L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 28, 42-1, 42-2 et 42-7 ;
Vu le décret n° 2013-1196 du 19 décembre 2013 modifié relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en application de l'article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
Vu la décision n° 2003-309 du 10 juin 2003 modifiée et prorogée autorisant la société Bolloré Media, devenue Direct 8 puis C8, à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique dénommé C8 et la décision n° 2019-214 du 29 mai 2019 portant reconduction de cette autorisation ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société C8, le 29 mai 2019, concernant le service de télévision C8, notamment ses articles 2-3-4, 2-3-8, 4-2-2 et 4-2-4 ;
Vu la délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information et des programmes qui y concourent, notamment son article 1er ;
Vu la décision n° 2010-196 du 30 mars 2010 mettant en demeure la société Bolloré Média ;
Vu la décision n° 2023-678 du 26 juillet 2023 mettant en demeure la société C8 ;
Vu la décision n° 2017-532 du 26 juillet 2017 portant sanction à l'encontre de la société C8 ;
Vu la décision non publiée au Journal officiel du 18 décembre 2019 portant sanction à l'encontre de la société C8 ;
Vu la décision n° 2023-63 du 9 février 2023 portant sanction pécuniaire à l'encontre de la société C8 ;
Vu la décision n° 2023-491 du 31 mai 2023 portant sanction pécuniaire à l'encontre de la société C8 ;
Vu la décision n° 2023-677 du 26 juillet 2023 portant sanction pécuniaire à l'encontre de la société C8 ;
Vu les éléments de visionnage de l'émission « PAF avec Baba » diffusée le 12 septembre 2023 sur le service de télévision C8 et le compte-rendu y afférent, dont le collège a pris connaissance ;
Vu les éléments de visionnage de l'émission « PAF avec Baba » diffusée le 13 septembre 2023 sur le service de télévision C8, dont le collège a pris connaissance ;
Vu le courrier du 6 février 2024 du rapporteur mentionné à l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 notifiant à la société C8 la décision d'engager à son encontre une procédure de sanction et l'invitant à présenter ses observations dans le délai d'un mois ;
Vu le courriel du 15 février 2024 par lequel la société C8 a sollicité la communication des pièces du dossier, lesquelles lui ont été adressées par le directeur général adjoint de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique par courrier le 21 février 2024 ;
Vu le courriel du 25 février 2024 par lequel la société C8 a sollicité un délai supplémentaire d'un mois pour adresser ses observations dans le cadre de la procédure de sanction engagée à son encontre le 6 février 2024 et le courriel du 29 février 2024 par lequel le rapporteur mentionné à l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 lui a accordé un délai supplémentaire jusqu'au 21 mars 2024 ;
Vu les observations de la société C8 communiquées par courriel du 21 mars 2024 ;
Vu le rapport établi par le rapporteur et communiqué à la société C8, ses conseils, ainsi qu'au président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique par courriers du 10 avril 2024 ;
Vu la décision du 2 mai 2024 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a décidé de ne pas faire usage de la faculté qu'elle tient du 6° de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 ;
Vu le courriel du 16 mai 2024 par lequel la société C8 a décliné la possibilité de rendre publique l'audition du 22 mai 2024 devant l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, en réponse au courrier de cette dernière en date du 3 mai 2024 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Lors de la séance du 22 mai 2024, l'Autorité a entendu le rapporteur ainsi que M. Gérald Brice Viret, directeur général de Canal+ France en charge des antennes et des programmes, Mme Laetitia Menase, secrétaire générale du groupe Canal +, M. Christophe Roy, directeur des affaires réglementaires et concurrence du groupe Canal +, M. Franck Appietto, directeur général de C8, Me Emmanuel Glaser et M. Marius Fraud, collaborateur de Me Emmanuel Glaser.
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En premier lieu, en vertu de l'article 4-2-2 de la convention du 29 mai 2019 susvisée : « Si l'éditeur ne se conforme pas à une mise en demeure, [l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] peut, dans les conditions prévues à l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, prononcer contre l'éditeur une des sanctions suivantes : 1° une sanction pécuniaire, dans les conditions prévues à l'article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ; […]. ». L'article 4-2-4 de la même convention prévoit que : « Les pénalités contractuelles mentionnées aux articles 4-2-2 et 4-2-3 sont prononcées par [l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique] dans le respect des garanties fixées par les articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. ». L'article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée dispose que : « Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. »
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2-3-4 de la convention du 29 mai 2019 précitée, l'éditeur « respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, à son image, à son honneur et à sa réputation tels qu'ils sont définis par la loi et la jurisprudence. »
3. En troisième lieu, par une décision du 30 mars 2010, la société Bolloré Média, devenue D8 puis C8, a été mise en demeure de respecter à l'avenir, notamment, les stipulations de l'article 2-3-4 de la convention du 10 juin 2003 relatives aux droits de la personne [aujourd'hui article 2-3-4 de la convention du 29 mai 2019 précitée].
4. En dernier lieu, par les décisions susvisées du 26 juillet 2017, 18 décembre 2019, 9 février 2023, 31 mai 2023 et 26 juillet 2023, la société C8 a été sanctionnée à raison notamment de manquements aux stipulations de l'article 2-3-4 de sa convention du 10 juin 2003, puis de celle du 29 mai 2019 précitée.
Sur l'émission « PAF avec Baba » du 12 septembre 2023 :
En ce qui concerne l'obligation de respect des droits de la personne :
5. Il ressort du compte rendu de visionnage de l'émission « PAF avec Baba », diffusée sur C8 le 12 septembre 2023, qu'un sujet a été consacré à la xylazine, surnommée « drogue du zombie ». Le présentateur de l'émission a introduit ce sujet en ces termes : « Pour le moment je vais vous parler de la "drogue du zombie". Deux vidéos ont fait récemment le buzz […] où l'on voit plusieurs personnes dans les rues de Rouen, pleine France, se comporter comme des zombies. Ils auraient, selon les auteurs de la vidéo, consommé du xylazine, du xylazine une drogue qui donne des allures de zombie […] ». Des images de personnes, prétendument sous l'emprise de cette drogue, ont alors été diffusées à plusieurs reprises. Dans l'une des vidéos diffusées, une personne apparait de face sans qu'un procédé technique destiné à la rendre non-identifiable soit mis en place et une autre personne apparait de dos.
6. Or les deux personnes présentes dans la vidéo mentionnée au point 5 sont en situation de handicap et les manifestations de ce handicap ont été présentées à l'antenne comme résultant de la consommation d'une drogue. Ces personnes ont, par ailleurs, été reconnues par des commerçants et des proches, du fait notamment de la mention de la ville de Rouen et de l'absence de recours à un procédé technique d'anonymisation.
7. Ces faits sont de nature à porter atteinte aux droits de ces personnes au respect de leur vie privée, de leur image, de leur honneur et de leur réputation. Cette séquence caractérise ainsi un manquement de l'éditeur aux stipulations de l'article 2-3-4 de sa convention précitée, nonobstant la diffusion par l'éditeur d'un rectificatif dans l'émission du lendemain.
Sur la sanction prononcée :
8. Au regard, d'une part, de la nature et de la gravité du manquement commis mentionné aux points 5 à 7, tout particulièrement en ce qu'ils visent des personnes en situation de particulière vulnérabilité, et, d'autre part, des précédentes sanctions mentionnées au point 4 déjà prononcées pour des violations antérieures de cette même obligation, il y a lieu de prononcer une sanction de 50 000 euros à l'encontre de la société C8.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder également à la publication de la présente décision au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l'Autorité.
Après en avoir délibéré,
Décide :