JORF n°0288 du 12 décembre 2009

Décision du 2 octobre 2009

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 3 juillet 2009 sous le numéro 03-38-09, présentée par la société POWEO Production, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 489 206 623, dont le siège social est situé 44, rue de Washington, immeuble Artois, 75408 Paris Cedex 08, représentée par son président, M. Frédéric LESCAUDEY DE MANEVILLE, et ayant pour avocats Me Pierre-Alain JEANNENEY et Me Sandrine PERROTET, cabinet VEIL JOURDE, 38, rue de Lisbonne, 75008 Paris.

La société POWEO Production, agissant en son nom propre et au nom des société POWEO Pont-sur-Sambre Production et POWEO Toul Production, a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société RTE EDF Transport (ci-après désignée « RTE »), gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, sur le caractère obligatoire ou facultatif de la participation des producteurs aux services système et sur la rémunération qui leur est due à ce titre.

La société POWEO Production indique que le différend entre directement dans le champ de compétence du comité de règlement des différends et des sanctions dès lors qu'il porte sur l'existence de l'obligation pour un producteur de conclure avec le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité un des contrats mentionnés au deuxième alinéa du III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000 auquel renvoie l'article 38 de la loi du 10 février 2000.

Elle soutient que les dispositions du III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000 consacrent le principe d'une contribution facultative et non obligatoire des producteurs aux services système et que toute autre interprétation serait entachée d'inconstitutionnalité puisque contraire à la liberté contractuelle.

La société POWEO Production estime que, faute d'avoir été publié, le cahier des charges de la concession conclue entre l'Etat et la société RTE ne lui est pas opposable et, en tout état de cause, que les stipulations de l'article 27, qui renvoient à la contractualisation de la participation aux services et réserves, n'ont pas pour effet d'imposer à un producteur de conclure, contre sa volonté, un accord sur la participation aux réserves et services système ; une interprétation contraire méconnaîtrait selon elle les termes mêmes de la directive 2003/54/CE du 26 juin 2003.

Elle soutient que les dispositions des articles 31 et 32 de l'arrêté du 23 avril 2008, qui font expressément référence aux contrats conclus en application de l'article 15 de la loi du 10 février 2000, ne permettent pas au gestionnaire du réseau public de transport d'obliger un producteur à participer à la mise en œuvre des services et des réserves nécessaires au fonctionnement du réseau. Elle estime que l'arrêté, qui ne s'applique qu'aux installations faisant l'objet d'un premier raccordement au réseau public de transport pour lesquelles le producteur dispose d'une proposition technique et financière en cours de validité au 25 avril 2008, n'est pas applicable, ratione temporis, à la société POWEO Production pour l'installation de production de Pont-sur-Sambre. Elle soutient que ladite installation de production relève du champ d'application de l'arrêté du 4 juillet 2003 pris en application du décret du 27 juin 2003 et qu'aucun de ces textes n'impose l'obligation pour les producteurs de participer aux services système.

La société POWEO Production soutient que la rémunération au titre de sa participation aux services système doit, quel que soit son caractère, être fondée sur les règles du marché et ses modalités, transparentes et non discriminatoires, fixées par accord entre les parties.

A cet égard, elle estime que les conditions de rémunération proposées par la société RTE, qui engendrent un manque-à-gagner pour la société POWEO Production, sont illégales en ce qu'elles ne reflètent pas celles du marché, contrairement à ce qu'imposent, selon elle, les dispositions de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003 et du III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000.

Elle soutient que les exigences de l'article 11 de la directive en matière de procédures « transparentes et non discriminatoires » ou encore « concurrentielles » supposent, par nature, que la détermination du prix au titre de la participation des producteurs aux services système se réalise librement, par le jeu de la confrontation entre l'offre et la demande, notamment dans le cadre de procédures d'enchères et qu'il n'est, donc, pas possible pour la société RTE de fixer unilatéralement une rémunération.

Pour l'ensemble de ces raisons, la société POWEO Production demande au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de décider :

― que la société RTE EDF Transport ne peut pas imposer à la société POWEO Production de participer aux services système ;

― qu'en tout état de cause, en cas de participation obligatoire ou volontaire de la société POWEO Production aux services système, le montant de sa rémunération, au titre de la fréquence, doit être fondé sur les règles du marché, que les modalités, transparentes et non discriminatoires, de sa rémunération doivent être fixées par accord des parties et que durant le temps nécessaire à la conclusion de cet accord cette rémunération doit être déterminée, à titre transitoire, par référence aux cotations du marché EPEX Spot France avec une variable d'ajustement prenant en compte la rémunération de la tension.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 21 juillet 2009, présentées par la société RTE EDF Transport (RTE), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 619 258, dont le siège social est situé 1, terrasse Bellini, tour Initiale, TSA 41000, 92919 Paris-La Défense Cedex, représentée par le président du directoire, M. Dominique MAILLARD, et ayant pour avocat Me Joseph VOGEL et Me Maureen DEJOBERT, cabinet VOGEL & VOGEL, 30, avenue d'Iéna, 75116 Paris.

La société RTE rappelle l'enjeu lié au maintien de l'équilibre des flux sur le réseau public de transport et les moyens dont elle dispose pour y parvenir, au nombre desquels figurent le mécanisme d'ajustement et les services système. Elle précise que la participation aux services système est consubstantielle à l'activité de production d'électricité.

Elle soulève, à titre principal, l'irrecevabilité des demandes de la société POWEO Production au motif qu'aucun différend n'est matérialisé sur l'existence de l'obligation pour un producteur de conclure avec le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité un contrat de participation aux services système. Elle ajoute avoir indiqué à la société POWEO Production qu'elle allait poursuivre le processus de raccordement indépendamment de la signature de ce contrat.

A titre subsidiaire, la société RTE soutient que les demandes de la société POWEO Production sont mal fondées.

Elle estime qu'il résulte des textes, en particulier de l'article 14 de la loi du 10 février 2000 et de l'article 9 du décret du 23 avril 2008, que la convention d'exploitation peut imposer aux producteurs de tenir à la disposition de la société RTE une réserve d'énergie qui peut être libérée soit automatiquement, soit à la demande de la société RTE. Comme l'a souligné le directeur de l'énergie dans un courrier du 8 juin 2009, elle estime qu'une obligation est faite aux producteurs de disposer des capacités constructives pour leurs installations et que la réglementation serait dépourvue de tout effet utile si l'on considérait que les capacités constructives sont rendues obligatoires par la loi, mais que leur mise à disposition est facultative.

La société RTE soutient que les dispositions de l'arrêté du 23 avril 2008 s'appliquent à toute installation, y compris celles pour lesquelles le producteur dispose d'une proposition technique et financière en cours de validité au 25 avril 2008. Elle considère qu'il résulte des articles 31 et 32 dudit arrêté que les modalités de participation aux services système sont conformes à la documentation technique de référence (ci-après désignée « DTR ») du gestionnaire du réseau de transport d'électricité et précisées dans les conventions d'exploitation de l'installation de production qui s'appuient sur les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire du réseau et le producteur. Elle précise que le caractère obligatoire de la participation des producteurs aux services système est expressément prévu à l'article 4.1 de la DTR.

Elle soutient que le I de l'article 27 du cahier des charges annexé à l'avenant du 30 octobre 2008 à la convention portant concession à RTE du réseau public de transport d'électricité, actuellement en vigueur, confirme le caractère obligatoire d'une telle participation. Elle estime que dès lors que le cahier des charges de concession du réseau public de transport comporte les mêmes dispositions que le cahier des charges type publié au Journal officiel du 30 décembre 2006, la société POWEO Production ne peut valablement s'opposer à l'application de celles-ci, sauf à contester le caractère réglementaire et obligatoire du cahier des charges type.

La société RTE soutient qu'aucun texte ne lui impose d'octroyer aux producteurs, en contrepartie de leur participation aux services système, une rémunération fondée sur les règles du marché. Elle précise que la directive du 26 juin 2003 ne fait pas référence aux règles de marché et que sa démarche, visant à appliquer la même méthode de rémunération à tous les producteurs, est conforme aux objectifs de non discrimination et de transparence du III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000. Elle considère qu'une rémunération fondée sur des règles de marché est inenvisageable dès lors qu'elle ne dispose pas d'une marge de manœuvre lui permettant de négocier une rémunération distincte pour chaque producteur, le coût global des services système étant fixé par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (ci-après désigné « TURPE »). La société RTE soutient qu'une rémunération au prix EPEX Spot conduirait à doubler ses charges actuelles.

La société RTE demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :

― à titre principal, constater que, faute de différend matérialisé entre les sociétés POWEO Production et RTE, les demandes de la société POWEO Production sont irrecevables ;

― à titre subsidiaire :

― constater que, conformément à la réglementation applicable, une installation de production est tenue de participer aux services système à la demande de la société RTE ;

― constater qu'aucun texte n'impose une rémunération des producteurs, en contrepartie de leur participation aux services système, fondée sur les règles du marché ;

― constater que la mise en place d'un tel système de rémunération est inenvisageable dans le cadre tarifaire actuel dès lors que la société RTE ne dispose pas d'une marge de manœuvre lui permettant de négocier une rémunération distincte pour chaque producteur ;

― constater qu'une rémunération au prix EPEX Spot nécessiterait une augmentation du TURPE de 7 % pour couvrir les charges supplémentaires de rémunération des services système ;

― constater qu'il n'y a pas d'élément probant justifiant que la rémunération prévue dans le contrat de participation aux services système est insuffisante ;

― en conséquence, rejeter toutes les demandes de la société POWEO Production.

Vu les observations en réplique, enregistrées le 3 août 2009, présentées par la société POWEO Production.

La société POWEO Production persiste dans ses conclusions.

Elle indique que, contrairement à ce que soutient RTE, sa demande est recevable dès lors que, la société RTE « n'ayant pas expressément renoncé à [lui] imposer [...] de participer aux services système » dans son courrier en date du 18 juin 2009, il existe bien un différend entre les deux parties.

La société POWEO Production soutient que, le III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000 précisant que le gestionnaire « négocie librement avec les producteurs et les fournisseurs de son choix », la notion de choix exclut toute participation obligatoire des producteurs et que, comme le reconnaît la société RTE, les conditions de participation, notamment les conditions financières, doivent faire l'objet d'une libre négociation entre les parties.

Elle indique qu'il y a bien, contrairement à ce que soutient la société RTE, une logique au régime posé par l'article 15 de la loi du 10 février 2000 car, le gestionnaire du réseau étant tenu de se fonder sur les règles du marché pour rémunérer les producteurs participant aux services système, le régime mis en place est par nature incitatif.

La société POWEO Production soutient que la portée de la loi du 10 février 2000 ne peut s'interpréter au regard des dispositions réglementaires en application du principe de la hiérarchie des normes selon lequel la loi prime sur les dispositions réglementaires. Elle en déduit qu'il n'est pas possible de se fonder sur le décret du 23 avril 2008 ou l'arrêté pris pour son application pour considérer que les producteurs seraient tenus de participer aux services système.

Elle précise qu'en tout état de cause la référence à l'arrêté du 23 avril 2008 n'est pas pertinente.

La société POWEO Production soutient que, les dispositions législatives ayant mis en place un régime de participation facultative aux services système, la DTR de la société RTE, en ce qu'elle institue un régime obligatoire, est nécessairement entachée d'illégalité. Ainsi, la société RTE ne saurait valablement l'invoquer.

Concernant la rémunération afférente à la participation aux services système, la société POWEO Production soutient que l'article 11 de la directive du 26 juin 2003, qui s'intitule « Appel et équilibrage », suppose que cet article s'applique à l'ensemble des mécanismes participant à la fonction d'équilibrage dont font partie les services système. Elle estime qu'ainsi il n'y a pas lieu d'exclure les services système du champ d'application du 6 de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003.

En outre, pour la société POWEO Production, le fait que le 7 de l'article 11 de la directive précitée prévoie que « les conditions, y compris les règles et les prix, applicables pour la prestation de ces services par le gestionnaire du réseau de transport sont établis d'une manière non discriminatoire et en tenant compte des coûts selon une méthode comptable compatible avec l'article 23 paragraphe 2 » n'exclut pas que la rémunération des producteurs participant aux services système puisse être fondée sur les règles du marché.

Elle estime en ce sens que cet article se borne à préciser le mode de rémunération des services fournis par le gestionnaire du réseau selon un principe de prise en compte des coûts qu'il supporte. Un tel principe n'apparaît, donc, pas contraire à une rémunération des producteurs selon les règles du marché.

La société POWEO Production soutient également que le 6 de l'article 11 de la directive précitée a un champ d'application général dès lors qu'il vise l'achat d'énergie utilisée pour « couvrir les pertes d'énergie » et « maintenir une capacité de réserve » et qu'ainsi, au regard de l'intitulé global de l'article 11 de cette même directive, cet article s'applique à l'ensemble des mécanismes d'équilibrage, dont la participation aux services système.

Elle en conclut que tous les mécanismes d'équilibrage doivent être, en application de ces dispositions, fondés sur les règles du marché et que les 6 et 7 de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003 ne sont pas exclusifs l'un de l'autre.

La société POWEO Production estime que le fait que le 2 de l'article 23 de la directive du 26 juin 2003, concernant les conditions de la prestation d'équilibrage, laisse le soin de fixer ou d'approuver les méthodologies par le régulateur ne s'oppose pas à une rémunération des producteurs fondée sur les règles du marché.

Elle soutient que, quand bien même la participation aux services système relèverait des coûts couverts par le TURPE, une telle couverture n'exclut pas une rémunération des producteurs selon les règles du marché. Elle précise que la compensation des pertes est d'ailleurs fondée sur les règles du marché et intégrée dans le TURPE.

La société POWEO Production indique que le mode de rémunération du mécanisme d'ajustement, qui est un service d'équilibrage au sens du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, est couvert par le compte ajustements-écarts, ce qui permet d'envisager un traitement équivalent pour les services système, qui sont bien eux aussi un service d'équilibrage.

Elle estime en outre qu'en excluant la participation aux services système des coûts pris en compte dans la détermination du TURPE, il en résulterait une diminution du TURPE et une limitation du principe de mutualisation des coûts qui bénéficie principalement aux producteurs.

La société POWEO Production soutient que les arguments soulevés par la société RTE sont infondés, car elle ne sollicite une référence à l'indice EPEX Spot que de manière transitoire.

Elle indique que, contrairement à ce que soutient la société RTE, la rémunération des producteurs n'a pas pour objet de compenser les coûts induits par cette participation puisque le 7 de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003 qui pose le principe d'une prise en compte des coûts subis par le gestionnaire du réseau n'exclut pas l'application du 6 de l'article 11 posant le principe d'une rémunération fondée sur les règles du marché.

La société POWEO Production estime que, dans la mesure où il est demandé aux producteurs de contribuer aux services système à hauteur de 7 % de la puissance produite, il n'y a pas de raison pour un investisseur avisé de se fonder sur une évaluation à 3 %.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 27 août 2009, présentées par la société RTE.

La société RTE persiste dans ses précédentes conclusions.

Elle rappelle que la participation des producteurs aux services système ne saurait être facultative et que si tel était le cas un risque majeur pèserait sur la sûreté de fonctionnement du système électrique français et européen.

La société RTE indique que, contrairement à ce que soutient la société POWEO Production, l'article 14 de la loi du 10 février 2000 ne se borne pas à imposer aux producteurs de disposer des capacités constructives leur permettant de participer aux services système mais prévoit que le pouvoir réglementaire devra fixer notamment des règles de fonctionnement des installations de production, dont font partie les conditions de participation aux services système.

Elle rappelle que les textes réglementaires pris en application de l'article 14 de la loi du 10 février 2000, et notamment les dispositions du III de l'article 9 du décret du 23 avril 2008 et des articles 31 et 32 de l'arrêté du 23 avril 2008 pris en application de ce décret, permettent à la société RTE d'imposer aux producteurs de participer aux services système, selon les modalités précisées dans la documentation technique de référence.

La société RTE souligne que, préalablement à sa publication, l'article 4.1 de la documentation technique de référence, selon lequel « en exploitation chaque producteur doit mettre à disposition de RTE les capacités de réglage de ses installations », a été envoyé à la Commission de régulation de l'énergie et à la direction générale de l'énergie et du climat, qui n'ont formulé aucune remarque.

Elle soutient que les dispositions de l'arrêté du 23 avril 2008, et notamment les articles 31 et 32 relatifs aux services système, sont applicables aux conventions d'exploitation qui doivent être conclues pour l'installation de production de Pont-sur-Sambre et qu'ainsi, l'applicabilité immédiate des prescriptions relatives au contenu des conventions de raccordement et d'exploitation se justifie.

La société RTE estime que le libre choix visé par les dispositions de l'article 15 de la loi du 10 février 2000 est celui de la société RTE et non celui des producteurs.

Elle indique que son « choix », entériné par la documentation technique de référence, est transparent et non discriminatoire en prévoyant de faire participer tous les producteurs disposant d'installations dotées de capacités constructives.

Elle précise que la directive du 26 juin 2003 ne prévoit nullement que la participation aux services système est facultative pour les producteurs et qu'ainsi l'interprétation de la loi du 10 février 2000 que la société POWEO Production demande au comité de règlement des différends et des sanctions de valider est contraire à cette directive.

Concernant la question de la rémunération des services système, la société RTE soutient que le point 6 de l'article 11 de la directive 26 juin 2003 ne peut s'appliquer aux services système dans la mesure où il vise les achats d'énergie, contrairement à ce que soutient la société POWEO Production.

Elle précise, en ce sens, que les services système ne constituent pas de l'achat d'énergie, dès lors, d'une part, que le réglage de la tension ne mobilise pas de puissance active et, d'autre part, que les services de réglage primaire et secondaire de la fréquence constituent de simples réserves de puissance mobilisable, de manière automatique, qui ne sollicitent en moyenne aucune énergie.

La société RTE en conclut que les arguments de la société POWEO Production visant à démontrer que les services système relèvent de l'achat d'énergie doivent être écartés et que seules les dispositions du point 7 de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003 s'appliquent aux services système.

Elle estime, en conséquence, que la rémunération des services système n'a pas à être fondée sur les règles du marché.

La société RTE soutient que le coût global des services système est intégré dans les charges couvertes par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité et qu'il n'est donc pas pris en compte dans le compte régulé des charges et produits mis en place par la CRE pour tenir compte des écarts par rapport aux prévisions qui pourraient intervenir pendant la durée d'application d'une décision tarifaire.

Elle précise que le fait que les charges relatives à l'acquisition des services système ne soient pas incluses dans le compte de régulation des charges et des produits (ci-après désigné « CRCP ») signifie que ces charges sont, pour la CRE, d'une grande stabilité et ne sont pas susceptibles de fluctuer de manière significative comme des prix de marché. Ainsi, le cadre tarifaire actuel rend impossible une rémunération fondée sur les règles du marché et il ne ressort pas de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions de le modifier.

La société RTE indique que la demande formulée par la société POWEO Production d'exclure les services système du TURPE nécessiterait une redéfinition du cadre actuel qui, en tout état de cause, ne ressort pas de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.

Concernant la référence à l'indice EPEX pour valoriser les services système, elle ajoute que, les services système n'étant pas un achat d'énergie mais une constitution de réserves de puissance, la référence au prix spot de vente de l'énergie n'a pas de sens.

Enfin, la société RTE estime que les éléments financiers produits par la société POWEO Production, n'étant accompagnés d'aucun élément d'explication, sont invérifiables et que les éléments apportés par les producteurs dans le cadre du groupe de travail « rémunération des services système » ne permettent pas d'éclairer le calcul effectué par la société POWEO Production.

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Vu les observations en triplique, enregistrées le 16 septembre 2009, présentées par la société POWEO Production.

La société POWEO Production soutient que les dispositions de l'article 15 de la loi du 10 février 2000, en précisant que la négociation entre la société RTE et les producteurs et fournisseurs doit être réalisée selon des procédures « concurrentielles, non discriminatoire et transparentes », excluent, par principe, que la société RTE puisse librement choisir qui, au sein des producteurs et fournisseurs, participera ou non aux services système.

Elle indique que, contrairement à ce que soutient la société RTE, les dispositions du 6 de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003 s'appliquent à tous les cas de maintien de capacité de réserve et ce quelle que soit la qualification juridique de l'opération concernée, quel que soit le pas de temps considéré et quelle que soit la déclinaison opérationnelle retenue par la société RTE pour maintenir une capacité de réserve sur son réseau. Ainsi, ce point 6 de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003 concerne, donc, à la fois le mécanisme d'ajustement et les services système.

La société POWEO Production rappelle que si les services système ne sont pas aujourd'hui inclus dans le périmètre du CRCP, c'est parce qu'ils ne sont pas rémunérés, comme l'imposent les textes, selon les règles du marché. Elle ajoute que, dans l'hypothèse où les règles du marché seraient prises en compte, rien n'interdit d'élargir le périmètre du CRCP, comme la CRE l'a déjà fait en 2009 pour y intégrer le risque lié aux incertitudes de soutirage.

Elle indique, en outre, que même si le comité de règlement des différends et des sanctions n'a pas la compétence pour modifier le périmètre du TURPE, rien ne lui interdit pour autant de constater que l'application de la directive du 26 juin 2003 suppose que les services système soient placés hors TURPE.

La société POWEO Production précise, concernant les éléments financiers qu'elle a produits, que les différences entre la troisième méthode étudiée par les producteurs dans le cadre du groupe de travail et les chiffres qu'elle a fournis au comité de règlement des différends et des sanctions s'expliquent principalement par le fait qu'elle a produit un calcul plus précis que celui fourni par les producteurs dans leur ensemble lors du groupe de travail.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, notamment son article 48 ;

Vu la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, notamment son article 38 ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 6 juillet 2009 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 03-38-09 ;

Vu la décision du 30 juillet 2009 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société POWEO Production ;

Vu le décret n° 2003-588 du 27 juin 2003 modifié relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement au réseau public de transport de l'électricité ;

Vu le décret n° 2006-1731 du 23 décembre 2006 modifié approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d'électricité ;

Vu le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics d'électricité ;

Vu l'arrêté du 4 juillet 2003 modifié relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'une installation de production d'énergie électrique ;

Vu l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'électricité d'une installation de production d'énergie électrique ;

Vu la proposition de la Commission de régulation de l'énergie du 26 février 2009 relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;

Vu la décision du 5 juin 2009 du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;

Vu le 3e avenant, en date du 30 octobre 2008, à la convention du 27 novembre 1958 entre le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, agissant au nom de l'Etat, et la société RTE EDF Transport SA, portant concession à RTE EDF Transport SA du réseau public de transport d'électricité.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 25 septembre 2009 en présence de :

M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, M. Jean-Claude HASSAN et Mme Jacqueline RIFFAULT-SILK, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,

Mme Christine LE BIHAN-GRAF, directeur général, M. Rémy COIN, directeur juridique,

M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, M. Mathieu CACCIALI et M. Jérémie ASTIER, rapporteurs adjoints,

Les représentants de la société POWEO Production, assistés de Me Pierre-Alain JEANNENEY et Me Sandrine PERROTET,

Les représentants de la société RTE, assistés de Me Joseph VOGEL.

Après avoir entendu :

― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

― les observations de Me Pierre-Alain JEANNENEY et de M. Johann ZAMBONI, pour la société POWEO Production : la société POWEO Production persiste dans ses moyens et conclusions ; elle indique que la documentation technique de référence publiée par la société RTE est contraire à la loi du 10 février 2000 et à ses textes d'application ; elle soutient que la rémunération des services système selon les règles du marché est admise par l'association ETSO ; elle précise que le terme « capacité » défini à l'article 4.4.1 du projet de contrat de participation aux services système doit être rémunéré sur la base des mécanismes d'appel d'offres ;

― les observations de Me Joseph VOGEL, de Mme Brigitte PERON et de M. Alain FIQUET, pour la société RTE ; la société RTE abandonne ses conclusions tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions déclare irrecevable la demande de la société POWEO Production ; en réponse aux dernières observations en triplique de la société POWEO Production, enregistrées le 16 septembre 2009, elle demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'écarter les pièces en langue anglaise déposées par la société POWEO Production au motif qu'elles n'ont pas été traduites en langue française ; elle ajoute que son choix de faire participer tous les producteurs aux services système est le moins discriminatoire.

Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré les 25 septembre et 2 octobre 2009, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés.

Les faits :

Il ressort des pièces du dossier que la société POWEO Production souhaite développer des installations de production d'électricité constituées de centrales thermiques de type cycle combiné brûlant du gaz naturel.

Le 24 juin 2005, la société JACOBS France, pour le compte de la société POWEO, a demandé à la société RTE le raccordement de son premier projet de centrale à cycle combiné au gaz naturel d'une puissance de 436 MW, situé sur le territoire de la commune de Pont-sur-Sambre (Nord).

A la suite de cette demande, la société RTE a adressé à la société POWEO une proposition technique et financière prévoyant un raccordement par une liaison aérienne existante au poste électrique 225 kV de « Pont-sur-Sambre ». Cette proposition évaluait le montant des travaux de raccordement à 87 830 € HT et leur durée à deux mois. Le 7 octobre 2005, la société POWEO a signé cette proposition.

Le 5 septembre 2005, la société JACOBS France, pour le compte de la société POWEO, a demandé à la société RTE le raccordement de son deuxième projet de centrale à cycle combiné au gaz naturel d'une puissance de 436 MW, situé sur le territoire de la commune de Toul (Meurthe-et-Moselle).

En retour, la société RTE a adressé à la société POWEO une proposition technique et financière prévoyant un raccordement par une liaison aérienne au poste électrique 225 kV de « Croix de Metz ». Cette proposition évaluait le montant des travaux de raccordement à 315 000 € HT et leur durée à 15 mois. Le 5 décembre 2005, la société POWEO a signé cette proposition.

Le 19 septembre 2007, la société POWEO Pont-sur-Sambre Production a signé une convention de raccordement au réseau public de transport d'électricité pour son installation de production de Pont-sur-Sambre, qui évaluait le montant des travaux de raccordement à 89 000 € HT et prévoyait une mise à disposition des ouvrages de raccordement au 1er mars 2008.

Le 25 juillet 2008, la société POWEO Production a signé un contrat d'accès au réseau public de transport d'électricité pour l'installation de production de Pont-sur-Sambre.

Le 10 avril 2009, la société RTE a informé la société POWEO qu'en application du III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000 modifiée « un contrat de participation aux services système doit être établi entre Poweo et RTE » et que « ce contrat a vocation à s'appliquer à la centrale de production de Pont-sur-Sambre, dès lors qu'elle dispose des capacités constructives permettant sa participation aux services système ». Elle a communiqué à la société POWEO un projet de contrat de participation aux services système qui devait être signé préalablement à la convention d'exploitation et de conduite de l'installation de production.

Le 13 mai 2009, la société POWEO Production a indiqué à la société RTE qu'elle n'acceptait pas le projet de contrat de participation aux services système, aux motifs :

― que tous les producteurs ne semblent pas avoir été soumis à cette obligation ;

― que le III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000 n'impose pas aux producteurs de conclure un contrat portant sur leur participation aux services système ;

― que l'arrêté du 23 avril 2008 ne s'applique pas aux installations de production pour lesquelles une proposition technique et financière a été délivrée antérieurement au 25 avril 2008 ;

― que la société RTE ne peut opposer aux producteurs le cahier des charges du réseau public de transport d'électricité ;

― que la société RTE n'a pas fourni en temps utile les éléments économiques nécessaires à la construction de son projet industriel.

Le 15 juin 2009, la société RTE a indiqué au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qu'elle était confrontée au refus d'un producteur de contribuer aux services système et au risque que cette position soit adoptée par d'autres producteurs. Elle a alerté le ministre sur « le risque que cette situation fait peser sur la disponibilité des services système nécessaires pour assurer la sûreté du système électrique interconnecté ».

Prenant acte du refus de signer le contrat de participation aux services système, la société RTE a indiqué à la société POWEO Production, le 18 juin 2009, qu'elle poursuivait le processus de contractualisation préalable à la mise en service de l'installation de production de Pont-sur-Sambre, « indépendamment de la conclusion d'un contrat de participation aux services système ».

Estimant toutefois que la société RTE n'avait pas renoncé à lui imposer de participer aux services système, la société POWEO Production a saisi, le 3 juillet 2009, le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société RTE sur le caractère obligatoire ou facultatif de la participation des producteurs aux services système et sur la rémunération d'une telle participation.

Sur la recevabilité de la demande de la société POWEO Production :

Dans les observations orales qu'elle a présentées lors de la séance publique, la société RTE a indiqué qu'elle renonçait à ses conclusions tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions déclare irrecevable la demande de la société POWEO Production. Il n'y a, donc, pas lieu d'y statuer.

Sur l'admission de pièces du dossier de la société POWEO Production :

Dans les observations orales qu'elle a présentées lors de la séance publique, en réponse aux dernières observations en triplique de la société POWEO Production enregistrées le 16 septembre 2009, la société RTE demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'écarter les pièces en langue anglaise déposées par la société POWEO Production.

Aux termes de l'article 7 de la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions, « la saisine est complétée par les pièces que le demandeur estime utile de produire. Si elles ne sont pas rédigées en français, les pièces jointes à la saisine [...] doivent être assorties d'une traduction en français par un traducteur agréé près les tribunaux ».

Les deux pièces déposées par la société POWEO Production dans son dernier mémoire, intitulées EURELECTRIC, « Position Paper Towards Market Integration of Reserves & Balancing Markets » et ETSO, « Comments EURELECTRIC Position Paper Towards Market Integration of Reserves & Balancing Markets », en langue anglaise et non traduites, seront, donc, écartées des débats.

Sur la participation de la société POWEO Production aux services système :

La société POWEO Production demande au comité de règlement des différends et des sanctions de décider que la société RTE ne peut pas lui imposer de participer aux services système. Elle soutient que l'arrêté du 23 avril 2008, qui ne s'applique qu'aux installations de production faisant l'objet d'un premier raccordement au réseau public de transport pour lesquelles le producteur dispose d'une proposition technique et financière en cours de validité au 25 avril 2008, ne lui est pas applicable, ratione temporis, pour les installations de production de Pont-sur-Sambre et de Toul. Elle estime que ces installations relèvent du champ d'application de l'arrêté du 4 juillet 2003 pris en application du décret du 27 juin 2003.

Sur la réglementation applicable aux installations de production de la société POWEO Production :

Aux termes de l'article 14 de la loi du 10 février 2000, « le gestionnaire du réseau public de transport exploite et entretient le réseau public de transport d'électricité. Il est responsable de son développement afin de permettre le raccordement des producteurs, des réseaux publics de distribution et des consommateurs, ainsi que l'interconnexion avec les autres réseaux. [...] Afin d'assurer la sécurité et la sûreté du réseau et la qualité de son fonctionnement, un décret [...] fixe les prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport auxquelles doivent satisfaire les installations des producteurs [...] ».

Le dispositif réglementaire, pris en application de ces dispositions, résulte d'un décret et de plusieurs arrêtés qui fixent les prescriptions particulières en fonction du type d'installation : installations de production d'électricité, installations de consommation d'électricité ou réseaux publics de distribution d'électricité.

Pour tout nouveau raccordement d'une installation de production au réseau public de transport ou toute modification substantielle d'une installation de production déjà raccordée à ce réseau, le dispositif réglementaire est issu du décret du 23 avril 2008, qui se substitue au décret du 27 juin 2003 en tant qu'il concerne les installations de production, et de l'arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'électricité d'une installation de production d'énergie électrique, qui remplace, en partie, l'arrêté du 4 juillet 2003.

Par exception, en application des articles 33 et 34 de l'arrêté du 23 avril 2008, l'arrêté du 4 juillet 2003 reste applicable aux opérations de raccordement pour lesquelles le demandeur détient, à la date du 25 avril 2008, une proposition technique et financière de raccordement en vigueur à cette même date. A plus forte raison en va-t-il de même lorsqu'à cette même date la proposition technique et financière est signée.

En l'espèce, la société POWEO Production ayant signé respectivement les 7 octobre et 5 décembre 2005 les propositions techniques et financières qui lui avaient été adressées par la société RTE pour ses installations de production de Pont-sur-Sambre et de Toul, l'arrêté du 4 juillet 2003 est seul applicable au présent différend.

Sur le caractère obligatoire ou facultatif de la participation de la société POWEO Production aux services système :

Il y a lieu de faire application de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 dont l'abrogation ne prendra effet qu'au 3 mars 2011, ainsi qu'il résulte de l'article 48 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 susvisée.

Aux termes du considérant 17 de cette directive, « pour garantir à tous les acteurs du marché, y compris les nouveaux arrivants, un accès effectif au marché, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes d'ajustement non discriminatoires et qui reflètent les coûts. A cet effet, dès que le marché de l'électricité sera suffisamment liquide, il conviendra de mettre en place des mécanismes de marché transparents pour la fourniture et l'achat de l'électricité qui sont nécessaires aux fins d'ajustement. En l'absence de marché liquide, les autorités de régulation nationales devraient jouer un rôle actif pour veiller à ce que les tarifs d'ajustement soient non discriminatoires et reflètent les coûts. En même temps, des incitations appropriées devraient être fournies pour équilibrer les entrées et les sorties d'électricité et ne pas compromettre le système ».

Aux termes de l'article 9 (c) de cette même directive, « chaque gestionnaire de réseau de transport est tenu [...] de gérer les flux d'énergie sur le réseau en tenant compte des échanges avec d'autres réseaux interconnectés. A cet effet, le gestionnaire de réseau de transport est tenu d'assurer un réseau électrique sûr, fiable et efficace et, dans ce contexte, de veiller à la disponibilité de tous les services auxiliaires nécessaires dans la mesure où cette disponibilité est indépendante de tout autre réseau de transport avec lequel son réseau est interconnecté ».

La responsabilité ainsi assignée aux gestionnaires de réseaux de transport ne fait aucunement obstacle à ce que les mécanismes d'équilibrage comportent l'obligation pour les producteurs d'électricité de participer aux services système pour assurer la sûreté, la fiabilité et l'efficacité du réseau.

Dès lors, conformément à la portée de la directive sur ce point, le III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000, en ce qu'il dispose que « le gestionnaire du réseau public de transport veille à la disponibilité et à la mise en œuvre des services et des réserves nécessaires au fonctionnement du réseau. [...] A cet effet, il négocie librement avec les producteurs et les fournisseurs de son choix les contrats nécessaires à l'exécution des missions énoncées à l'alinéa précédent, selon des procédures concurrentielles, non discriminatoires et transparentes, telles que notamment des consultations publiques ou le recours à des marchés organisés », doit être interprété, sous réserve qu'il sollicite l'ensemble des producteurs, comme réservant au seul gestionnaire du réseau public de transport le choix des producteurs ou des fournisseurs dont les prestations lui sont nécessaires pour remplir sa mission d'équilibrage, sans laisser à ces derniers la possibilité de ne pas participer aux services système.

La société POWEO Production n'est, donc, pas fondée à soutenir que le régime de participation aux services système mis en place par le législateur serait facultatif.

Sur le mode de fixation de la rémunération des producteurs participant aux services système :

Le présent différend porte non pas sur la capacité de réserve que la société POWEO Production doit mettre à la disposition de la société RTE pour les besoins des services système, mais sur le manque à gagner qui résulte pour la société POWEO Production de ce qu'elle ne peut valoriser cette capacité en vendant la production correspondante sur un marché ; dès lors il y a lieu de se référer non pas au paragraphe 6 de l'article 11 de la directive du 26 juin 2003, qui ne vise que les capacités de réserve et les pertes d'énergie, mais au paragraphe 7 du même article.

Ce paragraphe 7 prévoit que « les règles adoptées par les gestionnaires de réseaux de transport pour assurer l'équilibre du réseau électrique doivent être objectives, transparentes et non discriminatoires, y compris les règles de tarification pour les redevances à payer par les utilisateurs du réseau en cas de déséquilibre. Les conditions, y compris les règles et les prix, applicables pour la prestation de ces services par les gestionnaires de réseau de transport sont établis d'une manière non discriminatoire et en tenant compte des coûts, selon une méthode compatible avec l'article 23, paragraphe 2, et sont publiés ».

Le paragraphe 2 de l'article 23 de la directive du 26 juin 2003 prévoit que les « autorités de régulation se chargent de fixer ou d'approuver, avant leur entrée en vigueur, au moins les méthodologies utilisées pour calculer ou établir : [...] les conditions de la prestation de services d'ajustement » et son paragraphe 3 « nonobstant le paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que les autorités de régulation soumettent à l'organe compétent de l'Etat membre, en vue d'une décision formelle, les tarifs ou au moins les méthodologies visées dans ce paragraphe, ainsi que les modifications visées au paragraphe 4. L'organe compétent a, dans un tel cas, le pouvoir d'approuver ou de rejeter le projet de décision qui lui est soumis par l'autorité de régulation. Les tarifs, les méthodologies ou les modifications qui y sont apportées sont publiés avec la décision lors de l'adoption formelle. Tout rejet formel d'un projet de décision est aussi rendu public, avec sa justification ».

Il résulte explicitement de ces dispositions, ainsi que du considérant 17 précité de la même directive, que les règles de tarification applicables au transport d'électricité, y compris pour l'équilibrage, doivent tenir compte des coûts selon une méthode soumise à l'autorité de régulation.

Si le III de l'article 15 de la loi du 10 février 2000 précise que les prestations d'équilibrage sont fournies selon des procédures concurrentielles, non discriminatoires et transparentes, il n'impose pas pour autant le recours à des marchés organisés, qui ne sont mentionnés qu'à titre d'exemple.

En l'espèce, les conditions prévues par la société RTE pour rémunérer tout producteur de sa participation aux services système, qui reposent sur un prix unique fondé sur les coûts des producteurs et figurent dans un document public, sont exemptes de toute atteinte aux règles de la concurrence, transparentes et non discriminatoires.

Sur l'insuffisance alléguée de la rémunération des producteurs participant aux services système :

La société POWEO Production demande au comité de règlement des différends et des sanctions de décider qu'« en cas de participation obligatoire ou volontaire de POWEO Production aux services système le montant de sa rémunération, au titre de la fréquence, doit être fondé sur les règles du marché, que les modalités, transparentes et non discriminatoires, de sa rémunération doivent être fixées par accord des parties et que durant le temps nécessaire à la conclusion de cet accord cette rémunération doit être déterminée, à titre transitoire, par référence aux cotations du marché EPEX Spot France avec une variable d'ajustement prenant en compte la rémunération de la tension ».

L'exposé des motifs de la proposition de la Commission de régulation de l'énergie du 26 février 2009 relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, approuvés puis rendus public le 5 juin 2009 par décision des ministres chargés de l'économie et de l'énergie, prévoit que « le tarif d'utilisation du réseau public de transport couvre les coûts liés (i) à la constitution des réserves primaires et secondaires de réglage de la fréquence-puissance active ; (ii) à la constitution des réserves primaires et secondaires de réglage de la tension-puissance réactive ; (iii) aux ajustements pour la reconstitution des services système ; (iv) à la compensation synchrone. Le niveau prévisionnel moyen des coûts des services système retenu pour le calage du niveau tarifaire est de 337,4 millions d'euros par an ».

La proposition de la Commission de régulation de l'énergie comporte la reconduction des dispositifs de recouvrement des charges et produits jugés difficilement prévisibles et non maîtrisables (Compte de Régulation des Charges et des Produits ou CRCP), sans en élargir le périmètre à la rémunération des services système.

Cette proposition a été publiée au Journal officiel de la République française du 5 juin 2009. Ainsi approuvés, les tarifs en découlant sont entrés en vigueur le 1er août 2009.

Il n'entre pas dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, telle qu'elle est définie à l'article 38 de la loi du 10 février 2000, de prendre, ne serait-ce qu'à titre provisoire, une décision tarifaire qui remettrait en cause le régime de tarification prévu par la décision relative aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, approuvé, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, par la décision ministérielle en vigueur.

Décide :

Article 1

Les deux pièces déposées par la société POWEO Production intitulées EURELECTRIC, « Position Paper Towards Market Integration of Reserves & Balancing Markets » et ETSO, « Comments EURELECTRIC Position Paper Towards Market Integration of Reserves & Balancing Markets » sont retranchées du dossier.

Article 2

Les demandes de la société POWEO Production sont rejetées.

Article 3

La présente décision sera notifiée à la société POWEO Production et à la société RTE EDF Transport. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 2 octobre 2009.

Pour le comité de règlement

des différends et des sanctions :

Le président,

P.-F. Racine