La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 18 juillet 2012 autorisant l'institut national de la santé et de la recherche médicale (U1183, CHU Montpellier, hôpital Saint Eloi, institut de médecine régénératrice et de biothérapie) à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 31 mars 2017 par l'institut national de la santé et de la recherche médicale (U1183, CHU Montpellier, hôpital Saint Eloi, institut de médecine régénératrice et de biothérapie) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 21 septembre 2017 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 14 et 17 septembre 2017 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 19 octobre 2017 ;
Considérant que le projet de recherche utilise les lignées H1 et H9 provenant du WiCell Research Institute (Etats-Unis) ; que déjà présentes sur le territoire national, elles ont été importées par le Professeur Sylvain Lehmann en vertu d'une autorisation délivrée le 8 juillet 2005 par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche dans le cadre du dispositif transitoire mis en place par l'article 37 de la loi du 6 août 2004 ;
Considérant qu'à l'occasion des demandes d'autorisation d'importation déposées par Sylvain Lehmann, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande de renouvellement d'autorisation de recherche présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; que les lignées sont par ailleurs inscrites au registre du NIH, garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux de consentement des donneurs, de gratuité du don et d'anonymat prévus par le droit français ; que le conseil d'orientation souligne que l'ensemble de ces documents sont de nouveau fournis en annexe de la demande de renouvellement ;
Considérant que Jean-Marc Lemaître dirige une équipe de recherche à Montpellier (Institut de génomique fonctionnelle) qui se consacre à la compréhension des mécanismes moléculaires, génétiques et épigénétiques qui accompagnent le processus de vieillissement cellulaire, et à leur réversibilité lors du processus de reprogrammation ; qu'il a longtemps travaillé dans l'équipe de Marcel Méchali et que son investissement dans ce domaine de recherche remonte à de nombreuses années ; qu'il est considéré comme pionnier dans l'exploration de l'induction d'un processus de reprogrammation ; qu'avant même les découvertes de K. Yamanaka en 2006, il avait présenté l'hypothèse et montré qu'il était possible de reprogrammer des noyaux somatiques à partir d'extraits d'œufs de xenopus totipotents (dont le pouvoir de reprogrammation est connu), d'ovocytes et de cellules souches embryonnaires humaines ;
Considérant que l'objectif du protocole de recherche est de caractériser les modifications dans l'organisation du génome qui font passer la cellule d'un état différencié vers un état de sénescence ; que ces modifications interviennent à plusieurs niveaux : modifications épigénétiques de la chromatine conduisant à une expression différentielle de certains gènes ou à la répression d'autres gènes, et modification dans l'organisation spatiale et temporelle du génome, notamment pour ce qui concerne la répartition des origines de réplication du génome lors de la division cellulaire ;
Considérant que l'équipe de Jean-Marc Lemaître a montré qu'il existait des signatures spécifiques pour chaque état de la cellule (cellule pluripotente, cellule différenciée et cellule en cours de sénescence) et que les marques spécifiques de l'état de sénescence pouvaient être réversibles après reprogrammation en cellules pluripotentes induites (cellules dites iPS) ; qu'il s'agit d'étudier à présent la transition dans l'expression des gènes et l'organisation du génome induits lors du passage d'un état différencié à un état de sénescence, lors de la reprogrammation vers la pluripotence et lors de la redifférenciation ;
Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres types de cellules souches ; que dans le cadre de ce programme de recherche, les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) sont utilisées comme référence et contrôle indispensables ; que ce sont en effet les seules cellules à être naturellement pluripotentes et à présenter toutes les caractéristiques moléculaires spécifiques à cet état ;
Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2007 pour une durée de cinq ans ; qu'elle a fait l'objet d'un renouvellement en 2012 pour une durée de cinq ans ; que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ;
Considérant que les travaux conduits dans le cadre de la première autorisation, délivrée en 2007 pour l'utilisation de ces extraits de CSEh, avait démontré la capacité de ces extraits à reprogrammer des cellules somatiques (fibroblastes) humaines, mais l'efficacité de ces seuls extraits était faible ; que la démarche de Jean-Marc Lemaitre a été réorientée à la suite de la publication de travaux de Yamanaka sur les iPS en 2006 et 2007, et l'équipe a rapidement adopté la stratégie de surexpression de facteurs de transcription (via des virus intégratifs) qui est universellement utilisée pour l'obtention des iPS et considérée comme beaucoup plus efficace ; que grâce à cette technique, l'équipe a pu montrer, dans un article très médiatisé, que des cellules de personnes très âgées (centenaires), ainsi que des cellules dont il avait induit la sénescence en culture, pouvaient être reprogrammées efficacement, et perdre les stigmates de cet état initial sénescent (cet état de sénescence est très précisément défini par un ensemble de caractéristiques morphologiques, épigénétiques et d'expression génique) pour gagner un état de pleine pluripotence ; que cette publication montrait également que la sénescence était un frein relatif à cette reprogrammation (ce qui avait été suggéré antérieurement) puisqu'il fallait utiliser non pas 4 (méthodologie Yamanaka) mais 6 facteurs de transcription pour reprogrammer ces cellules ;
Considérant que les travaux réalisés depuis 2012 dans le cadre du premier renouvellement d'autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine après avis de son conseil d'orientation ont permis d'optimiser les conditions de reprogrammation et de re-différenciation en lien avec la senescence et étudier les mécanismes associés ; que ce travail a ainsi permis la mise en évidence de l'expression d'une isoforme particulière de la protéine p53 (suppresseur de tumeur) lors de la reprogrammation de cellules sénescentes vers l'état de pluripotence (utilisation des 6 facteurs), la mise au point des protocoles de différenciation des iPSCs issues de cellules sénescentes ou âgées en kératinocytes, la mise en œuvre de techniques permettant de cartographier les origines de réplication sur l'ensemble du génome au sein de différentes lignées cellulaires donnant lieu à deux publications majeures en 2012 et 2014 et enfin d'étudier la reprogrammation en iPS de cellules provenant de patients atteints de pathologies du vieillissement précoce, telles que le syndrome de Werner ou HGPS progeria ; que les résultats ont montré que les fibroblastes de ces patients présentaient une grande instabilité génétique qui empêche une reprogrammation efficace. En revanche, les progéniteurs hématopoïétiques CD34+ issus du sang de ces patients ont pu être reprogrammés en iPS stables ;
Considérant que dans le cadre de la demande de renouvellement, qui s'inscrit dans la suite logique des travaux précédents, l'équipe a pour objectifs principaux d'étudier la modification dans l'expression des gènes lors de la progression de la cellule d'un état différencié à un état de sénescence d'une part, la transition dans la répartition spatiale et temporelle des origines de réplication du génome lors de la progression de la cellule vers l'état de sénescence, puis lors de la reprogrammation d'autre part, et enfin la réversibilité du vieillissement au travers d'expériences de reprogrammation ciblées suivies de redifférenciation ;
Considérant que ce projet devrait permettre d'évaluer si les cellules iPS issues de cellules sénescentes ou de patients âgés présentent des caractéristiques biologiques similaires aux CSEh ; que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique ne font aucun doute ; que si cette recherche est avant tout fondamentale, ces travaux sont très importants en vue d'une utilisation de cellules iPS dans le cadre de la médecine régénératrice (modélisation des pathologies du vieillissement - syndromes de vieillissement précoce ou pathologies liées à l'âge dont l'ostéoporose ou l'arthrose - et la thérapie cellulaire pour les patients âgés) ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;
Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe est compétente et possède toute la légitimité nécessaire pour mener ce protocole car elle est reconnue sur le plan national et international ; que la structure est pérenne et le financement est assuré, notamment grâce à une labélisation par la Ligue contre le cancer et un soutien par le programme national « Infrastructure » ; que l'équipe de Jean-Marc Lemaître comprend un chercheur statutaire, deux ingénieurs de recherche statutaires, un technicien ainsi que des étudiants en thèse et en post-doctorat ; que les équipes de Jean-Marc Lemaître et John De Vos se sont par ailleurs rapprochées afin de constituer au sein de l'institut de médecine régénératrice et de biothérapie, une plateforme de dérivation de cellules iPS, faisant de Montpellier un centre important dans ce domaine ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine qui a par ailleurs procédé à une visite du site et noté la conformité des procédures de gestion et des règles de sécurité sanitaire ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,
Décide :