JORF n°0209 du 9 septembre 2025

Décret du 8 septembre 2025

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre d'État, ministre de l'intérieur,

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;

Vu le code du sport, notamment ses articles L. 332-18, R. 332-11 et suivants ;

Vu le code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 121-1, L. 121-2, L. 211-2, L. 211-5 et R* 133-1 à R* 133-15 ;

Vu l'arrêté du 3 mars 2025 portant nomination à la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ;

Vu la saisine par le ministre d'État, ministre de l'intérieur, en date du 13 mai 2025, du président de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives du projet de dissolution du groupement de fait dénommé « Strasbourg Offender » pour recueillir l'avis de celle-ci ;

Vu le courrier du 13 mai 2025 notifié par voie administrative, le 15 mai 2025, par lequel M. A, président du groupement de fait « Strasbourg Offender », a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de ce groupement de fait et, d'autre part, invité à présenter ses observations écrites dans un délai de dix jours à compter de cette notification ou, le cas échéant, ses observations orales lors de la réunion de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives du 11 juin 2025 ;

Vu le courrier du 16 mai 2025 informant la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative de la saisine de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ;

Vu l'avis du 11 juin 2025 de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-18 du code du sport : « peut être dissous ou suspendu d'activité pendant douze mois au plus par décret, après avis de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l'article L. 122-1, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive, des actes répétés ou un acte d'une particulière gravité et qui sont constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ;

Considérant que le groupement de fait « Strasbourg Offender » a pour objet de supporter l'équipe du Racing Club Strasbourg Alsace (RCSA), association sportive au sens de l'article L. 122-1 du code du sport ; qu'il est représenté par M. A, dirigeant de fait ; qu'il regroupe environ trente membres au profil de supporters « hooligans » classés à risques ; qu'il s'identifie toujours au travers de symboles communs, notamment par un drapeau noir sur lequel est inscrit le nom du groupement orné d'une couronne blanche ; que par suite, le groupement « Strasbourg Offender » peut être regardé comme un groupement de fait au sens de l'article L. 332-18 précité et que les faits commis par les membres du groupement de fait doivent être regardés comme imputables à « Strasbourg Offender » ;

Considérant que, depuis plusieurs années, les membres de « Strasbourg Offender » sont régulièrement impliqués dans des violences et des rixes ou des tentatives de rixes qui ont occasionné plusieurs blessés et dans des dégradations commises contre des biens, dans des enceintes sportives ou à leurs abords ; que le 23 novembre 2019, durant une rencontre entre le Racing Club Strasbourg et l'Olympique Lyonnais au stade de la Meinau, lors d'une bousculade impliquant le groupement, l'un membre des « Strasbourg Offender », M. B, a donné un coup de poing à l'arrière du crâne d'un stadier isolé ; que le 17 octobre 2021, lors de la rencontre entre le Racing Club Strasbourg Alsace et l'Association Sportive Saint-Étienne (ASSE), M. C, membre du groupement, a été interpellé et placé en garde à vue pour jets de projectiles sur l'aire de jeu, puis a fait l'objet d'une interdiction administrative de stade de 3 mois ; que le 21 novembre 2021, deux heures avant le coup d'envoi de la rencontre entre le Racing Club Strasbourg et le Stade de Reims, un affrontement a opposé des membres des « Strasbourg Offender » à une dizaine de supporters ultra rémois de « MesOs Reims » ; que le 6 mars 2022, à l'occasion du match retour, un nouvel affrontement a eu lieu, dans la zone industrielle de Saint-Léonard (51), entre les membres de « Strasbourg Offender » et les supporters de « MesOs », à l'issue duquel l'un des membres de « Strasbourg Offender » a été conduit par son groupe au CHU de Reims (51) ; qu'en représailles, une rixe a éclaté à Reims, devant le domicile du leader de « MesOs » ; que le 29 avril 2022, après la rencontre entre le Racing Club Strasbourg Alsace et le Paris Saint-Germain (PSG) au stade de la Meinau, une altercation a eu lieu, avenue de Colmar, entre des supporters parisiens et strasbourgeois se revendiquant du groupe des « Strasbourg Offender » au cours de laquelle le bus des supporters parisiens a été dégradé et une dizaine d'individus criant « OFFENDERS » ont roué de coups ces derniers ; que le 6 octobre 2023, lors de la rencontre entre le Racing Club de Strasbourg et le Football club de Nantes (FC Nantes), un individu se trouvant au sein du groupe des « Strasbourg Offender » a porté des coups au visage d'un second individu ; que le 5 avril 2025, la veille d'une rencontre entre le Stade de Reims et le Racing Club Strasbourg Alsace au stade Delaune à Reims, des supporters strasbourgeois, dont des membres du groupement, se sont rendus dans un bar fréquenté habituellement par des supporters rémois, afin de provoquer une rixe avec ces derniers, s'en sont pris aux clients en leur jetant du mobilier de terrasse et ont réitéré les faits au bar « Le Gaulois » ; que six individus appartenant au groupement ont été interpellés et placés en garde à vue pour des faits de violences volontaires, dégradations volontaires et de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de commettre des dégradations de biens ; que le lundi 7 avril 2025, à l'issue d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, cinq membres du groupement ont été condamnés pour les faits en question ;

Considérant par ailleurs que les membres du groupement commettent et légitiment des actes incitant à la haine envers des individus en raison de leur origine, de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; que ce groupement est issu du mouvement hooligan néonazie ; qu'il constitue le prolongement du groupuscule « Meinau Army », actif de fin 2005 à 2008, dont M. A faisait également partie, connu pour ses actions violentes à caractère raciste, et du groupuscule d'ultra droite « Elsass Korps », fondé en 1993, qui a été fait l'objet d'une mesure de dissolution administrative par décret du 19 mai 2005, en raison notamment de son implication dans la profanation de cimetières juifs en Alsace ; que M. A était membre de la section strasbourgeoise de l'association « Bastion Social », qui a fait l'objet d'une mesure de dissolution administrative par décret du 24 avril 2019, en raison d'agissements provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence ; qu'en marge de la campagne européenne du RCSA, en juillet 2019, le groupement s'est illustré par la publication d'une photographie sur la messagerie Telegram, sur laquelle certains membres effectuent un salut nazi ; que sur cette même photographie, la bannière des « Strasbourg Offender » jouxtait un drapeau nazi représentant une croix gammée ; que sur une autre photographie, publiée le 26 juillet 2019 sur l'application Telegram sur le canal « GruppaOff Official », des membres du groupement brulent des écharpes du club de football israélien Maccabi Haïfa ; que ces images ont été reprises, à des fins promotionnelles, dans la vidéo diffusée le 31 mars 2021 par un membre du groupement ; que le 25 juillet 2019, à l'occasion de la venue de l'équipe de football du Maccabi Haïfa, dans le cadre de la ligue Europa à Strasbourg, une douzaine d'individus membres de « Strasbourg Offender » ont appelé à « une chasse aux juifs » dans les rues du centre-ville de Strasbourg (67) ; qu'un membre de « Strasbourg Offender », M. D, a été interpellé la veille du match pour avoir appelé l'hôtel Ibis Strasbourg Centre Halles en se faisant passer pour un policier dans le but d'obtenir « des informations sur des Israéliens » ; que le jour de la rencontre, une altercation s'est déroulée entre une dizaine de supporters du Maccabi Haïfa et des membres du groupe des « Strasbourg Offender », à proximité du stade de la Meinau ; qu'outre des échanges de coups, essentiellement subis par les supporters israéliens, ces derniers se sont fait également voler plusieurs écharpes aux couleurs de leur club ; que le 31 mars 2021, un membre des « Strasbourg Offender » a publié, sur des groupes Telegram d'affrontements hooligan, une vidéo de promotion du groupuscule sur laquelle un individu qui porte un tee-shirt floqué de symboles nazis et d'une croix gammée, effectue un salut nazi ; que le 7 janvier 2025, un membre des « Strasbourg Offender » a été condamné à 500 euros d'amende assorti d'une interdiction de stade de trois ans pour avoir brûlé, en tribune, un drapeau algérien, le 29 septembre 2024, à Marseille, durant la rencontre entre le Racing Club de Strasbourg Alsace et l'Olympique de Marseille ;

Considérant que l'ensemble de ces agissements, qu'ils émanent de M. A en tant que dirigeant du groupement de fait « Strasbourg Offender » ou de ses membres n'a jamais fait l'objet d'une quelconque modération ou condamnation de la part de M. A et de son groupement, alors même que ce dernier dispose d'un canal de communication ;

Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de prononcer la dissolution du groupement de fait « Strasbourg Offender »,

Décrète :

Article 1

Le groupement de fait « Strasbourg Offender » est dissous.

Article 2

Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 8 septembre 2025.

François Bayrou

Par le Premier ministre :

Le ministre d'État, ministre de l'intérieur,

Bruno Retailleau