JORF n°0175 du 31 juillet 2009

Décision du 16 juillet 2009

L'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles,

Vu le code des assurances, et notamment ses articles L. 310-18, R. 310-18 et R. 336-1 ;

Vu le code monétaire et financier, et notamment ses articles L. 563-3 et R. 563-3 ;

Vu le rapport de contrôle du 17 juillet 2008, les observations en réponse de la société X du 15 octobre 2008 ainsi que les conclusions définitives des contrôleurs du 16 mars 2009 ;

Vu la notification des griefs du 2 juin 2009, adressée par le président de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) à la société X ;

Vu les observations écrites de la société X du 18 juin 2009 ;

Vu la lettre de convocation du 2 juin 2009 ainsi que la lettre de report de l'audition disciplinaire du 22 juin 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance de l'ACAM, qui s'est tenue le 16 juillet 2009, en présence de :

― M. de Vulpillières, membre le plus ancien des membres présents de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, faisant fonction de président de séance, en l'absence du président et du vice-président empêchés, M. Fernandez-Bollo, représentant le gouverneur de la Banque de France, MM. Cellier, Diricq, Guerder, Vandier, membres de l'ACAM ;

― Mme Atig, commissaire du Gouvernement ;

― M. Mantel, secrétaire général, M. Roux, secrétaire général adjoint, Mme Dreyfuss, directeur de cabinet, M. Israël, directeur des affaires juridiques, M. Barjon, commissaire contrôleur des assurances, M. Clerc, chargé de mission à la cellule de lutte antiblanchiment, Mme Litvak, secrétaire de séance, et Mme Baras, agent du secrétariat général ;

― M. A., président de la société X, M. B., directeur général, M. C., directeur juridique, M. D., directeur financier, et Mme E., directrice administrative ;

Après avoir entendu :

― le rapport présenté par M. Clerc, chargé de mission à la cellule de lutte antiblanchiment ;

― les observations de M. A. ainsi que de M. B. ; M. A. ayant pris la parole en dernier.

Le quorum requis étant réuni, le collège ayant délibéré le 16 juillet 2009, hors la présence du commissaire du Gouvernement et de l'ensemble des agents du secrétariat général, à l'exception de la secrétaire de séance.

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :

Considérant que la société X a fait l'objet d'un contrôle sur place, lequel a donné lieu à la rédaction d'un rapport le 17 juillet 2008 ; qu'elle a présenté ses observations en réponse au rapport de contrôle le 15 octobre 2008 ;

Considérant que lors de sa séance du 28 mai 2009, l'Autorité de contrôle, saisie par son secrétaire général, a examiné le rapport établi par les contrôleurs et pris connaissance des réponses apportées par la société X ; qu'à l'issue de cette réunion, l'ACAM a, en application des dispositions de l'article R. 310-18 du code des assurances, décidé de notifier à la société intéressée les faits susceptibles de lui être reprochés ;

Sur le grief relatif à la non-conformité des procédures internes de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme :

Considérant qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article R. 563-3 du code monétaire et financier : « les organismes financiers et les personnes mentionnés à l'article L. 562-1 adoptent des procédures internes adaptées à leurs activités destinées à mettre en œuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme prévues par le présent titre VI (...) » ;

Considérant qu'il est reproché à la société X de ne pas avoir adopté de procédures conformes aux dispositions applicables en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier que les procédures mises en place par la société n'ont pas été actualisées depuis leur adoption en 2004, et cela en dépit des modifications législatives et règlementaires qui sont intervenues ; que, dans le cadre de la vigilance constante, ces procédures ne précisent pas les indicateurs et pièces devant faire l'objet d'une vérification en cas de doute ; qu'enfin, ces procédures n'indiquent pas les modalités de saisine de la cellule de renseignement financier à suivre en cas d'urgence et d'indisponibilité du déclarant TRACFIN conformément à l'article R. 562-1 du code monétaire et financier ;

Considérant que la société intéressée a indiqué, dans ses observations écrites du 18 juin 2009 ainsi que lors de son audition, que, postérieurement au contrôle, ces procédures ont été régulièrement mises à jour et différenciées en fonction de chaque type de produit ; que, par la suite, une nouvelle procédure sera déployée et fera l'objet d'une actualisation lors de la parution des décrets d'application de l'ordonnance du 30 janvier 2009 ; que, toutefois, la circonstance que ladite société ait pris de telles mesures, dont certaines sont encore à confirmer, est sans incidence sur la matérialité des faits au moment du contrôle ; que le grief est donc fondé ;

Sur le grief relatif au défaut de formation à la lutte antiblanchiment du personnel concerné :

Considérant qu'aux termes des dispositions du second alinéa de l'article R. 563-3 du code monétaire et financier : « les organismes financiers et les personnes mentionnés à l'article L. 562-1 assurent la formation et l'information de tous les membres concernés de leur personnel » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des constatations des contrôleurs de l'ACAM qu'à la date du contrôle la société n'avait formé à la lutte antiblanchiment aucun de ses collaborateurs concernés, y compris la personne désignée en tant que correspondante et déclarante TRACFIN ;

Considérant que dans ses observations écrites du 18 juin 2009 ainsi que lors de son audition, la société X a fait valoir que, à la suite du contrôle, les déclarants et correspondants TRACFIN titulaire et suppléant ont suivi fin 2008 une formation à la lutte antiblanchiment ; que des sessions de formation d'une demi-journée ont été organisées en interne au cours des mois de juillet et de septembre 2008 afin de sensibiliser et d'informer l'ensemble du personnel concerné ; que la société envisage de mettre en place un dispositif d'apprentissage en ligne au plus tard au cours du dernier trimestre de l'année 2009 ; que la mise en place ou l'annonce de ces diverses mesures est, cependant, également sans incidence sur la matérialité des faits à l'époque de la vérification ; que le présent grief doit, par conséquent, être retenu à l'encontre de la société X ;

Sur le grief relatif aux carences du contrôle interne :

Considérant qu'aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article R. 563-3 du code monétaire et financier : « les organismes financiers et les personnes mentionnés à l'article L. 562-1 adoptent (...) un dispositif de contrôle interne destiné à assurer le respect des procédures » ; qu'en outre, aux termes des dispositions de l'article R. 336-1 du code des assurances, les sociétés d'assurance sont tenues « de mettre en place un dispositif permanent de contrôle interne » ;

Considérant que le rapport de contrôle établit que des insuffisances du dispositif de contrôle interne existaient en ce qui concerne notamment le respect des procédures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi qu'à l'égard de la maîtrise des prestations externalisées ;

Considérant que dans ses observations écrites du 18 juin 2009 ainsi que lors de son audition, la société X a soutenu que des actions ont été entreprises postérieurement au contrôle pour y remédier ; que celles-ci se sont notamment traduites par la création d'un poste de responsable de la conformité, sans toutefois que le processus de recrutement n'ait abouti à ce jour, par l'intégration au rapport interne 2008 d'une présentation du dispositif de lutte contre le blanchiment et, s'agissant de la maîtrise accrue des prestations externalisées, par l'obtention des attestations d'immatriculation à l'ORIAS des intermédiaires d'assurance préalablement au paiement des commissions, par l'intégration du dispositif de contrôle sur les intermédiaires dans le rapport annuel 2008, par la vérification de l'application des procédures antiblanchiment auprès des souscripteurs de contrats d'assurance groupe ainsi que par la mise en place d'un système d'archivage permettant la conservation durable des données ; que néanmoins, ces mesures sont sans incidence sur la matérialité des manquements constatés à l'époque du contrôle ; que le grief est donc fondé ;

Sur le grief relatif à l'absence de vigilance constante et de vigilance renforcée :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 563-3 du code monétaire et financier les procédures de lutte antiblanchiment et de lutte contre le financement du terrorisme, « qui sont consignées par écrit, organisent une vigilance constante destinée à permettre la détection des opérations devant faire l'objet d'un examen particulier ou d'une déclaration » ;

Considérant, en outre, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 563-3 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable au moment du contrôle : « toute opération importante portant sur des sommes dont le montant unitaire ou total est supérieur à une somme fixée par décret en Conseil d'Etat [150KEUR] et qui, sans entrer dans le champ d'application de l'article L. 562-2, se présente dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraît pas avoir de justification économique ou d'objet licite, doit faire l'objet de la part de l'organisme financier ou de la personne mentionnés à l'article L. 562-1 d'un examen particulier. En ce cas, l'organisme financier ou la personne mentionnée à l'article L. 562-1 se renseigne auprès du client sur l'origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de la transaction et l'identité de la personne qui en bénéficie. Les caractéristiques de l'opération sont consignées par écrit et conservées par l'organisme financier ou la personne mentionnés à l'article L. 562-1 dans les conditions prévues à l'article L. 563-4. Le service institué à l'article L. 562-4 et l'autorité de contrôle peuvent seuls obtenir communication de ce document et des pièces qui s'y rattachent. (...) » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des opérations de contrôle que la société X n'a pas organisé un dispositif de vigilance constante adaptée à son activité, ni procédé au contrôle des opérations en fonction, par exemple, des modalités des versements ou des rachats ou de leurs montants ; que, notamment, un contrat souscrit en janvier 2001 et qui, hormis la prime de souscription, n'avait enregistré que deux versements libres de 30 KEUR et de 125 KEUR, présentait un fonctionnement inhabituel illustré par des rachats partiels de montants similaires intervenus ensuite sur une période de deux à sept mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce fonctionnement de contrat n'avait été ni identifié ni analysé au titre de la vigilance constante ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte également des pièces du dossier que la société a méconnu l'obligation de vigilance renforcée ; qu'en effet, la société X a manqué à son obligation d'identification, de renseignement et de consignation à l'occasion de contrats présentant des opérations d'un montant supérieur à 150 KEUR, à caractère inhabituel et paraissant sans justification économique ; que, notamment, deux contrats souscrits en mai et juin 2004 par un assuré par l'intermédiaire d'un établissement de crédit et sous forme de prime unique, respectivement de 225 KEUR et de 600 KEUR, ont fait l'objet de rachats totaux six mois plus tard, ce qui est inhabituel pour un contrat d'assurance-vie ; que la justification économique de ces opérations n'est pas établie puisque le rendement calculé est voisin de 1 % annuel, ce qui est nettement moins qu'un rendement sur un produit d'épargne à court terme et sans risque ; que, dès lors, il y avait lieu d'identifier ces opérations et de consigner les informations recherchées en application de l'article L. 563-3 précité afin de lever les soupçons pouvant motiver une déclaration au sens de l'article L. 562-2 applicable au moment des faits, ce que l'entreprise n'a pas fait ;

Considérant que si dans ses observations écrites du 18 juin 2009 ainsi que lors de son audition, la société X indique avoir pris des premières mesures pour combler ces lacunes, et s'engage à mettre en œuvre d'autres actions au cours du second semestre 2009, cette circonstance n'est pas, une nouvelle fois, de nature à faire disparaître la matérialité des faits à l'époque de la vérification ; que, par suite, ce grief doit être retenu à son encontre ;

Sur la sanction :

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X a méconnu des dispositions essentielles de la réglementation qui lui est applicable en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et de financement des activités terroristes ; qu'eu égard à la nature des obligations en cause, la société ne peut utilement invoquer, pour atténuer sa responsabilité, ni les circonstances économiques et financières ayant affecté son activité ni l'orientation qu'elle avait donné à celle-ci ; que les manquements retenus à l'encontre de la société justifient le prononcé de sanctions, en application des dispositions de l'article L. 310-18 du code des assurances ;

Considérant que compte tenu des efforts consentis par la société pour remédier aux carences constatées, il y a lieu de prononcer à son encontre un avertissement, assorti d'une sanction pécuniaire de 200 000 € ; qu'il y a lieu de prévoir que la publication de cette décision sera faite sous une forme anonymisée,

Décide :

Article 1

Un avertissement est prononcé à l'encontre de la société X.

Article 2

Une sanction pécuniaire d'un montant de 200 000 EUR (deux cent mille euros) est prononcée à l'encontre de la société X.

Article 3

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, après occultation du nom de la société visée et de ceux de ses représentants.

Article 4

La présente décision sera notifiée à la société X.
Délibérée à l'issue de l'audience, où siégeaient : M. de Vulpillières, président de séance, M. Fernandez-Bollo, représentant le gouverneur de la Banque de France, MM. Cellier, Diricq, Guerder, Vandier, membres de l'ACAM, assistés de Mme Litvak, secrétaire de séance.

Fait à Paris, le 16 juillet 2009.

Le président de séance,

J.-F. de Vulpillières

Nota. ― En application des dispositions de l'article L. 310-18 du code des assurances, cette décision peut, dans le délai de deux mois qui suit sa notification, faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat.