La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 17 septembre 2010 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR633) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu la demande présentée le 31 mars 2015 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 910) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 26 mai 2015 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 16 et 24 mai 2015 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 19 novembre 2015 ;
Considérant que le projet consiste à terme à proposer une thérapie cellulaire de l'insuffisance cardiaque post-ischémique utilisant des précurseurs cardiomyocytaires issus de lignées de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) ;
Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2005 pour une durée de cinq ans et a fait l'objet d'un renouvellement en 2010 pour cinq années supplémentaires ; que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ;
Considérant que dans le cadre de la première autorisation, et après avoir acquis une solide expérience dans le domaine de la spécification cardiaque des cellules souches embryonnaires murines et validé l'utilité de ces cellules dans un modèle rongeur de régénération cardiaque post-infarctus, Michel Pucéat a démontré l'importance de l'étape cognitive, la compréhension du développement embryonnaire, pour établir des conditions reproductibles et efficaces de différenciation des CSEh dans une voie tissulaire donnée, ici les myocytes cardiaques ; que son équipe a franchi les différentes étapes nécessaires à l'établissement d'un protocole clinique utilisant des précurseurs de cardiomyocytes ; que ses travaux, partant de l'analyse fondamentale de la spécification cardiaque des cellules souches embryonnaires humaines pour arriver aux essais précliniques chez l'animal, ont été à la base du protocole de recherche biomédicale conduit depuis 2013 par Philippe Ménasché dans l'insuffisance ventriculaire post-ischémique ;
Considérant que plusieurs étapes importantes ont été franchies depuis que le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines a fait l'objet d'un renouvellement d'autorisation en 2010 concernant :
- l'analyse du processus de spécification cardiaque des CSEh (l'équipe de Michel Pucéat a identifié les molécules et conditions de culture facilitant la spécification de CSEh indifférenciées en progéniteurs mésodermiques, qui se spécifient ensuite en différents lignages comme le cœur, les cellules endothéliales ou le muscle squelettique) ;
- la détermination des mécanismes moléculaires associés à cet engagement des cellules dans la voie cardiaque, permettant de comprendre la pathologie cardiaque dans le syndrome de Cornélia DeLange, dû à une mutation d'une protéine (la cohésine) qui altère ces mécanismes (ces résultats ouvrant la voie à la compréhension d'autres maladies partageant cette même voie, et peut-être à l'établissement de stratégies thérapeutiques de restauration) ;
- l'étude et le développement, dans le cadre d'une application de thérapie cellulaire cardiaque, de l'obtention de progéniteurs ayant le potentiel approprié d'une part, puis, à partir de ces progéniteurs, de cellules cardiaques matures et fonctionnelles (c'est-à-dire capables de répondre à des charges mécaniques du tissu cardiaque adulte et aux demandes métaboliques importantes) d'autre part, et enfin du mode de délivrance de ces cellules thérapeutiques selon la maladie à traiter ;
Considérant que l'équipe souhaite poursuivre son projet en se consacrant au développement et l'optimisation de protocoles visant à obtenir des précurseurs capables de réparer une lésion cardiaque ventriculaire, dans des modèles de cardiopathies chez le porc notamment (modèle ayant donné lieu à une publication en 2014), d'une part, à l'exploration des mécanismes moléculaires conduisant à la spécification d'autres lignages cardiaques, et dont l'altération pourrait expliquer des maladies génétiques de type cohésinopathies, d'autre part, et enfin à la régénération de valves cardiaques pathologiques ;
Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique ne font aucun doute ; qu'ils s'expriment par la mise au point de protocoles de différenciation de cellules souches embryonnaires humaines en différentes lignées cardiaques pouvant être testées dans des modèles de réparation (insuffisance ventriculaire, valvulopathies) et ayant abouti à un essai clinique chez l'homme ;
Considérant que le conseil d'orientation souligne dans son avis les résultats prometteurs obtenus dans le cadre de la première autorisation et qu'il est nécessaire de poursuivre en raison des progrès thérapeutiques majeurs auxquels il pourrait conduire ;
Considérant que l'équipe utilise les lignées provenant du Technion Institute en Israël (lignées H9, H13, I3 et I6) et du Harvard Stem Cell Institute aux Etats-Unis (lignées HUES1, HUES3, HUES7, HUES9, HUES24 et HUES26) ; que ces lignées ont été importées par Michel Pucéat en vertu d'autorisations délivrées le 8 juillet 2005 par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche et le 9 février 2007 par l'Agence de la biomédecine après avis favorable de son conseil d'orientation ; qu'à l'occasion des demandes d'autorisation d'importation déposées par Michel Pucéat en 2005 et 2007, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande d'autorisation présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; qu'en l'absence de progéniteurs cardiaques dans le tissu adulte, les cellules souches embryonnaires humaines sont la seule source de cellules thérapeutiques pertinentes ; que dans la mesure où une grande partie du projet s'appuie sur une analyse du développement embryonnaire du cœur, particulièrement complexe, aucune autre cellule ne peut mieux que les cellules souches embryonnaires humaines, cellules originelles, récapituler les processus biologiques de développement ; que dans la mesure où le programme de l'équipe s'oriente vers une application clinique, il n'existe pas aujourd'hui de produit cellulaire alternatif ayant une efficacité comparable, et il est donc justifié que cette équipe poursuive son programme avec des CSEh ;
Considérant que depuis 2011, plusieurs essais cliniques ont débuté avec des CSEh, dans plusieurs maladies, notamment neurologiques, oculaires, cardiaques, ou métaboliques (diabète) ; que plus de quatre-vingts patients ont été inclus à ce jour dans cinq pays (USA, Royaume-Uni, Corée du Sud, France, Israël), et qu'aucun effet délétère grave imputable à une toxicité des cellules n'a été observé ; qu'en revanche, le seul essai clinique mené au Japon avec des cellules souches pluripotentes induites iPS (autologues) vient d'être interrompu ;
Considérant que les conséquences des anomalies génétiques et des modifications épigénétiques (multiples et différentes pour chaque lignée) créées par le processus de reprogrammation lui-même et le processus de différenciation des cellules iPS sont encore mal appréciées, et, qu'en ce sens, ne font que renforcer la nécessaire comparaison avec des cellules CSEh ; qu'une des plus grandes difficultés actuelles est l'extrême hétérogénéité des lignées d'iPS, aggravée par la diversité des techniques de reprogrammation, des conditions de culture et des cellules somatiques d'origine (induisant une « mémoire épigénétique » persistante) ; que les CSEh sont, par comparaison, beaucoup plus homogènes, toutes issues de la masse interne du blastocyste, et spontanément pluripotentes, sans nécessité d'induire des modifications génétiques ou épigénétiques, pour leur conférer cette pluripotence ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;
Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; qu'après avoir dirigé une équipe Avenir totalement indépendante sur le plan financier, Michel Pucéat a déménagé depuis octobre 2013 dans un centre de recherche dirigé par Nicolas Lévy à Marseille, dans un environnement scientifique particulièrement adapté au développement de protocoles sur les cellules souches et à la thématique cardiaque ; que l'équipe de Michel Pucéat mène depuis dix ans une recherche extrêmement cohérente, qui va du fondamental à l'appliqué, dans le domaine cardiologique, et a démontré la valeur de son approche par des résultats particulièrement importants ; que la structure est pérenne et l'équipe est reconnue internationalement pour ses travaux ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine qui a par ailleurs procédé à une visite du site en février 2015,
Décide :