Paris, le 20 juillet 2010.
Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales à Madame et Messieurs les préfets de région, Mesdames et Messieurs les préfets de département
Le décret du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets constitue la clé de voûte de la nouvelle administration territoriale de l'Etat.
Il confère au préfet de région la responsabilité de l'exécution des politiques publiques. Disposant d'un pouvoir d'instruction et d'un droit d'évocation, le préfet de région assure la coordination régionale. Disposant du pouvoir de répartir les crédits des budgets opérationnels de programme entre actions et entre départements, le préfet de région adapte les politiques publiques aux enjeux territoriaux.
Le droit d'évocation représente un instrument novateur de pilotage régional, qui s'ajoute au mode ordinaire de mise en cohérence des politiques de l'Etat dans le cadre des délibérations et des conclusions du comité de l'administration régionale.
La présente instruction traite de ses modalités de mise en œuvre et de ses effets.
- Le droit d'évocation, un instrument novateur de coordination régionale.
a) Un instrument novateur.
Le droit d'évocation a été institué par l'article 2 du décret n° 2010-146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et les départements :
« Le préfet de région peut évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale. Dans ce cas, il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département. »
Le droit d'évocation confère au préfet de région la capacité de modifier la répartition des compétences opérée par les normes réglementaires. Le préfet de région acquiert en quelque sorte la faculté d'élargir sa propre compétence dans les conditions définies par le décret.
Le droit d'évocation s'applique sur « tout ou partie d'une compétence ». Il ne vise donc pas à transférer des blocs de compétences mais à faire traiter au niveau régional des compétences déterminées, le cas échéant des segments de compétences, variables selon les spécificités territoriales des régions et les nécessités du moment.
A titre illustratif, pour ce qui concerne la revitalisation des bassins d'emploi, il n'est, de façon générale, pas opportun d'évoquer l'ensemble de la compétence qui inclut notamment la conclusion des conventions de revitalisation avec les entreprises assujetties et leur animation territoriale en relation avec les collectivités locales ; en revanche, il peut apparaître pertinent d'évoquer la partie de la compétence se rapportant à l'appréciation et à la notification de l'obligation de revitalisation en vue d'assurer la cohérence de la politique d'accompagnement des mutations économiques dans la région.
Le droit d'évocation vise des compétences, ce qui exclut que le préfet de région le mette en œuvre au cas par cas. En revanche, le fait qu'un champ de compétence, à un moment donné, ne concerne qu'un dossier n'exclut pas l'exercice du droit d'évocation.
L'exercice du droit d'évocation se justifie lorsque les nécessités de la coordination régionale l'imposent (« à des fins de coordination régionale ») : il doit être justifié par un objectif d'intérêt régional et s'appliquer sur au moins deux départements de la région.
b) Un instrument ad hoc.
Le préfet de région peut exercer ce droit sur des matières qu'il a préalablement identifiées et prend les décisions correspondantes ; en ce sens, il s'assimile à un pouvoir de substitution ex ante.
Le droit d'évocation dévolu au préfet de région est ainsi distinct du pouvoir d'évocation comme attribut du pouvoir hiérarchique permettant d'annuler et de réformer les actes d'un subordonné. Un pouvoir défini selon ces termes aurait conduit à faire du préfet de région l'instance d'appel des décisions du préfet de département. Cette option n'a pas été retenue par le Gouvernement.
c) Un instrument applicable à des compétences particulières du préfet de département.
Institué par un décret pris en conseil des ministres, le droit d'évocation peut s'appliquer à l'essentiel des compétences attribuées par des dispositions réglementaires au préfet de département.
Il ne peut être mis en œuvre pour ce qui concerne :
― les compétences propres du préfet de département mentionnées aux articles 10, 11 et 11-1 du décret du 29 avril 2004 modifié (ordre public et sécurité des populations, contrôle de légalité, droit des étrangers) ;
― les compétences attribuées par des dispositions législatives au préfet de département.
Le tableau figurant en annexe fournit quelques exemples de domaines qui peuvent donner lieu à l'exercice du droit d'évocation. - Le droit d'évocation s'exerce selon des modalités précisément définies.
a) Le droit d'évocation se matérialise par un arrêté du préfet de région.
Cet arrêté doit être publié dans les conditions habituelles pour entrer en vigueur.
Il n'est pas nécessaire de prendre un nouvel arrêté en situation de suppléance ou d'intérim du préfet de région, ou encore à l'occasion de l'installation d'un nouveau représentant de l'Etat dans la région.
b) Le préfet de région exerce ce droit personnellement.
L'autorité du préfet de région sur les préfets de département « ne peut être déléguée ». Le préfet de région ne peut donc ni déléguer sa signature ni déléguer son pouvoir dans cette matière. A titre d'exemple, ni le secrétaire général chargé de la suppléance ni un directeur régional ne peuvent prendre des décisions en lieu et place des préfets de département.
c) Le droit d'évocation est exercé pendant une « durée limitée ».
L'arrêté du préfet de région doit proportionner dans le temps l'exercice du droit d'évocation, notamment en fonction de l'objectif poursuivi. A titre indicatif, une durée de une à trois années représente un pas de temps raisonnable prenant en compte la variation des besoins de coordination selon les circonstances et les besoins considérés.
d) Les conséquences de l'exercice du droit d'évocation.
Le préfet de région prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets des départements de la région concernés par la compétence évoquée. Il assume la responsabilité des décisions prises à son niveau.
Les recours hiérarchiques contre les décisions des préfets de région sont adressés aux ministres compétents, comme le précise l'article 2 du décret du 29 avril 2004 modifié.
Lorsque le préfet de région évoque tout ou partie d'une compétence, les préfets des départements de la région peuvent intervenir dans le domaine concerné mais sans prendre les décisions relevant de la compétence évoquée par le préfet de région.
L'exercice du droit d'évocation ne donne pas au préfet de région un pouvoir de direction des services placés sous l'autorité du préfet de département pour l'exercice de tout ou partie d'une compétence départementale évoquée par arrêté. Le principe de bonne administration conduit le préfet de région à s'appuyer sur le préfet de département pour, le cas échéant, utiliser les moyens de la préfecture et/ou des directions départementales interministérielles, conduire la procédure et préparer les actes relevant de la compétence évoquée.
*
* *
A partir de la présente instruction, les préfets de région peuvent exercer sans attendre le droit d'évocation dans les conditions précisées ci-dessus.
Vous voudrez bien me faire part de toute difficulté rencontrée dans l'application de la présente circulaire.
1 version