I. - Cadre juridique
Le cadre légal et réglementaire en vigueur impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateurs disposant d'une influence significative et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés.
Conformément à ce dispositif réglementaire, et par les décisions n° 2006-0161 et n° 2009-0484 susvisées, l'Autorité a considéré que la société TDF exerce une influence significative sur le marché de gros de la diffusion hertzienne terrestre de télévision, et lui a notamment imposé un contrôle tarifaire.
Lorsqu'elle impose une obligation d'orientation vers les coûts, l'Autorité doit veiller « à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », aux termes de l'article D. 311 du CPCE.
Cette notion de rémunération raisonnable se traduit à travers la détermination par l'Autorité du taux de rémunération du capital, comme le précise l'article D. 312 :
« L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »
La présente décision constitue le second exercice de fixation du taux de rémunération du capital applicable aux activités régulées du secteur de la diffusion hertzienne terrestre de télévision (ci-après également « télédiffusion »).
II. - Décisions antérieures
Pour les années 2008 et 2009, l'Autorité avait fixé dans sa décision n° 2008-0164 susvisée le taux de rémunération du capital employé à 12,1 % pour les coûts et les tarifs des activités régulées.
III. - Méthode employée par l'Autorité
La détermination du taux de rémunération du capital des activités de télédiffusion partage le même cadre conceptuel que la détermination du taux de rémunération du capital des activités fixe et mobile, qui repose sur le calcul du coût moyen pondéré du capital et sur le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF).
Pour la mise en œuvre de cette méthode, l'Autorité a depuis plusieurs années recours à des expertises extérieures, notamment des cabinets spécialisés en finance.
Par ailleurs, l'Autorité a mené une consultation publique (3 décembre 2007-11 janvier 2008) portant sur le taux de rémunération du capital des activités fixe, mobile et télédiffusion, dont il ressort un consensus sur la méthode.
Il est apparu depuis quelques années que plusieurs paramètres utilisés par l'Autorité dans la méthode de détermination du taux de rémunération du capital étaient soumis à certaines contingences, peu compatibles avec l'évaluation de coûts d'investissements engagés sur un horizon de long terme.
Concernant plus particulièrement l'appréciation du risque tel qu'il est utilisé dans le MEDAF, il est apparu en 2002 que la très forte augmentation de la volatilité boursière, et en particulier des titres « télécoms », rendait difficile son évaluation en se fondant uniquement sur des données de marché, qui peuvent être affectées par des comportements spéculatifs ou des événements conjoncturels.
L'Autorité considère donc qu'une approche de long terme est souhaitable pour le secteur de la télédiffusion, conformément à la pratique établie pour le secteur fixe et le secteur mobile depuis 2003.
Si la méthode de détermination du coût du capital s'applique aux activités de télédiffusion, il est nécessaire de tenir compte des spécificités de ces activités par rapport aux activités fixe et mobile, dans l'évaluation de certains paramètres.
IV. - Evaluation du taux pour les années 2010 et 2011
Le coût du capital est calculé comme une moyenne pondérée entre :
― le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires de l'entreprise pour l'activité considérée ;
― le coût de la dette de l'opérateur.
Cette pondération est basée sur une structure d'endettement cible.
Conformément à la position commune du GRE susvisée et aux décisions antérieures de l'Autorité, le coût des capitaux propres est évalué, selon le MEDAF, par la formule :
ke = Rf + (Rm ― Rf)
et nécessite l'établissement de différents paramètres.
L'hypothèse d'inflation retenue pour 2010 et 2011
Les valeurs des paramètres ainsi que le taux de rémunération du capital figurant dans la présente décision sont exprimés en termes nominaux. L'inflation sous-jacente retenue par l'Autorité pour les années 2010 et 2011 est cohérente avec la prévision réalisée par la Banque centrale européenne (à horizon de cinq ans dans la zone euro), soit 1,8 %.
La prise en compte des perturbations financières actuelles
L'approche retenue par l'Autorité pour la fixation du taux de rémunération du capital conduit à adopter pour certains paramètres des valeurs cibles ou de long terme. Néanmoins, pour la fixation du taux pour les années 2010 et 2011, l'Autorité s'est interrogée sur une éventuelle remise en cause de ces valeurs cibles ou de long terme liée aux perturbations actuelles des marchés financiers engendrées par la crise dite des « subprimes ».
Le taux de rémunération du capital s'applique aux activités régulées, qui présentent un caractère particulier par rapport au reste de l'activité des opérateurs concernés. Ces derniers disposent sur les activités régulées d'un pouvoir de marché significatif, qui atténue le risque lié à ces activités. La seule observation des données de marché, qui ne portent pas de manière spécifique sur les activités régulées, ne saurait donc suffire.
Afin de prendre en compte les perturbations actuelles des marchés financiers dans ses raisonnements, l'Autorité a estimé les données de marché dans deux contextes : le premier correspondant à la période « actuelle » (depuis la crise financière), le second correspondant à ce qui aurait été observé en l'absence de crise. L'impact de la crise financière sur la valeur observée des paramètres est contrasté. Les études semblent montrer que le goût renforcé des investisseurs pour les actifs peu risqués se traduit par la hausse de la valeur de certains paramètres (prime de dette, prime de marché) et par la baisse de la valeur d'autres paramètres (taux sans risque, risque spécifique des activités considérées comme stables par le marché, ce qui a pu être observé pour le secteur des communications électroniques). Ces effets se compensent en grande partie et le taux de rémunération du capital apparaît finalement comme peu sensible à la crise financière.
Dans la recherche d'une approche équilibrée, l'Autorité a pris en compte les données estimées dans les deux contextes pour évaluer les paramètres qui déterminent le taux de rémunération du capital, et a considéré que les conditions actuelles liées à la crise ne perdureraient pas au-delà de la fin du premier semestre 2010.
Par ailleurs, l'Autorité a tenu compte des conditions de financement plus resserrées rencontrées par les opérateurs au cours de la période 2008-2009.
La structure d'endettement cible
L'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 un ratio de dettes sur fonds propres de 30 % lié à l'activité d'opérateur de télédiffusion, qui correspond à la valeur cible adoptée par l'Autorité pour les années 2008 et 2009. Ce niveau d'endettement n'a pas suscité de commentaires de la part des acteurs concernés.
La mesure du coût des capitaux propres
Le taux sans risque (Rf) : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 un taux sans risque de 4,0 %. La valeur du taux sans risque choisie par l'Autorité a été fixée en référence à celle des obligations assimilables du Trésor (indice TEC à dix ans).
La valeur retenue par l'Autorité pour 2010 et 2011 est inférieure à celle adoptée pour 2008 et 2009 (4,3 %). Elle est supérieure à la valeur la plus récente du taux sans risque (3,6 % au 20 novembre 2009), dont le niveau reflète le caractère de valeur « refuge » des obligations d'Etat, et apparaît ainsi comme un élément conjoncturel peu cohérent avec une approche de long terme et ne semble pas pouvoir être retenue pour l'ensemble de la période 2010-2011. Elle apparaît également comme une valeur intermédiaire par rapport aux positions exprimées par les acteurs.
La prime de marché (Rm ― Rf) : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 une prime de marché de 5,0 %, cohérente avec les décisions passées dans lesquelles cette donnée était une valeur cible. Par ailleurs, les différentes réponses à la consultation publique ne semblent pas devoir justifier une remise en cause de cette valeur.
Le risque spécifique de l'investissement (bêta) lié à l'activité de télédiffusion : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 un bêta de 1, qui, comme dans les décisions précédentes, est une valeur cible. Les différentes réponses à la consultation publique ne semblent pas devoir justifier une remise en cause de cette valeur.
Le coût des fonds propres avant impôt ainsi calculé est de 13,7 %.
La mesure du coût de la dette
Le coût de la dette correspond au taux sans risque, auquel s'ajoute une prime de risque de la dette de l'entreprise.
La prime de dette (Rd) : l'Autorité retient pour les années 2010 et 2011 une prime de dette de 1,1 %, analogue à celle retenue pour le secteur mobile, et inférieure à celle retenue pour le secteur fixe (1,3 %), compte tenu de la structure d'endettement plus risquée retenue pour le secteur fixe.
La valeur retenue pour 2010 et 2011 est supérieure à celle adoptée pour 2008 et 2009 (1 %), ce qui rend compte, dans une certaine mesure, des conditions de financement plus « resserrées » rencontrées par les acteurs, à la fois au cours des années 2008-2009 et pour la période 2010-2011.
Par ailleurs, les valeurs retenues par l'Autorité pour le calcul de la prime de dette sur la période 2010-2011, notamment pour les conditions actuelles liées à la crise, sont cohérentes avec les valeurs proposées par les opérateurs dans leurs réponses à la consultation publique.
Le coût de la dette avant impôt a ainsi été évalué à 5,1 % pour les années 2010 et 2011.
V. - Taux de rémunération du capital
Le coût du capital s'établit à la moyenne pondérée du coût de la dette et du coût des capitaux propres, soit 11,7 %.
La différence entre le niveau de ce taux et celui établi par la décision n° 2008-0164 susvisée relative aux années 2008 et 2009 résulte de la baisse du taux sans risque.
VI. - Champ d'application de la décision
Dans la décision n° 2006-0161 susvisée, l'Autorité avait imposé à TDF, dans le cadre de son obligation de comptabilisation et de séparation comptable, de mettre en place un système de comptabilisation au sein duquel il était tenu de valoriser ses actifs selon la méthode réglementaire définie et en s'appuyant sur le taux de rémunération du capital déterminé par elle-même. Toutefois, l'Autorité n'avait pas imposé à TDF de pratiquer des tarifs reflétant les coûts ; le taux de rémunération du capital déterminé dans la décision n° 2008-0164 n'avait donc pas d'influence directe sur les tarifs pratiqués par le diffuseur historique sur le marché régulé.
La décision n° 2009-0484 impose en revanche à TDF de pratiquer, sur les sites non réplicables, des tarifs reflétant les coûts correspondants. Le taux de rémunération du capital a donc désormais une influence directe sur les tarifs pratiqués par TDF pour les sites non réplicables.
Décide :
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