La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision n° 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 31 janvier 2016 par le Centre d'études des cellules souches (Evry) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 23 mars 2016 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 28 février et 1er mars 2016 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 7 avril 2016 ;
Considérant que le protocole de recherche envisagé est un projet de transposition industrielle qui a pour objectif d'industrialiser les procédés d'amplification des cellules souches embryonnaires humaines et de leurs dérivés à des fins de thérapie cellulaire, en respectant la démarche d'assurance qualité et de contrôle qualité fondée sur les exigences réglementaires imposées dans le cadre du développement de médicaments de thérapie cellulaire greffés chez l'être humain ;
Considérant que ce programme est en parfaite cohérence avec les objectifs du laboratoire I-Stem de Marc Peschanski et indispensable à la réalisation de deux protocoles de recherche déjà autorisés par l'Agence de la biomédecine après avis favorables de son conseil d'orientation en 2010 et 2011 et ayant pour finalités de proposer deux applications à court terme des dérivés de cellules souches embryonnaires humaines : la production de substituts épidermiques pour les ulcères chroniques des patients drépanocytaires (programme PACE - Pioneer Advanced Cell Therapy of the Epidermis - sous la responsabilité de Gilles Lemaître) et la production d'épithélium rétinien pigmentaire pour des pathologies oculaires comme la rétinite pigmentaire (programme STREAM - Stem Cells Therapy Retinal Epithelium Assay in Monogenic retinopathy, sous la responsabilité de Christelle Monville) ;
Considérant que l'objectif d'industrialisation des procédés de ce projet consiste essentiellement à utiliser un robot (CompacT SelcT de Sartorius, conçu et développé dans le laboratoire I-Stem et déjà testé dans un cadre de recherches) pour la production de cellules ; qu'éliminer l'intervention humaine présenterait comme avantages la reproductibilité des procédures et donc la qualité des lots cellulaires, la sécurité (système fermé sans intervention extérieure), et l'accroissement des possibilités de production cellulaire ;
Considérant que la première étape consistera à évaluer son utilisation dans une perspective clinique ; que les protocoles de culture et de différenciation sont déjà opérationnels, y compris partiellement testés sur le robot, et qu'il s'agit désormais d'adapter ces protocoles en les standardisant parfaitement pour éliminer toute intervention humaine tout en conservant une production de cellules de qualité ; que la seconde étape consistera ensuite à développer des procédés de contrôle qualité et à les intégrer aux procédures standardisées, au cours du processus lui-même et lors de la libération des cellules thérapeutiques ; que ces contrôles qualité impliquent par ailleurs l'évaluation des outils utilisés (dont le séquençage génomique à haut débit) ; que trois types de production de cellules seront ainsi standardisés séquentiellement au cours du projet : l'amplification des cellules souches embryonnaires humaines elles-mêmes, la différenciation de ces cellules en kératinocytes ou en épithélium rétinien pigmentaire ;
Considérant que la demande s'inscrit dans une finalité médicale dont l'objectif thérapeutique est clairement exprimé par l'équipe ; qu'elle s'inscrit dans la continuité des autorisations de recherche délivrées aux équipes du laboratoire I-Stem pour la mise au point de protocoles de différenciation de CSEh en kératinocytes et en épithélium rétinien pigmentaire afin d'envisager la possibilité de soigner les conséquences de deux maladies ne disposant actuellement d'aucun traitement : les ulcères cutanés chroniques, complications de la drépanocytose et ceux liés à la dégénérescence maculaire ; que deux essais cliniques devraient débuter dans les deux années à venir ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que dans la mesure où le programme s'inscrit dans le cadre de deux protocoles autorisés s'orientant vers une application clinique, il n'existe pas aujourd'hui de produit cellulaire alternatif ayant une efficacité comparable, et il est donc justifié que cette équipe poursuive son programme avec des CSEh, afin de parvenir à un essai clinique rapide dans l'intérêt des patients ; que le demandeur développe à l'appui de sa demande les éléments permettant de justifier que la recherche ne peut être réalisée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines, mettant en évidence le fait que ce type de cellules est le seul qui permette actuellement une thérapie cellulaire allogénique de masse, grâce à la combinaison de leurs deux propriétés cardinales (la capacité de prolifération illimitée, permettant d'accéder à n'importe quelle quantité de cellules d'intérêt, et la pluripotence c'est-à-dire la capacité de se spécialiser dans n'importe quel type cellulaire humain, permettant d'accéder à n'importe quelle qualité de cellules) ;
Considérant que depuis 2011, plusieurs essais cliniques ont débuté avec des cellules dérivées de CSEh, dans plusieurs indications, notamment dans le cas de traumatismes de la moelle épinière, d'affections oculaires, d'insuffisance cardiaque, ou de troubles métaboliques (diabète) ; que plus de quatre-vingt patients ont été inclus à ce jour dans cinq pays (USA, Royaume-Uni, Corée du Sud, France, Israël), et aucun effet délétère grave imputable à une toxicité des cellules n'a été observé ; qu'en revanche, le seul essai clinique mené au Japon avec des cellules souches pluripotentes induites iPS (autologues) a été interrompu après la mise en évidence de mutations génétiques dans les cellules reprogrammées ;
Considérant que les conséquences des anomalies génétiques et des modifications épigénétiques (multiples et différentes pour chaque lignée) créées par le processus de reprogrammation lui-même et le processus de différenciation des cellules iPS sont encore mal appréciées, et, en ce sens, ne font que renforcer la nécessaire comparaison avec des cellules CSEh ; qu'une des plus grandes difficultés actuelles est l'extrême hétérogénéité des lignées d'iPS, due à la diversité des techniques de reprogrammation, des conditions de culture et des cellules somatiques d'origine (induisant une « mémoire épigénétique » persistante) ; que les CSEh sont, par comparaison, beaucoup plus homogènes, toutes issues de la masse interne du blastocyste, et spontanément pluripotentes, sans nécessité d'induire des modifications génétiques ou épigénétiques, pour leur conférer cette pluripotence ;
Considérant que l'innocuité des cellules dérivées de cellules souches embryonnaires humaines a été récemment explorée dans le cadre d'un essai clinique de phases I/II par la société américaine ACT/Ocata portant sur la greffe sous-rétinienne de cellules de l'épithélium rétinien pigmentaire dérivées de CSEh chez des patients atteints de dystrophie maculaire de Stargardt ou de dégénérescence maculaire liée à l'âge ; que les résultats à deux ans ont été publiés en 2015 et démontrent la sûreté d'une telle procédure ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des dispositions législatives et réglementaires ; que les lignées de CSEh utilisées dans le cadre du projet de recherche envisagé, les lignées RC-09 et SA-01 proviennent de Roslin Cells (Edimbourg, Ecosse) et de Cellartis AB (Suède) ; qu'elles sont déjà présentes sur le territoire national dans la mesure où elles ont été importées par Marc Peschanski en vertu d'autorisations délivrées les 16 février 2005 et 17 décembre 2010 par l'Agence de la biomédecine après avis favorable de son conseil d'orientation ;
Considérant qu'à l'occasion des demandes d'autorisation d'importation déposées par Marc Peschanski en 2004 et 2010, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande d'autorisation présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; que les lignées sont par ailleurs inscrites au registre du NIH, garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux de consentement des donneurs, de gratuité du don et d'anonymat prévus par le droit français.
Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que le laboratoire I-Stem de Marc Peschanski a constitué une nouvelle équipe pour mettre en œuvre le protocole de recherche biomédicale PACE (substitut épidermique) ; que l'équipe est en adéquation avec le programme et composée de trois chercheurs et six ingénieurs, dont la majorité sont très expérimentés ; que les publications attestent de la compétence évidente de l'équipe et du laboratoire ; que la structure est pérenne ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que les procédures de contrôle qualité des CSEh et les mesures prises pour leur traçabilité sont conformes aux exigences techniques et réglementaires en vigueur ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,
Décide :