JORF n°0162 du 16 juillet 2009

Rapport du

Les faits

La Commission nationale de déontologie de la sécurité a été saisie, le 19 février 2009, par un parlementaire, des conditions d'hospitalisation d'un condamné, évadé d'une maison centrale, qui avait été blessé lors d'un échange de coups de feu avec des fonctionnaires de police au moment de son arrestation.
Compte tenu de la nature des faits soumis à la commission et dans la mesure où le détenu pouvait à tout moment être transféré dans un autre établissement, le président de la CNDS a immédiatement missionné un rapporteur, membre de la commission et professeur de médecine légale, pour se rendre à l'hôpital de Créteil où se trouvait le blessé et procéder aux vérifications nécessaires à l'instruction de la réclamation, comme il est prévu à l'article 6 de la loi du 6 juin 2000 portant création de la CNDS.
Selon ces dispositions, des vérifications peuvent être réalisées sans préavis. Néanmoins, le président a pris l'attache du directeur du cabinet du préfet de police de Paris et du procureur de la République du ressort, qui n'ont soulevé aucune objection. Le rapporteur a pour sa part pris contact avec le chef du service hospitalier.
Toutefois lorsqu'il s'est présenté à l'hôpital le jour même, il lui a été indiqué par un fonctionnaire de police, responsable de la garde du détenu, qu'il ne pouvait accéder auprès de celui-ci. Après diverses informations contradictoires, ce fonctionnaire a fini par dire qu'il fallait obtenir l'accord du cabinet du garde des sceaux.
Contacté par le président de la commission, un membre de ce cabinet, qui en avait référé à son directeur, a fait savoir qu'il n'y avait aucun obstacle de la part du ministère de la justice et que le préfet du Val-de-Marne en était avisé, afin qu'il puisse prendre les mesures nécessaires.
Les fonctionnaires de police chargés de la garde à l'hôpital n'ayant reçu aucune instruction nouvelle, le rapporteur de la commission, ayant attendu en vain, s'est finalement retiré sans avoir pu remplir sa mission.

L'avis de la commission

Dans un avis émis le 16 avril 2009 et adressé au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, la CNDS a constaté « la volonté délibérée de la part de fonctionnaires relevant du ministère de l'intérieur, nécessairement informés de la démarche de la commission, de s'opposer à l'accomplissement, par un de ses membres, de vérifications sur place, violant ainsi les articles 5, deuxième alinéa, et 6 de la loi du 6 juin 2000 ».
La commission a recommandé que soient rappelées à ces fonctionnaires, quel que soit leur niveau hiérarchique, les obligations résultant pour eux de la loi du 6 juin 2000 et a élevé une vigoureuse protestation pour l'entrave inadmissible ainsi portée à l'exercice de sa mission.
Cette entrave pouvant être constitutive d'une infraction pénale prévue à l'article 15 de la loi du 6 juin 2000, la commission a transmis son avis au procureur de la République.

La réponse du ministre et les observations qu'elle appelle

Dans la réponse à l'avis de la commission en date du 15 juin 2009, le ministre de l'intérieur indique que, si le rapporteur désigné par la commission n'a pu se rendre auprès du détenu pour vérifier ses conditions d'hospitalisation, « c'est en raison d'une mauvaise orientation de ses démarches. En effet, loin de chercher à entraver la mission de la commission, le préfet du Val-de-Marne a attendu, en vain, d'être contacté par le représentant de la CNDS ».
La commission considère qu'elle ne peut se satisfaire d'une telle réponse, tant pour des raisons de principe qu'au regard d'éléments factuels.
Elle rappelle qu'elle tient des articles 5 et 6 de la loi du 6 juin 2000 le droit de procéder à des vérifications sur place et que celles-ci peuvent, à titre exceptionnel, être réalisées sans préavis. Les contacts préalables pris avec diverses autorités n'étaient donc pas des demandes d'autorisations, celles-ci n'ayant pas lieu d'être.
La visite du détenu par un membre de la commission, muni d'une lettre de mission et pouvant justifier de sa qualité, n'avait donc pas à être autorisée ou acceptée par l'autorité préfectorale, le rôle de celle-ci étant limité à rappeler aux fonctionnaires en service sur place leur obligation légale de laisser s'effectuer la visite.
De plus, la préfecture du Val-de-Marne ne pouvait manifestement ignorer la démarche entreprise par la commission dès lors, d'une part, qu'elle en avait été avisée par le cabinet du garde des sceaux, d'autre part, qu'il est peu vraisemblable que les fonctionnaires de police en service à l'hôpital n'aient pas rendu compte à leur hiérarchie de la présence du représentant de la CNDS. Dans l'hypothèse où le préfet aurait attendu d'être contacté, il lui était loisible de le faire savoir soit directement à la commission, soit au rapporteur se trouvant à l'hôpital.
La commission constatant que ses recommandations du 6 avril 2009 n'ont pas été suivies d'effet pour des motifs qui ne lui apparaissent pas pertinents et compte tenu de l'importante question de principe soulevée par les entraves apportées à l'exercice d'une mission qu'elle tient de la loi décide de publier un rapport spécial, en application de l'article 7, dernier alinéa, de la loi du 6 juin 2000.
Adopté le 29 juin 2009.

Pour la Commission nationale

de déontologie de la sécurité :

Le président,

R. Beauvois