Article 1
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Dissolution de groupements et associations
Le groupement de fait « Les Remparts » et les associations « La Traboule » et « Top Sport Rhône » sont dissous.
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Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre de l'intérieur et des outre-mer,
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 10 et 11 ;
Vu le code des relations entre le public et l'administration, notamment ses articles L. 121-1 et L. 121-2 ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment le 6° de l'article L. 212-1 et l'article L. 212-1-1 ;
Vu les courriers du 24 avril 2024, notifiés par voie administrative le 1er mai, par lequel M. A, principal membre du groupement de fait « Les Remparts » composé des associations « La Traboule » et « Top Sport Rhône » a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de ce groupement de fait et de ces associations, et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de cette notification ;
Vu le courrier du 24 avril 2024, notifié par voie administrative le 6 mai 2024, par lequel M. B, président de l'association « Top Sport Rhône », a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de cette notification ;
Vu le courrier du 24 avril 2024, notifié par voie administrative le 6 mai 2024, par lequel M. C, président de l'association « La Traboule », a été, d'une part, informé de l'intention du Gouvernement de procéder à la dissolution de cette association et, d'autre part, invité à présenter ses observations dans un délai de dix jours à compter de cette notification ;
Vu les observations écrites présentées par Maître D, conseil du groupement de fait « Les Remparts » et des associations « La Traboule » et « Top Sport Rhône », le 13 mai 2024 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, tous les associations ou groupements de fait : […] 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; […] » ; qu'en application de l'article L. 212-1-1 du même code : « Pour l'application de l'article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient » ;
Considérant que créé en septembre 2021, après la dissolution de l'association « Génération identitaire » par décret du 3 mars 2021, le groupement de fait « Les Remparts » se présente comme une « maison de l'identité, rempart civilisationnel » résultant de la fusion entre le local identitaire « La Traboule », ancien siège de « Génération identitaire » dont il a repris la gestion après sa dissolution, et de la salle de sport « l'Agogé », gérée par l'association « Top sport Rhône », situés à Lyon (69) utilisée pour l'entrainement de ses militants ; qu'il s'identifie par sa structure hiérarchisée, ses réseaux sociaux, son logo présent sur ses affiches et publications et ses mots d'ordre ; que les liens entre ces trois structures sont organisés, revendiqués et assumés ;
Considérant, d'une part, que le groupement « Les Remparts » tient un discours provoquant à la haine, la discrimination et la violence à l'encontre des étrangers en développant un discours axé sur la défense de la race et l'incompatibilité entre l'islam et la civilisation occidentale ;
Considérant en premier lieu, que ce groupement, au travers de ses publications et discours, ainsi que de ceux de ses membres, non modérés, mène un combat au nom de la défense de « l'identité » et du « rempart civilisationnel » et condamne le métissage ; qu'en cohérence avec ce discours, certains membres du groupement publient des messages appelant à « défendre leur terre » par le combat face à l'envahisseur étranger ; que d'autres membres s'affichent avec une blouson portant l'inscription « White Division » sans ambiguïté sur le message délivré ; que dans la nuit du 6 au 7 décembre 2022, à la suite d'une victoire de l'équipe du Maroc lors de la coupe du monde de football, « Les Remparts » » ont dénoncé sur leur page X les dégradations commises par les supporters en écrivant : « Les hordes maghrébines sont ce soir dans tous les centres-villes d'Europe » ;
Considérant en deuxième lieu, qu'afin d'alimenter la haine de l'étranger, le groupement « Les Remparts » diffuse un discours établissant un signe égal entre immigration et violence, voire terrorisme ; qu'à cette fin, il instrumentalise des faits divers impliquant des personnes de nationalité, réelle ou supposée, étrangère en utilisant des slogans comme notamment « l'immigration tue » ou « immigrés dehors, terroristes à mort » (manifestation non déclarée du 21 octobre 2022 à Lyon) ou « Pour toutes les victimes de l'immigration : Ni oubli, ni pardon » (publication du 23 octobre 2022 sur son réseau Telegram) ; que, M. E, alors porte-parole du groupement, a de la même manière, publié des propos de même nature, assimilant les « algériens et autres islamistes » à une « racaille violant et agressant des femmes », en accompagnant ce message de la publication de la banderole « l'immigration tue » ; qu'au lendemain du verdict de la Cour d'Assises du Rhône au sujet du meutre d'une jeune femme, le 21 janvier 2023, une courte vidéo a été publiée sur les pages Instagram des « Remparts » et de M. E dans laquelle ce dernier assimile l'immigration et l'insécurité en dénonçant notamment « l'ensauvagement et l'insécurité » comme « simplement des produits de l'immigration massive et du laxisme judiciaire » ; que le 9 juin 2023, le groupement a dénoncé sur sa page Instagram l'installation de migrants dans un square à Lyon en entourant les portes d'accès au parc avec de la rubalise et en apposant des pancartes mentionnant « PARC FERME - en raison de la présence de migrants et de la récente attaque au couteau à Annecy par un migrant syrien. Ce parc est fermé jusqu'à nouvel ordre - Chassons les clandestins » ; que le 14 juin 2023, dans un message publié sur son compte Telegram, le groupement a assimilé les étrangers à des agresseurs sexuels et la présence de migrants à l'insécurité ; que dans un message relayé par le compte X des « Remparts », le 25 novembre 2023 et dans une courte vidéo publiée le 28 novembre 2023 sur leurs pages Facebook et Instagram, l'agression d'un jeune homme à Crépol (26) dans la nuit du 18 au 19 novembre 2023 a été qualifiée d'« acte anti-blanc » commis par les « racailles immigrées » ; qu'à la suite de la manifestation organisée le 27 novembre 2023 en l'honneur de cette victime, « Les Remparts » ont associé les « racailles d'origine extra-européennes » à des « terroristes du quotidien qui veulent planter du blanc » ; que dans un message publié le 23 janvier 2024 sur son compte X, le groupement a indiqué par ailleurs « + d'argent pour les agriculteurs qui nourrissent la France - pour financer l'immigration qui la tue » ;
Considérant en troisième lieu que les publications des « Remparts » ont généré des commentaires hostiles et violents à l'encontre des personnes issues de l'immigration qui n'ont fait l'objet d'aucune modération ; qu'ainsi, par exemple, une publication Facebook des « Remparts » du 23 octobre 2022, appelle à une expédition punitive ; qu'un commentaire non-modéré sous une publication sur la page Instagram des « Remparts » du 28 janvier 2023 a appelé à stopper la natalité des personnes immigrés ; que dans une vidéo publiée le 1er juillet 2023 sur son compte Instagram, M. E, alors porte-parole des « Remparts », a relayé des vidéos de dégradations urbaines qui ont généré deux commentaires assimilant les personnes d'origine étrangère à des animaux et leur déniant la nationalité française ;
Considérant en quatrième lieu, qu'au soutien de ses idées, le groupement, qui se présente comme « les Remparts contre l'insécurité » incite à des actions d'auto-défense ; que dans un reportage diffusé sur TF1 le 7 février 2024, deux militants des « Remparts » interviewés dans les locaux de « La Traboule », puis de « l'Agogé » ont promu l'autodéfense ; qu'un de ces extraits diffusé le jour-même sur les comptes X, Instagram et Telegram des « Remparts » est accompagné d'un message indiquant : « Face à l'insécurité grandissante à Lyon, il devient urgent d'exercer son corps à l'autodéfense personnelle. » ; que dans un message publié sur leur page Instagram le 15 septembre 2021, « Les Remparts » ont annoncé que des stages d'autodéfense sont d'ailleurs dispensés au sein de « l'Agogé » ; que dans le reportage diffusé le 13 mai 2024 sur BFM TV, un cadre des « Remparts » interviewé par un journaliste fait également la promotion de l'auto-défense ;
Considérant, en cinquième lieu, que les militants des « Remparts », identifiés comme tels sur leurs réseaux sociaux et dont les publications sont connues et régulièrement approuvées par les comptes des « Remparts », diffusent également une idéologie xénophobe et islamophobe, revendiquant la haine et la violence à l'encontre de personnes prétendument issues de l'immigration ou musulmanes sans aucune modération du groupement ; qu'ainsi un internaute se présentant comme membre des « Remparts » a, dans un message publié sur son compte X le 17 décembre 2021, assimilé l'insécurité aux migrants puis, dans un message publié le 21 décembre 2021, assimilé les étrangers à des agresseurs sexuels dans les transports en commun et à des voleurs, et, dans une publication du 29 septembre 2023, établi un lien direct entre l'invasion des punaises de lit et l'immigration ; que par ailleurs, un autre internaute se présentant également comme membre des « Remparts » a republié une photographie sur son compte X le 18 octobre 2022 puis, le 20 mai 2023, un message des « Remparts », assimilant l'immigration et l'insécurité et a relayé un message publié sur X le 14 septembre 2023 par M. E, alors ex-porte-parle des « Remparts », assimilant les migrants à des « futurs faits-divers » ; que toutes ces publications ont été approuvées par le groupement « Les Remparts » qui doit être regardé comme les cautionnant ;
Considérant en sixième lieu que, loin de se limiter à des propos et à des entraînements, les provocations à la violence du groupement ont été suivies d'effet ; qu'ainsi, le 11 novembre 2023, une quarantaine de militants d'ultra droite cagoulés et armés de barres de fer, parmi lequels des membres des « Remparts », ont attaqué un local associatif lyonnais où se tenait une conférence sur la Palestine, faisant ainsi sept blessés dont trois graves ; que cette attaque témoigne du climat de violence à Lyon notamment alimenté par le discours des « Remparts » ; que, répondant notamment à l'appel du groupement, le 25 novembre 2023, 60 à 80 militants d'ultra-droite se sont rassemblésà Romans-sur-Isère (26) afin d'y mener une expédition punitive suite à la mort d'un jeune homme à Crépol (26) ; que le lendemain, une nouvelle expédition punitive a été menée dans cette ville, au cours de laquelle deux militants des « Remparts » ont été contrôlés ; que le 6 février 2024, M. E, ex-porte-parole des « Remparts » mais toujours membre du groupement, a été condamné pour des faits de violences aggravées ainsi que port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D à seize mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve, après une agression raciste au couteau qui s'est produite le 1er février 2024 à Lyon ;
Considérant d'autre part, que le groupement « Les Remparts » promeut un discours homophobe et anti-LGBT, assimilant homosexualité et identité de genre à de la « décadence » ; qu'ainsi, le 11 juin 2022, une publication sur le compte X des « Remparts » a relayé une action militante consistant à dégrader le mobilier urbain, sur le parcours de la Gay pride ; que cette publication a donné lieu à un commentaire discriminant et non modéré, le 12 juin 2022 ; que dans un reportage intitulé « L'infiltré, au cœur de l'utra-droite », diffusé le 13 mai 2024 sur BFM TV, des membres du groupement ont comparé les personnes appartenant à la communauté LGBT à une « nouvelle espèce » ;
Considérant, enfin, que le groupement « les Remparts » fédère en son sein l'activité des associations « La Traboule » et « L'Agogé » qui, comme c'était le cas pour « Génération identitaire », lui servent de locaux pour la première et de centre d'entrainement à la boxe et à l'auto-défense de ses membres, pour la seconde ; que le groupement « Les Remparts », qui présentent les trois structures comme « un complexe communautaire, culturel et sportif » assure sur ses réseaux sociaux la promotion de l'ensemble des entités, en communiquant également au nom trois entités et en faisant figurer leur logo sur ses publications, créant ainsi délibérément un amalgame ; que, dans un message publié sur leur page Instagram le 18 février 2022, répondant à une menace de fermeture des salles de « La Traboule » et de « L'Agogé », le groupement s'insurge en défendant « ses locaux » ; que d'ailleurs, les évènements organisés par le groupement ont systématiquement lieu dans les locaux de « La Traboule » avec communication sur le calendrier des cours de boxe au sein de « L'Agogé » ; que les membres de chacune de ces structures se retrouvent également dans les autres, à différents titres ; que par suite, il apparait que « La Traboule », « L'Agogé » et « Les Remparts » sont, par leur organisation, leur fonctionnement et leurs activités étroitement imbriquées, les deux premières associations constituant des instruments de diffusion de l'idéologie du groupement de fait « Les Remparts » et de provocation à la haine, à la discrimination et à la violence, à l'encontre des personnes des étrangers ou des personnes LGBT, à l'instar du rôle qu'elles jouaient au bénéfice de « Génération identitaire » ; que d'ailleurs, « Génération identitaire » a procédé, avant sa dissolution, à plusieurs virements au profit de l'association « La Traboule » afin de lui permettre de continuer à jouer son rôle logistique auprès du groupement naissant « Les Remparts » ;
Considérant qu'au regard de l'ensemble des agissements précités, il y a lieu de prononcer ensemble la dissolution du groupement de fait « Les Remparts », et des associations « La Traboule » et « Top Sport Rhône » sur le fondement du 6° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ;
Le conseil des ministres entendu,
Décrète :
Le groupement de fait « Les Remparts » et les associations « La Traboule » et « Top Sport Rhône » sont dissous.
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Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur et des outre-mer sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
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Fait le 26 juin 2024.
Emmanuel Macron
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Gabriel Attal
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer,
Gérald Darmanin