JORF n°0162 du 14 juillet 2011

(DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-SAVOIE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 mai 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346994 du 12 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département de la Haute-Savoie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 313-5 du code de l'éducation.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean Barthélemy, Olivier Matuchansky et Claire Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 juin 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean Barthélemy, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

  1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-5 du code de l'éducation : « Les centres publics d'orientation scolaire et professionnelle peuvent être transformés en services d'État. Lorsqu'il est procédé à la transformation de ces centres, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de ceux-ci, précédemment à la charge du département ou de la commune à la demande desquels ils ont été constitués, sont prises en charge par l'Etat.
    « Cette mesure ne peut entraîner de changement dans l'affectation, au centre transformé, de locaux n'appartenant pas à l'Etat. L'usage de ces locaux par le service nouveau donne lieu à versement d'un loyer » ;
  2. Considérant que le département requérant fait valoir que ces dispositions contraignent les collectivités territoriales à financer les dépenses de fonctionnement et d'investissement relatives aux centres d'information et d'orientation qui ont été créés à leur demande, tant que ceux-ci n'ont pas été, soit transformés en service d'Etat, soit supprimés, alors que la création, la gestion et la suppression de ces centres relèvent de la compétence de l'Etat ; qu'ainsi elles méconnaîtraient tant le principe de la libre administration des collectivités territoriales que celui de la libre disposition de leurs ressources ;
  3. Considérant que si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 et du premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait dans les conditions prévues par la loi ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ;
  4. Considérant que si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, c'est à la condition notamment que celles-ci concourent à une fin d'intérêt général ;
  5. Considérant, d'une part, que, selon l'article L. 313-1 du code de l'éducation, « le droit au conseil en orientation et à l'information sur les enseignements, sur l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée dans les conditions définies à l'article L. 6211-1 du code du travail, sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels fait partie du droit à l'éducation » ; que ce même article prévoit que les collectivités territoriales contribuent à l'élaboration par les élèves de « leur projet d'orientation scolaire et professionnelle avec l'aide des parents, des enseignants, des personnels d'orientation et des autres professionnels compétents » ; qu'ainsi la contribution d'une collectivité territoriale au financement d'un centre public d'information et d'orientation répond à une fin d'intérêt général ;
  6. Considérant, d'autre part, que l'article L. 313-4 du code de l'éducation impose l'organisation d'un centre public d'orientation scolaire et professionnelle dans chaque département ; qu'en dehors de cette exigence légale un ou plusieurs centres supplémentaires peuvent être créés par l'Etat à la demande d'une collectivité territoriale ; que, si cette collectivité demande à ne plus assumer la charge correspondant à l'entretien d'un centre supplémentaire dont l'Etat n'a pas décidé la transformation en service d'Etat, l'article L. 313-5 a pour conséquence nécessaire d'obliger la collectivité et l'Etat à organiser sa fermeture ;
  7. Considérant qu'il s'ensuit que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les articles 72 et 72-2 de la Constitution ; qu'elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
    Décide :

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Version 1

(DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-SAVOIE)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 mai 2011 par le Conseil d'Etat (décision n° 346994 du 12 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département de la Haute-Savoie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 313-5 du code de l'éducation.

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean Barthélemy, Olivier Matuchansky et Claire Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juin 2011 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 juin 2011 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Jean Barthélemy, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-5 du code de l'éducation : « Les centres publics d'orientation scolaire et professionnelle peuvent être transformés en services d'État. Lorsqu'il est procédé à la transformation de ces centres, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de ceux-ci, précédemment à la charge du département ou de la commune à la demande desquels ils ont été constitués, sont prises en charge par l'Etat.

« Cette mesure ne peut entraîner de changement dans l'affectation, au centre transformé, de locaux n'appartenant pas à l'Etat. L'usage de ces locaux par le service nouveau donne lieu à versement d'un loyer » ;

2. Considérant que le département requérant fait valoir que ces dispositions contraignent les collectivités territoriales à financer les dépenses de fonctionnement et d'investissement relatives aux centres d'information et d'orientation qui ont été créés à leur demande, tant que ceux-ci n'ont pas été, soit transformés en service d'Etat, soit supprimés, alors que la création, la gestion et la suppression de ces centres relèvent de la compétence de l'Etat ; qu'ainsi elles méconnaîtraient tant le principe de la libre administration des collectivités territoriales que celui de la libre disposition de leurs ressources ;

3. Considérant que si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 et du premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait dans les conditions prévues par la loi ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ;

4. Considérant que si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, c'est à la condition notamment que celles-ci concourent à une fin d'intérêt général ;

5. Considérant, d'une part, que, selon l'article L. 313-1 du code de l'éducation, « le droit au conseil en orientation et à l'information sur les enseignements, sur l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée dans les conditions définies à l'article L. 6211-1 du code du travail, sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels fait partie du droit à l'éducation » ; que ce même article prévoit que les collectivités territoriales contribuent à l'élaboration par les élèves de « leur projet d'orientation scolaire et professionnelle avec l'aide des parents, des enseignants, des personnels d'orientation et des autres professionnels compétents » ; qu'ainsi la contribution d'une collectivité territoriale au financement d'un centre public d'information et d'orientation répond à une fin d'intérêt général ;

6. Considérant, d'autre part, que l'article L. 313-4 du code de l'éducation impose l'organisation d'un centre public d'orientation scolaire et professionnelle dans chaque département ; qu'en dehors de cette exigence légale un ou plusieurs centres supplémentaires peuvent être créés par l'Etat à la demande d'une collectivité territoriale ; que, si cette collectivité demande à ne plus assumer la charge correspondant à l'entretien d'un centre supplémentaire dont l'Etat n'a pas décidé la transformation en service d'Etat, l'article L. 313-5 a pour conséquence nécessaire d'obliger la collectivité et l'Etat à organiser sa fermeture ;

7. Considérant qu'il s'ensuit que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les articles 72 et 72-2 de la Constitution ; qu'elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

Décide :