étaient pris en compte dans la rémunération, son montant diminuerait pour un exploitant ayant déjà investi avant 2013, mais serait identique pour un exploitant investissant pendant les années 2013-2016.
Par construction, le dispositif envisagé ne permet pas la couverture par la prime des investissements réalisés en 2016.
Le code de l'énergie dispose que « la rémunération tient compte des investissements nécessaires sur la période allant jusqu'au 31 décembre 2016 ».
Pourtant, le mode de prise en compte des investissements par le biais des amortissements ne répond pas à cette disposition. En effet, les investissements effectués lors de l'année 2016 ne se matérialisent comptablement par le biais des amortissements que l'année suivante, soit en 2017.
Certains principes comptables sous-jacents à la mécanique des investissements pourraient justifier la prise en compte d'amortissements théoriques des investissements.
Certaines dispositions permettant, notamment, l'anticipation comptable d'investissements futurs par le biais de provisions sont susceptibles de générer des biais dans le calcul des amortissements annuels à couvrir par la prime. Cette difficulté a été confirmée par certains exploitants de cogénérations.
En conséquence, il apparaît préférable de retenir une prise en compte d'amortissements théoriques, calculés sur la base d'investissements effectivement constatés et validés par les commissaires aux comptes.
La liste des investissements éligibles à la prime doit être précisée.
En annexe du projet d'arrêté figure la liste des investissements susceptibles d'être couverts par la prime. Les commissaires aux comptes doivent, lors des contrôles prévus par le projet d'arrêté, certifier que les amortissements correspondent bien à des investissements figurant dans cette liste.
La CRE note une disparité dans le niveau de précision des descriptions des différents postes de coûts éligibles à la prime. Notamment, la ligne « aléas » dans le poste « Etudes techniques et montage du dossier » permet d'englober un nombre considérable d'investissements ne rentrant dans aucune des autres catégories mentionnées. La CRE recommande de supprimer la ligne « aléas » et d'utiliser une terminologie plus précise, afin que la liste des investissements éligibles ne puisse pas être interprétée de façon extensive, et que la sécurité juridique du dispositif soit renforcée.

Appréciation des modalités de contrôle et des pénalités applicables

Afin d'obtenir l'intégralité de la prime plancher fixée par l'arrêté, les exploitants de cogénération s'engagent à respecter des critères d'efficacité énergétique et de disponibilité. Dans le cas où ces critères ne sont pas vérifiés, des pénalités s'appliquent et réduisent le montant de la rémunération.
Sur le critère d'efficacité énergétique :
Les critères d'efficacité énergétique s'appuient sur le calcul du coefficient d'« Ep (9) » des installations. Deux barèmes de pénalités coexistent : une pénalité qui s'applique si l'Ep de l'installation s'écarte significativement de l'Ep certifiée (10) initialement à l'occasion de la conclusion du contrat avec EDF mentionné à l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie (Ep dite « de référence »), et une autre selon le niveau absolu d'Ep, en conformité avec les exigences européennes.
En ce qui concerne le niveau d'Ep de référence, le projet d'arrêté laisse le choix à l'exploitant entre :
― un calcul sur une période en fonctionnement nominal au cours des trois dernières années sous le régime d'obligation d'achat ;
― un calcul sur une période en fonctionnement nominal continue d'au moins cinq jours.
Le choix entre deux méthodes de mesure ne doit pas être laissé à l'exploitant lors de la création du contrat mentionné à l'article L. 314-1-1 du code de l'énergie. Dans un souci de continuité avec les contrats d'obligation d'achat, il conviendrait d'utiliser la mesure effectuée sur leur période de validité si aucun investissement influant sur l'efficacité énergétique n'a été effectué depuis la date de fin desdits contrats d'obligation d'achat. La deuxième méthode ne pourrait être utilisée qu'à défaut lorsque la mesure précédente n'existe pas ou n'est plus valable.
Sur le contrôle de la disponibilité :
La disponibilité de l'installation est, quant à elle, contrôlée à l'aide des programmes de production des installations et du niveau des offres présentes sur le mécanisme d'ajustement. Une installation est considérée comme disponible à hauteur d'une puissance donnée si elle produit ou effectue une offre sur le mécanisme d'ajustement à ce niveau.
Si cette disponibilité est supérieure à 90 %, aucune pénalité n'est appliquée à la rémunération annuelle, mais le montant de la prime est réduit progressivement en cas d'indisponibilité plus forte. Les maintenances des installations ne viennent pas diminuer leur disponibilité, sous réserve de respecter les délais prévus par l'arrêté.
Les cogénérateurs ont fait part à la CRE de leur préoccupation quant à la courte durée du délai de mobilisation et de la durée d'activation maximum autorisées par l'arrêté pour les offres sur le mécanisme d'ajustement. Ils estiment que la moitié des installations ne pourra pas répondre à ces critères. La CRE souligne que les délais maximum présentés dans le projet d'arrêté correspondent à ceux d'offres très rarement appelées en pratique sur le mécanisme d'ajustement : par exemple, sur les années 2011 et 2012 moins de 5 % des volumes appelés sur le mécanisme d'ajustement correspondent à des offres avec des délais de mobilisation supérieurs à 4 h.
Afin que les exploitants de cogénération ne fassent pas d'offres à un prix trop élevé sur le mécanisme d'ajustement afin de ne jamais être sollicités, un prix plafond est défini par l'arrêté. La CRE estime que ce prix est correctement calibré. Pour les installations capables de s'activer plus rapidement et moins longtemps notamment, le prix plafond de 200 €/MWh correspond, en ordre de grandeur, au niveau maximum des prix observés classiquement pour des installations de ce type (cogénérations, CCG, turbines à gaz).
Des délais plus importants ou un prix plafond plus élevé pourraient entraîner la formation, sur le mécanisme d'ajustement, d'offres jamais appelées, empêchant le contrôle de la disponibilité des installations.
Sur la participation des installations aux mécanismes de réserves rapides et complémentaires :
Certaines installations de cogénération participent aujourd'hui aux mécanismes de réserves rapides et complémentaires. Les revenus obtenus sur ces mécanismes comportent une prime fixe permettant de rémunérer la disponibilité des moyens qui y participent. Si aucune disposition n'est prévue pour empêcher une installation de cogénération de participer à ces mécanismes tout en percevant une prime par ailleurs, des biais risquent d'apparaître dans les mécanismes de réserves, venant pénaliser les autres acteurs y participant.
Il apparaît donc nécessaire, au vu des informations dont la CRE dispose, d'introduire une clause interdisant aux installations de cogénération le cumul de la prime pour une puissance donnée et de la valorisation de cette dernière sur les mécanismes de réserve.

Avis de la CRE

En premier lieu, la CRE rappelle qu'ayant accepté de rendre son avis dans un délai restreint, elle n'a pas disposé du délai d'instruction suffisant pour analyser l'intégralité des paramètres constitutifs du dispositif ; en particulier, elle n'a pu se fonder que sur des informations partielles transmises par la DGEC et au surplus, issues de déclarations des cogénérateurs. Elle n'a pas été en mesure d'objectiver les données exposées par les exploitants dans leurs plans d'affaires et n'a pas quantifié les effets du niveau de prime sur le fonctionnement des marchés de gros.
En application des dispositions de l'article L. 134-18 du code de l'énergie, la CRE envisage de procéder à un audit des conditions économiques de fonctionnement des installations de cogénération objet du présent projet d'arrêté. La CRE rappelle que le défaut de communication de documents et d'informations est susceptible de constituer un manquement et à ce titre, de faire l'objet d'une sanction.
En second lieu, si la CRE n'a pas à se prononcer sur la mise en œuvre d'un tel dispositif de soutien prévu par la loi, elle considère que ses modalités d'application doivent respecter certaines conditions :
― les analyses effectuées à partir des données déclarées par les exploitants de cogénérations permettent d'établir que le niveau de la prime destinée à couvrir les charges d'exploitation est supérieur à ces charges pour plus d'un tiers des installations. Pour la plupart des installations effaçant du charbon, elle est environ au même niveau. Le niveau de la prime pourrait être insuffisant pour les 15 % restants, mais de fortes incertitudes demeurent sur ces installations, liées à l'échantillon de données très peu représentatif dont dispose la CRE. En conséquence, la CRE recommande d'adapter le niveau de prime en fonction du type d'installation, afin de prendre en compte la disparité des situations rencontrées ;
― la prise en compte des investissements, qui ont été déjà réalisés par certaines installations depuis la fin de leur contrat d'obligation d'achat, est discutable d'un point de vue économique, ces investissements ayant été jugés rentables par les exploitants en l'absence de tout dispositif de soutien. En revanche, l'exclusion de ces investissements créerait un effet d'aubaine pour les installations n'ayant pas encore réalisé ces investissements en raison d'une sortie plus tardive de l'obligation d'achat ;
― la liste des investissements éligibles à la prime ainsi que leur description, doit être précisée ;
― il est nécessaire de prévoir des mesures permettant d'éviter une double rémunération des installations de cogénération, en particulier sur le mécanisme des réserves rapides et complémentaires.
Fait à Paris, le 10 décembre 2013.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Un commissaire,

O. Challan Belval

(1) Dite « loi DADDUE ». (2) Hypothèse majorante dans le cas où l'intégralité des installations restent en service après 2013 et qu'elles effectuent toutes les investissements permettant d'atteindre le plafond de la rémunération annuelle. (3) En particulier, les exploitants des centrales à cycle combiné à gaz (CCG) ont alerté depuis plus d'un an les pouvoirs publics ainsi que la CRE de la situation défavorable dans laquelle ils se trouvent à court terme et des risques de mise sous cocon de leurs installations dans les années à venir, risques qui se matérialisent depuis quelques mois. (4) Par exemple, le fort développement de volumes d'énergie sous obligation d'achat est considérée comme en partie responsable des épisodes de prix négatifs sur les marchés de gros de l'électricité. (5) Cette marge est la différence entre les recettes générées par la vente de chaleur et d'électricité et les dépenses totales de fonctionnement. (6) Prime obtenue dans l'hypothèse où les puissances garanties été et hiver sont égales à la puissance installée. (7) Prime obtenue dans l'hypothèse où la puissance garantie estivale est nulle pour ces installations qui, par nature, fonctionnent peu l'été. (8) Cf. infra. (9) Coefficient correspondant à l'économie relative d'énergie primaire procurée par l'installation de cogénération. C'est l'économie d'énergie apportée par le fait de produire conjointement les énergies thermique et électrique plutôt que séparément. Ses modalités de calculs sont précisées par l'arrêté du 3 juillet 2001 fixant les caractéristiques techniques des installations de cogénération pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité, modifié en octobre dernier. (10) Cette certification est effectuée par un organisme indépendant.