JORF n°0256 du 3 novembre 2013
Avis n°2013-1110 du 3 septembre 2013
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu le traité sur l'Union européenne, notamment son article 26 ;
Vu le code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE ») ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment ses articles L. 611-1 et suivants ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales ;
Vu le décret n° 2000-376 du 28 avril 2000 relatif à la protection des transports de fonds ;
Vu le décret n° 2001-926 du 4 octobre 2001 autorisant la fabrication de pièces de collection en euros ;
Vu le décret n° 2013-417 du 21 mai 2013 portant modification du code des postes et des communications électroniques ;
Vu l'avis n° 2013-0126 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 29 janvier 2013 sur un projet de décret portant modification du code des postes et des communications électroniques ;
Vu la demande d'avis de la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, adressée le 2 août 2013 et reçue à l'Autorité le 5 août suivant ;
Après en avoir délibéré le 3 septembre 2013,
La ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique a saisi l'Autorité d'une demande d'avis sur un projet de modification de l'article D. 1 du CPCE. Cette demande s'inscrit dans le contexte juridique suivant.
L'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure dispose que :
« Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu'elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent :
(...) 2° A transporter et à surveiller, jusqu'à leur livraison effective, des bijoux représentant une valeur d'au moins 100 000 euros, des fonds, sauf, pour les employés de La Poste ou des établissements de crédit habilités par leur employeur, lorsque leur montant est inférieur à 5 335 euros, ou des métaux précieux ainsi qu'à assurer le traitement des fonds transportés ; (...) ».
L'article L. 612-2 du même code ajoute que :
« L'exercice d'une activité mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 611-1 est exclusif de toute autre prestation de services non liée à la surveillance, au gardiennage ou au transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux. »
Il résulte de ces dispositions que l'activité de transport de bijoux, de fonds ou de métaux précieux est exclusive de l'exercice de toute autre activité : une personne physique ou morale qui a été autorisée à cet effet doit se consacrer exclusivement au transport ou au gardiennage de fonds ou de métaux précieux.
C'est en application de ce cadre juridique que le CPCE a été récemment modifié par le décret n° 2013-417 du 21 mai 2013 susvisé. Ainsi, l'article D. 55 du code, qui prévoyait notamment l'envoi avec valeur déclarée des billets de banque, bijoux et pièces de monnaie en or ou en argent, a été abrogé. Ces dispositions ont été remplacées par de nouvelles dispositions, qui figurent désormais à l'article D. 1 du CPCE, aux termes duquel :
« L'insertion de billets de banque, de pièces et de métaux précieux est interdite dans les envois postaux, y compris dans les envois à valeur déclarée, les envois recommandés et les envois faisant l'objet de formalités attestant leur dépôt et leur distribution. »
Dans son avis susvisé du 29 janvier 2013 sur la modification de l'article D. 1 qui lui a été soumise, l'Autorité observait que « cette restriction du contenu des envois en valeur déclarée apparaît conforme aux dispositions des articles L. 611-1 et suivants du code de la sécurité intérieure » dès lors que les opérateurs postaux ne sauraient, à l'évidence, être regardés comme des opérateurs ayant pour activité exclusive le transport de fonds ou de métaux précieux.
Le Gouvernement souhaite, aujourd'hui, modifier à nouveau l'article D. 1 du CPCE pour permettre, par dérogation à l'interdiction qu'il fixe, l'insertion de pièces de collection dans les envois postaux. Le Gouvernement propose ainsi d'ajouter à l'article D. 1 un alinéa rédigé de la manière suivante :
« Les pièces visées à l'article 1er du décret n° 2001-926 du 4 octobre 2001 ne sont pas soumises aux dispositions du premier alinéa du présent article. »
L'article 1er du décret n° 2001-926 du 4 octobre 2001 prévoit que :
« Est autorisée la frappe, pour le compte de l'Etat, par l'établissement public la Monnaie de Paris, de pièces de collection d'une valeur faciale de cinq mille euros, mille euros, cinq cents euros, deux cent cinquante euros, deux cents euros, cent euros, cinquante euros, vingt-cinq euros, vingt euros, quinze euros, dix euros, cinq euros, quatre euros, trois euros, d'un euro et demi, de soixante-quinze centimes ou trois quarts d'euro, d'un demi-euro, de vingt-cinq centimes ou quart d'euro, d'un cinquième d'euro et de quinze centimes, en platine, or, argent, palladium, électrum, titane, bronze, cuivre, nickel, zinc et aluminium, dont le titre, les caractéristiques et le type seront fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie. »
Or, l'article 1er du décret n° 2000-376 du 28 avril 2000 relatif à la protection des transports de fonds, pris pour l'application d'une loi de 1983 devenue notamment l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, donne la définition suivante du terme « fonds » :
« Sont considérés comme fonds au titre du présent décret la monnaie fiduciaire, la monnaie divisionnaire et le papier fiduciaire ».
Les pièces de monnaie constituent la monnaie divisionnaire. Les pièces de collection émises par les Etats de la zone euro ont cours légal dans leur pays d'émission. Les pièces frappées par la Monnaie de Paris entrent donc dans la définition des fonds.
D'autre part, il ressort des articles 522 et 527 du code général des impôts que sont considérés comme métaux précieux l'or, l'argent et le platine. Par conséquent, les pièces de collection fabriquées dans l'un de ces métaux sont qualifiées de métaux précieux.
Il résulte de ce qui précède qu'en permettant l'insertion, dans les envois postaux, de pièces de collection alors qu'un opérateur postal n'a pas pour activité exclusive le transport de fonds ou de métaux précieux, le projet de modification de l'article D. 1 du CPCE méconnaît l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure.
Au surplus, en réservant la faculté d'insertion, dans les envois postaux, aux seules pièces de collection frappées par la Monnaie de Paris, à l'exclusion donc des autres pièces de l'Union européenne, le projet de décret porte atteinte, sur le seul critère de la nationalité, à la libre circulation des marchandises, qui est une des libertés fondamentales du droit de l'Union européenne.
En l'état actuel du droit, l'Autorité ne peut donc donner qu'un avis défavorable au projet qui lui est soumis.
Le projet du Gouvernement nécessite une modification de la partie législative du code de la sécurité intérieure portant sur l'ensemble des pièces de collection de l'Union européenne, comme le prévoyait d'ailleurs l'article D. 55 du CPCE lorsqu'il était en vigueur. Encore faut-il que puisse être justifié, par un motif valable au regard de l'objectif de sécurité poursuivi, le traitement particulier réservé aux pièces de collection par rapport aux pièces de monnaie courante et à ceux des métaux précieux qui n'ont pas été transformés en pièces de collection. Une autre solution, plus objective, serait de fixer, dans la partie législative du code de la sécurité intérieure, un seuil minimal de valeur des fonds et métaux précieux et de prévoir, en conséquence, qu'en deçà de ce seuil tous les fonds ou métaux précieux peuvent, sans distinction, faire l'objet d'un envoi postal.
Fait à Paris, le 3 septembre 2013.
Le président,
J.-L. Silicani