JORF n°0055 du 6 mars 2022

Avis n°A-2022-2

Ce texte est une simplification générée par une IA.
Il n'a pas de valeur légale et peut contenir des erreurs.

Avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) sur l'accompagnement de la fin de la vie

Résumé La CNCDH veut améliorer les soins pour les personnes en fin de vie en respectant leurs droits et en luttant contre les discriminations.

Assemblée plénière du 17 février 2022

(Adoption à l'unanimité moins une abstention)

Résumé

La crise sanitaire a rappelé les lacunes du système sanitaire et médico-social en matière d'accompagnement de la fin de la vie. Un équilibre doit être recherché entre l'approche sanitaire et les autres approches à partir des droits des personnes. Outre la revalorisation et le renforcement des métiers du soin et du lien, la CNCDH recommande de replacer la mort au centre du débat public en organisant des états généraux de la fin de la vie, afin, notamment, d'anticiper les enjeux du vieillissement. Elle recommande également de développer une culture palliative partagée, de mieux informer les personnes sur leurs droits et les dispositifs existants et de créer un répertoire national regroupant les dispositions anticipées. Elle suggère de lutter contre l'isolement social, les discriminations liées à l'âge et les inégalités en garantissant un meilleur maillage territorial favorisant les échanges en réseau entre professionnels et en multipliant les lieux de vie partagés. La CNCDH appelle enfin à mieux accompagner les aidants mais également les plus démunis tout au long du processus de fin de la vie.

Introduction

  1. La crise sanitaire de la Covid-19 nous a brutalement rappelés à notre condition commune de fragilité et à la seule certitude que nous avons tous de mourir. S'invitant comme une menace et une réalité bien présentes pour de nombreuses personnes, familles, accompagnants et professionnels, elle a fait aussi résonner un constat : les inégalités de la vie se prolongent devant la mort et après elle. Les plus précaires, les plus vulnérables parmi les adultes et les enfants ont clairement été davantage touchés que les autres, ainsi que nous avons pu l'entendre lors de nos auditions. Mais tous, y compris les personnels soignants, sociaux, médico-sociaux, les pharmaciens, les accompagnants, les aidants, les bénévoles associatifs…, ont ressenti l'extrême difficulté à accompagner et à maintenir les liens auprès des personnes en fin de leur vie ou en train de mourir. Même pour ceux qui ont une famille, des proches, il n'a pas été possible dans de nombreux cas d'être présents auprès des malades ou de leurs proches, ni de dire adieu, ni même d'organiser les obsèques. Ce fut particulièrement vrai dans les premiers temps et d'une grande violence.

  2. La pandémie et les mesures d'exception prises successivement au nom de la crise sanitaire ont mis en évidence et amplifié des dysfonctionnements déjà présents, et maintes fois dénoncés, dans notre système de santé et d'accompagnement social et médico-social. Les hôpitaux publics, souvent bien seuls, ont été soumis à une tension extrême alors qu'ils subissent, depuis le début des années 2000, des réductions importantes d'effectifs et de dépenses, s'accompagnant d'un pilotage managérial drastique. En outre, les relations insuffisantes, voire compliquées entre hôpital, médecine de ville et soins à domicile n'ont favorisé ni les alternatives à l'hospitalisation, ni les retours d'hospitalisation. De plus, les organismes publics de régulation de l'organisation des soins, dont les agences régionales de santé (ARS), n'ont pas toujours pleinement rempli leurs missions. L'une des conséquences a été d'accentuer davantage le déséquilibre récurrent de l'offre de soins, en particulier à l'égard des populations demeurant dans les nombreux déserts médicaux. Ces déséquilibres reflètent l'insuffisance de la considération à l'égard des soignants dans leur ensemble, de l'indispensable reconnaissance de l'importance du travail en équipe incluant les relais sociaux et médico-sociaux et du nombre de médecins, d'infirmiers, d'aides-soignants et autres personnels paramédicaux (1). Des efforts massifs de reconnaissance, de recrutement et de formation, y compris en formation continue, devraient pouvoir remédier à ces failles. Il est également urgent d'une part d'adapter les rémunérations pour tendre vers les moyennes européennes, d'autre part de démocratiser la prise de décision organisationnelle dans les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux pour améliorer les conditions d'agents aujourd'hui épuisés.

  3. Les personnes les plus vulnérables, parfois jeunes, fragilisées notamment par des affections chroniques, invalidantes ou incapacitantes, tels les habitants de la rue, les personnes âgées dépendantes vivant à domicile, les migrants, les personnes en rupture digitale, ont été insuffisamment prises en compte et leur accompagnement social et médico-social n'a pas été à la hauteur des réels besoins sur de nombreux territoires. Le nombre même de personnes malades et décédées dans ces catégories est inconnu à ce jour, près de deux ans après le début de la crise sanitaire. ‌

  4. Face à ces constats, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) considère que la violence de la pandémie et les mesures prises dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire (2) ont souvent porté de réelles atteintes à la dignité et à l'humanité des personnes : non-respect de personnes mourantes, priorisation de réanimations, isolement, restriction des visites en hôpital ou en établissement, encadrement des enterrements, etc. Ce déficit de considération effective envers les personnes en fin de vie, leurs proches aidants, les personnels accompagnants (à l'hôpital, au domicile), faisait déjà largement débat avant la pandémie et la saturation de la plupart des services d'urgence avait entraîné les alertes lancées par les personnels soignants de ces services dès le début de l'année 2019, en particulier pour dénoncer les décès sur brancards dans des conditions résultant déjà de moyens humains insuffisants quelquefois " sans qu'on s'en aperçoive " (3). La pandémie l'a amplifié dans nombre de situations, parfois de façon paroxystique. Au-delà de cette période particulière des derniers instants de la vie, toujours délicate à cerner, c'est l'ensemble de l'accompagnement de la fin de la vie, pensé comme un processus qui n'est pas uniquement sanitaire, qui a en réalité montré ses limites, dans des conditions dramatiques pour tous les intervenants.

  5. La CNCDH estime donc que les conséquences doivent en être tirées et qu'il est désormais impératif de construire une vraie politique de la fin de la vie, respectueuse des personnes, de leurs préférences, faisant sens pour leurs familles, leurs proches et pour les acteurs concernés. Dans une société qui ne parvient pas à parler de l'expérience de la finitude parce qu'elle entrevoit la mort comme un échec, il est urgent que les missions du sanitaire et du médico-social se coordonnent pour permettre non seulement de préserver la vie mais aussi de l'accompagner jusqu'à la fin. Cet accompagnement de fin de la vie, qui peut être long et ne se confond pas avec la " fin de vie ", doit pouvoir être pensé et préparé, par des choix anticipés lorsqu'ils sont possibles et souhaités. L'expression des personnes elles-mêmes, de leurs proches et de tous ceux qui comptent pour elles, doit être favorisée jusqu'au bout. Le ressenti des familles et des professionnels et la prise en compte des souffrances et de l'isolement des personnes doivent également être entendus. Le processus de fin de la vie et l'" expérience collective de la finitude ", qui peut concerner des enfants et des adultes de tous âges, doivent être accompagnés tout au long du parcours, y compris après la mort du défunt. Le choix des obsèques ou les rituels de la mort, par exemple, doivent être mis en mots et respectés. Ce sont ces gestes d'humanité profonde qui n'ont pas été suffisamment entendus au cours de la crise sanitaire et qui se sont exprimés, avec retenue mais aussi avec colère, lors des auditions.

  6. Dans un contexte de grandes inégalités sociales et culturelles, la fin de la vie n'est en effet pas seulement individuelle, elle concerne l'ensemble de la société. La CNCDH entend y contribuer en s'inscrivant dans les débats actuels (lois de bioéthique, lois sur la fin de vie, loi - reportée - sur l'autonomie, etc.) avec la volonté de faire émerger effectivement les droits des personnes directement concernées par une approche pluridisciplinaire et ouverte permettant une complète information et l'expression de tous. Elle exprime ses inquiétudes sur l'insuffisante communication sur les droits nouveaux dans la société tout entière, et individuellement à chaque personne et aidant, lorsque la situation le rend nécessaire. Dans ce sens, elle réaffirme que les contenus des droits doivent être explicités par une formulation accessible à tous (directives anticipées, soins palliatifs, renoncement à l'acharnement thérapeutique en phase terminale, etc.) dans une perspective de démocratie en santé. Elle alerte aussi sur les conséquences dramatiques, dans de nombreux cas, de l'absence de reconnaissance du temps nécessaire aux intervenants pour prendre la mesure de ce que la personne concernée, ses aidants aussi, peuvent exprimer, puis pour prodiguer des soins et construire un accompagnement adapté et coordonné. Cet avis se concentrera sur l'accompagnement de la fin de la vie, à la lumière de ce qu'a révélé ou confirmé la crise sanitaire que nous traversons. Il ne traitera pas des pratiques non reconnues dans notre pays que sont l'euthanasie et les différentes formes de suicide assisté, qui mériteraient une autre étude approfondie.

  7. Le soin ne se divise pas et est constamment un équilibre à trouver entre la lutte contre les restrictions des capacités fonctionnelles, contre la ou les maladies et leurs symptômes, et le soulagement des souffrances physiques et/ou psychiques. Il interpelle la personne directement concernée mais aussi ses proches, tout particulièrement lorsqu'il intervient à la fin de la vie. Il mobilise tous les intervenants, dont les soignants. Au-delà des gestes techniques et de l'indispensable colloque singulier (4), c'est dans une dimension plus large qu'il faut entrer pour construire une véritable culture palliative (5), pluridisciplinaire, incluant les proches et en particulier ceux que la personne elle-même a choisis, pour qu'elle puisse être reconnue et respectée dans ses choix, ses préférences et ses refus jusqu'au bout tout en prenant soin d'elle.

  8. Cet avis de la CNCDH vise aussi à alerter et à lutter tant contre le développement de " l'âgisme " (6) qui entraîne une atteinte aux droits des personnes âgées que contre la dégradation trop souvent constatée des conditions d'accompagnement et de prise en charge de certaines catégories de personnes à la fin de leur vie. Les refus d'admission en réanimation de résidents d'EHPAD, ou de personnes à partir d'un certain âge, pendant la crise sanitaire n'ont été qu'un exemple de l'essor de pratiques, de propos et d'attitudes discriminatoires à l'égard des personnes âgées en particulier. Pourtant, la fin de la vie ne concerne pas uniquement les personnes âgées mais également des nouveau-nés, des enfants et des adultes de tout âge et de toutes conditions socio-économiques. Il est donc impératif et urgent de questionner les conditions de vie et les besoins des personnes concernées en miroir avec les choix d'organisation territoriale des soins (7) et des accompagnements opérés par les gouvernements successifs.

  9. Le présent avis prend appui sur des réflexions antérieures menées tant par notre Commission (8) que par la Haute Autorité de santé (HAS) (9), le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) (10), l'Observatoire national de la fin de vie (11) ou encore le Conseil économique, social et environnemental (12), la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) et la Commission de réflexion sur la fin de vie en France en 2012 (13). Il s'inscrit dans un long processus de réflexion sur les enjeux éthiques liés au vieillissement, à l'autonomie, au consentement, à la fin de vie et à l'accompagnement à mourir.

  10. La CNCDH considère qu'il est en tout premier lieu nécessaire de réintroduire dans la conscience collective que la mort fait partie intégrante de la vie elle-même et qu'elle doit impérativement être accompagnée dans le respect de la dignité de chacun, jusqu'au bout. Dans cette visée, au-delà des actes techniques indispensables, en particulier pour prendre en compte la question de la douleur et favoriser autant qu'il est possible le maintien d'une certaine autonomie dans des conditions raisonnables, le temps du lien, de l'échange et de la relation humaine doit d'urgence être effectivement reconnu et valorisé, tout comme la place des intervenants sociaux et médico-sociaux et des aidants familiaux et/ou choisis par la personne elle-même. Ainsi deviendra-t-il possible de définir collectivement les modalités pratiques des protocoles de fin de la vie à domicile, en établissement, et à l'hôpital, tout en permettant effectivement leur adaptation concrète à chaque situation singulière. Ces protocoles doivent en effet être encadrés par le droit et pensés universellement mais doivent également respecter la temporalité et les choix individuels des personnes, lorsqu'ils peuvent être exprimés, avec une particulière attention portée aux publics socio-économiquement vulnérables.

  11. Mieux accompagner la fin de la vie, accepter le vieillissement et la fragilité, développer une culture palliative partagée et ouverte

1.1. Replacer la question de la mort dans le débat public

  1. Au cours de la crise sanitaire, les mesures prises pour endiguer l'épidémie et restreindre les contacts et les risques de contamination ont contribué à mettre de côté une tradition ancestrale essentielle : celle d'accompagner et veiller collectivement nos malades… Or, ce temps d'accompagnement de l'autre, de vigilance et d'échanges autour des ressentis et des peurs, contribue à introduire le processus de deuil et permet l'acceptation de la finitude par les proches.

  2. Malgré la mobilisation des personnels, la crise sanitaire a pu parfois engendrer une saturation de certains services hospitaliers, qui n'ont plus eu la possibilité d'accueillir et d'accompagner avec humanité une partie des patients, notamment les plus vulnérables et les plus isolés, jusqu'à la fin de leur vie. Le strict maintien de droits fondamentaux, tels la liberté d'entretenir des relations et de voir les personnes proches, n'a pas été assuré, en particulier en raison de l'interdiction des visites dans les établissements dans des conditions souvent disproportionnées au regard des exigences de la crise sanitaire. Pourtant, ces situations étaient sources d'angoisses, d'incertitudes et d'insécurité pour la personne elle-même et pour ses proches. La CNCDH estime que leur accompagnement dans le parcours de fin de la vie est inconditionnel, y compris dans des circonstances exceptionnelles telles que celles engendrées par une pandémie.

  3. Le dilemme éthique extrême auquel ont été confrontées les équipes soignantes, comme celles des établissements et services sociaux et médico-sociaux, dans de nombreuses situations, a été de respecter les consignes gouvernementales prises au nom de l'intérêt sanitaire collectif tout en constatant que le bien-être et le respect des personnes exigeaient, dans des cas individuels, un geste d'humanité pouvant transgresser les règles. Ainsi, par exemple, lors de l'interdiction des visites ou lorsque les personnes décédées ont été isolées par crainte des contaminations sans que les proches puissent leur dire adieu ou accomplir les rites funéraires fondamentaux. A contrario, lorsque les services de soins intensifs ou les établissements d'accueil (14) ont permis la venue de proches sous des formes adaptées, des personnes en phase aigüe de Covid ont pu la surmonter.

  4. Dans notre société, la fin de vie et la mort étaient déjà, avant la pandémie, une période taboue, médicalisée, hospitalière. Ce paradigme d'impensé de la mort était bien présent depuis longtemps. La technicisation du soin, déjà dénoncée en 2018 par la CNCDH (15), générée notamment par la tarification à l'acte au détriment de l'humain, isole en effet de plus en plus les soignants dans des pratiques et des processus décisionnels systématisés pour un traitement rationnalisé de la fin de la vie aboutissant à une forme d'indifférence collective face à la mort. Cette déshumanisation de la mort s'est accentuée à travers un bilan comptable, incomplet, quotidiennement communiqué sur les chaînes télévisées pendant la crise sanitaire.

  5. La société s'est tournée vers la médecine pour qu'elle prenne en charge la mort sans lui donner les moyens d'être effectivement associée à l'accompagnement humain, social et médico-social pourtant indispensables. Seuls les actes techniques sont rémunérés et valorisés tandis que l'écoute et l'échange verbal avec le patient et/ou sa famille sont perçus comme une perte de temps et donc une perte d'argent et d'efficacité par les services administratifs des établissements hospitaliers. La CNCDH appelle à changer de paradigme au sein d'une société où tout s'accélère et où s'arrêter un moment pour échanger, autrement qu'entre professionnels, est encore perçu comme ne rien faire.

  6. Les progrès de la médecine et de la technologie ont largement contribué à repousser les limites de la vie au point que la mort est désormais perçue comme un échec. Or, la fin de la vie ne doit pas être uniquement associée à la maladie : on meurt également de vieillesse, de solitude, de froid, de faim ou encore des suites d'un accident de la circulation. Confier à la seule médecine la question de la mort conduit nécessairement à une impasse si d'autres dimensions, tel l'accompagnement sous toutes ses formes, ne sont pas associées au chemin qui y mène.

  7. De fait, les progrès de la médecine permettent de maintenir en vie plus longtemps entraînant ainsi, dans de nombreux cas, de longs processus de fin de vie durant lesquels il est parfois impossible de soulager les douleurs ou de soigner les séquelles causées par la maladie elle-même. Questionner les conditions de la fin de la vie conduit nécessairement à nous interroger collectivement sur la manière dont, concrètement, est respectée l'obligation de maintenir au mieux la qualité de vie de chacun dans une société où la norme est d'être en bonne santé ou de ne pas être.

  8. Les situations de fin de la vie, qu'elles se manifestent en phases aigües ou de manière progressive, s'avèrent être à la fois source de pénibilité et génératrices de peurs pour les personnes qui les vivent et pour leurs aidants en particulier. Elles ne sont pas perçues de la même façon selon qu'il s'agit d'un nourrisson, d'un enfant, d'un jeune adulte, d'un adulte ou d'une personne âgée. Les représentations, les ressentis et les modes de prise en charge ou d'accompagnement proposés, ou mis en place, sont différents. Les capacités individuelles à formuler des choix ou à donner un consentement le sont aussi. Les fortes disparités en termes de revenus, de convictions philosophiques et/ou religieuses notamment ont elles-mêmes des conséquences fortes. Replacer la mort au centre du débat public vise à en tenir compte de manière à dispenser un accompagnement adapté à chacun, sans jamais exclure ni discriminer.

  9. Pour les personnes directement concernées, les douleurs ressenties, la vision du corps qui change, la perte de facultés, du sentiment de liberté et de maîtrise de soi, l'angoisse et la dépression qui peuvent en découler dans de nombreux cas, le sentiment de ne plus être utile, la crainte de mourir seul (sans parents ou amis), la difficulté à appréhender et à accepter ce qui va advenir ou le refus d'être une charge pour ses proches sont autant d'éléments susceptibles d'engendrer le souhait " d'en finir vite " ou des idées suicidaires. Certains proches expriment aussi de plus en plus le désir d'abréger le processus de fin de vie, non pas pour des motifs liés à la douleur insupportable du malade et/ou à cause de l'absence de traitement curatif, mais en raison de la longue attente de la fin, incompatible avec les rythmes et formes de la vie sociale actuelle. Les publics en grande pauvreté, mais non totalement isolés, soulignent à l'inverse combien le corps demeure parfois la seule " richesse ".

  10. Du fait du vieillissement de la population (16) et de l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques, les soignants sont de plus en plus souvent confrontés à une telle demande, plus ou moins stable et constante, de la part de leurs patients à la fin de leur vie ou de leurs proches. Les lois n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de la vie et n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie sont, en France, successivement venues encadrer les conditions posées à l'arrêt des soins et renforcer les droits des malades et des personnes en fin de vie en insistant sur des principes d'accompagnement, de non-abandon, de non-souffrance psychologique et physique ou encore de collégialité et de refus de l'acharnement thérapeutique. D'autres pays européens, telles la Belgique ou la Suisse, ont choisi des voies différentes (17). En tout état de cause, quel que soit le dispositif légal, mieux accompagner le processus de fin de la vie et la mort elle-même exige de ne pas repousser la question vers le seul colloque singulier mais bien de s'interroger collectivement sur les conditions mêmes du soin et de l'accompagnement qui y sont associées. La visée recherchée est, dans toute la mesure du possible, de contribuer au meilleur apaisement physique, émotionnel, voire spirituel, de la personne elle-même, en respectant ses valeurs, ce qui compte pour elle, en lien avec ses aidants.

  11. Faute de temps le plus souvent, de moyens adaptés, et parfois aussi de formation, le dialogue avec une personne exprimant, seule et/ou entourée de ses proches, une volonté " d'en finir " est ignorée sans la discuter. Cette absence d'échange renforce la solitude quand l'écoute et la rencontre permettraient d'ouvrir ensemble l'éventail des possibilités et de rappeler les limites.

  12. Les rituels accompagnant le processus de fin de vie, puis la mort, sont de moins en moins présents dans les sociétés occidentales. Et l'importance de leur place n'est pas suffisamment reconnue, comme la crise sanitaire l'a démontré, avec une grande violence pour tous ceux qui y ont été confrontés. Pourtant la mort n'est pas juste un instant, avec un " avant " et un " après ". Elle peut être précédée d'un temps plus ou moins long, qui peut, sauf si les douleurs sont effroyablement intenses et réfractaires aux antidouleurs, être un moment unique et précieux entre la personne qui va bientôt mourir et ses proches. Un dernier don, de part et d'autre.

  13. Replacer la question de la mort sous toutes ses dimensions au sein du débat public est devenu une urgence après les expériences douloureuses vécues durant la crise sanitaire. Cette démarche ouvrirait la voie à une réflexion commune sur la fragilité et le vieillissement en accueillant les transformations qu'ils induisent nécessairement, et permettrait d'accompagner les personnes en respectant leurs capacités et leurs rythmes, sans les discriminer.

1.2. Co-construire une culture du prendre soin et de l'anticipation (18)

  1. Dans son avis du 22 mai 2018 " Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux ", la CNCDH invitait déjà à réinvestir les dimensions humaine et du dialogue par la co-construction du parcours de soin avec le patient (19). Ce sont précisément ces dimensions qu'il faut installer dans les parcours de fin de la vie.

  2. L'empathie, la sensibilité sont des valeurs partagées par nombre de soignants. Pourtant le développement collectif d'une culture de l'urgence et de l'immédiateté, dans tous les domaines de notre société, et plus particulièrement au cours de cette crise sanitaire, prend le pas sur la culture de la reconnaissance de l'autre et du dialogue pourtant indispensable à la construction et à l'application du projet thérapeutique et de l'accompagnement de la fin de la vie.

  3. Cette culture de l'immédiateté ou du temps court est bien illustrée par le temps qu'accorde la société au deuil. Même dans les mots utilisés, on ne meurt plus, on " disparaît ", presque soudainement, de l'espace social. Le deuil est résumé à un " travail à faire sur soi " avant de pouvoir se réinsérer dans la dynamique collective au point que sont apparues des thérapies pour apprendre à faire son deuil le plus rapidement possible (20). Les deuils pathologiques, marqués par l'impossibilité d'accepter la mort d'un proche, se multiplient a posteriori faute d'avoir pris le temps du travail collectif de la construction symbolique de la mort. Celle-ci n'est pas seulement l'affaire de quelques-uns mais concerne bien chacun d'entre nous comme l'a rappelé brutalement cette pandémie.

  4. Remettre de l'humain et valoriser les interactions humaines sont peut-être la leçon la plus importante à retenir de la crise sanitaire. C'est particulièrement vrai en institution où les résidents sont confrontés à la mort des autres résidents. Cela peut générer des angoisses, des questionnements et tout du moins le besoin d'en parler et de disposer de rituels, internes aux établissements, permettant d'honorer les défunts.

  5. Les professionnels de santé hospitaliers, les professionnels du secteur social ou médico-social, de ville ou à domicile doivent pouvoir disposer du temps, y compris d'échange en équipe, et des personnels nécessaires pour être à l'écoute des souffrances et des questionnements exprimés par des patients et des proches dont les codes culturels et les connaissances peuvent être très diverses. Un temps dévolu au relationnel devrait être compris dans les référentiels de prise en charge. Si éthiquement la nécessité de l'écoute paraît être une évidence, force est de constater que le dialogue s'instaure parfois difficilement, notamment avec les personnes les plus précaires, en situation de handicap ou parlant peu ou pas le français.

  6. La construction d'une alliance thérapeutique associant les soignants, les aidants et tous les intervenants, professionnels ou non, participant à l'accompagnement des personnes est le premier pas à franchir en vue de voir émerger une culture du prendre soin, et dans certains cas palliative, dans notre société où l'on constate un affaiblissement (21) des solidarités et la progression d'une très forte individualisation. Lors des auditions menées par la CNCDH, le développement des soins palliatifs a fait la quasi-unanimité et est apparu comme une priorité, sans pour autant méconnaître l'importance des débats sur l'ouverture à d'autres modèles complémentaires dans des conditions encadrées. La CNCDH appelle donc le gouvernement à concrétiser rapidement les annonces formulées dans le cadre du plan de relance de 100 milliards annoncés par le ministre de l'économie et des finances, dont cinq milliards dédiés notamment au financement des soins palliatifs. Ce plan prévoit par exemple le recrutement massif de psychologues, ce qui est une avancée insuffisante si leur intégration dans un réseau coordonné d'interventions incluant d'autres acteurs, par exemple les aumônier(e)s, n'est pas construite et si les inégalités territoriales constatées persistent.

  7. Les EHPAD (22), tout particulièrement, reçoivent désormais des personnes dont l'état de santé est de plus en plus dégradé sans réels moyens humains pour accompagner les fins de vie des résidents. Faute de valorisation culturelle du secteur médico-social, une image négative de ces lieux de vie et d'échanges de personnes qui ne peuvent plus demeurer dans leur logement se développe dans la population. Pourtant, de nombreux efforts sont faits par les acteurs pour construire une poursuite de la vie plus apaisée. Le mouvement social inédit et très unitaire des personnels des EHPAD pour des établissements et un accompagnement de qualité des résidents (23) a généré de nombreuses études universitaires (24) et plusieurs rapports d'initiative parlementaire, comme le rapport Fiat - Iborra (25), ou ministérielle, tel le rapport Libault (26), à l'origine de la grande Loi Autonomie annoncée dès la fin d'année 2018 et récemment reportée au prochain quinquennat.

  8. Il est donc nécessaire de sensibiliser au rôle des soins palliatifs, d'accompagnement de la personne, tout en n'éludant pas la question montante des choix personnels de toute fin de la vie que le présent avis ne traite pas. La CNCDH appelle de ses vœux le portage politique du renforcement et du développement des structures dédiées et du dispositif actuel afin non seulement d'accompagner plus largement toutes les formes de vulnérabilité mais également de concourir à développer une culture de l'anticipation des situations de grande vulnérabilité et de la mort elle-même. Le vieillissement des populations, l'isolement des plus précaires contraints souvent de s'éloigner des grands centres urbains, où sont concentrées les principales structures hospitalières, imposent de repenser l'organisation du système de santé et d'accompagnement avec les territoires, y compris ceux outre-mer.

  9. La CNCDH considère qu'il est nécessaire de développer une culture palliative s'appuyant sur les droits fondamentaux des personnes, visant à reconnaître et à assurer l'accès de tous aux soins, quel que soit le lieu de prise en charge et l'âge, grâce notamment à une offre de soins graduée et coordonnée entre les différents acteurs, dont les familles dans leurs solidarités intergénérationnelles, dès l'école. Cette approche recrée du sens et des liens et contribue à lutter contre les stéréotypes et les préjugés, qui peuvent générer des dérives dont l'âgisme, fruits du tabou entourant la mort et, de plus en plus, d'une idéologie utilitariste mercantile.

  10. Développer une culture de l'anticipation du phénomène naturel qu'est la mort, et de la fragilité de toute vie, revient à accepter, à accueillir et à accompagner toutes les formes de vulnérabilités tout au long de la vie en informant, en sensibilisant et en dédramatisant. Dans une société vieillissante, mieux vieillir et mieux accepter de vieillir passent par une approche intergénérationnelle qui valorise d'une part l'échange, l'accompagnement et l'acceptation de la vulnérabilité, et d'autre part le développement d'une culture de la prévention et de l'anticipation et de l'accompagnement à l'échelle non pas uniquement des soignants et des patients et de leurs familles mais de la société dans son ensemble. C'est aussi promouvoir les dispositifs permettant d'anticiper pour soi-même, ou pour ses enfants handicapés par exemple, l'organisation de son accompagnement, de son assistance ou de sa représentation, si une altération significative des facultés venait à limiter ou empêcher l'expression de la volonté (directives anticipées, désignation de personne de confiance, mandat de protection future).

1.3. Réduire les inégalités sociales et territoriales

  1. La médecine française et les dispositifs sociaux et médico-sociaux ne parviendront pas à prendre en charge les maladies chroniques et les problèmes de santé publique (addictions, pandémie…) tant que collectivement nous ne prendrons pas la juste mesure des inégalités sociales de santé et n'associerons pas les représentants des personnes concernées à l'élaboration de politiques publiques sociales, médico-sociales et de santé faisant une large place à l'amont du soin et aux facteurs d'accroissement de ces pathologies.

  2. Le développement d'une culture palliative et d'une offre de soins à domicile viserait à permettre à chacun de vivre une fin de vie apaisée dans le lieu de son choix, quelles que soient ses ressources financières et son lieu de résidence. Mais la prise en charge de la fin de vie ne peut reposer uniquement sur un secteur médical et médico-social dont la sous-dotation chronique doit d'urgence être repensée et revalorisée. Des articulations doivent être pensées avec le secteur privé, mais également la médecine libérale (généralistes, kinésithérapeutes, infirmières…), pour être mieux adaptées aux réels besoins des personnes et aux particularités de l'offre territoriale. La vigilance est d'autant plus indispensable que la crise sanitaire et les critiques récurrentes portées sur le fonctionnement de certains EHPAD (27) ont montré combien l'implantation de groupes privés lucratifs aux priorités économiques éloignées de la considération effective de chaque personne ne pouvait pas combler l'absence d'une offre publique permettant de réduire les inégalités sociales et territoriales. L'égalité d'accès à un accompagnement humain adapté, bienveillant et respectueux des droits des personnes les plus vulnérables par des personnels et des acteurs ayant toutes les qualifications requises est une urgence.

  3. Il existe une disproportion entre ce que peuvent apporter les développements techniques et scientifiques de la médecine et le manque de moyens face à ses nombreuses ambitions. Il est nécessaire de tirer les leçons de la crise sanitaire qui a montré que le système de santé avait été dans l'incapacité d'assurer l'intégralité de son rôle au point que le " tri " des personnes devant être admises en urgence, en soins intensifs, s'est parfois appuyé sur des critères ne relevant plus de l'éthique mais simplement des capacités d'accueil.

  4. Les auditions menées par la CNCDH ont mis en lumière que les équipes des services d'urgence et de réanimation sont déjà habituées à faire des choix de priorisation des patients admis en réanimation. Certains patients, en raison de leur âge, de leur pathologie, de leur état de santé ne peuvent supporter la réanimation. Mais durant la crise sanitaire, c'est l'absence de matériels, de personnels et de lits qui a contraint souvent les équipes médicales à opérer des choix entre les personnes à soigner (28). Dans le même temps, les professionnels de santé, des secteurs social et médico-social, exerçant à domicile ou dans la rue, auprès des patients les plus précaires et parmi les plus vulnérables, n'ont eu ni masque ni gel hydroalcoolique pendant plusieurs semaines. Pendant le premier confinement, la suspension de l'activité de nombreux professionnels de l'aide à la personne a obligé les familles des personnes âgées à prendre en charge elles-mêmes les soins quotidiens, entraînant des atteintes à la dignité et à l'intimité des patients, une surcharge de travail et de l'angoisse pour les aidants.

  5. Le vieillissement de la population, la prévision de l'augmentation des maladies chroniques et neurodégénératives et les soins que requièrent les personnes âgées, et plus globalement toutes les personnes vulnérables, exigent de réexaminer notre manière d'accompagner la vulnérabilité en créant davantage d'emplois dans le secteur médical et médico-social.

  6. En l'absence d'une offre de soins et d'accompagnement à domicile suffisante, les personnes entrent souvent en maison de retraite et en EHPAD davantage par nécessité que par choix (29). Mais nombre de personnes vulnérables en situation de fin de vie, faute de moyens, finissent leur vie à l'hôpital (30) ou seules chez elle, voire dans la rue pour les plus démunis du fait du manque de lits d'hospitalisation (31).

  7. En outre, les bénévoles associatifs, les aidants et les professionnels sociaux qui œuvrent avec une extrême bienveillance auprès des plus précaires ne sont ni formés ni outillés pour accompagner la fin de vie qui, dans l'esprit collectif, est du ressort des structures. Les temps de collaboration et d'échange entre le champ sanitaire et le champ social, permettant de prendre en compte la personne dans sa globalité, sont bien trop rares.

  8. Par ailleurs, l'incertitude qui persiste sur la pérennité des équipes mobiles de soins palliatifs (32) qui vont à la rencontre des plus précaires hors les murs des hôpitaux est inquiétante alors même que l'on constate la sous-dotation du système de santé. Sans l'aide des proches des personnes malades, qui peuvent être de très jeunes aidants mineurs, il est déjà parfois impossible de prodiguer des soins palliatifs (33). Les aidants (34) se retrouvent isolés et démunis pour accompagner leurs proches, faute d'une structure spécialisée en mesure de leur accorder un nécessaire et régulier répit et d'éviter la maltraitance pouvant résulter de la fatigue, de la solitude et de l'anxiété. Le droit au répit existe déjà en France mais concerne essentiellement les personnes âgées et handicapées avec les plateformes de répit proposées par les directions de l'autonomie des ARS. Il serait nécessaire de les généraliser à destination de tous les aidants (35).

  9. Les réseaux de santé (36) sont essentiels car ils interviennent dans les zones grises et pallient les failles d'un système organisé en silos autour de deux pôles : la médecine hospitalière et la médecine de ville. Il devient impératif de mettre en place des plans et des budgets transversaux visant à mettre en adéquation les besoins des personnes et les politiques publiques. Encore trop souvent, ce sont les aidants qui dispensent les soins à domicile faute de personnels suffisants pour répondre aux besoins toujours plus croissants.

  10. Les soins palliatifs sont présents de manière très inégale sur le territoire (37), alors qu'ils font l'unanimité dans l'ensemble de la population. On constate une absence d'homogénéisation des pratiques et des offres de soins sur le territoire et un traitement inégalitaire des personnes en fin de vie. L'organisation du système de santé polarisée autour de la médecine de ville, les structures privées, sociales et des grandes structures hospitalières ne permet pas aux populations des petites villes, des campagnes et dans les outre-mer un accès équivalent aux soins par rapport à ceux prodigués aux habitants des grandes métropoles, faute d'accessibilité, de transport adapté ou de moyens humains suffisants et en cohérence avec une démarche " d'aller vers jusqu'au dernier kilomètre ". Cette difficulté est accrue dans les territoires en pénurie de médecins généralistes (" déserts médicaux ") qui ne sont plus en mesure d'assurer des visites à domicile, pas seulement en milieu rural.

  11. Enfin, la maladie est génératrice de précarité dans la famille qui la vit. La fin de vie des personnes en situation de précarité est plus complexe car leurs conditions de vie ne permettent pas facilement d'accompagner un proche à domicile (problèmes d'électricité, de chauffage etc.), les frais annexes à la prise en charge à domicile par rapport à la prise en charge en structure étant importants. Ils nécessitent d'avoir des aides qui n'arrivent pas toujours du fait de la lenteur administrative pour traiter les dossiers (Caisse d'allocations familiales, Caisse primaire d'assurance maladie, Caisse nationale d'assurance vieillesse, autres organismes gestionnaires de la Complémentaire santé solidaire, maison départementale des personnes handicapées, organismes de prévoyance…, avec souvent un nombre insuffisant de personnels formés) dont la réponse arrive parfois après la mort du bénéficiaire. La complexité des dossiers, la multiplication des interlocuteurs et des démarches, ainsi que la dématérialisation peuvent être également des obstacles importants et récurrents. La récente Complémentaire santé solidaire (CSS) (38) devrait faciliter les prises en charge, en particulier en remboursant du matériel médical. L'absence de ressources entraîne aussi une impossibilité d'accéder à des obsèques décentes qui se résument encore souvent à l'intervention des services municipaux pour " indigence ". Les personnes qui ne sont pas salariées en exercice (ou bénéficiaires d'une pension d'invalidité) au moment de leur décès ne bénéficient pas du capital décès des caisses de sécurité sociale en France. Cela concerne notamment toutes les personnes bénéficiaires des minima sociaux (revenu de solidarité active, allocations aux adultes handicapés…), les malades, les invalides, les retraités ainsi que les personnes isolées socialement et/ou en rupture familiale sans omettre les habitants de la rue. Il s'agit ici d'une injustice sociale dénoncée, jamais entendue, qui doit être réparée.

  12. Les personnes condamnées à mourir dans la rue étant toujours très nombreuses, il est urgent au nom du respect de la dignité de développer sur l'ensemble du territoire des structures inspirées du centre d'hébergement et d'assistance aux personnes sans-abri (CHAPSA) de Nanterre proposant un hébergement durable pour les habitants de la rue proche de la fin de leur vie.

  13. Modalités pratiques des protocoles de fin de la vie à domicile, en établissement et à l'hôpital

  14. Parce que chaque patient est particulier, il est important de le replacer au cœur des protocoles de prise en charge et de tenir compte de la notion de parcours personnalisé de soin qui implique celle d'accompagnement. Pour la CNCDH, une plus grande participation des usagers au système de santé serait bénéfique. Sans remettre en cause l'expertise des soignants, la personne elle-même doit être un partenaire actif dans les processus de prise en charge et le plus longtemps possible décisionnaire quant aux choix la concernant, comme le prévoit la Loi sur les droits des patients depuis le 4 mars 2002.

  15. La période de la fin de la vie et la toute fin de vie sont des situations particulières dans lesquelles la personne concernée est vulnérable et sa parole peut en être amoindrie. L'entourage peut donner son avis et exprimer sa souffrance. Parfois, cet avis peut aller à l'encontre ou bien à l'inverse de ce que le malade exprime. Cette situation de fin de vie est donc un déchirement qui ne se résume pas à un dialogue singulier patient-médecin, mais bien à une mise en dialogue plus large, patient-équipe soignante-famille et proches. Toutefois, au-delà des décisions strictement médicales, c'est bien la personne elle-même qui doit demeurer au centre de toutes les attentions. Les conditions doivent donc être créées pour que chacun puisse effectivement choisir son lieu de fin de vie, exprimer des directives sur la manière dont il souhaite être accompagné (directives anticipées, désignation d'une personne de confiance, mandat de protection future), et pour les rendre accessibles à tous même aux plus vulnérables pour qui les procédures actuelles sont trop complexes.

2.1. Le nécessaire colloque singulier patient-médecin (39)

  1. La mission des soignants, en réseau avec les acteurs du secteur social et médico-social, est de prendre en charge des personnes, chacune dans leur singularité propre, au-delà du traitement médical et jusqu'au bout. Il s'agit d'accompagner, d'expliquer les protocoles, leurs enjeux et les étapes afin aussi que la personne puisse comprendre ce qui lui arrive et, dans toute la mesure du possible, puisse participer. Il est nécessaire que les proches puissent également être associés pour soutenir la personne elle-même, afin que le travail de deuil puisse ensuite débuter de manière apaisée. Ce travail n'a pu s'accomplir durant les premiers temps de la crise sanitaire du fait notamment de l'interdiction des visites et de la faiblesse des échanges entre les soignants, les familles et leurs proches hospitalisés.

  2. La vulnérabilité qui accompagne une situation de fin de vie n'implique pas forcément une incapacité à exprimer des questionnements, des inquiétudes, des besoins, des préférences, voire des directives (40) ou des refus sur les modalités d'accompagnement. Dès lors que la personne est en mesure d'exprimer des choix, le colloque singulier s'impose aux soignants depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il est nécessaire de s'assurer que la formation des jeunes médecins va bien dans le sens du rôle des soignants, au sens large, comme accompagnant la prise de décision et que leur formation initiale intègre l'approche palliative.

  3. La personne qui entre dans un processus de fin de la vie commence, certes, à perdre peu à peu certaines de ses capacités fonctionnelles. Cela peut relever de la vieillesse, de la maladie ou du handicap selon les situations, les âges et les pathologies. Pour autant, et quelle que soit sa situation individuelle, la personne doit toujours conserver le plus longtemps possible l'exercice de ses droits et être traitée en fonction de sa propre volonté plutôt que de se voir imposer celle des autres. Cette place " au côté de " vise à tenir compte des besoins spécifiques de chaque patient et de sa capacité à faire des choix.

  4. Aborder la fin de la vie en respectant les droits fondamentaux nécessite donc une approche individuelle qui doit faire l'objet d'une redéfinition du rôle, et de l'évaluation de l'équipe médicale, en lien avec les acteurs sociaux et médico-sociaux. Tous doivent pouvoir accorder plus de temps à la relation, au dialogue et à l'écoute de ces peurs. Pour ce faire, il est impératif de renforcer la prise en compte de ce temps dans l'évaluation des charges de travail, les moyens financiers et en personnel, y compris par la présence effective de psychologues dans une perspective pluridisciplinaire, dans tous les établissements. Ces évolutions concrètes sont attendues et urgentes. Elles concernent tant les adultes que les enfants dont la parole, les désirs et les choix doivent pouvoir être entendus en fonction de leur degré de maturité, en plus de ceux qu'expriment leurs parents titulaires de l'autorité parentale.

  5. Plus généralement, et au-delà des dispositifs juridiques spécifiques d'anticipation, la CNCDH appelle au développement d'une culture de soutien et d'anticipation de la fin de la vie en s'inspirant par exemple du modèle anglo-saxon de l'advanced planning care, qui établit, en concertation avec le corps médical, bien en amont de la fin de la vie, les modalités pratiques de prise en charge et d'accompagnement jusqu'aux obsèques.

2.2. Tenir compte des spécificités de chaque situation de fin de la vie

  1. Les questions et problématiques liées à la fin de la vie recouvrent une extrême diversité de situations et d'intervenants et portent sur des enjeux majeurs. Il est donc essentiel de poursuivre d'une part, le développement déjà engagé par les acteurs d'un réflexe de questionnement éthique, au sein de tous les établissements et services, et d'autre part la construction de " bonnes pratiques " pour améliorer la prise en compte effective des différences individuelles tant sur le plan culturel que philosophique ou religieux, dans le respect de la laïcité (41). L'accompagnement spirituel, quand il est demandé, est par exemple un impératif tout au long du processus de fin de la vie.

  2. Il est essentiel de rappeler que chacun souhaite demeurer sujet de droit et acteur de ses choix de vie le plus longtemps possible, y compris dans les processus de fin de la vie. Chacun en effet voudrait pouvoir recevoir, selon des formes adaptées, les informations nécessaires à la compréhension de ce qui arrive pour pouvoir exprimer un consentement éclairé ou, à défaut, un assentiment, et choisir, y compris parfois en refusant ce qui est proposé. La crise sanitaire a montré combien la place des choix personnels, tout comme celle des aidants, pouvait être fragile et parfois niée. Une certaine défiance vis-à-vis du corps médical, mais aussi des intervenants sociaux et médico-sociaux, a ainsi pu se développer lorsque les personnes directement concernées par des soins ou des prises en charge, et leurs familles, ont été contraintes de subir des décisions prises et mises en œuvre sans explications suffisantes ni considération des réels besoins.

  3. Les personnes vulnérables, en établissement ou à domicile, et les patients, expriment et ressentent souvent une crainte de perte de contrôle de la situation, notamment lorsque leurs facultés de compréhension et de communication sont altérées ou encore lorsque sont administrés des antalgiques puissants. Qu'elles soient juridiquement protégées par une mesure de protection juridique de type tutelle ou curatelle ou non, elles demeurent des sujets de droit à part entière. Lorsqu'une mesure de protection juridique est en cours, la loi leur reconnaît le droit de prendre les décisions relatives à leur personne, si leur état leur permet, ce qui doit être arbitré au cas par cas (42). Elles doivent donc être, aussi loin que possible, associées au processus de décision qui les concernent, le cas échéant en étant soutenues par une personne de leur choix.

  4. Lorsque les personnes concernées sont très vulnérables et hors d'état d'exprimer leur volonté (43), il est nécessaire d'avoir un dialogue avec les proches, ce que font en pratique nombre de soignants dans des conditions de plus en plus délicates et tendues. C'est d'autant plus indispensable que l'immédiateté de la survenue d'un accident ou de l'annonce d'une maladie n'a parfois pas laissé le temps aux patients d'anticiper et, notamment, de rédiger des directives anticipées ou de désigner une personne de confiance.

  5. Pour tous ceux qui le souhaitent, et le peuvent, il est essentiel de réfléchir avec la famille, les proches, les différents intervenants aussi, aux dispositions volontaires qu'il est important de prendre par anticipation pour soi-même, ou pour un enfant dont on a la charge, par exemple un enfant en situation de handicap, pour faire connaître sa ou ses volonté(s) et ses éventuels refus. Dans ce sens, la rédaction de directives anticipées ou d'un mandat de protection future ou encore la désignation d'une personne de confiance, doivent être encouragées afin, en particulier, d'organiser les soutiens nécessaires, le moment venu, à une meilleure compréhension des informations délivrées et de la volonté exprimée par la personne. Afin de favoriser cette démarche en amont, il est aussi nécessaire qu'il existe un répertoire national des directives ou dispositions anticipées, afin qu'elles soient connues et appliquées en temps utile, si elles sont toujours adaptées. Les mécanismes et conditions d'opposabilité et de réversibilité doivent être clairement précisés, comme les éventuels recours au juge, garant du respect des droits et de la liberté individuelle.

  6. Mais anticiper la fin de la vie reste une démarche d'autant plus complexe que déterminer le début d'une fin de la vie pose d'importantes questions non seulement strictement médicales mais aussi, et surtout, éthiques. Comment être acteur du processus le plus loin possible lorsque la fin de la vie peut débuter très tôt, par exemple à la naissance d'un enfant très prématuré chez lequel sont détectés de graves handicaps ? Comment demeurer acteur lorsque la personne est exposée à de très violentes souffrances physiques, psychiques, que rien ne peut soulager ? Pour que celle-ci puisse cheminer le plus sereinement possible par rapport à ses souhaits, voire ses volontés relatifs à la fin de sa vie et révocables à tout moment (44).

  7. Le cadre légal actuel permet de prendre des dispositions anticipées mais n'est pas véritablement approprié par les personnes, les proches et les acteurs, faute de discussions véritables y conduisant. Seul un processus d'accompagnement de la personne dans ses inquiétudes, ses doutes, ses souhaits et son cheminement, toujours personnel et intime, peut y conduire. Or, l'organisation actuelle de notre système de santé et du secteur social et médico-social ne permet pas de prendre suffisamment en compte les périodes d'échange et de " passage ", les moments de partage, d'angoisse et de complexité, tant lorsque la personne est à la fin de sa vie que lorsque son pronostic vital est engagé à court terme. Le choix de rester à son domicile ou d'entrer dans une maison de retraite ou dans un EHPAD, par exemple, est plus souvent celui de l'entourage ou des intervenants que de la personne elle-même. Il apparaît irréversible pour l'opinion publique, dans nombre de situations sans possibilité de retour chez soi, à l'exception des plus fortunés.

  8. Il est pourtant possible d'imaginer des lieux de soins partagés incluant les dimensions sociale et médico-sociale mais aussi les droits fondamentaux et le temps d'un réel échange, non spécialisés dans une forme de technicité. Il est indispensable d'organiser des hébergements temporaires permettant de faire la transition entre le domicile et les structures spécialisées et valorisant les " aller-retour " et " le pouvoir d'agir (empowerment) " des personnes accueillies. Il ne doit plus être question de " placer " des personnes en institution mais de leur donner les moyens de choisir leur lieu de fin de vie. Les récentes expériences de coopérations entre services d'aide et d'accompagnement à domicile et EHPAD sont tout à fait concluantes. Elles permettent de lutter contre la rupture que représente l'entrée en EHPAD, ne serait-ce que parce que les accompagnants sont les mêmes qui ont accompagné auparavant à domicile les personnes.

  9. Ces lieux intermédiaires, qu'il faut créer, dédiés à l'accompagnement de la vulnérabilité, permettraient également de développer des temps de rencontres intergénérationnelles, indispensables à la lutte contre l'âgisme, au développement d'une culture palliative et de l'anticipation tout en soulageant les aidants. Il est impératif de les penser comme des lieux ouverts, à l'opposé de l'image de citadelles des EHPAD héritée de la pandémie, où l'on doit davantage chercher un équilibre entre sécurité physique/psychique et libertés en plus de satisfaire les besoins primaires.

  10. Plus globalement, c'est un nouveau mode de fonctionnement des soins et de l'accompagnement social et médico-social qu'il faut promouvoir, prenant en compte le temps de la rencontre et de l'échange avec la personne concernée, avec ses proches et ses réseaux de soutien, mais aussi le temps nécessaire de coordination entre les intervenants. Ainsi que le relève la Cour des comptes (45), l'accompagnement des personnes à domicile, par exemple, " nécessite une articulation efficace entre soins et aide aux tâches et actes de la vie quotidienne. S'agissant de la dispensation de soins, la conjonction avec les autres professionnels de santé s'impose également. ". Il sera donc primordial de renforcer l'attractivité du secteur médico-social et des métiers du lien et de l'aide à la personne dont les rémunérations et l'organisation du travail sont peu incitatives, alors qu'ils remplissent un rôle primordial.

  11. Le renforcement de l'accompagnement des personnes, à la fin de la vie tout particulièrement, par la reconnaissance et la valorisation du temps du lien exige des compétences plurielles et de la disponibilité. Il est incontournable dans le soin et dans les propositions de prise en charge, en particulier pour les situations les plus complexes. Lorsque la décision de limitation ou d'arrêt des traitements est prise par le médecin en charge du patient à l'issue d'une procédure collégiale au sein de l'équipe médicale (46), le dialogue, l'écoute de la personne elle-même et de ses proches doivent se poursuivre. Les confidences, les désirs ou les besoins sont en effet souvent formulés auprès des médecins, mais également des psychologues, des infirmières ou des aides-soignantes très présentes au quotidien, ou auprès d'amis et de collègues, voire de confidents spirituels, au cours de visites.

  12. La collégialité, dans le dispositif légal, est médicale mais ne doit pas se limiter à une procédure. En pratique d'ailleurs, plusieurs entretiens ont lieu avec les familles afin de favoriser l'expression, l'échange et la compréhension de la réalité de la situation et des alternatives envisageables. En l'absence de directives anticipées et/ou de désignation d'une personne de confiance, lorsque les directives ne sont pas adaptées par exemple, il reste impératif de recueillir les témoignages de l'entourage (47). La plupart des équipes médicales le font lorsqu'elles sont spécialisées et cette intervention, qui fait partie de la culture palliative, doit être reconnue et valorisée. Mais ces principes doivent imprégner tout le corps médical, dont la formation doit être encore accentuée en ce domaine.

  13. Enfin, dans toutes les situations les plus complexes de fin de la vie, le désir de soulager les souffrances tout en sachant que cela va, ou peut, accélérer ou entraîner la mort pose aux soignants un véritable dilemme éthique. La souffrance d'un proche, ou sa propre souffrance, peut entraîner une demande " d'y mettre fin " notamment quand les soins eux-mêmes sont, ou semblent, douloureux. Les soignants font alors face à un dilemme insoluble entre la volonté d'accompagner les personnes en situation de souffrance, de respecter le cadre juridique et de ne pas laisser une telle demande sans une réponse qui fasse sens. Ces questions sont légitimes à l'échelle individuelle et nous interpellent collectivement tant au regard de nos représentations de la qualité de vie et de la mort elle-même que des droits fondamentaux. Ce sujet majeur nécessitera un avis spécifique de la CNCDH.

Conclusion

  1. Accompagner une personne à la fin de sa vie, quel que soit son âge, est une démarche collective qu'on ne peut restreindre au seul entourage familial et que le secteur médical ne peut assurer seul. La crise sanitaire a amplifié des dysfonctionnements, déjà identifiés depuis longtemps, dans le système de santé et d'accompagnement social et médico-social. Les équipes ont en particulier été confrontées à des dilemmes éthiques faute d'anticipation suffisante des pouvoirs publics, faute de dotations humaines et matérielles réellement adaptées aux besoins et faute de protocoles de prise en charge centrés sur les droits fondamentaux des personnes. Ces derniers reposent encore essentiellement sur le champ sanitaire aux dépens d'une approche transversale incluant les aspects sociaux et médico-sociaux, dont le développement des prises en charge à domicile. Les plus précaires, les plus vulnérables dont les personnes résidant dans les déserts médicaux en ont été les premières victimes. La CNCDH a relevé un certain nombre d'atteintes aux droits pendant la pandémie, dans un fort contexte déjà latent de déshumanisation de la fin de la vie et de la mort. Elle appelle donc, plus globalement, à revisiter notre conception de l'Etat social et considère qu'il doit, au nom du respect des droits fondamentaux, être en mesure d'accompagner effectivement toutes les formes de vulnérabilités, en tout lieu, à chaque instant de la vie et à chaque étape du processus de fin de la vie.

  2. Les inégalités de la vie perdurent tant dans la mort que dans l'accompagnement de celle-ci. La crise sanitaire les a amplifiées. Les personnes isolées, précaires, les habitants de la rue, les migrants meurent encore trop souvent seuls faute de pouvoir accéder aux soins (déserts médicaux, barrière de la langue, peur de l'interpellation ou d'une reconduite à la frontière…), d'être en mesure de les payer ou d'être informés des dispositifs existants. Il y a donc urgence à moderniser le système de santé, afin de ne pas retomber dans une médecine d'urgence dès la prochaine crise, d'anticiper le vieillissement de la population, de garantir le respect des droits fondamentaux des patients, de réduire les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins et d'accompagnement à la fin de vie, en particulier.

  3. La crise sanitaire a également mis en lumière des dynamiques inquiétantes, dont la genèse est toutefois ancienne, comme l'essor de l'âgisme qui génère des discriminations à l'égard des personnes âgées ou la recrudescence de propos eugénistes à l'égard des personnes en situation de handicap. Ces dérives ne sont pas acceptables. L'égal accès aux soins est une valeur cardinale et doit le demeurer. La CNCDH sera donc vigilante non seulement en matière de lutte contre toutes les formes de discriminations mais également en matière d'appréhension par les pouvoirs publics des notions de " risque ", " d'autonomie " et de " consentement personnel " afin que dignité et droits des personnes soient garantis jusqu'au dernier instant de vie.

  4. Le cadre juridique actuel sur les soins palliatifs et le respect de la personne (48) pose en principes l'information de la personne selon des moyens adaptés à son degré de compréhension, la prise en compte de sa volonté et le respect de son consentement tant en matière médicale que sociale et médico-sociale, y compris lorsque les personnes bénéficient d'une mesure de protection juridique. Il détermine l'accompagnement du processus de la fin de la vie et, avec des aménagements dans les cas visés par la loi du 2 février 2016, celui de la toute fin de vie. La connaissance de ces dispositifs, et leur articulation entre eux, n'est actuellement pas suffisamment maîtrisée par les personnes concernées, par leurs proches et par les différents acteurs. Surtout, faute de volonté d'y consacrer les moyens indispensables, les personnes, leurs proches et les acteurs sont trop souvent confrontés à des dilemmes, voire des impasses. La pandémie a montré que les dispositifs pouvaient être contournés et les droits fondamentaux menacés. Elle a amplifié la difficulté extrême à accompagner la fin de la vie et la mort elle-même dans de nombreuses situations.

  5. Le droit ne peut à lui seul résoudre tous les questionnements et les tensions inévitables nées de demandes individuelles légitimes. La collégialité, le dialogue et le questionnement éthique permettent de guider les équipes. Mais un espace relevant du relationnel doit également être prévu pour permettre de trouver un équilibre entre les différents intervenants, professionnels du soin, de l'accompagnement social et médico-social, du lien, comme aidants. Si la société et les familles ont eu tendance à médicaliser la mort ces dernières décennies, souvent par peur, un rééquilibrage de l'accompagnement de la fin de vie doit être porté politiquement afin de laisser plus de place aux métiers du lien en mesure de dialoguer également avec les familles et les aidants. La période de la fin de la vie, et plus particulièrement le temps de l'agonie, est un moment de densité relationnelle et émotionnelle où l'accompagnement, notamment spirituel, qui dépasse la conviction religieuse, doit être également considéré.

  6. Un équilibre doit être, par ailleurs, recherché avec les aidants, trop souvent seuls et démunis, qui s'épuisent à accomplir des tâches pour lesquelles ils ne reçoivent aucune formation et qu'une très faible compensation (49). Tous ces aidants, parfois jeunes, devraient pouvoir accéder aux plateformes de répit sans condition d'âge et à des lieux dédiés proposant un accompagnement diversifié (médical, psychologique, social, administratif…). Au même titre que d'autres publics, ils doivent être considérés comme étant dans une situation de particulière vulnérabilité qui créé un besoin réel d'accompagnement spécifique. Les aidants sombrent effectivement régulièrement dans la précarité socio-économique encore trop peu prise en compte par les pouvoirs publics.

  7. Mieux vieillir ensemble et permettre à chacun d'être acteur de sa fin de vie passeront certainement aussi par la mise en place de formations pour les professionnels, de campagnes de sensibilisation de l'opinion publique, un volet pédagogique, des rencontres intergénérationnelles mais surtout un véritable portage politique pour qu'émerge dans notre pays une culture palliative, de l'anticipation et de l'accompagnement de la fin de la vie.

  8. Mieux vieillir ensemble et permettre à chacun d'être acteur de sa fin de vie implique également une plus grande participation des usagers aux systèmes de santé, social et médico-social en particulier en donnant plus de poids, de possibilités d'expression, et plus de transparence aux instances de la démocratie sanitaire (Commission des usagers en établissements de santé, conseil de vie sociale en EHPAD, conseils territoriaux de santé, conférence régionale de la santé et de l'autonomie, Conférence nationale de santé…). Le parcours de fin de la vie, au même titre que celui de soin, doit aussi être co-construit, de manière anticipée lorsque c'est possible et souhaité, avec la personne en lien avec ses soutiens.

  9. Enfin, le présent avis soulève d'autres questions qui pourront être abordées dans de prochains avis de la CNCDH : le financement du système de santé, la reconnaissance et la valorisation des personnels soignants et sociaux, la résorption des déserts médicaux, le rôle des médecins traitant ou encore des pharmaciens dans l'accompagnement des personnes en fin de vie, la reconnaissance sociale des aidants, l'accès aux soins et l'accompagnement des habitants de la rue…

Recommandations

Aspects généraux

Recommandation 1 : La CNCDH recommande de replacer la question de la fin de la vie au centre du débat public, en s'assurant d'une plus grande participation des personnes au système de santé, mais aussi aux dispositifs sociaux et médico-sociaux, et de ne pas restreindre celui-ci à quelques thématiques.

Recommandation 2 : Il est indispensable de mieux informer les personnes sur leurs droits et sur les dispositifs à leur disposition pour permettre l'émergence d'une culture de l'anticipation et du dialogue en matière de choix de parcours de soin et de fin de la vie.

Recommandation 3 : La CNCDH recommande la mise en place d'une politique publique visant à lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur l'âge notamment par une sensibilisation de l'ensemble de la population sur les enjeux du vieillissement en favorisant les échanges intergénérationnels. Elle recommande plus spécifiquement d'introduire le thème du vieillissement et de la fin de la vie dans le programme d'éducation morale et civique (EMC) dès le collège.

Recommandation 4 : La CNCDH recommande une politique de valorisation des professions sociales et médico-sociales, et plus généralement des métiers du lien et du soutien aux personnes, pour permettre une prise en charge globale, et pas uniquement thérapeutique, de la personne en fin de vie.

Recommandation 5 : La CNCDH recommande de multiplier lieux et moments de rencontres intergénérationnelles dans le secteur médico-social dans un cadre propice à l'innovation en matière d'accompagnement du grand âge.

Recommandation 6 : La CNCDH recommande une reconnaissance effective plus large des droits et un meilleur accompagnement des aidants en développant notamment les lieux, et les temps, de répit dont l'accessibilité doit être possible pour tous les aidants sans condition d'âge. Une réflexion plus générale doit être envisagée entre les pouvoirs publics et les personnes concernées autour de la création d'un statut spécifique prenant en compte en particulier les besoins en matière de suivi psychologique, social, médical, administratif…

Recommandation 7 : La CNCDH recommande que la justice soit rétablie entre les citoyens : une réforme du " capital décès " devrait avoir pour objectif que nul ne meure sans avoir une inhumation ou une crémation digne. Une crise sanitaire, ou tout autre situation particulière, ne saurait justifier l'absence de la famille et des proches dans les derniers instants.

Aspects organisationnels

Recommandation 8 : Concernant les professionnels de l'accompagnement, de l'aide et du soin à domicile, en plus d'une revalorisation salariale substantielle, tenant compte du travail de nuit et en week-end, il est indispensable de garantir un bon maillage territorial favorisant des échanges en réseau incluant le secteur hospitalier et les secteurs libéraux soignants, sociaux et médico-sociaux.

Recommandation 9 : La CNCDH recommande une meilleure prise en compte de la dimension qualitative de la fin de la vie tant dans l'accompagnement que lors de la prise en charge thérapeutique. Ainsi, la multiplication de lieux de vie partagés, médicalisés ou non, sur l'ensemble du territoire, pourrait permettre de lutter contre l'isolement social et le maintien des capacités des personnes le plus longtemps possible.

Recommandation 10 : La CNCDH rappelle que le législateur reconnaît un droit aux soins palliatifs qui devraient être à la fois de qualité et accessibles sur tous les territoires. Dans la perspective d'anticiper le vieillissement de la population, il est non seulement impératif de développer les capacités d'accueil des structures existantes, de renforcer les moyens financiers et les recrutements dans l'ensemble du secteur médico-social mais également urgent de développer l'offre de soins et d'hospitalisation à domicile, et de renforcer les équipes mobiles de soins palliatifs sans prélever sur les ressources hospitalières.

Recommandation 11 : La CNCDH recommande l'intégration permanente de psychologues dans les services les plus souvent confrontés à des situations de fin de la vie dans l'optique d'un meilleur accompagnement tant des patients ou de leurs proches que des personnels de santé car une présence humaine, pluridisciplinaire, dans les services est plus efficace que des affiches informant de l'existence d'une cellule d'écoute.

Anticiper une nouvelle crise

Recommandation 12 : La CNCDH recommande l'organisation d'états généraux de la fin de la vie rassemblant des représentants des professionnels de santé, du social, du médico-social, du droit, d'usagers, d'aidants, des syndicats, de spécialistes de l'éthique médicale, de psychologues et de chercheurs notamment en anthropologie, en sociologie et en économie, de représentants des religions et de courants philosophiques, chargés de repenser le système actuel afin d'anticiper les enjeux du vieillissement et de permettre à chacun de vivre une fin de la vie apaisée, conforme à ses choix personnels dans le cadre de la loi.

Recommandation 13 : La crise sanitaire ayant mis en évidence pour tous la réalité de situations de fin de vie brutales, la CNCDH recommande la création d'un répertoire national regroupant des dispositions anticipées (directives anticipées/mandat de protection future/personne de confiance) établies par les personnes, accessible et consultable en particulier par les médecins afin de proposer une prise en charge respectueuse de leurs choix.

Recommandation 14 : La CNCDH recommande la promotion de ces dispositions anticipées en garantissant la sécurité des données personnelles, comme leur actualisation, pour en faciliter l'appropriation tant par les citoyens que par les personnels soignants. A cet effet, les mécanismes et conditions d'opposabilité et de réversibilité doivent être clairement précisés, comme les éventuels recours au juge garant du respect des droits et de la liberté individuelle.

Recommandation 15 : La CNCDH recommande la mise en place d'un plan de formation continue des personnels soignants, sociaux et médico-sociaux, en matière d'accompagnement à la fin de vie des personnes et d'accompagnement des aidants et des proches.

Recommandation 16 : La CNCDH recommande une meilleure information selon des formes appropriées, orale ou écrite, en plusieurs langues, en particulier pour des personnes sans domicile, en situation de migration et/ou de grande précarité, sur les dispositifs existants tant en matière de soins, de vaccination que d'accompagnement social et médico-social. La CNCDH rappelle que le devoir d'information et d'accompagnement incombe aux autorités publiques. S'il est nécessaire de s'appuyer sur les associations d'aide aux démunis et aux migrants, qui maillent très largement le territoire et qui sont expertes en la matière, ces autorités doivent également, à leur niveau, les soutenir financièrement, administrativement dans l'accès de chacun à ses droits.

(1) La CNCDH insiste sur la nécessité de moyens humains supplémentaires et d'une revalorisation, pas uniquement salariale, de tous les métiers du médical et médico-social.

(2) Plusieurs équipes de chercheurs ont travaillé sur ces sujets, en particulier les sociologues du Centre de sociologie des organisations de Sciences Po Paris avec leur étude " Covid-19 : une crise organisationnelle " (Henri Bergeron, Olivier Borraz, Patrick Castel, François Dedieu ; Presses de SciencesPo 11/2020), ou celle de l'historien des sciences Jean-Paul Gaudillière avec les sociologues Caroline Izambert et Pierre-André Juven " Pandémopolitique " (La Découverte 1/2021). Ces études montrent qu'il existait plusieurs types de gestion, certains ayant été très étudiés en amont de la pandémie.

(3) Situations décrites notamment en audition de Mme Rafflegeau et dans " Urgences - hôpital en danger " (Hugo Huon - Collectif Inter Urgences, Ed. Albin Michel 1/2020) en particulier témoignages en pp. 50-51, 58, 61, 313…

(4) Le colloque singulier est une relation bilatérale qui existe entre un médecin et son patient seuls, il est souvent défini comme " la rencontre d'une confiance et d'une conscience " (L. Portès). Avec l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le colloque singulier serait un mythe éloigné de la réalité où tend à s'imposer le colloque collectif. Voir notamment M. Bensoussan, " Comment les nouvelles technologies bouleversent-elles le colloque singulier ? " dans I. Poirot-Mazères (dir.), Santé, numérique et droit-s, Presses de l'université Toulouse 1-Capitole, 2018, p. 151-165.

(5) Inscrite dans le premier plan triennal de développement des soins palliatifs (programme national de développement des soins palliatifs 2008-2012), la diffusion d'une culture palliative vise à assurer l'accès de tous aux soins, quel que soit le lieu de prise en charge. L'objectif est de faire des soins palliatifs, une culture intégrée à la pratique de tous les professionnels de santé et un sujet de société grâce notamment à une offre de soins graduée et coordonnée entre les différents acteurs et une politique de soutien aux aidants. Au-delà du curatif, qui persiste, il s'agit aussi de prendre en compte la douleur et de viser la meilleure qualité de vie possible. Voir aussi sur www.has-sante.fr, l'Organisation des parcours. L'essentiel de la démarche palliative.

(6) La thématique des discriminations exercées à l'égard des personnes âgées est abordée depuis de nombreuses années notamment après la parution en 1975 de l'ouvrage, réédité à de nombreuses reprises, de l'historien Philippe Aries, Essais sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Âge à nos jours aux éditions Seuil. L'âgisme est caractérisé par toutes les formes de discrimination, de ségrégation, de mépris, fondées sur l'âge et est notamment étudié par l'Observatoire de l'âgisme ( http://www.agisme.fr/).

(7) Ce sujet spécifique fait notamment l'objet d'un autre avis en cours de préparation à la CNCDH et ne sera donc pas développé dans le présent avis sans pour autant l'éluder.

(8) Voir notamment CNCDH, Avis relatif à la Fin de la vie - Euthanasie, adopté lors de l'Assemblée plénière du 30 avril 2004 ; CNCDH, Avis portant sur la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, adopté lors de l'assemblée plénière du 16 décembre 2004 ; Avis " Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux ", adopté lors de l'assemblée plénière du 22 mai 2018, JORF n° 0126 du 3 juin 2018, texte n° 62.

(9) HAS, Document d'accompagnement à destination des professionnels de santé et du secteur médico-social et social sur Les Directives Anticipées, 6 avril 2016 ; HAS, Rapport COVID 19. Fin de vie des personnes accompagnées par un établissement ou service social ou médico-social, 7 mai 2020.

(10) Voir notamment : Avis n° 26 du 24 juin 1991 concernant la proposition de résolution sur l'assistance aux mourants, adoptée le 25 avril 1991 au Parlement européen par la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la protection des consommateurs ; Avis n° 58 du 12 juin 1998, Rapport et recommandations sur le Consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de soin ou de recherche ; Avis n° 63 du 27 janvier 2000, Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie ; Avis n° 121 du 13 juin 2013, Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir et Avis n° 128 du 15 février 2018, Enjeux éthiques du vieillissement.

(11) Voir notamment le premier rapport : Fin de vie, un premier état des lieux, La Documentation Française, Paris, 2012 et celui sur La fin de vie des personnes âgées, La Documentation Française, Paris, 2014. Le Centre national de la fin de vie et des soins palliatifs communique régulièrement de nombreuses données quantitatives et qualitatives dans le cadre de la production d'un atlas dont le dernier volume est paru en 2020. Le décret du 5 janvier 2016 a ensuite créé le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie et le décret du 28 janvier 2022 l'a prolongé pour 5 ans.

(12) Voir Avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) du 24 février 1999 relatif à l'Accompagnement des personnes en fin de vie.

(13) Rapport de la commission de réflexion sur la fin de vie en France, Penser solidairement la fin de vie, décembre 2012.

(14) D'après P. Champvert et l'Association des directeurs au service des personnes âgées, 650 000 personnes vivent aujourd'hui en établissement.

(15) Avis du 22 mai 2018, Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux, p. 19, § 62 et suivants.

(16) D'après le Centre national sur les soins palliatifs et la fin de vie (CNSPFV), la part des personnes âgées de 75 ans et plus a progressé de 2,4 % au cours de ces vingt dernières années, atteignant aujourd'hui près de 10 % de la population. D'après l'INSEE, si cette tendance démographique perdure, les plus de 75 ans représenteront près de 18 % de la population en 2070. Voir CNSPFV, Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, 2020, 2e édition, p. 15.

(17) Si la Belgique encadre l'euthanasie (loi du 28 mai 2002 modifiée successivement par les lois des 10 novembre 2005, 28 février 2014, 16 juin 2016 et 15 mars 2020), la Suisse interdit l'homicide intentionnel dans le but d'abréger les souffrances (art. 114 du code pénal) et accepte l'assistance au suicide (art. 115 du code pénal), pratique au cours de laquelle le patient, doué de discernement, s'administre lui-même une dose létale, l'aidant ne devant pas avoir de " mobile égoïste ".

(18) Voir supra, note 5 sur le développement d'une culture palliative.

(19) CNCDH, Avis sur la laïcité, adopté lors de l'Assemblée plénière du 26 septembre 2013.

(20) Le deuil ne présente pas seulement une dimension solitaire. L'exigence de solidarité lui confère également une dimension collective.

(21) On constate aussi toutefois la présence de nombreux bénévoles et de personnes qui s'impliquent localement notamment.

(22) Voir infra paragraphe 35.

(23) Les récentes réformes de la négociation collective et de la représentation collective ont bouleversé le cadre de la démocratie sociale en France au détriment des garanties individuelles et collectives des travailleurs. Voir notamment un article du Monde sur la représentation collective des salariés dans les EHPAD ( https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/02/03/cgt-cfdt-et-fo-preparent-une-serie-de-plaintes-ciblant-la-discrimination-syndicale-au-sein-d-orpea_6112239_3224.html) ainsi que le communiqué de presse de la CGT du 4 février 2022 sur les actions engagées contre la société ORPEA et le syndicat Arc-en-Ciel : https://sante.cgt.fr/Actions-engagees-contre-la-societe-ORPEA-et-le-syndicat-Arc-en-Ciel. LA CNCDH rappelle régulièrement l'importance de la négociation collective et de la représentation collective des travailleurs : voir notamment le rapport racisme 2020, page 283 ( https://www.cncdh.fr/fr/publications/rapport-2020-sur-la-lutte-contre-le-racisme-lantisemitisme-et-la-xenophobie) ainsi que l'Avis de la CNCDH du 28 janvier 2021 portant sur les droits fondamentaux des travailleurs pendant l'état d'urgence sanitaire ( https://www.cncdh.fr/sites/default/files/d_-_2021_-_1_-_droits_fondamentaux_des_travailleurs_pendant_leus_janv_2021.pdf).

(24) Notamment Camille Bourdaire-Mignot, Tatiana Gründler. Le rapport Libault " Concertation Grand âge et autonomie " : le temps de l'action. Revue générale de droit médical, Études hospitalières éditions, 2019, pp.49-71 ( https://hal.parisnanterre.fr/hal-02363665/document).

(25) Rapport d'information de la Mission consacrée aux EHPAD présenté le 14 mars 2018 par les députées Monique Iborra et Caroline Fiat.

(26) Rapport de la concertation Grand âge et autonomie remis par Dominique Libault (directeur de l'EN3S) à la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn le 28 mars 2019, avec 175 propositions pour " passer de la gestion de la dépendance au soutien à l'autonomie ".

(27) Défenseur des droits, Rapport Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD, 2021 : rap-ehpad-num-29.04.21.pdf (defenseurdesdroits.fr).

(28) Voir notamment " Pandémopolitique " de l'historien des sciences et directeur de recherches Inserm Jean-Paul Gaudillière, et des sociologues Caroline Izambert et Pierre-André Juven, Ed. La Découverte, 2021.

(29) Un tiers seulement par choix personnel selon thèse de doctorat en 2015 et études ultérieures sur résidents en EHPAD, de Valentine Trépied, sociologue EHESS et INED.

(30) Ceux-ci ne sont ni prévus ni dimensionnés pour accueillir des personnes en fin de vie, les hôpitaux sont pensés pour soigner des pathologies. En 2018, 53 % des personnes sont décédées à l'hôpital sur la totalité du territoire français. En revanche, plus les personnes vieillissent plus elles décèdent à domicile (25 %) et en EHPAD ou maison de retraite (13 %). Voir CNSPFV, Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, 2020, 2e édition, p. 29.

(31) En 2019, la France compte près de 7 500 lits hospitaliers de soins palliatifs, soit 2 % des lits hospitaliers. Voir CNSPFV, Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, 2020, 2e édition, p. 32.

(32) D'après CNSPFV, Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, 2020, 2e édition, p. 35 : Les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) ont pour mission d'apporter une aide, un soutien, des conseils aux soignants qui prennent en charge des patients en fin de vie au sein des services hospitaliers, des établissements médico-sociaux et à domicile. De plus, les EMSP ont une importante mission de sensibilisation et de formation de l'ensemble professionnel de santé à l'accompagnement de fin de vie. La France compte 428 EMSP, soit 0,64 EMSP pour 100 000 habitants en 2019.

(33) Les soins palliatifs se sont très faiblement développés à domicile ces dernières années.

(34) Voir les travaux menés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sur le statut et l'aide aux aidants : https://www.cnsa.fr/outils-methodes-et-territoires/soutien-aux-proches-aidants.

(35) Dans le cas des parcours de santé des personnes atteintes d'Alzheimer, 40 % des aidants décèdent avant la personne malade souvent du fait de l'épuisement.

(36) Créés par la loi du 4 mars 2002 pour une prise en charge globale. Plus de 700 en France, ils sont souvent associatifs et incluent des Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

(37) CNSPFV, Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, 2020, 2e édition, p. 44-81.

(38) La CSS remplace la couverture maladie universelle (CMU) et l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS) depuis le 1/11/2019.

(39) Voir supra note 4.

(40) La CNCDH tient à préciser que les modalités de recueil des " directives anticipées " sont complexes et difficilement compréhensibles par tous dès lors que l'on utilise les modèles disponibles en ligne sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32010.

(41) Cf. " Pandémopolitique ", supra note n° 28.

(42) C. civ., art. 459, al. 1er.

(43) Notamment les patients plongés dans un coma profond ou dans une situation d'état végétatif à la suite d'un accident vasculaire cérébral ou d'un accident de la route par exemple.

(44) La possibilité de penser la proportionnalité des soins tout au long de la maladie, comme cela est fait dans d'autres pays, pourrait améliorer l'anticipation des décisions, et éviter notamment une escalade thérapeutique voire une obstination déraisonnable dont le patient ne voudrait pas. Cette conception se rapproche de la notion de la planification anticipée des soins (ACP pour advance care planning). L'ACP est un processus de concertation entre le patient, la personne de confiance ou ses proches et les dispensateurs de soins en vue de définir une orientation commune des soins et des traitements à mettre ou non en œuvre tout au long d'une maladie chronique. L'ACP vise à fixer un objectif thérapeutique basé sur les valeurs et les priorités du patient.

(45) Rapport sur les services de soins à domicile, décembre 2021 : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2022-01/20220124-services-soins-domicile_0.pdf.

(46) Csp, art. L. 1110-5-1, art. R. 4127-37-2 ; art. 37-2 code de déontologie.

(47) Loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ; disponible ici : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031970253/.

(48) Loi du 9 juin 1999 sur les soins palliatifs ; loi du 4 mars 2002 dite Kouchner ; loi du 22 avril 2005 dite Léonetti ; loi du 2 février 2016 dite Laeys-Léonetti ; loi du 5 mars 2007 sur la protection juridique des majeurs ; loi du 28 décembre 2015 d'adaptation de la société au vieillissement.

(49) Voir supra, note 34.