JORF n°0295 du 20 décembre 2013

Décision du 22 avril 2013

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 1er mars 2011, sous le numéro 28-38-11, présentée par la société TSE, société à responsabilité limitée unipersonnelle, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro B 509 362 729, dont le siège social est situé 10, rue des Rosiéristes, 69410 Champagne-au-Mont-d'Or, représentée par son gérant, M. Philippe FRAYON, ayant pour avocat Me Rémi ANTOMARCHI, cabinet Abati Antomarchi, 1, rue André-Colledeboeuf, 75016 Paris.

La société TSE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF ») sur les conditions de raccordement au réseau publique de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que la société TSE développe, pour le compte de M. Jean-Marie MOUGEL, un projet de centrale photovoltaïque, d'une puissance installée de 76,44 kWc, sur le territoire de la commune de Montagnieu (Isère). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

Le 26 août 2010, la société TSE a adressé une demande de raccordement auprès de la société ERDF pour son projet de centrale photovoltaïque.

Le 27 août 2010, la société ERDF a indiqué à la société TSE que sa demande était considérée comme complète à la date du 27 août 2010.

Le 1er décembre 2010, la société ERDF a sollicité la société TSE pour qu'elle confirme certains éléments techniques relatifs, notamment, à la position du point de livraison.

Le 3 décembre 2010, la société TSE a confirmé à la société ERDF le schéma technique proposé.

Le 6 décembre 2010, la société ERDF a communiqué à la société TSE une proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de production photovoltaïque.

Le 7 décembre 2010, la société TSE a renvoyé la proposition technique et financière signée ainsi qu'un chèque d'acompte de 3 111,25 euros.

Le 29 décembre 2010, la société ERDF a indiqué à la société TSE que son projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil et qu'elle devait, si elle souhaitait bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat, adresser une nouvelle demande complète de raccordement à la fin de période de suspension de l'obligation d'achat.

Le 5 janvier 2011, la société ERDF a renvoyé à la société TSE le chèque d'acompte.

Le 9 février 2011, la société TSE a contesté auprès de la société ERDF l'application à son projet du décret du 9 décembre 2010 précité et lui a enjoint de procéder au maintien de son dossier dans la file d'attente à la date du 28 novembre 2010. La société TSE a par ailleurs renvoyé un chèque d'acompte correspondant.

Le 11 février 2011, la société ERDF a réitéré son refus de donner suite à la demande de la société TSE sur la base du décret du 9 décembre 2010 en lui renvoyant le chèque d'acompte.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société TSE a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.

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Dans ses observations, la société TSE soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du non-respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement et des conséquences qui en découlent pour le raccordement au réseau public de distribution de son installation de production, d'une part, car le différend oppose un gestionnaire de réseau public de distribution à un utilisateur de ce réseau et, d'autre part, parce que le litige porte sur l'accès audit réseau.

Elle estime que la société ERDF n'a respecté ni les textes légaux et réglementaires applicables aux demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité ni sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement.

La société TSE en conclut que la société ERDF a manqué à ses obligations dans le traitement de la demande de raccordement et qu'ainsi elle ne saurait se prévaloir du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat d'électricité pour s'opposer à la communication de la proposition technique et financière de raccordement attendue dans un délai de trois mois.

Elle considère, donc, qu'elle pouvait légitimement espérer obtenir une proposition technique et financière dans un délai de trois mois, soit avant la date du 2 décembre 2010 à laquelle une proposition devait avoir été acceptée pour échapper à la suspension de l'obligation d'achat décidée par le décret précité.

La société TSE demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence et en conséquence :

― de traiter le projet d'installation de production photovoltaïque de la société TSE comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 28 novembre 2010 ;

― de traiter la proposition technique et financière transmise à la société TSE comme ayant été établie le 28 novembre 2010 et acceptée immédiatement.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 4 avril 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocats Me Mounir MEDDEB, cabinet Energie-legal, 8, rue du Mont-Thabor, 75001 Paris.

La société ERDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaître du différend soulevé par la société TSE, d'une part, en ce que la société TSE n'est pas un utilisateur du réseau et, d'autre part, en ce que le différend n'est pas lié à un problème d'accès ou d'utilisation des réseaux publics d'électricité mais à une question d'achat ou de vente d'électricité.

Elle ajoute qu'elle a scrupuleusement tenu compte des dispositions du décret du 9 décembre 2010, les propositions techniques et financières n'ayant pas été acceptées avant le 2 décembre 2010 entrent dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010.

La société ERDF considère que les demandes de la société TSE sont infondées et, en tout état de cause, impossibles à exécuter.

La société ERDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions :

A titre principal :

― de déclarer la saisine de la société TSE irrecevable ;

A titre subsidiaire :

― de rejeter les demandes de la société TSE comme non fondées.

La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des demandes de la société TSE.

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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

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Vu la lettre du directeur, adjoint au directeur général, du 5 septembre 2012 par laquelle il est demandé à la société TSE de présenter ses observations ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;

Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 1er mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 28-38-11 ;

Vu la décision du 28 avril 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par la société TSE ;

Vu la décision numéro 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terres et autres.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 22 avril 2013, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :

M. Jérémie ASTIER, représentant le directeur général empêché et le directeur juridique empêché ;

M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Thibaut DELAROCQUE rapporteur adjoint ;

Me Rémi ANTOMARCHI pour la société TSE.

Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Mounir MEDDEB.

Après avoir entendu :

― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

― les observations de Me Rémi ANTOMARCHI pour la société TSE ; la société TSE persiste dans ses moyens et conclusions ;

― les observations de Me Mounir MEDDEB pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions.

Aucun report de séance n'ayant été sollicité.

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 22 avril 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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La société TSE soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du non-respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement et des conséquences qui en découlent pour le raccordement au réseau public de distribution de son installation de production, d'une part, car le différend oppose un gestionnaire de réseau de distribution à un utilisateur de ce réseau et, d'autre part, parce que le litige porte sur l'accès audit réseau.

La société ERDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est incompétent pour connaître du différend soulevé par la société TSE, d'une part, car il est lié non pas à un problème d'accès ou d'utilisation des réseaux publics d'électricité mais à une question d'achat ou de vente d'électricité et, d'autre part, car elle estime que la société TSE n'est pas un utilisateur du réseau.

Il ressort des pièces du dossier que la société TSE a été mandatée par M. Jean-Pierre MOUGEL, pour procéder, pour le compte de ce dernier, aux procédures nécessaires au raccordement de son projet de centrale photovoltaïque, d'une puissance installée de 76,44 kWc, sur le territoire de la commune de Montagnieu.

L'article L. 134-19 du code de l'énergie dispose que le « comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] sur l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 [...], la saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties [...] ».

En vertu de ces dispositions, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître des seules demandes de règlement de différend liées à l'accès ou à l'utilisation des réseaux publics opposant un gestionnaire de réseau à un utilisateur.

Or, il résulte des pièces du dossier, d'une part, que le mandat dont bénéficie la société TSE ne l'habilite pas à saisir le comité de règlement de différends et des sanctions et, d'autre part, que la société TSE n'a pas la qualité d'utilisateur du réseau public d'électricité.

La société TSE en tant que simple intermédiaire qui ne justifie pas d'un mandat pour représenter M. MOUGEL devant le comité de règlement des différends et des sanctions et qui ne se prévaut d'aucun droit propre devant le comité de règlement des différends et des sanctions est, donc, irrecevable à agir.

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Décide :

Article 1

Les demandes de la société TSE sont irrecevables.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société TSE et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 22 avril 2013.

Pour le comité de règlement

des différends et des sanctions :

La présidente,

M. Liebert-Champagne