JORF n°0066 du 19 mars 2013

Décision du 11 février 2013

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23, R. 2151-1 et R. 2151-2 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011, notamment son article 57 ;

Vu la décision du 12 avril 2012 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la décision du 21 janvier 2011 renouvelant l'autorisation de protocole de recherche sur l'embryon ayant pour finalité l'étude de la dynamique des changements épigénétiques au cours du développement préimplantatoire de l'embryon humain en utilisant l'inactivation du chromosome X comme processus modèle délivrée au groupe hospitalier Bichat-Claude Bernard (AP-HP, laboratoire d'histologie et de biologie de la reproduction, Paris) ;

Vu la demande présentée le 30 septembre 2012 par le groupe hospitalier Bichat-Claude Bernard (AP-HP, laboratoire d'histologie et de biologie de la reproduction, Paris) aux fins d'obtenir une autorisation de modification substantielle de son protocole de recherche sur l'embryon humain ;

Vu le rapport de la mission d'inspection en date du 16 novembre 2012 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 15 novembre 2012 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation le 10 janvier 2013 ;

Considérant qu'en l'absence d'un mécanisme d'inactivation d'un des deux chromosomes X les gènes présents sur le chromosome X seraient exprimés deux fois plus chez l'embryon femelle ; que ce processus d'inactivation, de nature épigénétique, survient très tôt au cours de l'embryogénèse et est indispensable à la poursuite du développement et de la différenciation cellulaire, toute anomalie de ce processus ayant des conséquences sur la qualité de la différenciation embryonnaire ;

Considérant que, si le mécanisme est bien connu chez la souris, les travaux de Catherine Patrat ont mis en évidence que le processus se mettait en place très différemment chez l'homme ; que l'examen de ce processus est réalisé, d'une part, en étudiant les molécules (par exemple ARN nommés Xist) qui recouvrent le chromosome X et l'empêchent d'être actif, d'autre part, en analysant par imagerie l'activité de ce chromosome en recherchant si les gènes localisés ont produit des transcrits (ARN) et enfin en analysant les marques épigénétiques qui accompagnent cet état inactif (remaniement des protéines histones qui entourent l'ADN et constituent la chromatine dont la structure contrôle l'expression des gènes), et en particulier les méthylations ; que les techniques envisagées sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre et que peu d'équipes la maîtrisent en France ; que l'équipe demanderesse collabore avec une des seules équipes au monde à pouvoir réaliser cette analyse (Edith Heard, Institut Curie), reconnue pour ses travaux sur les mécanismes d'inactivation de l'X chez la souris ;

Considérant que le protocole de recherche a des implications médicales importantes dans le domaine de la mise en place de la régulation épigénétique chez l'embryon précoce, dont on sait que des anomalies à ce stade sont à l'origine de maladies graves, et concernant des dérégulations de nature épigénétique, touchant l'expression de gènes impliqués dans le développement, se manifestant à l'occasion de techniques d'assistance médicale à la procréation et pouvant être liées à une augmentation de la prévalence des maladies dues à des anomalies de gènes soumis à empreinte chez des enfants conçus grâce à ces techniques ;

Qu'il s'agit en conséquence d'une recherche susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que les travaux préliminaires chez l'animal sont précieux mais que l'étude sur l'embryon humain apparaît irremplaçable dans la mesure où les modalités des paramètres étudiés sont spécifiques à chaque espèce et qu'il est nécessaire de prendre en compte la problématique clinique propre à l'espèce humaine ;

Considérant que l'équipe progresse selon le calendrier envisagé et a obtenu des résultats importants publiés dans la revue Nature en 2011 ;

Considérant que les modifications proposées dans la présente demande ne remettent pas en cause la finalité ou les objectifs du protocole autorisé précédemment mais qu'elle est motivée par un changement de technique ; qu'en effet, si l'analyse initiale a été réalisée sur des embryons entiers, le demandeur estime désormais préférable de la restreindre aux cellules de la masse interne, en écartant des cellules qui forment le trophectoderme ; que ce changement apparaît d'autant plus important que le processus d'inactivation peut être différent en termes de cinétiques dans le trophectoderme de ce qu'il est dans la masse interne ; que si jusqu'à présent la dissection de l'embryon se faisait par immunochirurgie, technique s'avérant délétère, l'utilisation du laser pour éliminer la zone pellucide apparaît plus précise et non traumatique pour les cellules embryonnaires ; que ce laser n'existe que dans quelques centres en France et que le demandeur souhaite que le prélèvement des cellules embryonnaires soit réalisé par l'équipe de Nelly Frydman au sein du centre de biologie de la reproduction de l'hôpital Antoine Béclère à Clamart ; que cette technique permettra également d'analyser les cellules de la masse interne individuellement, et en particulier pour les gènes du chromosome X transcrits par RQ-PCR sur cellules uniques ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique de la modification du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique, d'autre part ; qu'il justifie de la nécessité de recourir à des recherches sur les embryons ou les cellules souches embryonnaires humaines ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe ; que la collaboration d'une équipe INSERM internationalement reconnue pour ses travaux sur l'inactivation de l'X chez la souris et d'équipes hospitalo-universitaires performantes en assistance médicale à la procréation et disposant d'embryons donnés à la recherche représente la configuration optimale pour progresser dans la compréhension du processus, particulière chez l'homme et indispensable au développement de l'embryon,

Décide :

Article 1

Le groupe hospitalier Bichat-Claude Bernard (AP-HP, laboratoire d'histologie et de biologie de la reproduction, Paris) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude de la dynamique des changements épigénétiques au cours du développement préimplantatoire de l'embryon humain en utilisant l'inactivation du chromosome X comme processus modèle. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Catherine Patrat.

Article 2

La présente autorisation ne remet pas en cause l'échéance de la durée de l'autorisation délivrée le 21 janvier 2011 par la directrice générale de l'Agence de la biomédecine. Elle peut être suspendue à tout moment, pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions des articles susvisés du code de la santé publique.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 11 février 2013.

E. Prada-Bordenave