Article 1
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Dissolution de l'association Jonas Paris
L'association « Jonas Paris » est dissoute.
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Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur et des outre-mer,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 121-1 et L. 121-2 ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment les 6° et 7° de l'article L. 212-1 et l'article L. 212-1-1 ;
Vu le courrier du 30 avril 2024, notifié par voie administrative le même jour, par lequel M. A, président de l'association « Jonas Paris », a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de cette notification ;
Vu les observations écrites de M. A, président de l'association « Jonas Paris », reçues par courriel les 10 mai 2024 et ses observations complémentaires des 13, 16 et 18 mai 2024 ;
Vu les observations orales de M. A, président de l'association « Jonas Paris », recueillies lors d'un entretien au ministère de l'intérieur le 15 mai 2024 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : […] 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger », qu'en application de l'article L. 212-1-1 du même code : « Pour l'application de l'article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient » ;
Considérant que l'association « Jonas Paris », déclarée le 1er juillet 2019 à la préfecture de police de Paris, a pour objet « d'aider les musulmans dans l'exercice de leur pratique et de leurs rites dans de bonnes conditions ; mettre à la disposition des musulmans des lieux, organiser des conférences, cours, débats… ; donner des cours de soutien, d'alphabétisation et de langues ; encadrer les jeunes et les adolescents afin qu'ils ne tombent pas dans la délinquance ; donner une éducation morale aux enfants ; pratiquer la charité ; favoriser le dialogue interreligieux ; contribuer, en relation avec toutes les institutions et organismes publics, ainsi que les autorités, à la solution des problèmes qui se posent à la communauté musulmane » ; que, sous couvert de cet objet, l'association assure en réalité la promotion d'une idéologie qui provoque à la discrimination, à la haine et à la violence à l'égard des non-musulmans, des femmes, des homosexuels et légitime la guerre sainte ; qu'elle diffuse ces théories à un public en partie composé de mineurs lors des cours dispensés dans les locaux de l'association et à travers les publications sur la chaîne Telegram « Irchad » administrée par son président et suivie par 60 000 personnes ; qu'elle accroit son audience en invitant ses élèves à consulter ce réseau social pour compléter leur formation et en l'utilisant pour recruter de nouveaux élèves ;
Considérant en premier lieu, qu'à travers ses cours, ses références et ses publications sur sa chaine Telegram « Irchad », l'association « Jonas Paris » provoque à la discrimination, à la haine et à la violence à l'encontre des juifs et des chrétiens et d'une manière générale des non musulmans, ainsi qu'à l'encontre des femmes et des homosexuels ;
Considérant d'une part, que « Jonas Paris » diffuse auprès de jeunes élèves, un enseignement relevant de l'islam radical, prônant la supériorité de la charia, rejetant les valeurs de la République française et ses institutions et incitant à la violence ; que lors de cours délivrés les 6 et 15 septembre 2022, il a été indiqué aux jeunes élèves que la charia est l'unique source du droit, qu'on ne peut l'enfreindre au bénéfice d'autres lois et que les juridictions françaises étaient des « tribunaux de kouffars » ; que ces cours prennent appui sur des supports et documents faisant état de l'incompatibilité entre l'islam et la République, prônant la supériorité du « tribunal islamique » sur celui « établi par les humains » y compris par la légitimation de la peine de mort dans certains cas ; que l'association « Jonas Paris » légitime la violence physique et la « loi du Talion » encadrée par les tribunaux islamiques ;
Considérant, d'autre part, qu'en application de cette prétendue supériorité de l'islam, l'association diffuse un discours haineux, discriminatoire et violent envers les juifs et les chrétiens, appelant à leur anéantissement, et plus globalement envers les non-musulmans à travers ses cours et ses publications sur sa chaine Telegram « Irchad » ; qu'ainsi, un document publié par l'association le 25 juin 2021 a qualifié la France de « pays mécréant » et indiqué que vivre dans un pays non musulman serait comme « déclarer la guerre à Allah » ; que le 19 décembre 2023, l'association « Jonas Paris » a publié une liste d'ouvrages, intitulée « lectures recommandées », comportant des ouvrages qui contiennent des passages hostiles aux juifs et aux chrétiens ;
Considérant également que l'association « Jonas Paris », à travers son discours, rejette l'égalité femme-homme, incite à la discrimination envers les femmes, systématiquement confinées dans un statut d'infériorité et assimilées au vice, et légitime la violence à leur encontre ; qu'à titre d'exemple, le 19 décembre 2023, un document intitulé « les 7 sous l'ombre d'Allah 2 », publié sur la chaine Telegram « Irchad », décrit la femme comme « tentation pour l'homme », incite à en prendre garde « car le premier égarement des enfants d'Israël a certes été causé par les femmes… » ; que l'association promeut la supériorité de l'homme sur la femme, notamment dans l'un des supports de cours intitulé « L'énorme différence entre la Salafiyyah prônée par les grands savants contemporains et la « salafiyyah » de Jamâ'at Al Jarh » dans lequel est affirmé que « La religion de l'Islam est effectivement fondée principalement sur […] la supériorité de l'homme sur la femme dans certains domaines, la société patriarcale » ; que l'association « Jonas Paris » va même jusqu'à légitimer la violence à l'égard des femmes dans un cours enregistré le 16 juin 2021 sur le téléphone de M. A, dans lequel l'usage de la violence physique est recommandé pour punir son épouse ; que parmi la liste des « lectures recommandées » publiée sur la chaine Telegram « Irchad » figurent des livres qui incitent à la discrimination, à la haine et à la violence à l'encontre des femmes tel que l'ouvrage « Le jardin des Vertueux » dont plusieurs passages créent des interdits aux femmes, affirment leur subordination à l'homme et légitiment le viol conjugal ;
Considérant, en outre, que l'association « Jonas Paris » promeut également la haine et la violence à l'égard des homosexuels, l'un des documents utilisés pour la préparation des cours légitimant même leur mise à mort ;
Considérant, enfin, que l'enseignement délivré par l'association « Jonas Paris », qui met en place une stratégie active de recrutement et de diffusion, influence directement le comportement des élèves qui les suivent ; que l'association « Jonas Paris » touche en effet un large public et compte une soixantaine d'élèves qui assistent, de manière régulière, aux cours dispensés à titre gratuit dont des cours de langue arabe donnés à des enfants mineurs âgés de 8 à 12 ans ; que l'influence croissante exercée par l'association passe par la stratégie active de recrutement menée par son président, ciblant en particulier les hommes jeunes, ce qui a permis à l'association de recruter 600 élèves, les enrôlant au sein de mosquées notamment pas le biais d'élèves chargés d'effectuer un recrutement selon un processus organisé ; qu'un élève a ainsi commenté sur X le fait qu'un père avait tué sa fille après que celle-ci avait posté sur Tik Tok une vidéo d'elle dansant en indiquant qu'une jeune fille élevée conformément aux valeurs islamiques « n'aurait même pas de téléphone » et « n'aurait jamais fait ça sachant la gravité du geste » ;
Considérant en second lieu, que l'association « Jonas Paris » se livre à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger ;
Considérant, d'une part, que l'association délivre, auprès d'un très jeune public, des enseignements qui légitiment le djihad armé et promeuvent les mérites de la guerre sainte présentée comme une action autorisée dans un moment « particulier » ; que sont utilisés, comme supports pédagogiques, une série d'ouvrages de la maison égyptienne Al Moubda'al Saghir destinés aux enfants, qui présente les conquêtes musulmanes de manière apologétique ; que ce même livre, qui ne se limite pas à la desciption des seuls faits historiques, vise à expliquer les étapes pour entrer en guerre : « bien réfléchir avant de passer à l'action / choisir un leader militaire expérimenté, intelligent et courageux / saisir les opportunités lorsqu'elles se présentent et leurs bienfaits / bien étudier la situation de l'ennemi et de son pays avant de lancer la guerre contre lui / s'en remettre à l'aide de Dieu » ; que ces propos inadaptés à un public jeune, légitiment la guerre sainte et sont de nature à faciliter le passage à l'action violente ; que lors de la visite domiciliaire réalisée dans les locaux de l'assocation, le 7 juin 2023, plusieurs documents et fichiers audios saisis légitiment également la guerre sainte ; que de même, les ouvrages recommandés pour les publics plus âgés, tels que « Le comble des souhaits - commentaire du livre de l'unicité », « Le jardin des Vertueux » et « Les quatre règles » légitiment le recours au jihad armé et contiennent des appels au meurtre et à la guerre sainte ;
Considérant, enfin, que l'association « Jonas Paris » entretient des liens étroits avec des individus ancrés dans la mouvance djihadiste dont certains ont été impliqués dans des infractions à caractère terroriste ; qu'un élève de l'association « Jonas Paris » a été condamné le 23 février 2024 par le tribunal pour enfants de Paris à une peine de 3 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis probatoire pour les faits d'association de malfaiteurs terroriste ; qu'un autre a fait l'objet d'une visite domiciliaire le 7 juin 2023 laquelle a révélé que l'intéressé était abonné au canal de diffusion Telegram « Irchad » et a partagé à plusieurs reprises les cours de M. A et a mis en évidence plusieurs vidéos pro-djihadistes ;
Considérant que ces différents enseignements et prises de position mises en ligne sur le comptes Telegram « Irchad » de l'association « Jonas Paris », sans aucune modération, émanant du président de l'association ou de ses membres constituent clairement des agissements constitutifs de provocations à la discrimination, à la haine et à la violence, à raison de la religion, du sexe ou d'une orientation sexuelle et contribuent à la promotion d'une idéologie islamiste radicale de nature à provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger ;
Considérant qu'au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de prononcer la dissolution de l'association « Jonas Paris » sur le fondement des 6° et 7° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :
L'association « Jonas Paris » est dissoute.
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Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur et des outre-mer sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
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Fait le 26 juin 2024.
Emmanuel Macron
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Gabriel Attal
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer,
Gérald Darmanin