JORF n°0143 du 20 juin 2017

Décision du 28 mars 2017

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 octobre 2016 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMRS 791, CHU Nantes) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 29 décembre 2016 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 29 novembre et 12 décembre 2016 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 16 mars 2017 ;

Considérant que le projet de recherche utilise les lignées de cellules souches embryonnaires humaines provenant de WiCell (Madison) aux Etats-Unis (lignées WA-01 et WA-09) ; que déjà présentes sur le territoire national, ces lignées ont été importées par Laurent David (INSERM, CHU Nantes) en vertu d'une autorisation délivrée le 22 juillet 2013 par décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine après avis favorable de son conseil d'orientation ;

Considérant qu'à l'occasion de la demande d'autorisation d'importation déposée par Laurent David, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande de renouvellement d'autorisation de recherche présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; que les lignées sont par ailleurs inscrites au registre du NIH, garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux de consentement des donneurs, de gratuité du don et d'anonymat prévus par le droit français ;

Considérant que l'objectif du protocole de recherche envisagé est de proposer une thérapie cellulaire du disque intervertébral, fondée sur l'utilisation de cellules dérivées de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) et de cellules mésenchymateuses ; que le disque intervertébral (DIV) est une structure localisée entre deux vertèbres et son rôle principal consiste à amortir les pressions qui s'exercent sur les vertèbres lors des mouvements ; que sa structure associe deux composants : des fibres de collagène entourant un noyau gélatineux ; qu'avec l'âge, ce disque (la partie noyau gélatineux) s'use et finit par ne plus assurer sa fonction correctement, ce qui suscite des douleurs dorsales/lombaires et une disparition de la souplesse vertébrale ;

Considérant que pour envisager la réparation de ce disque, il faut en connaître précisément la composition cellulaire ; qu'on y trouve deux populations cellulaires : les cellules notochordales (NTC), issues du mésoderme axial (le mésoderme est un des trois feuillets embryonnaires), et les nucléopulpocytes dérivant de la différenciation terminale de ces cellules NTC ;

Considérant qu'il est impossible de prélever des cellules dans le disque adulte, pour des raisons évidentes d'accès et de nombre de cellules ; qu'en revanche, des cellules mésenchymateuses (par exemple issues de tissu adipeux) sont capables de se différencier en nucléopulpocytes et de synthétiser une matrice extracellulaire typique du noyau sain ; que les cellules notochordales ne sont pas accessibles chez l'adulte et, de plus, se cultivent très mal ; que l'équipe se propose de différencier ce composant à partir de CSEh ;

Considérant que l'équipe a initialement travaillé à partir de deux lignées de cellules souches pluripotentes induites (dites cellules « iPS »), mais les difficultés rencontrées et l'inefficacité du protocole les contraignent à envisager l'utilisation des lignées de CSEh WA-01 et WA-09 (H1 et H9), références en termes de cellules souches pluripotentes ; que cette voie de différenciation notochordale étant très rarement utilisée, il n'existe pas de protocoles de références, et il s'avère donc nécessaire de définir les paramètres de la différenciation : d'une part, les facteurs inductifs requis très précocement lors du développement, et, d'autre part, les facteurs responsables de la maturation en cellules notochordales matures adultes ;

Considérant que cette seconde étape - essentielle dans une perspective thérapeutique - est très inefficace avec des cellules iPS, et explique que l'équipe choisisse d'utiliser des CSEh ; qu'Anne Camus étant embryologiste, elle envisage de définir les voies de signalisation (TGF-β/Nodal/Activin, WNT, SHH et FGF) qui favorisent l'engagement des CSEh pluripotentes d'abord vers le mésendoderme, produisant des NTC très immatures, proches de cellules NTC embryonnaires (qui construisent le disque initial au cours du développement), puis ensuite vers la lignée NTC adulte ; que l'équipe évaluera et comparera la différenciation des cellules souches en culture 2D (monocouche cellulaire adhérente) et en culture 3D (en association avec une matrice de type hydrogel ou bien en agrégats cellulaires) ; que ces cellules NTC seront ensuite mélangées avec des nucléopulpocytes issus de cellules mésenchymateuses, pour reconstituer la structure d'un disque fonctionnel dans un matériau de type hydrogel ; que la dernière étape consistera à utiliser ce disque reconstitué dans un modèle préclinique animal (lapin, brebis) ;

Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que la démarche initiale de l'équipe a été d'utiliser en première intention des cellules iPS, mais elle s'est heurtée à des difficultés et notamment l'inefficacité de la différenciation en cellules notochordales matures à partir de progéniteurs ; qu'en l'absence d'éléments permettant de comprendre ces difficultés, et donc de les corriger, et compte tenu de la possibilité qu'elles soient dues à la reprogrammation elle-même, l'équipe a choisi d'utiliser des CSEh pour la mise au point d'un protocole fiable ;

Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique ne font aucun doute ; que l'équipe a déjà beaucoup progressé en ce sens, puisqu'elle a mis au point un biomatériau (un hydrogel) dans lequel pourrait s'insérer des cellules réparatrices constituées de l'association de nucléopulpocytes (NPCy) obtenus par différenciation de cellules stromales mésenchymateuses isolées du tissu adipeux prélevé chez l'homme et de cellules notochordales (NTC) ; que cet hydrogel pourra être injecté dans des modèles précliniques ; que Jérôme Guicheux, responsable de l'équipe d'Anne Camus, est spécialiste de cette approche combinant matériau et cellules, et est certainement le mieux placé en France pour réussir cette approche ; que son projet a d'ailleurs été très bien évalué et largement financé ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine qui a par ailleurs procédé à une visite du site en janvier 2017 et noté la conformité des procédures de gestion et des règles de sécurité sanitaire ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe est compétente et bénéficie d'une expertise reconnue en France et au niveau international en médecine régénérative osseuse et cartilagineuse ; que la structure est pérenne et le financement est assuré par des fonds de la FRM et de l'ANR ; que l'équipe est adaptée au programme proposé,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMRS 791, CHU Nantes) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de la différenciation des cellules de notochorde et du développement du disque intervertébral à l'aide de cellules souches embryonnaires humaines. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Anne Camus.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de quatre ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 28 mars 2017.

A. Courrèges