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Décision du Comité de Règlement des Différends et des Sanctions (CoRDiS)
Le comité de règlement des différends et des sanctions (le « comité » ou le « CoRDiS ») est saisi par le syndicat des copropriétaires du […] des faits suivants.
Par un courrier du 14 avril 2017, le cabinet Hera Immobilier (le « syndic »), représentant le syndicat des copropriétaires du […] (le « syndicat des copropriétaires »), a indiqué à la société Enedis avoir été informé de son refus de raccorder à la colonne montante de l'immeuble un local appartenant aux époux D., copropriétaires au sein de l'immeuble sis au […], au motif que celle-ci serait non-conforme. Par ce courrier, le syndic a demandé à la société Enedis de procéder à ce raccordement au motif que la colonne montante électrique est présumée appartenir au réseau public de distribution d'électricité et qu'ainsi, dans l'hypothèse où la rénovation de la colonne montante est un préalable nécessaire au raccordement des époux D., il revient à la société Enedis de prendre en charge la rénovation de cette colonne montante.
Par un courrier du 5 mars 2019, la société Enedis a indiqué au syndic que, si la colonne montante électrique du […] fait effectivement partie du réseau public de distribution d'électricité, il n'était cependant pas prévu de la rénover prochainement et que le syndicat de copropriété peut engager, à ses frais, l'opération.
Par un courrier du 6 avril 2019, les époux D. ont renouvelé leur demande de raccordement direct de leur local à la colonne montante de l'immeuble auprès de la société Enedis.
Le 30 décembre 2020, le syndic a mis en demeure la société Enedis de réaliser sans délai et à ses frais la rénovation complète de cette colonne, en indiquant notamment qu'il résulte des expertises réalisées en 2017, d'une part, que cette colonne comporte des distributeurs d'étage métalliques type « Pascarel » et que les câbles allant du sous-sol au 8e étage sont isolés par du tissu et placés sous des baguettes en bois, selon des techniques que le syndic estime « aujourd'hui totalement obsolètes et potentiellement dangereuses » et, d'autre part, que cette colonne est désormais sous contrainte et ne peut plus faire face à de nouveaux appels de puissance.
Par un courrier du 26 mars 2021, la société Enedis a confirmé n'avoir pas prévu de rénover la colonne montante dans l'immédiat et qu'il lui revient, en tant que gestionnaire de réseau, d'évaluer l'opportunité de réaliser des travaux.
C'est dans ces conditions que le syndicat des copropriétaires du […] a saisi, par l'intermédiaire de son syndic, le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend.
Vu la procédure suivante :
Par une saisine et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juillet et 22 novembre 2024 sous le numéro 14-38-24, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic et ayant pour avocat Me Blairon, Cabinet LEXIE AVOCATS AARPI, demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
- d'enjoindre à la société Enedis de mettre à niveau la colonne montante à sa charge et dans les plus brefs délais au vu des dangers qu'elle représente ;
- d'enjoindre à la société Enedis de raccorder le local des époux D. à la colonne montante ainsi mise à niveau, sans aucune charge relative à la mise à niveau de la colonne montante, afin de mettre fin au préjudice qui continue à être subi par le syndicat des copropriétaires et par les époux D.
Le syndicat des copropriétaires soutient que :
- si la société Enedis prétend que le syndicat des copropriétaires ne serait pas « utilisateur » au sens de l'article L 134-19 du code de l'énergie qui délimite sa compétence matérielle, la demande de règlement de différend dont est saisi le comité est relative à la mise en sécurité immédiate d'installations électriques dangereuses relevant du réseau public de distribution d'électricité géré par la société Enedis ;
- le syndicat des copropriétaires est directement concerné par le refus de la société Enedis de procéder à la rénovation de la colonne montante et par le litige dont est saisi le CoRDiS, dès lors :
- que cette colonne montante électrique dessert tout l'immeuble, parties privatives et parties communes ;
- que la société Enedis prétend que le coût de cette rénovation doit être supporté par le syndicat des copropriétaires :
- que la dérivation individuelle de l'ancienne loge vers les canalisations électriques collectives verticales de l'immeuble fait bien partie de la colonne montante appartenant au réseau électrique public ;
- que le local des époux D. ne peut pas faire l'objet d'une refacturation de l'électricité consommée ;
- contrairement à ce que soutient la société Enedis, aucune disposition n'impose que la cristallisation du différend, préalable à la saisine du CoRDiS, soit subordonnée à l'accomplissement par le demandeur d'une formalité telle que la transmission au gestionnaire du réseau d'une demande ; que, pour le renouvellement de la colonne montante pour vétusté et dangerosité, plusieurs demandes ont été adressées par le syndicat des copropriétaires ; que, concernant le raccordement du local en cause, les époux D. ont également fait plusieurs demandes, que la société Enedis classe à chaque fois sans y faire droit ;
- les ouvrages vétustes et très anciens de la colonne montante de l'immeuble datant de 1906 appartiennent sans aucune discussion au réseau public, depuis bien avant 2016 et la cession de l'ancienne loge aux époux D. ; que si la société Enedis a initialement contesté sa qualité de propriétaire des colonnes montantes électriques, elle a finalement reconnu, par courrier du 5 mars 2019, qu'après recherche dans sa base patrimoniale il s'avérait que cet ouvrage électrique était bien sous concession de la ville de Paris, ayant pour conséquence que son entretien et son renouvellement incombent à la société Enedis ;
- en 2017 et 2018, deux expertises diligentées par Enedis ont mis en évidence la vétusté de la colonne et les dangers qu'elle peut présenter pour les personnes et les biens ; le risque d'incendie est très élevé, alors qu'un incendie s'est déjà produit dans l'immeuble ; que la société Enedis précise elle-même en page 11 de son mémoire que « constitue un enjeu de sécurité les colonnes en tube, enveloppe bois, encastrées fonte ou équivalent » ;
- d'octobre 2020 jusqu'à ce jour, la société Enedis conditionne l'installation d'un compteur individuel supplémentaire à la mise aux normes de la colonne montante, sans pour autant procéder à sa rénovation, se réservant d'évaluer l'opportunité de réaliser ces travaux au regard de l'urgence et de la sécurité et en confirmant que la mise aux normes de la colonne montante n'était actuellement pas programmée malgré sa vétusté et sa reconnaissance des dangers qu'elle représente ;
- dans un courrier électronique du 26 février 2020 adressé aux époux D., la société Enedis mentionne, alors pourtant qu'il est clair que la mise en conformité de la colonne montante lui incombe, que les époux D. peuvent entreprendre de leur propre initiative les travaux nécessaires au renforcement de la colonne montante électrique, en prenant à leur charge les coûts afférents estimés en date du 26 février 2020 entre 10 000 € et 15 000 € et qu'il est également possible de faire intervenir la société Enedis pour effectuer ces travaux, laquelle prendra alors en charge une réfaction de 40 % du montant facturé des travaux, correspondant à la part du coût des travaux de raccordement couverte par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, les 60 % restants des coûts restant à la charge des propriétaires de l'immeuble ;
- que l'article L.322-8 du code de l'énergie fait obligation au gestionnaire du réseau d'assurer, comme pour tout élément du réseau public, l'entretien et la maintenance de ces colonnes, l'article R. 323-33 du même code ajoutant que leur exploitation doit être assurée « dans des conditions garantissant leur bon fonctionnement, leur performance et leur sécurité », que la mise en œuvre des travaux sur la colonne montante relève ainsi désormais de la responsabilité d'Enedis, dans le cadre du respect de ses obligations de sécurité ;
- d'octobre 2020 jusqu'à ce jour, la société Enedis conditionne l'installation d'un compteur individuel supplémentaire à la mise aux normes de la colonne montante, sans pour autant procéder à sa rénovation et sans justifier par aucun texte réglementaire l'absence d'habilitation de ses agents à intervenir sur cette colonne montante au motif qu'elle n'est pas conforme à la norme NF C 14-100, alors que, par ailleurs, ce moyen apparait totalement contradictoire avec la pose en 2018 des nouveaux compteurs « Linky » ;
- la société Enedis prétend que le branchement individuel de la colonne montante électrique relié au local des époux D. doit nécessairement être conforme à la norme NF C 14-100 alors que cette norme n'est qu'une norme de référence et n'est pas obligatoire ;
- l'ancienne loge est actuellement alimentée en électricité et la pose d'un nouveau compteur individuel n'aurait, donc, aucune incidence sur la puissance supportée par la colonne électrique, dans la mesure où le local est déjà raccordé depuis l'origine à la colonne montante et qu'il n'y aurait donc aucun ajout de puissance, contrairement à ce qu'allègue la société Enedis sans le démontrer ;
- la société Enedis est tenue d'effectuer le raccordement du local des copropriétaires du local considéré, dans la mesure où ce raccordement resterait limité à 3 kVA et n'impliquerait pas la mise en œuvre d'un nouveau point de livraison (ci-après « PDL ») ainsi qu'en atteste le rapport du 10 février 2017 d'un consultant ; qu'ainsi, la société Enedis n'aurait ni à installer un nouveau PDL, ni à procéder à une augmentation de puissance ;
- il ne peut y avoir de fraude concernant le raccordement actuel du local, alors que la situation résulte du refus de la société Enedis de mettre en service un compteur individuel pour le local des époux D.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 3 octobre et 26 novembre 2024, la société Enedis, représentée par ses représentants légaux et ayant pour avocat Mes Trécourt et Flora, Cabinet Trécourt, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, de :
- déclarer les demandes du cabinet Hera Immobilier irrecevables ;
- subsidiairement, se déclarer incompétent pour connaître de la demande des époux D. ;
- en tous cas, débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes.
La société Enedis fait valoir que :
- la demande présentée devant le CoRDiS est irrecevable dès lors que ni le syndic ni le syndicat des copropriétaires n'ont la qualité pour représenter les intérêts individuels d'un copropriétaire ; qu'en l'espèce, ni le syndic ni le syndicat des copropriétaires, qui sont des tiers par rapport aux époux D., ne disposent d'un mandat qui les autoriserait à représenter ces derniers dans le cadre de la présente instance et à demander le raccordement de ces derniers au réseau public de distribution d'électricité ;
- le CoRDiS est incompétent pour statuer sur la demande présentée par le syndic Hera Immobilier puisqu'à ce jour, la société Enedis n'est saisie d'aucune demande de raccordement et que le CoRDiS ne peut donc être saisi d'aucun litige relatif à l'accès au réseau ; qu'il n'existe donc actuellement aucun différend portant sur l'accès au réseau ou sur son utilisation, ou de désaccord se rapportant au contrat auquel l'article L. 134-19 du code de l'énergie fait référence ;
- la situation de la colonne ne nécessite pas son renouvellement, comme en atteste le contrôle effectué le 28 décembre 2020 qui n'a pas relevé de situation dangereuse ;
- si le syndicat des copropriétaires met en avant l'existence de câbles placés sous des baguettes en bois et de gainage sous tissu et qu'il est constant que ces équipements ne correspondent pas à une technologie contemporaine et au référentiel normatif actuel, il n'est pas pour autant attesté que ces équipements présentent un défaut de sécurité ou soient de nature à engager la sécurité des personnes et des biens ;
- en l'état du droit positif, l'appréciation de la conformité à une norme doit être vérifiée par rapport à la version de la norme en vigueur au jour de la construction de la colonne montante ; qu'il n'existe aucune obligation de mise en conformité d'une installation ancienne aux normes nouvelle ; que l'autorité de la norme ancienne ne cesse pas une fois la construction achevée et que cette norme continue à s'imposer au-delà, notamment dans le cadre des opérations d'exploitation et d'entretien, sans qu'on puisse opposer à l'installation l'occurrence de nouvelles normes, et nonobstant le fait que le matériel installé soit d'ancienne génération ; qu'en conséquence, il ne pèse sur la société Enedis aucune obligation de renouvellement de la colonne litigieuse ou de certains de ses éléments, dès lors qu'elle s'est assurée du fait que la colonne litigieuse dans son ensemble était fonctionnelle et ne présentait aucun danger ;
- pour le cas où les époux D. présenteraient une demande de raccordement recevable sur le portail de raccordement, la société Enedis serait très probablement dans l'obligation de rénover la colonne montante à ses frais ; que néanmoins, si la copropriété feint de ne pas comprendre l'enjeu technique que représenterait une demande de raccordement et avance que le local est d'ores et déjà alimenté et utilisé à seule fin de cabinet de psychothérapie et que sa faible dimension n'emporterait pas augmentation du besoin de puissance, cette analyse est éminemment contestable, au regard notamment des prescriptions Guide SEQUELEC référencé GP 11, qui oblige à un dimensionnement des dérivations individuelles au regard d'un courant assigné de 45 ampères ;
- la copropriété doit prendre en charge les conséquences des modifications qu'elle jugerait bon d'apporter à l'alimentation électrique de l'immeuble ; que si le concessionnaire n'est pas dans l'obligation de procéder en l'état au renouvellement de la colonne, il reste loisible à la copropriété de prendre l'initiative de ce renouvellement sous la maîtrise d'ouvrage d'Enedis, comme cette dernière l'en a informé par courrier du 26 mars 2021.
Par une décision du 25 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 novembre 2024, à 12 heures.
Par une décision du 29 octobre 2024 faisant suite à une demande de report de la clôture de l'instruction du syndicat des copropriétaires, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été fixée au 15 novembre 2024, à 12 heures.
Par une décision du 5 novembre 2024, l'instruction a été rouverte et la clôture d'instruction a été fixée au 22 novembre 2024, à 12 heures.
Par des courriers du 13 novembre 2024, les parties ont été informées que la séance publique se tiendrait le 27 novembre 2024, à 9 h 30.
Par une décision du 22 novembre 2024 faisant suite à une demande de report de la clôture de l'instruction par la société Enedis l'instruction a été une rouverte et la clôture d'instruction fixée au 26 novembre 2024, à 12 heures.
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement de différends et des sanctions, composé de M. Tuot, président, Mme Ducloz, Mme Salomon et M. Simonel, membres, qui s'est tenue le 27 novembre 2024, en présence de :
- Mme Alexandra Bonhomme, directrice des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché ;
- M. Giafferi, rapporteur ;
- les représentants du syndicat des copropriétaires du […], assistés de Me Blairon ;
- les représentants de la société Enedis, assistés de Mes Trécourt et Flora.
Après avoir entendu :
- le rapport de M Giafferi, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Blairon pour le syndicat des copropriétaires du […] ;
- les observations de Mes Trécourt et Flora pour la société Enedis.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 25 octobre 2024 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 14-38-24.
Vu les autres pièces du dossier ;
Sur la compétence du CoRDiS :
- D'une part, il résulte des termes de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : / 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ; […] Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement. / La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties ». D'autre part, il ressort des termes du dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de l'énergie que : « Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique » et des termes de l'article L. 322-8 du même code que : « Sans préjudice des dispositions du sixième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, un gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : […] 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, le raccordement et l'accès à ces réseaux ; ».
- En l'espèce, le syndicat des copropriétaires allègue que la demande de raccordement des époux D., copropriétaires de l'immeuble, n'a pu aboutir en raison du refus de la société Enedis d'y donner suite, qui lui aurait opposé l'absence de mise aux normes de la colonne montante, sur laquelle ses agents ne pourraient dès lors pas intervenir et dont la reprise incomberait à la copropriété. Le syndicat des copropriétaires, qui estime que la colonne montante est sous concession et appartient au réseau public de distribution, demande à la société Enedis de prendre en charge sa rénovation.
- Il résulte de ce qui précède que la demande présentée devant le comité par le syndicat des copropriétaires porte, à la fois, sur l'accès au réseau de distribution d'utilisateurs du réseau public d'électricité et sur la prise en charge de la rénovation et la mise en sécurité d'installations électriques qui sont situées dans un immeuble d'habitation et qui relèvent du réseau public de distribution d'électricité géré par la société Enedis.
- En conséquence, ce différend porte sur l'accès et sur les conditions d'utilisation du réseau public de distribution d'électricité au sens des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie précédemment citées. Le CoRDiS est, dès lors, compétent pour en connaître. L'exception d'incompétence soulevée par la société Enedis ne peut, par suite, qu'être rejetée.
Sur la recevabilité des demandes : - La société Enedis soutient que le syndicat des copropriétaires n'aurait pas qualité pour représenter les intérêts individuels d'un copropriétaire et, ainsi, pour la mettre en cause en vue du raccordement de parties privatives de l'immeuble.
- D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie précédemment citées que l'utilisateur d'un réseau de distribution d'électricité peut saisir le CoRDiS d'une demande de règlement de différend qui l'oppose au gestionnaire de ce réseau, dès lors que ce différend porte sur l'accès et l'utilisation du réseau.
- D'autre part, il résulte de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis que « Le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble. » et de l'article 18 de la même loi que : « I.-Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé (…) : / d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ; (…) de représenter le syndicat dans tous les actes civils et en justice dans les cas mentionnés aux articles 15 et 16 de la présente loi (…) ».
- En l'espèce, la demande de règlement de différend est relative, d'une part, à la rénovation de la colonne montante électrique située dans les parties communes de l'immeuble et, d'autre part, au raccordement du local appartenant aux époux D. et qui est situé dans cet immeuble.
- En premier lieu, la demande relative à la rénovation de la colonne montante électrique de l'immeuble, qui concerne les parties communes de l'immeuble, est susceptible d'affecter la sauvegarde des droits afférents à cet immeuble, ce dont il résulte que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble considéré a qualité pour former cette demande.
- En second lieu, il résulte de l'instruction que le local appartenant aux époux D. est, actuellement, alimenté en électricité via le réseau qui alimente les parties communes de l'immeuble. En outre, la demande de raccordement des époux D. n'a pas abouti à la suite du refus de la société Enedis d'intervenir aux motifs, d'une part, que le raccordement du local d'habitation nécessite la rénovation de la colonne montante sur laquelle, en l'état, ses agents ne sont pas habilités à créer ou modifier une dérivation et, d'autre part, qu'aucune rénovation de cette colonne montante n'est pour l'instant programmée. C'est, donc, uniquement en raison de l'absence de rénovation de la colonne montant que la société Enedis refuse de procéder au raccordement du local des époux D. demandé par ces derniers. Dans ces circonstances particulières, le syndicat des copropriétaires, qui a intérêt à ce qu'il soit mis fin aux modalités actuelles du raccordement de ce local afin de préserver la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble, a également intérêt à ce qu'une solution de raccordement alternative soit proposée aux propriétaires de ce local, afin que la continuité de leur accès au réseau public de distribution d'électricité ne soit pas remise en cause.
- En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la société Enedis doit être rejetée.
Sur le fond : - En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'énergie : « Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ». Les dispositions de l'article L. 121-4 du même code confient aux gestionnaires de réseaux publics de distribution et aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité la mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de distribution d'électricité conformément aux dispositions des cahiers des charges de concessions ou des règlements de service des régies de distribution d'électricité. Les dispositions de l'article L. 322-8 du même code précisent, par ailleurs, qu'il incombe au gestionnaire du réseau : « 1° De définir et de mettre en œuvre les politiques d'investissement et de développement des réseaux de distribution afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs ainsi que l'interconnexion avec d'autres réseaux ; / 2° D'assurer la conception et la construction des ouvrages ainsi que la maîtrise d'œuvre des travaux relatifs à ces réseaux, en informant annuellement l'autorité organisatrice de la distribution de leur réalisation ; / (…) 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux ; / (…) 6° D'exploiter ces réseaux et d'en assurer l'entretien et la maintenance ; (…) ».
- Il résulte de ces dispositions que le gestionnaire de réseau de distribution est tenu, d'une part, d'assurer l'accès au réseau public de distribution d'électricité à tous ses utilisateurs dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires et, d'autre part, d'assurer la maintenance et l'entretien de ce réseau, particulièrement dans le cas où le défaut d'entretien des ouvrages du réseau peut avoir pour conséquence de priver un utilisateur d'accès audit réseau. Il en résulte, également, que l'appartenance des colonnes montantes électriques au réseau public de distribution d'électricité oblige le gestionnaire de ce réseau à procéder à ses frais à leur entretien et, le cas échéant, à leur rénovation, en particulier pour les colonnes montantes vétustes ou posant, plus généralement, des problèmes de sécurité ou de conformité aux normes applicables.
- En l'espèce, il ressort des échanges qui ont eu lieu au cours de la séance publique du comité que les représentants de la société Enedis, d'une part, ne contestent pas qu'il revient à cette société de prendre à sa charge la rénovation de la colonne montante et, d'autre part, qu'ils se sont engagés à ce que la société Enedis entreprenne l'ensemble des travaux nécessaires à la rénovation de la colonne montante dans un délai de six à huit mois suivant la notification de la présente décision, sous réserve de la transmission, par la copropriété, des informations nécessaires pour lancer les études préalables à la réalisation de ces travaux de rénovation.
- Les représentants du syndicat des copropriétaires se sont, quant à eux, engagés au nom de ce syndicat à déposer, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision et en respectant les modalités de dépôt que, le cas échéant, la société Enedis lui indiquera, l'ensemble des demandes et informations identifiées comme nécessaires par cette société afin d'entreprendre la rénovation de la colonne montante, préalable au raccordement du local des époux D. Les représentants du syndicat des copropriétaires se sont, également, engagés à informer les époux D. de la nécessité, pour eux, de déposer une nouvelle demande de raccordement auprès de la société Enedis afin que cette dernière soit en mesure de procéder à leur raccordement régulier au réseau public de distribution d'électricité. D'ores et déjà, les parties sont convenues de la création d'un nouveau point de livraison d'une puissance de 6 kVA, la colonne montante actuelle devant avoir la capacité d'accueillir ce nouveau point de livraison.
- Dans ces conditions, le comité, sur le fondement des engagements des parties mentionnés aux points précédents, constate qu'il n'y a pas lieu, en l'état de l'instruction, de statuer sur la demande de règlement de différend que lui a soumise le syndicat des copropriétaires du […]. Il demeure loisible à ce syndicat, s'il s'y croit fondé, de saisir à tout instant le comité d'une nouvelle demande de règlement de différend.
Décide :
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