La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,
Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;
Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;
Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;
Vu la demande présentée le 31 janvier 2016 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U1208, Institut Cellule Souche et Cerveau, Bron) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;
Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 22 avril 2016 ;
Vu les rapports d'expertise en date du 4 et 8 mars 2016 ;
Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 12 mai 2016 ;
Considérant que l'ensemble des travaux du laboratoire de Pierre Savatier concerne la compréhension des mécanismes de l'auto-renouvellement des cellules souches embryonnaires humaines (CSEH) et en particulier la caractérisation des différents états de pluripotence exprimés par ce type de cellule ; que les cellules souches pluripotentes sont capables d'auto- renouvellement et qu'on distingue les cellules souches embryonnaires dites « naïves »(c'est-à-dire très pluripotentes) et les cellules souches embryonnaires dites « amorcées », c'est-à-dire déjà engagées dans un processus de différenciation ; que les différences moléculaires de ces deux états ont été caractérisées depuis plusieurs années chez la souris et commencent à l'être chez l'homme ;
Considérant que, parmi les propriétés spécifiques de l'état naïf, on retrouve un auto-renouvellement stable, un réseau de facteurs de pluripotence solide et stable, l'absence totale de signes et de facteurs de différenciation ; qu'il serait donc particulièrement important d'obtenir des cellules souches embryonnaires naïves qui soient plus stables génétiquement, aptes à une manipulation génétique efficace et moins limitées dans leur potentiel de différenciation ;
Considérant que depuis le début de ses travaux, le laboratoire de Pierre Savatier s'intéresse à la manipulation d'une voie de signalisation essentielle à l'auto-renouvellement des cellules souches embryonnaires murines (la voie LIF/STA3) au cours de laquelle la cytokine LIF (leukemia inhibiting factor) agit en activant un facteur de transcription (STAT3) qui, dans le noyau de la cellule, active les gènes clés de la pluripotence et inhibe ceux qui contrôlent la différenciation ; que cette voie n'est pas opérationnelle au sein des cellules souches embryonnaires humaines, ce qui, selon l'hypothèse de Pierre Savatier, pourrait expliquer la limitation de l'auto-renouvellement des CSEH et l'absence d'état naïf ; que cette équipe a donc testé, entre 2006 et 2010 dans le cadre d'un protocole de recherche autorisé par l'Agence de la biomédecine après avis favorable de son conseil d'orientation, de multiples approches pour essayer de répondre à cette problématique ; que ces travaux ont permis de valider l'hypothèse envisagée par Pierre Savatier et ont fait l'objet d'une publication dans la revue Nature Communications, revue à très fort impact ;
Considérant que la demande s'inscrit dans la continuité des précédents travaux de l'équipe de recherche ; qu'il s'agit de constituer des cellules souches embryonnaires humaines et des cellules souches pluripotentes induites (IPS) dotées de capacités d'auto-renouvellement et d'une stabilité génétique améliorées, et ayant donc les caractéristiques des cellules naïves ; que plusieurs stratégies seront testées et les cellules seront analysées pour leur auto- renouvellement, leur stabilité génétique et l'ensemble des gènes activés déterminé par analyse du transcriptome ; que ces comparaisons permettront de définir la meilleure stratégie de reprogrammation des cellules amorcées en cellules naïves, mais également de trouver d'autres molécules permettant une telle reprogrammation (notamment des microARN ou des composés modifiant l'épigénome) ;
Considérant que l'objectif envisagé est non seulement d'aboutir à des cellules pluripotentes naïves stables génétiquement en vue d'une utilisation à des fins thérapeutiques, mais également de mettre au point des stratégies de modulation de l'état de pluripotence ; que si les deux types de cellules, CSEH et IPS, ainsi produites ont les mêmes caractéristiques, les secondes seront une véritable alternative aux premières pour les études sur les cellules souches pluripotentes (physiologie, mécanismes physiopathologiques de maladies…) ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que si le projet envisagé a pour objectif d'analyser les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites, l'utilisation des CSEh s'avère indispensable dans la mesure où les cellules IPS ne reproduisent pas le phénotype des CSEh ; qu'elles sont par ailleurs porteuses de mutations dues au processus de reprogrammation lui-même ;
Considérant que les conséquences des anomalies génétiques et des modifications épigénétiques (multiples et différentes pour chaque lignée) créées par le processus de reprogrammation lui-même et le processus de différenciation des cellules iPS sont encore mal appréciées ; qu'une des plus grandes difficultés actuelles est l'extrême hétérogénéité des lignées d'iPS, aggravée par la diversité des techniques de reprogrammation, des conditions de culture et des cellules somatiques d'origine (induisant une « mémoire épigénétique » persistante) ; que les CSEh sont, par comparaison, beaucoup plus homogènes, toutes issues de la masse interne du blastocyste, et spontanément pluripotentes, sans nécessité d'induire des modifications génétiques ou épigénétiques, pour leur conférer cette pluripotence ;
Considérant que l'essentiel des travaux portant sur la conversion des cellules amorcées en cellules naïves et sur l'étude de la compréhension des mécanismes en cause a été réalisé avec des cellules souches embryonnaires humaines, chez la souris comme chez l'homme ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des dispositions législatives et réglementaires ; que la lignée de CSEh utilisée dans le cadre du projet de recherche envisagé, la lignée OSCAR, a été dérivée dans le laboratoire de Pierre Savatier dans le cadre d'un précédent protocole de recherche autorisé par l'Agence de la biomédecine après avis favorable de son conseil d'orientation (autorisation du 13 avril 2007) ; qu'à l'appui de sa demande, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires sont annexés au dossier de demande d'autorisation ;
Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe dédiée au projet est composée de sept personnes ; que l'expérience et la compétence de l'équipe dans le domaine chez le primate depuis quinze ans et chez l'homme depuis huit ans est avérée par une liste conséquente de publications de très haut niveau ; que la structure est pérenne ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée et ont fait l'objet d'une inspection par la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine le 21 avril 2016 ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que les procédures de contrôle qualité des CSEh et les mesures prises pour leur traçabilité sont conformes aux exigences techniques et réglementaires en vigueur ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,
Décide :