JORF n°0105 du 6 mai 2014

Décision du 3 mars 2014

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 octobre 2013 par la société Généthon Bioprod aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 16 décembre 2013 ;

Vu les rapports d'expertise en date des 11 et 12 décembre 2013 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 6 février 2014 ;

Considérant que la demande s'inscrit dans le cadre des protocoles de recherche de Gilles Lemaître et Brigitte Dreno, autorisés par la directrice générale de l'Agence de la biomédecine en février 2013 ; que l'objectif global de l'ensemble de ces protocoles est de parvenir à moyen terme à un protocole de recherche biomédicale utilisant des cellules dérivées de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) chez des patients drépanocytaires atteints d'ulcères chroniques (essai clinique « PACE ») ;

Considérant que l'objectif du projet PACE est de proposer un produit de thérapie cellulaire dans le cadre du traitement des ulcères chroniques chez le drépanocytaire ; que la demande de Généthon Bioprod constitue la dernière étape d'un projet d'une grande cohérence qui se poursuit depuis 2005, émanant des recherches réalisées dans le laboratoire de Marc Peschanski (laboratoire I-Stem) par l'équipe de Christelle Baldeschi (autorisation délivrée en juillet 2005) dont faisait partie Gilles Lemaître ; que cette équipe a démontré (et publié en 2009 dans une revue scientifique de très bon niveau, PNAS) qu'il était possible, à partir de cellules souches embryonnaires humaines, de dériver une population pure et homogène de précurseurs kératinocytaires capables de s'organiser en un épithélium pluristratifié in vitro, et in vivo dans un modèle animal (souris immunodéficiente) ; que ces premiers résultats laissaient entrevoir la possibilité de concevoir un produit thérapeutique allogénique à partir de ces kératinocytes issus de CSEh ;

Considérant que l'objectif du protocole de recherche de l'équipe de Gilles Lemaître est de tester cette hypothèse en franchissant les étapes requises jusqu'à un essai clinique ; que l'application clinique est relative aux ulcères chroniques chez les patients atteints de drépanocytose ; que ces thromboses, au niveau de la peau, entraînent des ulcérations chroniques bénignes mais invalidantes qu'il est très difficile de traiter ; qu'il s'agit donc de proposer un « pansement » biologique transitoire, sous forme de feuillets épidermiques allogéniques issus de cultures de CSEh ayant pour fonction de favoriser la régénération par les propres cellules souches épidermiques du patient et de protéger la peau des agressions par les pathogènes et autres facteurs pro-inflammatoires délétères ;

Qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;

Considérant que la demande de Christophe Cochet, pharmacien responsable (PR) de Généthon Bioprod (GBP), vise à la production de lots cliniques de kératinocytes, en conditions de bonnes pratiques de fabrication (BPF) dans le cadre des dispositions applicables aux médicaments de thérapie innovante ;

Considérant que l'équipe de Gilles Lemaître est parvenue à dupliquer l'obtention des substituts épidermiques précédemment effectuée en « grade recherche » (niveau de sécurité sanitaire moins élevé) dans des conditions de culture compatibles avec une utilisation clinique ; que l'équipe de Brigitte Dreno dans l'unité de production de l'unité de thérapie cellulaire et génique (UTCG) du centre hospitalier universitaire de Nantes a quant à elle constitué une banque de cellules thérapeutiques sécurisées répondant aux normes de bonnes pratiques de fabrication, susceptibles d'être greffées aux patients ; que l'UTCG de Nantes ne dispose cependant pas de la qualification d'établissement pharmaceutique, correspondant à une autorisation délivrée en application des dispositions du code de la santé publique par l'ANSM, permettant la production de lots cliniques destinés à un essai de type PACE, contrairement à Généthon Bioprod qui, à l'inverse, possède déjà cette qualification pour la production de lots de produits de thérapie génique, requérant un très haut niveau d'équipement et de technicité, et qu'une demande pour la qualification en thérapie cellulaire est en cours d'instruction auprès de l'ANSM ;

Considérant que l'objectif de la demande consiste à transférer vers Généthon Bioprod la banque amplifiée de CSEH (lignée RC9 importée auprès de Roslin Cells) obtenue à l'UTCG de Nantes (baptisée RC9-BANK) afin d'effectuer les étapes suivantes de production de lots cliniques, en particulier la différentiation et l'amplification des CSEH en kératinocytes (banques KER-BANK et KER-AMPL) ; que, dans le cadre de procédures extrêmement contrôlées, ces kératinocytes amplifiés seront ensemencés sur une matrice dérivée de plasma, constituant ainsi les produits de thérapie cellulaire finaux prêts à être greffés ; et que les produits cliniques préparés pourront être utilisés lors de l'essai clinique dans deux services cliniques parisiens (Tenon et Trousseau) ;

Considérant la proximité géographique entre l'institut I-Stem, où travaillent Gilles Lemaître et son équipe, et Généthon Bioprod, permettant ainsi à l'équipe d'I-Stem ayant mis au point toutes les conditions de développement initial de former l'équipe de spécialistes mise à disposition par Généthon Bioprod, assurant ainsi la rapidité de développement du projet ;

Considérant que Généthon Bioprod est actuellement le seul établissement français autorisé par l'ANSM pour la réalisation de médicaments de thérapie innovante dans le cadre de la thérapie génique ; qu'elle dispose d'une grande expérience des contraintes propres à l'industrie pharmaceutique ;

Considérant que les conditions matérielles et techniques de la demande ont fait l'objet d'un avis favorable de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ;

Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; qu'en particulier les cellules souches pluripotentes induites, en raison de leurs imperfections et de leur manque de stabilité, présentent des risques non maîtrisables à l'heure actuelle liés au processus de reprogrammation en eux-mêmes, et ne peuvent donc constituer une alternative comparable et permettre une production standardisée ; et que la culture de cellules souches humaines adultes est quant à elle limitée par leur capacité de prolifération et donc de production ;

Considérant, en conséquence, que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne lui ait été alloué ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés au projet de recherche envisagé,

Décide :

Article 1

La société Généthon Bioprod est autorisée à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité la production du substitut épidermique PACE par un établissement pharmaceutique en vue d'un essai clinique de phase I/II. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de M. Christophe Cochet.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 3 mars 2014.

E. Prada-Bordenave