JORF n°0066 du 19 mars 2013

Décision du 11 février 2013

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23, R. 2151-1 et R. 2151-2 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011, notamment son article 57 ;

Vu la décision du 12 avril 2012 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 30 septembre 2012 par la société Sanofi (centre de recherche de Vitry-sur-Seine) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu le rapport de la mission d'inspection en date de 3 octobre 2012 ;

Vu les rapports d'expertise en date des 4 et 5 novembre 2012 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation le 10 janvier 2013 ;

Considérant que l'épilepsie congénitale de Dravet, maladie neurologique de l'enfant, est une encéphalopathie rare, grave, débutant vers 5-6 mois et qui se caractérise par des crises épileptiques fréquentes et prolongées, entraînant, du fait de leur répétition, une dégradation de l'état neurologique ayant pour conséquences des difficultés de langage, une mauvaise coordination des mouvements et des troubles du comportement très handicapants ; que la gravité de ces crises vient de leur résistance aux antiépileptiques classiques ; qu'il n'est pas possible de les faire disparaître complètement, de diminuer le risque de mort subite ou de limiter les effets de la maladie sur le développement intellectuel ;

Considérant que ces crises épileptiques sont dues à des mutations d'un canal sodique Nav1.1 (protéine permettant l'entrée d'ions sodium qui augmentent l'excitabilité cellulaire) exprimé à la surface des neurones ; que le dysfonctionnement de ce canal entraîne une activité désordonnée qui aboutit à ces crises épileptiques ; que les enfants atteints du syndrome de Dravet sont porteurs de mutations dans le gène (SCN1A) codant pour la sous-unité alpha du canal sodique, modifiant la structure de ce canal ; que ces mutations sont extrêmement variées (plus de 600 déjà répertoriées) et qu'aucun traitement médicamenteux n'est actuellement efficace pour endiguer l'évolution de cette épilepsie ;

Considérant que le protocole de recherche à finalité thérapeutique a pour objectif de trouver des molécules antiépileptiques efficaces dans le traitement du syndrome de Dravet ; que le demandeur a développé récemment un modèle cellulaire (neurones de rat) mimant une activité épileptiforme et permettant un criblage automatisé, justifiant la faisabilité de la démarche proposée ; qu'il souhaite désormais construire un test in vitro similaire avec des cellules humaines porteuses des mutations du gène SCN1A représentatives des différents patients et leur offrant ainsi une approche médicamenteuse personnalisée (adaptant le traitement à leur mutation) ;

Qu'il s'agit en conséquence d'une recherche susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que le demandeur a débuté ses travaux en utilisant des cellules iPS obtenues à partir de fibroblastes de patients atteints du syndrome de Dravet mais qu'il se heurte à des difficultés techniques dans la mesure où les neurones différenciés à partir de ces cellules ne forment pas un réseau synaptique capable d'activité électrique, prérequis indispensable pour analyser la propagation d'une onde épileptogène ; que l'équipe souhaite donc pour analyser l'origine de ces difficultés, développer des réseaux synaptiques fonctionnels puis appliquer la méthodologie mise au point avec les cellules souches embryonnaires humaines aux cellules iPS porteuses de la mutation, éventuellement utiliser les neurones dopaminergiques dérivés de cellules souches embryonnaires humaines pour compléter le modèle in vitro utilisant les cellules iPS porteuses de la mutation, et, en cas d'échec, créer un modèle complet de cellules souches embryonnaires humaines en y introduisant les mutations pathologiques par recombinaison homologue ;

Considérant que l'utilisation d'un modèle murin, récemment décrite dans la littérature scientifique (souris knock out, dont un gène a été supprimé), n'apparaît pas une alternative crédible en tant que source de neurones pour le test in vitro ou le criblage in vivo, dans la mesure où si elle pourrait apporter des éléments de compréhension de la maladie, elle ne pourrait être complètement adaptée à une démarche ultime de recherche de médicaments ; que la diversité des mutations rendrait illusoire la fabrication d'un modèle murin correspondant à chacune d'entre elles ; que le modèle murin disponible ne reproduit que la forme la plus grave de la maladie ; que le criblage automatisé de molécules thérapeutiques ne peut être réalisé que sur un modèle cellulaire in vitro ; que la réponse à des molécules thérapeutiques, y compris les effets secondaires éventuels, est enfin très dépendante de l'espèce et que l'utilisation de cellules d'origine animale constitue un frein pour une recherche thérapeutique sur l'être humain ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique, d'autre part ; qu'il justifie de la nécessité de recourir à des recherches sur les embryons ou les cellules souches embryonnaires humaines ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe ; qu'elle dispose d'une solide expérience dans le domaine des cellules souches et qu'elle travaille en étroite collaboration avec le service de neurologie de l'hôpital Necker (Paris), référence internationale dans le domaine de l'épilepsie de l'enfant,

Décide :

Article 1

La société Sanofi (centre de recherche de Vitry-sur-Seine) est autorisée à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de l'utilisation de cellules souches embryonnaires humaines et de cellules dérivées pour la génération d'un modèle de syndrome de Dravet (épilepsie myoclonique sévère du nourrisson et de l'enfant) et la recherche de nouveaux médicaments. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de M. Jean-François Mayaux.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de quatre ans. Elle peut être suspendue à tout moment, pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions des articles susvisés du code de la santé publique.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 11 février 2013.

E. Prada-Bordenave