JORF n°0198 du 27 août 2013

Décision du 19 juin 2013

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011, notamment son article 57 ;

Vu la décision du 12 avril 2012 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine du 12 mars 2010 autorisant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U 846) à mettre en œuvre le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'identification des gènes impliqués dans le contrôle de l'autorenouvellement des cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu la demande présentée le 30 janvier 2013 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U 846) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu le rapport de la mission d'inspection en date du 16 avril 2013 ;

Vu les rapports d'expertise en date des 10 et 11 avril 2013 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation le 23 mai 2013 ;

Considérant que le laboratoire de Pierre Savatier est un des seuls en France à explorer les déterminants de la pluripotence sur un plan fondamental, en comparant les propriétés de cellules souches embryonnaires dérivées de plusieurs espèces (souris, singe, lapin, homme) ; que les critères analysés sont à la fois moléculaires (panel des gènes exprimés, notamment) et fonctionnels (cycle cellulaire, résistance des cellules à la dissociation unicellulaire, sensibilité aux facteurs de croissance, autorenouvellement, capacité de différenciation) ; que ses travaux le conduisent à confirmer la grande hétérogénéité des propriétés de ces cellules selon les espèces ;

Considérant que les cellules souches embryonnaires murines s'autorenouvellent dans un état de pluripotence dit naïf (les cellules issues de blastocystes dits précoces ne sont pas engagées dans une voie de différenciation et sont capables de participer à des chimères postnatales avec une grande efficacité) en exploitant les voies de signalisation LIF et STAT3 ; que cet état se caractérise par un autorenouvellement stable, l'utilisation de protocoles de culture simples, une grande stabilité génétique et la possibilité d'utiliser des milieux de culture synthétiques parfaitement définis et dépourvus de produits d'origine animale ; que les cellules souches embryonnaires humaines s'autorenouvellent quant à elles dans un état de pluripotence dit amorcé ou compromis en exploitant les voies de signalisation FGF2 et activin/nodal ; que cet état se caractérise par un autorenouvellement instable, des taux d'apoptose et de différenciation élevés ainsi qu'une plus grande instabilité génétique ; que leur culture requiert en outre des milieux complexes et coûteux, contenant des produits d'origine animale susceptibles d'être contaminés ;

Considérant que la recherche a pour objectif de comprendre les mécanismes régulant l'autorenouvellement et l'état de pluripotence des cellules souches embryonnaires humaines et d'appréhender les mécanismes moléculaires responsables de la divergence entre les états naïf et amorcé de pluripotence ; que cette connaissance fondamentale pourrait favoriser sensiblement l'utilisation de ces cellules à des fins thérapeutiques, de manière reproductible et contrôlée ; que l'amélioration des conditions de culture pour un maintien optimal de cette pluripotence est un prérequis nécessaire pour la mise en application de conditions de culture simplifiées et de composition synthétique des milieux parfaitement définie et pour s'assurer du potentiel le plus vaste possible de production de types cellulaire différenciés, permettant ainsi de toucher un plus grand nombre de pathologies, génétiques ou autres ;

Qu'il s'agit en conséquence d'une recherche susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; qu'en l'état actuel de la science de nombreuses données montrent que les lignées de cellules souches iPS ne reproduisent pas fidèlement le phénotype des cellules souches embryonnaires humaines ; que l'étude des mécanismes physiologiques de régulation de l'autorenouvellement et le développement de stratégies visant à améliorer la qualité justifient l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines, qui restent la référence pour étudier les propriétés cardinales de la pluripotence ;

Considérant qu'une première autorisation a été accordée en 2005 pour une durée de cinq ans et a été une première fois renouvelée en 2010 pour trois ans ; que l'équipe a progressé selon le calendrier envisagé et a obtenu des résultats importants ; qu'elle a ainsi développé, à partir d'une lignée de cellules souches embryonnaires humaines dérivée dans son laboratoire (OSCAR), une lignée de surexpression inductible de l'agent STAT3, sous contrôle hormono-dépendant (lignée F-OSCAR-S3) ; qu'ils ont étudié la capacité d'autorenouvellement de ces cellules sous l'action du LIF, la régulation des gènes de la voie STAT3-dépendante et l'obtention de caractères pluripotents (ou naïfs) optimisés ;

Considérant que la présente demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ; que la somme des résultats obtenus est originale et importante et requiert des validations supplémentaires afin de pouvoir permettre leur publication ; que la finalisation de cette étude justifie la demande de renouvellement, qui se propose d'approfondir également la connaissance des mécanismes sous-jacents à la conversion des cellules souches embryonnaires humaines en dérivés améliorés ; qu'il s'agit désormais de confirmer les résultats précédemment obtenus sur la lignée OSCAR modifiée à partir d'une lignée de cellules souches embryonnaires humaines importée via la même stratégie génétique d'induction, d'explorer l'hétérogénéité cellulaire des propriétés de pluripotence par la mesure du profil d'expression de gènes du réseau de pluripotence, d'analyser le mécanisme de synergie entre la voie LIF et STAT3 par des stratégies d'invalidation génétique des récepteurs au LIF et d'analyser le transcriptome des cellules initiales et modifiées après différenciation en différents types cellulaires ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique, d'autre part ; qu'il justifie de la nécessité de recourir à des recherches sur les embryons ou les cellules souches embryonnaires humaines ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe ; que le laboratoire de Pierre Savatier est depuis de très nombreuses années investi dans l'analyse de la pluripotence et des propriétés uniques que confère ce statut pluripotent aux cellules souches embryonnaires humaines ; que plusieurs collaborations sont envisagées avec les plates-formes de génomique (IRB à Montpellier, INRA à Toulouse) et des experts en analyse pangénomique (centre Léon Bérard à Lyon) ; que ce projet s'inscrit enfin dans le label DEVWECAN, porté par Patrick Mehlen, dont l'objectif est d'accroître « la connaissance des mécanismes embryonnaires réactivés au cours de la progression tumorale »,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U 846) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'identification des gènes impliqués dans le contrôle de l'autorenouvellement. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de M. Pierre Savatier.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de trois ans. Elle peut être suspendue à tout moment, pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions des articles du code de la santé publique susvisés.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 19 juin 2013.

E. Prada-Bordenave