JORF n°230 du 2 octobre 2004

Circulaire du 27 septembre 2004

Paris, le 27 septembre 2004.

Le Premier ministre
à Mesdames et Messieurs les ministres

De la qualité de la transposition en droit interne des directives et des décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes dépendent à la fois la sécurité des situations juridiques et le crédit de la France auprès de ses partenaires européens.
Les obligations de transposition pesant sur l'Etat découlent tant de la Constitution du 4 octobre 1958 que des traités européens. Un manquement à ces obligations n'affecte pas seulement notre crédit au sein de l'Union. Il expose la France à des sanctions contentieuses, y compris pécuniaires. Il entrave le bon fonctionnement du marché intérieur, affectant aussi bien la concurrence entre entreprises que la protection des consommateurs.
Or d'importants efforts restent à faire pour atteindre les deux objectifs régulièrement rappelés par le Conseil européen : ramener le déficit de transposition des directives dites du marché intérieur à moins de 1,5 % de ces directives ; assurer la transposition de l'ensemble des directives dont l'échéance de transposition est dépassée depuis plus de deux ans.
Je souhaite donc que des progrès soient rapidement faits pour rattraper le déficit de transposition. Par ailleurs, afin d'éviter que les mêmes difficultés ne se reproduisent, il convient de définir une méthode de travail qui soit partagée par l'ensemble des ministères. Tel est l'objet de la présente circulaire, qui se substitue à celle du 9 novembre 1998.
Le travail de transposition ne peut être mené efficacement que s'il repose sur une démarche intégrée débutant dès la négociation de l'acte.

  1. L'impact de l'acte en préparation sur le droit interne doit être apprécié le plus en amont possible, pour permettre, à la fois, d'arrêter les positions de négociation de la France en connaissance de cause et de préparer la transposition. Cette appréciation est particulièrement nécessaire du fait de l'intervention croissante de l'Union européenne dans des domaines nouveaux, notamment ceux touchant à l'exercice des libertés publiques.
    Cet effort d'anticipation doit se matérialiser sous la forme d'une étude d'impact, dont l'élaboration et la prise en compte dans le cadre de la négociation s'effectuent selon les modalités définies dans l'annexe I.
  2. Un effort de programmation doit prolonger le travail ainsi accompli en amont de l'adoption de l'acte par les institutions européennes, de manière à prévenir les retards ou difficultés, de nature administrative notamment, traditionnellement observés dans la transposition. Cette programmation est indispensable tant pour permettre au ministère qui a principalement la charge de la transposition d'organiser efficacement son travail que pour assurer la bonne insertion des résultats de ce travail dans les procédures interministérielles.
  3. La constitution d'un réseau interministériel de correspondants de la transposition est nécessaire pour faciliter cette programmation et veiller à sa mise en oeuvre effective. Vous indiquerez dans les meilleurs délais au secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) les coordonnées de deux correspondants en charge de la transposition, l'un choisi au sein de votre cabinet, l'autre désigné dans les conditions prévues à l'annexe II.
  4. Un suivi interministériel régulier des travaux de transposition sera organisé selon les modalités définies à l'annexe III. Il permettra d'identifier toute difficulté rencontrée dans la transposition, de trouver les moyens de la surmonter et de prévenir le contentieux communautaire.
    Je vous demande d'accorder une attention particulière à la mise en oeuvre de ces instructions par vos services.

A N N E X E I I

A N N E X E I I I

Article Annexe

A N N E X E I

MESURE DE L'IMPACT DES PROJETS D'ACTES EUROPÉENS DANS LA NÉGOCIATION DES DIRECTIVES ET DES DÉCISIONS-CADRES Chaque ministère assume, dans son domaine propre, la responsabilité de la préparation de la transposition du droit européen en droit interne. Cette responsabilité commence en amont de l'adoption des directives par le Conseil. Les effets sur le droit interne des dispositions envisagées et les contraintes ou difficultés qui pourront en résulter doivent être mesurés et pris en compte dès le stade de l'élaboration et de la négociation des actes des institutions européennes.
L'identification de ces contraintes pourra en particulier nourrir les positions exprimées auprès de la Commission européenne dans la phase de consultation préalable des propositions d'actes (consultations sur les livres blancs ou livres verts par exemple). Une vigilance particulière mérite d'être accordée à ce stade au choix de l'instrument juridique soumis à la négociation. Il est de peu d'intérêts de faire le choix d'une directive lorsque sont négociées des règles qui ne laisseront aux Etats membres aucune marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre du droit européen : dans la mesure du possible, la forme du règlement devrait en ce cas être privilégiée.

I. - Règles générales

L'activité normative de l'Union doit être gouvernée par les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il convient d'examiner chaque proposition de directive ou de décision-cadre à la lumière de ces principes, qui conduisent à écarter de leur champ les questions qui peuvent être réglées au niveau national par chaque Etat membre.
Il faut également faire en sorte, au cours de la négociation, que soit fixée dans l'acte adopté par les institutions européennes une échéance de transposition compatible avec les difficultés d'ordre interne à surmonter pour la complète application de l'acte négocié, telles qu'elles ont pu être identifiées à ce stade. La demande de mise en oeuvre progressive d'un acte peut être un moyen de surmonter ces difficultés, dès lors que les délais ainsi obtenus sont effectivement mis à profit pour appliquer la stratégie initialement définie pour la transposition de l'acte.

II. - Fiche d'impact simplifiée et étude d'impact

a) Tout projet d'acte des institutions européennes doit donner lieu à une analyse préalable de ses impacts juridiques, budgétaires, techniques ou administratifs, y compris, le cas échéant, pour les collectivités territoriales, ainsi que de ses conséquences sur le secteur d'activité concerné.
A cet effet, le ministère chef de file doit fournir, sur l'invitation du SGCI et dans les trois semaines suivant la transmission aux assemblées d'une proposition d'acte européen dans le cadre de la procédure de l'article 88-4 de la Constitution, une fiche d'impact juridique simplifiée relative à cet acte. Cette fiche dresse la liste des textes de droit interne dont l'élaboration ou la modification seront nécessaires en cas d'adoption de la directive ou de la décision-cadre. Elle indique quelles sont les difficultés de transposition déjà identifiées.
Il peut s'agir, en particulier :
- d'interrogations sur le choix du niveau de texte adéquat dans la hiérarchie des normes internes au vu, en particulier, de la position adoptée par le Conseil d'Etat dans le cadre de la procédure instituée par la circulaire du 13 décembre 1999 relative à l'application de l'article 88-4 de la Constitution ;
- de difficultés d'interprétation ou de risques d'incohérence au regard des dispositions de droit interne existantes liés à une insuffisante qualité rédactionnelle du texte communautaire.
Cette fiche est accompagnée d'une première évaluation portant sur les impacts autres que juridiques de l'acte, ainsi que d'un avis sur le principe du texte.
b) L'analyse ainsi effectuée permet d'éclairer la négociation dès le stade initial. Première étape de l'étude d'impact, elle est ensuite enrichie et adaptée lorsque des modifications notables sont apportées à la proposition du fait de la position commune adoptée au Conseil ou à la suite d'amendements proposés par le Parlement européen.
Sans verser dans un formalisme excessif et avec le degré de finesse autorisée par le stade de la négociation, l'étude d'impact doit :
- d'une part, comporter un tableau de concordance, article par article, entre l'acte en cours de négociation et les dispositions de droit appelées à faire l'objet de modifications lors de la transposition ;
- d'autre part, permettre de mesurer les impacts techniques, budgétaires et administratifs de l'acte en cours de négociation. Les positions du Gouvernement dans la négociation doivent tenir compte de ces différents impacts.
L'étude d'impact dresse également la liste des organismes dont la consultation constitue un préalable nécessaire à la transposition en droit interne des directives et des décisions-cadres. Dès le stade de la négociation, il est utile que soient consultés les différents acteurs du secteur concerné, y compris, le cas échéant, les organismes obligatoirement consultés au stade de l'élaboration des mesures nationales d'exécution. Dès ce stade, une attention particulière devra être prêtée à l'association des collectivités territoriales lorsque la proposition d'acte négociée affecte leurs domaines de compétences.
c) S'il apparaît, dès la présentation du projet d'acte ou au cours de sa négociation, que l'insertion dans le droit interne du texte examiné par le Conseil de l'Union européenne est susceptible de soulever des problèmes juridiques délicats, le Conseil d'Etat peut être saisi sans attendre d'une demande d'avis, selon les modalités prévues par la circulaire du 30 janvier 2003.

La présente circulaire se substitue à celle du 9 novembre 1998.

Jean-Pierre Raffarin