JORF n°0143 du 20 juin 2017

Décision du 1er février 2017

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 21 janvier 2011 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision n° 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 janvier 2016 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 935, hôpital Paul Brousse, Villejuif) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 26 janvier 2017 ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 16 septembre 2016 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 27 septembre 2016 et 11 janvier 2017 ;

Considérant qu'une première autorisation a été accordée à cette équipe en 2006 pour une durée de cinq ans et a fait l'objet d'un renouvellement en 2011 pour cinq années supplémentaires ; que la demande de renouvellement s'inscrit dans la continuité du programme développé depuis 2006 et le protocole de recherche se poursuit avec une grande homogénéité et a abouti à des résultats très significatifs, en témoigne le nombre élevé de publications ;

Considérant que le projet de recherche utilise les lignées de cellules souches embryonnaires humaines provenant de WiCell (Madison) aux Etats-Unis (lignées H1, H9), de l'université d'Harvard aux Etats-Unis (lignées HUES1, HUES 2, HUES 3, et HUES 7) et de Cellartis (lignée SA-01) ; que déjà présentes sur le territoire national, ces lignées ont été importées par l'équipe en vertu d'autorisations délivrées le 19 juin 2006 et le 17 décembre 2010 par l'Agence de la biomédecine après avis favorables de son conseil d'orientation ;

Considérant qu'à l'occasion des demandes d'autorisation d'importation déposées par Annelise Bennaceur en 2006 et 2010, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande d'autorisation présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; que les lignées sont par ailleurs inscrites au registre du NIH, garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux de consentement des donneurs, de gratuité du don et d'anonymat prévus par le droit français ;

Considérant que le projet de recherche utilise également trois lignées de cellules souches embryonnaires humaines dérivées en France (FE06-0024-L1, FE10-131-L1 et Fe10-151-L1) dans le cadre d'un protocole de recherche autorisé par l'Agence de la biomédecine après avis favorable de son conseil d'orientation ; que la demande d'autorisation présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; qu'à l'appui de la présente demande, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires sont annexés au dossier de demande d'autorisation ;

Considérant que le conseil d'orientation souligne que l'ensemble de ces documents sont de nouveau fournis en annexe à la demande de renouvellement ;

Considérant que la recherche développe deux axes, fondamental et thérapeutique, la recherche fondamentale nourrissant les stratégies thérapeutiques, consacrés aux domaines immunologique et hématologique, qui sont les domaines de compétence d'Annelise Bennaceur et Ali Turhan depuis de très nombreuses années et pour lesquels ils ont acquis une indiscutable reconnaissance internationale ;

Considérant qu'après avoir longtemps travaillé sur le système hématopoïétique adulte, l'équipe d'Annelise Bennaceur s'est concentrée sur la modélisation de la différenciation hématopoïétique à partir de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) ; que ses travaux portent en particulier sur les différenciations lymphoïde, mésenchymateuse, ainsi que sur la question de l'obtention, à partir de CSEh, de cellules souches hématopoïétiques multipotentes lympho-myéloïdes, qui reste toujours un obstacle majeur pour toutes les équipes ;

Considérant que le projet porte sur l'obtention de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et l'étude de l'utilisation thérapeutique des progéniteurs hématopoïétiques et cellules souches mésenchymateuses obtenues à partir de CSEh en comparaison avec plusieurs lignées de cellules souches pluripotentes induites (cellules dites ‘iPS') obtenues au laboratoire par différentes méthodes de reprogrammation ; qu'il s'agit de déterminer les moyens d'améliorer et d'élargir les champs des applications de thérapie cellulaire et génique en hématologie et en cancérologie grâce à l'utilisation des progéniteurs hématopoïétiques et mésenchymateux issus de cellules souches pluripotentes ;

Considérant que le protocole de recherche a pour objectifs de restaurer l'ensemble des lignages du tissu hématopoïétique normal par transplantation de cellules souches hématopoïétiques issues des CSEh en utilisant les propriétés de support et d'immuno-régulation des cellules souches mésenchymateuses pour l'amplification et l'induction de tolérance des greffons hématopoïétiques allogéniques ;

Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que le conseil d'orientation souligne la démarche de l'équipe et son pragmatisme quant à l'utilisation de cellules souches embryonnaires humaines ; que la comparaison du potentiel hématopoïétique des CSEh avec les cellules iPS est essentielle à la compréhension de l'hétérogénéité de ce type de cellules observée par l'équipe ; que l'équipe a démontré que la reprogrammation cellulaire entraîne des altérations génomiques multiples dans les cellules iPS ; que l'évaluation des conséquences fonctionnelles de ces anomalies est un prérequis important avant leur utilisation en clinique, en particulier l'évaluation du risque tumoral ; que l'équipe cherche ainsi à identifier les anomalies génomiques dans les iPS comparées aux CSEh au stade pluripotent et selon les différents lignages et les cellules hématopoïétiques, myéloïdes et lymphoïdes, puis à analyser les conséquences biologiques de ces anomalies sur le risque tumoral dans des modèles murins par l'approche d'organoïdes ;

Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique ne font aucun doute ; que l'identification des cellules souches hématopoïétiques capables de restaurer une hématopoïèse multipotente définitive à partir de cellules souches embryonnaires humaines constitue un prérequis important pour générer un grand nombre de cellules souches hématopoïétiques et d'envisager des thérapies cellulaires d'allogreffe de CSH dans les hémopathies malignes, myélodisplasies et aplasies médullaires d'une part, de moduler le système immunitaire et induire une tolérance dans le contexte allogénique, par la co-injection de cellules souches mésenchymateuses bien caractérisées au niveau fonctionnel d'autre part, et enfin d'établir des stratégies d'immunothérapie adoptive dans les cancers par l'ingénierie à partir de CSH de progéniteurs lymphoïdes ;

Considérant que les travaux de l'équipe d'Annelise Bennaceur ont une finalité, soit de substitution, soit d'induction de tolérance immunologique lors des greffes, soit d'immunothérapie en oncologie, et qu'il apparaît dans ce cadre tout à fait indispensable de s'assurer de l'innocuité des produits cellulaires utilisés ; que c'est un des objectifs mis en avant lors du renouvellement de ce protocole en 2011 ;

Considérant que les principales avancées réalisées depuis 2006 dans le cadre des précédentes autorisations ont concerné 1/ l'étude de la pluripotence et de l'intégrité génomique des cellules souches embryonnaires humaines et des cellules iPS (la cartographie des anomalies, très détaillée, a été corrélée avec les techniques de reprogrammation pour les iPS et avec les méthodes de culture et de passage pour les CSEh et doit servir de guide pour mettre au point de nouvelles techniques de reprogrammation), 2/ l'étude des potentiels hématopoïétiques myéloïdes et lymphoïdes in vitro des CSEh comparés aux cellules iPS afin de tenter de définir des stratégies thérapeutiques (une première étude a permis de caractériser en détail l'émergence des lignées hématopoïétiques, de comparer la hiérarchie des étapes de différenciation aux données de référence des cellules souches hématopoïétiques adultes (moelle osseuse) ou fœtales (cordon) et de confirmer ainsi la grande hétérogénéité des lignées), 3/ la reconstitution in vivo de l'hématopoïèse chez la souris immunodéficiente à partir de CSEh et cellules iPS et la caractérisation des cellules souches hématopoïétiques et 4/ l'analyse de la propriété des cellules souches mésenchymateuses embryonnaires et des propriétés thérapeutiques ;

Considérant que ces travaux ont abouti à plus de vingt publications depuis les cinq dernières années, incluant des publications originales dans des revues à fort impact (Nat Comm, Cell Stem Cell, Nat Genet, Blood, Plos ONE, haematologica) et à l'encadrement d'étudiants en thèse de sciences ;

Considérant que dans le cadre de la demande de renouvellement, l'équipe souhaite poursuivre l'identification des anomalies génomiques dans les cellules iPS comparées aux CSEh au stade pluripotent, et après différenciation dans les lignages hématopoïétiques, myéloïdes et lymphoïdes, d'étudier les conséquences biologiques de ces anomalies sur le risque tumoral dans des modèles murins par l'approche des organoïdes, et enfin de poursuivre les études fonctionnelles et moléculaires des cellules souches mésenchymateuses embryonnaires, en testant leur capacité de soutien de l'hématopoïèse embryonnaire et fœtale et leur potentialité d'immuno-modulation par l'induction de tolérance par rapport aux cellules souches mésenchymateuses de tissus adultes (moelle osseuse et tissu adipeux) dans des modèles de souris immuno-compétentes, et en évaluant leur propriété de prévention de la fibrose médullaire dans des modèles d'hémopathies ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine qui a par ailleurs procédé une visite du site en février 2016 et noté la conformité des procédures de gestion et des règles de sécurité sanitaire ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe de recherche est, depuis 2006, localisée à l'hôpital Paul Brousse dans l'unité Inserm 935, renouvelée (et très bien évaluée par l'Inserm en janvier 2015) ; que l'équipe dédiée à ce programme est conséquente, en adéquation avec l'ambition du protocole, et bien financée ; qu'il faut distinguer dans l'unité, d'une part l'équipe de recherche et, d'autre part, l'équipe de la plateforme ESTeam Paris-Sud dédiée à l'entretien, au contrôle qualité et à la conservation des CSEh, ainsi qu'à la formation des utilisateurs ; que cette plateforme concerne également la manipulation des iPS ; que le projet est innovant, compétitif sur le plan international et que l'équipe possède toutes les conditions nécessaires à sa réalisation ; que des collaborations nationales et internationales de premier plan sont prévues, notamment avec le Docteur C. Eaves de Seattle (Etats-Unis),

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité UMR 935) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de la caractérisation moléculaire des cellules souches embryonnaires humaines et potentialité fonctionnelle des progéniteurs hématopoïétiques, myéloïdes et lymphoïdes et mésenchymateux à visée thérapeutique. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Annelise Bennaceur.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 1er février 2017.

A. Courrèges