Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi par la société à responsabilité limitée Berdes (ci-après, la « société Berdes ») des faits suivants :
La société Berdes assure une activité de promotion immobilière. Dans le cadre de son activité, et à la suite de l'obtention d'un arrêté de division parcellaire, elle a entrepris l'aménagement de 5 lots sis sur le territoire de la commune de Les Sorinières (44840), rues de la Grandmaison et de la Guérauderie.
Elle a adressé à la société Enedis, dans le cadre de cette intervention qui s'est bornée à l'aménagement desdits terrains, une demande de raccordement permettant l'installation de compteurs, lesquels appartiennent aujourd'hui à des tiers, qui en sont désormais les utilisateurs.
La société Enedis a soumis à la société Berdes une proposition de raccordement électrique n° DA27/039727/001006 en date du 18 juillet 2018. La société Berdes a signé le 19 juillet 2018 cette proposition d'un montant de 6 444,90 euros TTC, en y apposant la mention « proposition revue avant la réalisation des travaux ». Par courrier en date du 23 juillet 2018, cette proposition signée, accompagnée d'un chèque d'acompte, était adressée à la société Enedis.
Un plan de bornage a été transmis par la société Berdes à la société Enedis par courrier électronique en date du 22 octobre 2018.
Par courrier électronique en date du 14 novembre 2018, la société Enedis accusait réception du plan de bornage et transmettait à la société Berdes des photographies sur lesquelles étaient matérialisés les futurs emplacements des coffrets devant être implantés sur les 5 lots objet de la demande de raccordement. Par retour de courrier électronique en date du 14 novembre 2018, la société Berdes validait les emplacements dessinés sur les photographies.
Les travaux ont été réalisés durant le mois de janvier 2019.
Par courrier électronique en date du 18 janvier 2019, la société Berdes, prise en la personne de son conducteur de travaux, indiquait être passée sur le chantier concernant les travaux de pose de 5 coffrets qui avaient été terrassés la semaine précédant le courrier électronique et mis en service en début de semaine suivante. Répondant à la demande de la société Enedis de valider ou non les travaux réalisés, la société Berdes informait la société Enedis qu'elle n'acceptait pas l'implantation du coffret sur la parcelle n° 4. L'exécution des travaux de déplacement de ce coffret était programmée pour le mois de mai 2019.
A compter du mois d'octobre 2020, la société Berdes s'est de nouveau adressée à la société Enedis afin de lui signaler que les coffrets se trouvaient implantés à l'intérieur des propriétés privés de l'ordre de deux mètres environ. La société Berdes faisait valoir que ces coffrets auraient été posés sans tenir compte des bornes déportées indiquées sur le plan de bornage adressé le 22 octobre 2018 à la société Enedis.
La société Enedis devait, à l'appui d'un courrier électronique en date du 6 octobre 2020, faire savoir à la société Berdes qu'il ne pouvait être donné une suite favorable à la demande de déplacement des coffrets à ses frais.
La société Berdes devait répondre par courrier électronique également daté du 6 octobre 2020, et ce afin de solliciter un chiffrage concernant la modification consistant à réimplanter en limite de voirie les 5 coffrets, et non en retrait de 2,00 ml comme réalisé actuellement.
Estimant qu'aucune erreur n'avait été commise, la société Enedis a par courrier électronique en date du 27 octobre 2020, adressé à la société Berdes un extrait de l'étude correspondant à la demande de déplacement d'ouvrage, accompagné d'un devis n° AA27/108864/001001 établi à un montant de 6 844,45 euros TTC.
La société Berdes a adressé une réclamation au siège de la société Enedis à l'appui d'un courrier en date du 12 février 2021.
C'est dans ce contexte que la société Berdes a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement de différend.
Par une saisine et un courrier, enregistrés sous le numéro 06-38-21 les 02 et 29 mars 2021, la société Berdes, représentée par son représentant légal, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures de mettre à la charge de la société Enedis le coût des travaux de déplacement des coffrets implantés sur les 5 lots nus sis sur le territoire de la commune de Les Sorinières (44840), rues de la Grandmaison et de la Guérauderie.
Sur le fond, la société Berdes soutient que :
- les travaux qui ont été réalisés par la société Enedis n'étaient pas conformes à la demande initiale et à la proposition qu'elle lui avait soumise ;
- la société Enedis refuse de reconnaître sa responsabilité ;
- elle refuse la prise en charge du devis n° AA27/108864/001001, la faute étant directement imputable à la société Enedis ;
- il est facilement vérifiable sur le terrain que le coffret n'est pas implanté conformément au plan accepté, l'aspect contractuel n'étant dès lors pas respecté ;
- elle reste à la disposition de la société Enedis pour une réunion sur place aux fins de vérifier ses dires.
Par un mémoire en défense, enregistré le19 mars 2021, la société Enedis, représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Me Marc DE MONSEMBERNARD et Virginie DELANNOY, cabinet KGA Avocats, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de rejeter les demandes de la société Berdes.
Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, la société Enedis soutient que :
- l'office du CoRDiS ne lui donne pas compétence pour se prononcer sur l'existence d'une faute contractuelle ;
- l'encadrement des pouvoirs du CoRDiS est strictement fixé par l'article L. 134-19 du code de l'énergie, le comité réglant les différends portant sur un refus d'accès au réseau ou sur un désaccord relatif à la conclusion, l'interprétation ou l'exécution d'un contrat de raccordement ;
- dans le cas du différend qui l'oppose à la société Berdes, il n'est pas question d'un refus d'accès au réseau, les travaux ayant été exécutés en janvier 2019, mais de l'engagement de la responsabilité contractuelle d'Enedis tendant à sa condamnation à réparation au bénéfice de la société Berdes ;
- la société Berdes ne demande pas que le CoRDiS précise les conditions d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès au réseau de distribution doit être assuré mais qu'il se prononce sur l'existence d'une prétendue faute contractuelle qu'elle aurait commise et, partant, sur l'obligation pour Enedis, à titre de réparation du préjudice subi, de supporter les frais de déplacement des coffrets électriques ;
- seul le juge du contrat est compétent pour se prononcer sur une telle demande, ce dernier étant en charge des contentieux contractuel et extra-contractuel, cependant que le régulateur fixe les conditions d'ordre technique et financier d'accès aux réseaux ou de leur utilisation en interprétant et précisant les obligations qui s'imposent aux gestionnaires et aux utilisateurs en vertu, non de stipulations contractuelles, mais de dispositions législatives et règlementaires applicables au litige, sa mission étant « complémentaire » de celle du juge ;
- en demandant au CoRDiS de se prononcer sur un litige d'ordre purement contractuel, la société Berdes méconnaît l'office du régulateur ainsi que celui du juge du contrat, sa demande étant par conséquent irrecevable ;
Sur la prescription de la demande de la société Berdes, la société Enedis soutient que :
- un maître d'ouvrage dispose, en application de l'article L. 1792-6 du code civil, d'un délai d'un an à compter de la réception des travaux pour soulever des réserves, une telle garantie concernant les vices apparents affectant l'ouvrage ;
- un représentant de la société Berdes s'est rendu sur le chantier, une fois les travaux de raccordement réalisés, et n'a signalé que le mauvais positionnement du coffret du lot n° 4 par rapport au photomontage qui avait été adressé à sa société, et qui avait été validé, sans que d'autres désordres ne soient mentionnés ;
- aucune autre réserve ne lui a été adressée depuis le 18 janvier 2019, cette date devant être regardée comme correspondant à la date de réception avec réserves faisant courir le délai de garantie d'un an pour les désordres apparents ;
- la garantie expirait donc le 19 janvier 2020, en sorte que la demande de la société Berdes tendant au déplacement des 5 coffrets, et qui n'a été formulée qu'en septembre 2020, était prescrite ;
Sur le fond, elle soutient que :
- elle n'a commis aucune faute au regard de ses obligations dans l'implantation des ouvrages ;
- l'article 19 du cahier des charges de concession pour le service public de l'électricité qui lui est applicable et dont la commune de Les Sorinières est adhérente prévoit que « les compteurs, ainsi que les dispositifs additionnels et accessoires, seront normalement installés en un ou des emplacements appropriés, choisis d'un commun accord [avec le client] », le coffret faisant partie des accessoires du compteur ;
- le positionnement du compteur est décidé d'un commun accord entre la société Enedis et son client ;
- au cas présent, après la signature de la convention de raccordement, un représentant de la société Enedis, s'est rendu sur site et a rencontré un représentant de la société Berdes. L'existence d'un fossé longeant les terrains, le long des rues de Grand'maison et de la Guérauderie a été constatée, et les bornes apposées par le géomètre, derrière ce fossé, marquant les limites de propriété et donc permettant de positionner les coffrets électriques ;
- un plan de bornage des parcelles a été adressé par la société Berdes à la société Enedis à la suite de ce rendez-vous, plan sur la base duquel a été établi le photomontage expressément validé par la société Berdes, prise en la personne de M. T. ;
- les coffrets y sont représentés par des rectangles rouges, en limite de propriété, et juste derrière le fossé longeant les lots 1, 2 et 3, et en limite de propriété pour les lots 4 et 5 ;
- les photos indiquaient la limite de propriété telle qu'elle résulte du plan de bornage transmis par la société Enedis à la société Berdes, en sorte que les emplacements ont bien été acceptés par cette dernière et ont été choisis d'un commun accord, conformément à l'article 19 du cahier des charges de concession ;
- une fois les coffrets implantés, la seule réserve émise par la société Berdes était circonscrite au lot n° 4, mal positionné par rapport au photomontage ;
- la société Enedis s'est conformée à ses obligations en implantant les coffrets conformément au plan de bornage transmis par la société Berdes, au photomontage réalisé et validé par cette dernière, et à la topologie des lieux, la présence du fossé non comblé au moment des travaux ne permettant pas d'implanter les coffrets plus en avant ;
- aucune faute ne peut donc être reprochée à Enedis, comme le démontre du reste le courrier électronique du 18 janvier 2019 émanant de la société Berdes qui refuse seulement l'implantation du coffret sur le lot n° 4, non conforme au photomontage
Par une décision du 9 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2021 à 12 heures.
Par courriers électroniques du 26 avril 2021 les parties ont accepté le principe de participer à la séance publique au moyen d'une communication électronique.
Par courriers en date du 28 avril 2021, les parties ont été informées que la séance publique se tiendrait le 10 mai 2021 à 9 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 8 mars 2021 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 05-38-21.
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Mme Henriette CHAUBON, M. Henri DE LAROSIERE DE CHAMPFEU, membres, qui s'est tenue par visio-conférence le 10 mai 2021, après vérification de l'identité des parties et de leurs représentants, en présence de :
M. Emmanuel RODRIGUEZ, directeur adjoint des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché,
Mme Agnès LEDUC, rapporteur,
Les représentants de la société Berdes,
Les représentants de la société Enedis, assistés de Me Marc DE MONSEMBERNARD et Virginie DELANNOY ;
Les parties ayant été informées qu'à tout moment, le président du comité peut décider de lever la séance pour qu'elle soit prorogée à une date ultérieure en cas de difficulté matérielle, notamment liée à la capacité de connexion de l'un des participants, ne permettant pas le déroulement normal de la séance ;
L'ensemble des parties ayant confirmé la bonne qualité de la liaison électronique et avoir été informé des modalités de convocation à la séance publique.
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Agnès LEDUC, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. DESCOMBES pour la société Berdes, celle-ci persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Marc DE MONSEMBERNARD pour la société Enedis, cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions
1. Aux termes de l'article L. 134-19 du code de l'énergie : « Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : / 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ; […] Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 111-97, L. 321-11 et L. 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement. / La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. ». L'article L. 111-91 du code de l'énergie, auquel il est ainsi renvoyé dispose que : « I. - Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux […] II. - Pour mettre en œuvre les dispositions du I, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. »
2. Il résulte de ces dispositions qu'un différend n'entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d'attribution, qu'à une double condition, tenant, l'une à la qualité des personnes qu'un différend oppose, et l'autre, à l'objet du différend.
3. En l'espèce, la société Berdes demande au comité de se prononcer sur la non-conformité des travaux par rapport à sa demande, à la proposition technique et financière qu'elle a signée et aux plans et photomontages sur la base desquels les parties s'étaient entendues s'agissant de l'implantation des points de livraison sur les lots situés sur le territoire de la commune de Les Sorinières (44840), rues de la Grandmaison et de la Guérauderie.
4. Il ressort des dispositions susvisées de l'article L. 134-19 du code de l'énergie, que le comité n'est compétent pour se prononcer sur l'interprétation et l'exécution d'un des contrats énumérés à cet article, que dans la mesure où une telle demande s'inscrit dans le cadre d'un litige portant sur l'accès aux réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, dans le but de préciser les conditions d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès aux dits réseaux, ouvrages et installations, ou leur utilisation sont assurés et de régler ainsi le différend dont il est saisi. Tel est notamment le cas lorsque la non-conformité du contrat de raccordement s'agissant de l'implantation des points de livraison est de nature à entraver l'accès ou l'utilisation du réseau ou a pour effet de ne pas fournir aux utilisateurs les éléments permettant d'apprécier le bien-fondé des solutions de raccordement ainsi que toutes informations nécessaires à un accès efficace, non discriminatoire et transparent aux réseaux, ouvrages et installations, ou résulte d'une mauvaise application par le gestionnaire de réseau de distribution soit de ses propres procédures de raccordement et d'exploitation du réseau, soit de ses missions de service public relatives à la conception, la construction et la maîtrise d'œuvre des travaux portant sur le réseau.
5. Or, en l'espèce, la société Berdes saisit le comité d'un différend relatif à la prétendue méconnaissance, par la société Enedis, d'une obligation contractuelle tenant à l'emplacement des points de livraison qui ont été implantés et mis en service depuis le mois de janvier 2019 s'agissant des lots n° 1, 2, 3 et 5, et depuis le mois de mai 2019 s'agissant du lot n° 4, dont il n'est pas allégué qu'il aurait pour effet d'entraver l'accès ou l'utilisation du réseau. Il en résulte que, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la qualité d'utilisateur et de gestionnaire de réseau des parties, le différend porté par la société Berdes devant le comité de règlement des différends et des sanctions ne relève ainsi pas de sa compétence.
6. Dans ces conditions, le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaitre de la demande de règlement de différend opposant la société Berdes à la société Enedis en vertu des dispositions de l'article L. 134-19 du code de l'énergie.
Décide :