JORF n°108 du 10 mai 2003

Les faits :
Papeterie de Bègles dispose, sur son site de consommation d'électricité, d'une installation de production dont elle a entendu vendre la production à EDF, en tant que gestionnaire du service public de production, au titre de l'obligation légale d'achat qui lui incombe.
EDF ayant subordonné l'achat de cette électricité à un raccordement direct de l'installation de production, Papeterie de Bègles s'est tournée vers EDF, gestionnaire du réseau de distribution, pour qu'il soit procédé audit raccordement.
Papeterie de Bègles demande à la CRE la réparation d'un préjudice qu'elle évalue à 200 000 euros et qu'elle prétend avoir subi en raison des fautes commises par EDF à son égard.
D'une part, elle met en cause EDF, en tant que gestionnaire de réseau, en lui reprochant de ne pas avoir respecté les délais de réponse prévus par la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production.
Elle soutient, d'autre part, qu'EDF, en tant qu'acheteur d'électricité, aurait méconnu l'engagement qu'il aurait pris d'acquérir l'intégralité de l'électricité produite à partir de l'installation litigieuse. Elle demande donc à bénéficier de cette obligation d'achat de novembre 2002 à mars 2003.
Sur la compétence de la CRE :
Aux termes du I de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 : « En cas de différend entre les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés au III de l'article 15 et à l'article 23 de la présente loi [...], la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties.
[...]
[La] décision [de la commission] est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux [...] ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. »
Il résulte de ces dispositions que la CRE est compétente pour connaître des différends liés à l'accès ou à l'utilisation des réseaux publics, y compris ceux pouvant survenir entre un utilisateur d'un réseau public et son gestionnaire dans la réalisation du raccordement d'une installation de production ou de consommation, dès lors que celle-ci constitue la condition physique de l'accès d'un utilisateur au réseau.
La CRE est, en outre, tenue de se prononcer sur tous les aspects, notamment d'ordre technique ou financier, du différend dont elle est saisie.
Le préjudice dont se prévaut Papeterie de Bègles à l'appui de sa demande résulte, selon elle, des conditions qu'elle estime fautives, dans lesquelles EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, a traité sa demande de raccordement d'une installation de cogénération qu'elle exploite sur son site industriel.
La CRE est, par conséquent, compétente pour connaître de la demande formée par Papeterie de Bègles à l'encontre d'EDF, en tant que gestionnaire du réseau public de distribution, pour les fautes qu'il a pu commettre en cette qualité dans le raccordement de l'installation litigieuse.
Papeterie de Bègles met également en cause EDF pour avoir méconnu l'engagement qu'il aurait pris d'acheter, selon le régime de l'obligation d'achat découlant de l'article 10 de la loi du 10 février 2000, l'électricité produite par l'installation de cogénération entre novembre 2002 et mars 2003.
En refusant d'accorder à Papeterie de Bègles le bénéfice de l'obligation d'achat dès le mois de novembre 2002, EDF n'a pas agi en tant que gestionnaire d'un réseau de distribution, mais en tant que responsable du service public de la production au titre du I de l'article 2 de la loi du 10 février 2000, définissant la mission de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité.
Dès lors, aucun des deux critères de compétence fixés par l'article 38 précité n'est réuni. D'une part, le litige n'oppose pas un utilisateur à un gestionnaire de réseau de distribution. D'autre part, cette partie du litige n'est pas constitutive d'un différend relatif à l'utilisation du réseau, mais consécutive à celui-ci.
Il en résulte que la demande formée par Papeterie de Bègles à l'encontre d'EDF, en tant qu'acheteur d'électricité, pour ne pas avoir respecté l'engagement qu'il aurait pris en cette qualité, ne fait pas partie des litiges dont il revient à la CRE de connaître en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000. En conséquence, la demande de Papeterie de Bègles tendant à bénéficier d'un régime d'obligation légal d'achat de novembre 2002 à mars 2003 doit, en tout état de cause, être rejetée comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.
Sur la fin de non-recevoir opposée par EDF :
Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche de renseignements adressée le 31 juillet 2002 à EDF, que la demande de raccordement présentée par Elyo a été établie par celui-ci en qualité de mandataire de Papeterie de Bègles, elle-même désignée, selon les mentions de ce document, comme « producteur mandant ».
EDF n'est donc pas fondé à contester la recevabilité de la saisine de Papeterie de Bègles, dès lors que celle-ci justifie d'un intérêt à agir pour contester les conditions dans lesquelles la demande de raccordement a été traitée, et à se prévaloir des démarches accomplies, pour son compte, par Elyo, quel que soit, par ailleurs, le rôle que joue Elyo dans l'exploitation de l'installation ou la vente de sa production.
Sur le principe de la responsabilité d'EDF au titre du délai du traitement de la demande :
Le préjudice dont Papeterie de Bègles demande la réparation est celui qu'elle estime avoir subi faute d'avoir pu bénéficier, entre novembre 2002 et mars 2003, du régime de l'obligation d'achat pour l'électricité produite à partir d'une installation de cogénération qu'elle exploite sur son site industriel.
A cet égard, elle soutient, notamment, qu'EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, n'aurait pas respecté, pour la réalisation du raccordement de l'installation, les délais auxquels il est tenu pour traiter les demandes de raccordement des installations de production au réseau public de distribution.
Il appartient à tout gestionnaire de réseau d'adopter l'organisation adéquate et de procéder aux diligences utiles pour traiter dans un délai raisonnable, au regard des caractéristiques de chaque demande, les dossiers de raccordement qu'il instruit.
En l'espèce, EDF, en tant que gestionnaire de réseau, a reçu la demande de raccordement le 31 juillet 2002, et a remis une étude exploratoire le 4 novembre 2002, soit postérieurement au délai de six semaines auquel il s'était engagé dans un courrier du 4 septembre 2002.
Le retard pris par EDF sur les délais qu'il avait annoncés pour remettre l'étude exploratoire a toutefois été compensé par le fait que la proposition technique et financière a été, par la suite, notifiée par ses services à Papeterie de Bègles le 24 janvier 2003, avec un mois d'avance sur les délais résultant de la procédure d'instruction des demandes de raccordement élaborée et publiée par EDF.
Au total, les délais dans lesquels la demande a été instruite ont été, au regard de sa nature, raisonnables. Papeterie de Bègles n'est donc pas fondée à rechercher la responsabilité d'EDF à ce titre.
Sur le principe de la responsabilité d'EDF au titre des conditions de traitement de la demande :
Il résulte des pièces du dossier qu'EDF, en tant que responsable du service public de la production, a subordonné la mise en oeuvre de l'achat de l'électricité produite par Papeterie de Bègles, au titre de l'obligation légale dont elle se prévalait, au raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de production concernée.
Le demandeur s'est en conséquence tourné vers EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, pour demander qu'il soit procédé au raccordement direct de l'installation de production.
Il n'appartient pas à la CRE de se prononcer sur la légalité de la condition imposée lors de la négociation d'un contrat qui, comme il a été dit ci-dessus, ne relève pas de sa compétence d'autorité de règlement de différend.
En revanche, la mission de service public d'exploitation du réseau public de distribution, qui consiste à garantir, notamment, l'accès non discriminatoire au réseau, doit être exercée par le gestionnaire en conciliant le respect des règles régissant l'exploitation du réseau et l'accès des tiers avec un objectif de recherche du meilleur coût, tant pour le gestionnaire que pour le tiers se prévalant d'un droit d'accès.
Il incombait donc au gestionnaire du réseau de distribution, dans le cas dont la CRE est saisie, de s'assurer que la demande de raccordement était la solution technique la plus économique pour garantir au demandeur l'exercice des droits qui lui sont légalement reconnus et dont il se prévaut, en l'espèce celui de vendre tout ou partie de la production dans le cadre de l'obligation légale d'achat, tout en veillant à respecter l'ensemble des règles gouvernant la sécurité et la sûreté du réseau dont il doit assurer la gestion, comme le caractère non discriminatoire des conditions d'accès direct ou indirect au réseau.
En l'espèce, il résulte du dossier que le raccordement direct de l'installation considérée n'était nullement un préalable techniquement nécessaire à l'exercice effectif d'un des droits du producteur, et que, tant par le coût qu'il représentait que par les délais de réalisation qu'il impliquait, il était économiquement désavantageux pour le demandeur au regard du maintien de la solution technique existante, qui, sans conséquence pour la conduite du réseau, permettait et avait déjà permis l'exercice effectif de ce droit.
Contrairement à ce qu'EDF a soutenu à l'audience du 27 mars 2003, ni l'article 10 de la loi du 10 février 2000, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits comme dans celle issue de la loi du 3 janvier 2003, ni l'article 4 du décret du 10 mai 2001 n'ont pour objet ni pour effet de rendre obligatoire le raccordement direct d'un producteur bénéficiant de l'obligation légale d'achat régie par ces textes. Ces dispositions ne traitent, du reste, nullement de la question du caractère direct ou indirect du raccordement d'une installation de production. La circonstance que les modèles de contrat d'achat approuvés par le ministre prévoiraient, selon EDF, une obligation de raccordement direct est, par elle-même, sans influence sur les conditions dans lesquelles EDF, en tant que gestionnaire de réseau, doit raccorder un site. Au surplus, le modèle de contrat prévoit expressément que : « Dans le cadre des évolutions des modalités réglementaires et contractuelles d'accès aux réseaux publics de distribution ou de transport d'électricité, les clauses du présent modèle de contrat relatives à l'accès au réseau, notamment en ce qui concerne le raccordement, le comptage et le rattachement à un périmètre d'équilibre, pourront être remplacées par d'autres clauses, conformes au dispositif contractuel défini par les gestionnaires de réseaux garantissant aux parties la bonne exécution de ce contrat d'achat. »
En acceptant ainsi, sans en évaluer la nécessité ni l'opportunité, de donner suite à une demande dont la satisfaction entraînait un coût inutile et des délais de réalisation retardant sans motif acceptable l'exercice du droit dont se prévalait le demandeur, EDF, en tant que gestionnaire de réseau, a causé à Papeterie de Bègles un dommage lui ouvrant droit, en principe, à réparation.
Sur l'indemnisation du préjudice :
Ainsi qu'il a été précédemment rappelé, la CRE est compétente pour connaître du différend qui oppose Papeterie de Bègles à EDF, en tant que gestionnaire de réseau, et pour se prononcer sur la demande de réparation du préjudice que Papeterie de Bègles estime avoir subi en raison d'une faute commise par EDF en cette qualité.
Papeterie de Bègles se borne à soutenir avoir subi un préjudice consistant en une perte d'un million d'euros de facturation et d'un gain de 200 000 euros qui correspond à la somme qu'elle aurait pu obtenir dans le cadre de l'obligation d'achat, déduction faite des frais occasionnés par le fonctionnement de l'installation.
Il résulte toutefois des pièces du dossier que seul Elyo est titulaire d'un certificat d'obligation d'achat pour l'électricité produite à partir de l'installation litigieuse.
Or, en dépit des mesures d'instruction du rapporteur, Papeterie de Bègles n'a produit, dans le cadre de l'instruction de sa demande, aucune pièce, ni aucun élément de nature à justifier, compte tenu de ses relations avec Elyo, l'étendue du manque à gagner qu'elle prétend avoir subi. Elle n'a par ailleurs, lors de l'audience, pas été en mesure de justifier des montants qu'elle a calculés pour chiffrer son préjudice, ni de produire d'éléments ou d'indications probantes permettant de l'établir.
Par conséquent, à défaut d'établir le montant de son préjudice, la demande d'indemnité formée par Papeterie de Bègles à l'encontre d'EDF ne peut être que rejetée,
Décide :


Historique des versions

Version 1

Les faits :

Papeterie de Bègles dispose, sur son site de consommation d'électricité, d'une installation de production dont elle a entendu vendre la production à EDF, en tant que gestionnaire du service public de production, au titre de l'obligation légale d'achat qui lui incombe.

EDF ayant subordonné l'achat de cette électricité à un raccordement direct de l'installation de production, Papeterie de Bègles s'est tournée vers EDF, gestionnaire du réseau de distribution, pour qu'il soit procédé audit raccordement.

Papeterie de Bègles demande à la CRE la réparation d'un préjudice qu'elle évalue à 200 000 euros et qu'elle prétend avoir subi en raison des fautes commises par EDF à son égard.

D'une part, elle met en cause EDF, en tant que gestionnaire de réseau, en lui reprochant de ne pas avoir respecté les délais de réponse prévus par la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production.

Elle soutient, d'autre part, qu'EDF, en tant qu'acheteur d'électricité, aurait méconnu l'engagement qu'il aurait pris d'acquérir l'intégralité de l'électricité produite à partir de l'installation litigieuse. Elle demande donc à bénéficier de cette obligation d'achat de novembre 2002 à mars 2003.

Sur la compétence de la CRE :

Aux termes du I de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 : « En cas de différend entre les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] lié à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés au III de l'article 15 et à l'article 23 de la présente loi [...], la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou l'autre des parties.

[...]

[La] décision [de la commission] est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux [...] ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. »

Il résulte de ces dispositions que la CRE est compétente pour connaître des différends liés à l'accès ou à l'utilisation des réseaux publics, y compris ceux pouvant survenir entre un utilisateur d'un réseau public et son gestionnaire dans la réalisation du raccordement d'une installation de production ou de consommation, dès lors que celle-ci constitue la condition physique de l'accès d'un utilisateur au réseau.

La CRE est, en outre, tenue de se prononcer sur tous les aspects, notamment d'ordre technique ou financier, du différend dont elle est saisie.

Le préjudice dont se prévaut Papeterie de Bègles à l'appui de sa demande résulte, selon elle, des conditions qu'elle estime fautives, dans lesquelles EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, a traité sa demande de raccordement d'une installation de cogénération qu'elle exploite sur son site industriel.

La CRE est, par conséquent, compétente pour connaître de la demande formée par Papeterie de Bègles à l'encontre d'EDF, en tant que gestionnaire du réseau public de distribution, pour les fautes qu'il a pu commettre en cette qualité dans le raccordement de l'installation litigieuse.

Papeterie de Bègles met également en cause EDF pour avoir méconnu l'engagement qu'il aurait pris d'acheter, selon le régime de l'obligation d'achat découlant de l'article 10 de la loi du 10 février 2000, l'électricité produite par l'installation de cogénération entre novembre 2002 et mars 2003.

En refusant d'accorder à Papeterie de Bègles le bénéfice de l'obligation d'achat dès le mois de novembre 2002, EDF n'a pas agi en tant que gestionnaire d'un réseau de distribution, mais en tant que responsable du service public de la production au titre du I de l'article 2 de la loi du 10 février 2000, définissant la mission de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité.

Dès lors, aucun des deux critères de compétence fixés par l'article 38 précité n'est réuni. D'une part, le litige n'oppose pas un utilisateur à un gestionnaire de réseau de distribution. D'autre part, cette partie du litige n'est pas constitutive d'un différend relatif à l'utilisation du réseau, mais consécutive à celui-ci.

Il en résulte que la demande formée par Papeterie de Bègles à l'encontre d'EDF, en tant qu'acheteur d'électricité, pour ne pas avoir respecté l'engagement qu'il aurait pris en cette qualité, ne fait pas partie des litiges dont il revient à la CRE de connaître en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000. En conséquence, la demande de Papeterie de Bègles tendant à bénéficier d'un régime d'obligation légal d'achat de novembre 2002 à mars 2003 doit, en tout état de cause, être rejetée comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.

Sur la fin de non-recevoir opposée par EDF :

Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche de renseignements adressée le 31 juillet 2002 à EDF, que la demande de raccordement présentée par Elyo a été établie par celui-ci en qualité de mandataire de Papeterie de Bègles, elle-même désignée, selon les mentions de ce document, comme « producteur mandant ».

EDF n'est donc pas fondé à contester la recevabilité de la saisine de Papeterie de Bègles, dès lors que celle-ci justifie d'un intérêt à agir pour contester les conditions dans lesquelles la demande de raccordement a été traitée, et à se prévaloir des démarches accomplies, pour son compte, par Elyo, quel que soit, par ailleurs, le rôle que joue Elyo dans l'exploitation de l'installation ou la vente de sa production.

Sur le principe de la responsabilité d'EDF au titre du délai du traitement de la demande :

Le préjudice dont Papeterie de Bègles demande la réparation est celui qu'elle estime avoir subi faute d'avoir pu bénéficier, entre novembre 2002 et mars 2003, du régime de l'obligation d'achat pour l'électricité produite à partir d'une installation de cogénération qu'elle exploite sur son site industriel.

A cet égard, elle soutient, notamment, qu'EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, n'aurait pas respecté, pour la réalisation du raccordement de l'installation, les délais auxquels il est tenu pour traiter les demandes de raccordement des installations de production au réseau public de distribution.

Il appartient à tout gestionnaire de réseau d'adopter l'organisation adéquate et de procéder aux diligences utiles pour traiter dans un délai raisonnable, au regard des caractéristiques de chaque demande, les dossiers de raccordement qu'il instruit.

En l'espèce, EDF, en tant que gestionnaire de réseau, a reçu la demande de raccordement le 31 juillet 2002, et a remis une étude exploratoire le 4 novembre 2002, soit postérieurement au délai de six semaines auquel il s'était engagé dans un courrier du 4 septembre 2002.

Le retard pris par EDF sur les délais qu'il avait annoncés pour remettre l'étude exploratoire a toutefois été compensé par le fait que la proposition technique et financière a été, par la suite, notifiée par ses services à Papeterie de Bègles le 24 janvier 2003, avec un mois d'avance sur les délais résultant de la procédure d'instruction des demandes de raccordement élaborée et publiée par EDF.

Au total, les délais dans lesquels la demande a été instruite ont été, au regard de sa nature, raisonnables. Papeterie de Bègles n'est donc pas fondée à rechercher la responsabilité d'EDF à ce titre.

Sur le principe de la responsabilité d'EDF au titre des conditions de traitement de la demande :

Il résulte des pièces du dossier qu'EDF, en tant que responsable du service public de la production, a subordonné la mise en oeuvre de l'achat de l'électricité produite par Papeterie de Bègles, au titre de l'obligation légale dont elle se prévalait, au raccordement direct au réseau public de distribution de l'installation de production concernée.

Le demandeur s'est en conséquence tourné vers EDF, en tant que gestionnaire du réseau de distribution, pour demander qu'il soit procédé au raccordement direct de l'installation de production.

Il n'appartient pas à la CRE de se prononcer sur la légalité de la condition imposée lors de la négociation d'un contrat qui, comme il a été dit ci-dessus, ne relève pas de sa compétence d'autorité de règlement de différend.

En revanche, la mission de service public d'exploitation du réseau public de distribution, qui consiste à garantir, notamment, l'accès non discriminatoire au réseau, doit être exercée par le gestionnaire en conciliant le respect des règles régissant l'exploitation du réseau et l'accès des tiers avec un objectif de recherche du meilleur coût, tant pour le gestionnaire que pour le tiers se prévalant d'un droit d'accès.

Il incombait donc au gestionnaire du réseau de distribution, dans le cas dont la CRE est saisie, de s'assurer que la demande de raccordement était la solution technique la plus économique pour garantir au demandeur l'exercice des droits qui lui sont légalement reconnus et dont il se prévaut, en l'espèce celui de vendre tout ou partie de la production dans le cadre de l'obligation légale d'achat, tout en veillant à respecter l'ensemble des règles gouvernant la sécurité et la sûreté du réseau dont il doit assurer la gestion, comme le caractère non discriminatoire des conditions d'accès direct ou indirect au réseau.

En l'espèce, il résulte du dossier que le raccordement direct de l'installation considérée n'était nullement un préalable techniquement nécessaire à l'exercice effectif d'un des droits du producteur, et que, tant par le coût qu'il représentait que par les délais de réalisation qu'il impliquait, il était économiquement désavantageux pour le demandeur au regard du maintien de la solution technique existante, qui, sans conséquence pour la conduite du réseau, permettait et avait déjà permis l'exercice effectif de ce droit.

Contrairement à ce qu'EDF a soutenu à l'audience du 27 mars 2003, ni l'article 10 de la loi du 10 février 2000, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits comme dans celle issue de la loi du 3 janvier 2003, ni l'article 4 du décret du 10 mai 2001 n'ont pour objet ni pour effet de rendre obligatoire le raccordement direct d'un producteur bénéficiant de l'obligation légale d'achat régie par ces textes. Ces dispositions ne traitent, du reste, nullement de la question du caractère direct ou indirect du raccordement d'une installation de production. La circonstance que les modèles de contrat d'achat approuvés par le ministre prévoiraient, selon EDF, une obligation de raccordement direct est, par elle-même, sans influence sur les conditions dans lesquelles EDF, en tant que gestionnaire de réseau, doit raccorder un site. Au surplus, le modèle de contrat prévoit expressément que : « Dans le cadre des évolutions des modalités réglementaires et contractuelles d'accès aux réseaux publics de distribution ou de transport d'électricité, les clauses du présent modèle de contrat relatives à l'accès au réseau, notamment en ce qui concerne le raccordement, le comptage et le rattachement à un périmètre d'équilibre, pourront être remplacées par d'autres clauses, conformes au dispositif contractuel défini par les gestionnaires de réseaux garantissant aux parties la bonne exécution de ce contrat d'achat. »

En acceptant ainsi, sans en évaluer la nécessité ni l'opportunité, de donner suite à une demande dont la satisfaction entraînait un coût inutile et des délais de réalisation retardant sans motif acceptable l'exercice du droit dont se prévalait le demandeur, EDF, en tant que gestionnaire de réseau, a causé à Papeterie de Bègles un dommage lui ouvrant droit, en principe, à réparation.

Sur l'indemnisation du préjudice :

Ainsi qu'il a été précédemment rappelé, la CRE est compétente pour connaître du différend qui oppose Papeterie de Bègles à EDF, en tant que gestionnaire de réseau, et pour se prononcer sur la demande de réparation du préjudice que Papeterie de Bègles estime avoir subi en raison d'une faute commise par EDF en cette qualité.

Papeterie de Bègles se borne à soutenir avoir subi un préjudice consistant en une perte d'un million d'euros de facturation et d'un gain de 200 000 euros qui correspond à la somme qu'elle aurait pu obtenir dans le cadre de l'obligation d'achat, déduction faite des frais occasionnés par le fonctionnement de l'installation.

Il résulte toutefois des pièces du dossier que seul Elyo est titulaire d'un certificat d'obligation d'achat pour l'électricité produite à partir de l'installation litigieuse.

Or, en dépit des mesures d'instruction du rapporteur, Papeterie de Bègles n'a produit, dans le cadre de l'instruction de sa demande, aucune pièce, ni aucun élément de nature à justifier, compte tenu de ses relations avec Elyo, l'étendue du manque à gagner qu'elle prétend avoir subi. Elle n'a par ailleurs, lors de l'audience, pas été en mesure de justifier des montants qu'elle a calculés pour chiffrer son préjudice, ni de produire d'éléments ou d'indications probantes permettant de l'établir.

Par conséquent, à défaut d'établir le montant de son préjudice, la demande d'indemnité formée par Papeterie de Bègles à l'encontre d'EDF ne peut être que rejetée,

Décide :