La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 30 novembre 2018 par Golliver Therapeutics, l'unité Inserm UMR 1064, AtlanticBio GMP et l'unité de thérapie cellulaire et génique du centre hospitalier universitaire de Nantes aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 14 mars 2019 ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 28 décembre 2018 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 17 et 18 février 2019 ;
Considérant que le projet de recherche utilise la lignée ESI-017 provenant de la société de biotechnologies Biotime située aux Etats-Unis ; que la demande d'autorisation de protocole de recherche associe une demande d'autorisation d'importation de cette lignée ; que cette lignée a par ailleurs fait l'objet d'une importation en vertu d'une autorisation délivrée le 11 juillet 2014, par décision du directeur général de l'Agence de la biomédecine en application des dispositions de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique, au demandeur dans le cadre d'un précédent protocole de recherche dans lequel s'inscrit la présente demande ; qu'à l'occasion de la première autorisation, les cellules de la lignée ESI-017 avaient été décongelées et utilisées dans des conditions de « grade recherche » afin de mettre au point le protocole de différenciation ; que l'équipe souhaite importer de nouveau cette lignée GMP (bonnes pratiques de fabrication) afin qu'elle soit manipulée par des prestataires autorisés à la production de MTI (médicament de thérapie innovante) en vue d'une production à large échelle et d'une utilisation ultérieure dans un essai clinique ;
Considérant que le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples ont été vérifiées et le dossier de demande d'autorisation présente l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; que la lignée est inscrite au registre du National Institute of Health (NIH), garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux de consentement des donneurs, de gratuité du don et d'anonymat prévus par le droit national ;
Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que le projet est porté par la société Goliver Therapeutics et l'unité Inserm UMR 1064 (Nantes) ; que cette unité Inserm fait partie de l'Institut en transplantation urologie-néphrologie de Nantes et entretient des relations étroites avec la plateforme de reprogrammation des cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) dirigée par Laurent David ; que la société Goliver Therapeutics est issue de l'unité Inserm UMR 1064 dont Tuan Huy Nguyen, responsable de la recherche, est issu (ancien chargé de recherche Inserm, HDR) et fondateur et président de cette société ; que l'équipe est compétente et possède toute la légitimité nécessaire pour mener ce protocole ;
Considérant que l'équipe de recherche est principalement composée de 4,5 ETP pour la société Golliver (dont Tuan-Huy Nguyen, 1 chercheur et trois ingénieurs) et de 2,7 ETP pour l'unité Inserm UMR 1064 (un doctorant, un assistant ingénieur et deux ingénieurs d'étude) ; que les moyens investis semblent adéquats ; que le responsable de la recherche et les membres de l'unité Inserm UMR 1064 ont une très longue expérience dans le domaine de la thérapie cellulaire par injonction d'hépatocytes ; qu'ils ont notamment collaboré activement avec les chercheurs de réseaux européens dont Innovaliv (Anne Dubart, Anne Weber et Anne Corlu) ; que la production de lots cliniques sera assurée par deux établissements prestataires ayant une autorisation pour la production de cellules en conditions GMP : l'Unité de thérapie cellulaire et génique (UTCG) du centre hospitalier universitaire de Nantes et EFS AtlanticBio GMP qui disposent déjà d'une grande expérience dans la manipulation des cellules souches embryonnaires humaines ;
Considérant que la structure est pérenne et le financement est assuré ; que la société Goliver Therapeutics a levé des financements à hauteur de deux millions d'euros provenant en partie de financements européens ; que ce financement permettra de couvrir les premières étapes du projet, notamment pour la prestation auprès des établissements de bioproduction (EFS AtlanticBio GMP et l'Unité de thérapie cellulaire et génique du centre hospitalier universitaire de Nantes) ; que la société a également prévu de nouvelles levées de fonds auprès d'investisseurs privés pour couvrir le financement du projet jusqu'à l'essai clinique ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que les équipes disposent des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales ;
Considérant que le projet de recherche de Tuan-Huy Nguyen porte sur la thérapie cellulaire dans les hépatopathies métaboliques ; que ces maladies sont devenues un problème majeur de santé publique, affectant 5 à 15 % des individus dans le monde ; qu'il n'existe aujourd'hui aucune alternative médicale à la greffe de foie ; que toutefois, la transplantation d'hépatocytes isolés à partir de foies de donneurs est devenue une approche prometteuse, mais que cette thérapie cellulaire ne peut pas être généralisée et proposée en routine clinique à cause de la pénurie de foies de donneurs réservés en priorité à la greffe, la nécessité d'un grand nombre d'hépatocytes (1-2 milliards de cellules par patient) et de l'absence de multiplication in vitro des hépatocytes isolés ; que c'est dans ce contexte que Tuan-Huy Nguyen s'est engagé dans un protocole visant à différencier et produire en grande quantité, et dans des conditions GMP (compatibles avec une utilisation en clinique), des hépatocytes en culture à partir de cellules souches embryonnaires ;
Considérant qu'en 2014, l'équipe Inserm UMR 1064 de Tuan-Huy Nguyen a bénéficié d'une première autorisation de recherche sur les cellules souches embryonnaires dont l'objectif était de développer un protocole de différenciation en vue d'une utilisation en clinique ; qu'elle a ainsi établi un protocole reproductible de différenciation en 11 jours de CSEh de la lignée ESI-017 en hépatoblastes (pStemHep) ensemencés sur une matrice constituée de laminine recombinante ; que ce protocole est sans sérum, sans protéine d'origine animale, chimiquement bien défini, et compatible GMP ; que l''équipe a amplifié ce protocole à grande échelle et montré la production de 800 millions d'hépatoblastes avec les spécifications souhaitées dans des bioréacteurs clos compatibles GMP ; que l'équipe a par ailleurs mené des essais chez la souris immunodéficiente en insuffisance hépatique aiguë induite par le paracétamol et que les résultats ont montré une survie à 30 jours significativement améliorée chez les souris ayant reçu une injection unique d'1 million de cellules pStemHep (90 % de survie chez les souris traitées contre 65 % chez les souris non traitées) ;
Considérant que Tuan-Huy Nguyen et ses équipes souhaitent à présent initier les premières démarches en vue de mettre en œuvre un essai clinique ; que l'objectif principal de cette nouvelle demande est la production de cellules pStemHep à la taille des lots cliniques dans le laboratoire Recherche & Développement de la société, puis la production des lots pilotes GMP et cliniques à l'Unité de thérapie cellulaire et génique du centre hospitalier universitaire de Nantes ou à l'EFS-AtlanticBio GMP ; qu'une fois les lots cliniques obtenus, l'équipe sollicitera une autorisation en vue de démarrer un essai clinique chez des patients atteints d'insuffisance hépatique aiguë dans les 4 ans du projet ;
Considérant que l'équipe de Tuan-Huy Nguyen se propose par ailleurs de tester des méthodes d'encapsulation dans des biomatériaux biocompatibles afin d'en améliorer la bio-distribution et de protéger les cellules injectées d'un rejet immunitaire ; qu'il s'agit là d'un verrou actuel pour la survie à long terme des cellules injectées ; que l'équipe envisage enfin de tester l'efficacité thérapeutique des cellules pStemHep dans différentes situations précliniques d'insuffisance hépatique sévère, aigue ou d'hépatopathie chronique chez l'animal ; que cet aspect se fera en collaboration avec différents laboratoires disposant des modèles ad hoc (Unités Inserm U1193, UMR1229, UMR 7338, centre hépato-biliaire de Paul Brousse, King's college Hospital de Londres) et que la fonctionnalité de ces cellules sera également testée dans un foie bioartificel externe (bioreacteur).
Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique est évidente ;
Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres types de cellules souches ; que s'agissant des cellules souches embryonnaires murines et primates, il n'est pas envisageable d'utiliser des cellules d'origine animale alors que l'objectif général du projet est de développer un produit de thérapie cellulaire en vue d'une utilisation en clinique chez l'Homme ;
Considérant que le recours à des foies humains pose la question de l'accessibilité au greffon dont les limites sont connues et que c'est la raison pour laquelle certaines équipes se sont attachées à développer des protocoles d'isolement d'hépatocytes et de conservation d'hépatocytes sous forme cryopréservée ; que ces pistes sont cependant grevées par le fait que les hépatocytes humains adultes ne prolifèrent pas ou peu in vitro et que ce sont des cellules qui supportent très mal les processus de congélation/décongélation ;
Considérant que le recours à des cellules souches pluripotentes induites (IPS), reprogrammées à partir de cellules adultes, n'est pas adapté non plus dans la mesure où les cellules IPS ne reproduisent pas complètement le phénotype des CSEh et tendent à conserver la mémoire épigénétique du tissu somatique d'origine ; qu'elles sont par ailleurs porteuses de mutations spécifiques dues au processus de reprogrammation lui-même ;
Considérant que les conséquences des anomalies génétiques et des modifications épigénétiques (multiples et différentes pour chaque lignée) créées par le processus de reprogrammation lui-même et le processus de différenciation des cellules iPS sont encore mal appréciées ; qu'une des plus grandes difficultés actuelles est l'extrême hétérogénéité des lignées d'iPS, aggravée par la diversité des techniques de reprogrammation, des conditions de culture et des cellules somatiques d'origine (induisant une « mémoire épigénétique » persistante) ; que les CSEh sont, par comparaison, beaucoup plus homogènes, toutes issues de la masse interne du blastocyste, et spontanément pluripotentes, sans nécessité d'induire des modifications génétiques ou épigénétiques, pour leur conférer cette pluripotence ;
Considérant que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues conformément aux conditions législatives et réglementaires,
Décide :