JORF n°0038 du 14 février 2014

Avis du 30 janvier 2014

(Assemblée plénière du 30 janvier 2014)

  1. La CNCDH a été saisie pour avis, par le ministre délégué chargé du développement, du projet de loi d'orientation et de programmation relatif à la politique de développement et de solidarité internationale, tel que soumis à la délibération du conseil des ministres. Elle n'avait pas été associée aux réflexions récentes sur la politique française de développement, qui se sont notamment déroulées dans le cadre des Assises du développement, et qui ont précédé l'élaboration du projet de loi qui lui est aujourd'hui soumis. L'avis ci-contre se concentre sur les points essentiels au regard du mandat de la CNCDH dans le domaine des droits de l'homme et du droit humanitaire et n'a pas pour objet de commenter l'ensemble des dispositions et annexes du projet de loi.
  2. La CNCDH rappelle que le droit au développement, pleinement consacré par la Déclaration de 1986 (1), fait partie intégrante des droits de l'homme et doit être respecté et mis en œuvre au même titre que tous les autres droits, en vertu des principes d'indivisibilité et d'interdépendance. Ce droit, qui est à la fois individuel et collectif, est intrinsèquement lié à la réalisation effective des droits de l'homme, qu'ils soient civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
  3. Depuis la Conférence mondiale des droits de l'homme de Vienne de 1993, les Nations unies soulignent le lien étroit entre droits de l'homme, développement et paix (2). Plus récemment, la haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies a présenté un important rapport sur la place des droits de l'homme dans l'Agenda du développement post-2015 (3), dont il convient de tenir pleinement compte.

Nature et portée de la loi

  1. La CNCDH salue l'initiative de ce projet de loi qui permet pour la première fois d'inscrire les orientations de la politique française en matière de développement dans la loi et qui participe à l'effort plus général de transparence sur l'utilisation des fonds publics (4). Elle constate cependant que celui-ci revêt une nature avant tout symbolique, présentant les « aspirations » de la politique de développement. S'il est admis que les lois d'orientation et de programmation « constituent une exception à l'exigence constitutionnelle de normativité », leur permettant de comporter des dispositions dépourvues de valeur normative, ces dispositions n'échappent toutefois pas toujours à la censure (5). Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré une loi de programme contenant des « définitions non normatives » (6).
  2. Par ailleurs, le projet de loi adopte à l'article 2 un rapport annexé qui détaille les objectifs et priorités, les principes, les leviers d'actions et les modes de financement de la politique de développement de la France. La CNCDH rappelle que le Conseil constitutionnel a estimé que les orientations présentées dans un rapport annexé à une loi sont dotées d'une valeur juridique sans pour autant détenir formellement une valeur normative (7). Il convient donc de limiter le contenu des annexes aux orientations ou éléments de programmation dans la mesure où, n'entraînant pas d'obligations précises, celles-ci sont difficilement applicables et invocables.
  3. De manière générale, les dispositions législatives, quel que soit leur objet, doivent être rédigées de manière suffisamment précise et claire, ce qu'exigent les principes d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Or, à l'exemple de l'article 1er qui réunit des concepts et objectifs très divers, le projet de loi et le rapport annexé peinent à présenter de manière hiérarchisée et claire les grands axes de la politique de développement. Ainsi, les objectifs se mélangent aux principes et les domaines prioritaires aux questions transversales, tout en indiquant que « les actions en matière de gouvernance démocratique, droits de l'homme, égalité entre les femmes et les hommes et assistance technique seront, quant à elles, possibles dans l'ensemble des pays d'intervention ». Le projet de loi apparaît alors comme une énumération des activités de développement de la France sans véritable priorisation politique ni vision d'avenir.
  4. Sur ce dernier aspect, la manière dont la politique de développement intégrera l'agenda du développement post-2015 et déclinera les Objectifs de développement durable (8) qu'il contiendra devrait être mentionnée. La CNCDH regrette que le projet de loi ne fasse pas état de cet agenda qui succédera aux objectifs du millénaire aujourd'hui dépassés. La position française sur ce sujet a fait l'objet d'un rapport récent, élaboré en concertation avec la société civile, qui pointe justement la nécessité de placer l'approche par les droits, la durabilité, le développement durable et l'égalité entre les hommes et les femmes au centre des politiques de développement à l'horizon post-2015 (9). Cette approche ― qui est aussi celle de la stratégie « Genre et développement » de la France (10) ― est insuffisamment reflétée dans le projet de loi.
  5. De plus, le projet de loi évoque, sans distinction ni définition, les « pays pauvres », les « pays en développement », les « pays en crise », les termes « pauvreté », « pauvreté extrême » et « extrême pauvreté », ou encore, à la place de « droits de l'homme », les notions de « libertés fondamentales » ou de « principes et normes définis par la communauté internationale en matière de défense des droits de l'homme ». Il conviendrait d'utiliser ces notions de manière homogène et précise et de respecter le langage agréé en droit international et dans la sphère diplomatique. En outre, d'autres termes comme celui d'« opérateurs de l'expertise technique internationale » demandent également à être définis. Enfin, le texte devrait être plus rigoureux dans l'énumération et l'articulation des « valeurs », des « principes », des « normes », des « priorités » et des « objectifs ».

Pour une déclinaison opérationnelle des principes directeurs des Nations unies
sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme

  1. Si la politique française de développement entend « participer à l'effort international de lutte contre la pauvreté extrême » (article 1er, paragraphe 2 du projet de loi), alors ce projet de loi devrait affirmer l'attachement de la France à la mise en œuvre des Principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme, adoptés en 2012 par le Conseil des droits de l'homme, « accueillis avec satisfaction » par l'Assemblée générale des Nations unies et activement soutenus par la diplomatie française (11).
  2. Ces Principes directeurs affirment de manière claire que les Etats ont « l'obligation de respecter et de protéger l'exercice des droits de l'homme » (12) dans le cadre de la coopération et de l'assistance internationales. Les politiques publiques d'aide au développement ne peuvent être conçues sans prendre en compte les normes édictées dans ces principes directeurs, qui constituent à présent un cadre conceptuel et un outil opérationnel que les Etats doivent décliner dans leurs politiques d'éradication de la pauvreté (13).
  3. La CNCDH invite donc le Gouvernement à s'appuyer sur ces Principes pour s'assurer que les politiques publiques en matière d'aide au développement sont élaborées sur la base d'une approche globale fondée sur l'indivisibilité, l'universalité et l'effectivité des droits de l'homme.

Pour une approche du développement fondée sur les droits

  1. La CNCDH considère que la politique de développement de la France devrait placer les droits de l'homme, tels que définis dans les conventions internationales auxquelles la France est partie, au cœur de son action et que l'approche du développement fondée sur les droits devrait constituer le cadre conceptuel et opérationnel des politiques de développement et de solidarité internationale (14). Cette perspective implique par exemple que la santé ne soit pas considérée seulement comme un bien public mondial (15) mais comme un droit de toute personne à « jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre » (16), axé sur l'accès universel aux soins de santé.
  2. Pour la CNCDH, l'objectif de la seule « promotion » des droits de l'homme, auquel le projet de loi fait à plusieurs reprises mention comme un objectif parmi d'autres de la politique de développement (17), apparaît insuffisamment ambitieux pour traduire une véritable approche par les droits. Cette approche vise non seulement à prévenir les atteintes aux droits de l'homme mais surtout à en renforcer le respect. Elle implique d'« aligner les objectifs (de la politique du développement) de manière plus explicite et plus cohérente sur les obligations incombant aux Etats en vertu des traités internationaux des droits de l'homme » (18). Au-delà des raisons politiques et éthiques, une telle approche, promue par les Nations unies et l'Union européenne (19), est garante de l'efficacité et de la durabilité des projets de développement. Elle implique d'être déclinée concrètement depuis l'élaboration jusqu'à la mise en œuvre et l'évaluation des programmes.
  3. L'approche par les droits suppose la participation active et libre des populations concernées. Elle met ainsi l'accent sur les mécanismes participatifs des personnes qui ne doivent plus être perçues comme de simples bénéficiaires mais comme des titulaires de droits et des acteurs de leur développement (20). La CNCDH est préoccupée que ce prérequis indispensable ne soit pas pris en compte dans le projet de loi alors qu'il est le principal garant de la pérennité des projets de développement.
  4. Ainsi, la participation des populations concernées devrait figurer comme principe de la politique de développement de la France en précisant les moyens de sa mise en œuvre dans les partenariats différenciés mentionnés à l'article 4 du projet de loi. En pratique, il apparait essentiel que des personnes expérimentées soient spécialement chargées de cette participation sur le terrain, en tissant des liens de confiance avec les personnes et en faisant remonter leurs attentes aux responsables de projet et aux bailleurs de fonds. En outre, la France devrait accorder une attention particulière aux pays qui mettraient en place des démarches participatives.
  5. Aussi, l'AFD et les autres acteurs du développement français devraient intégrer pleinement et systématiquement l'approche par les droits dans leurs politiques et programmes. La CNCDH a récemment recommandé que « l'AFD mène des études d'impact exhaustives en matière de droits de l'homme, celle-ci devant informer et consulter de façon accrue les parties prenantes et la société civile aux différentes phases de réalisation de ses projets » (21).
  6. L'approche par les droits intègre pleinement le principe de non-discrimination et exige de prévoir, d'une part, un système permettant aux acteurs de développement, débiteurs d'obligations juridiques, d'évaluer leurs actions et d'en rendre compte et, d'autre part, un système de recours et de réparation en cas de violations des droits de l'homme. Ces mécanismes doivent être accessibles aux populations concernées. La CNCDH a à cet égard recommandé dans un avis précédent que pour « remédier aux impacts potentiels sur les droits de l'homme d'un projet soutenu par l'AFD, soit mis en place un système permettant à toute partie prenante de communiquer officiellement à l'AFD des alertes, questions, préconisations et requêtes concernant les projets et leurs impacts à toutes les phases de leur élaboration et de leur mise en œuvre » (22).
  7. En outre, conformément à la Déclaration des Nations unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme (23), l'éducation au développement doit s'inscrire dans une stratégie d'ensemble qui concerne toutes les parties prenantes, au Nord comme au Sud. Elle implique aussi bien la formation des formateurs que l'éducation de base et la formation permanente des différents acteurs. De plus, une véritable formation aux droits de l'homme des agents concepteurs et opérateurs du développement permettrait la mise en œuvre concrète d'une approche fondée sur les droits.

La responsabilité des acteurs économiques et financiers

  1. Le rôle des « acteurs privés » dans le développement est reconnu par le projet de loi. Cependant, la responsabilité sociétale, sociale, environnementale, ainsi qu'en matière de droits de l'homme, de ces acteurs n'y apparaît que très timidement par rapport aux développements internationaux récents en la matière (24). Il n'est par exemple pas indiqué qu'une telle responsabilité incombe aux entreprises ayant leur siège social en France et qu'elle impose que les sociétés mères et donneuses d'ordres fassent preuve de vigilance à l'égard des actes commis par leurs filiales et sous-traitantes.
  2. De la même manière, devrait être mentionné le fait que lorsque des opérateurs publics comme l'AFD recourent à des partenaires privés pour réaliser les projets, ils se doivent d'« imposer des cahiers des charges incluant des études d'impact exhaustives en matière de droits de l'homme » (25).
  3. Enfin, pour que les investissements des entreprises bénéficient aux pays dans lesquels elles opèrent, la CNCDH encourage la France à poursuivre ses efforts afin d'élaborer de nouvelles règles de fiscalité internationale visant la mise en place d'une fiscalité plus favorable au développement.

Le lien urgence-reconstruction-développement

  1. La CNCDH salue le fait que l'article 1er du projet de loi souligne la continuité entre les phases d'urgence, de reconstruction et de développement. Il est cependant surprenant que la politique humanitaire de la France, dont les principaux axes ont été explicités dans la Stratégie humanitaire de la République française adoptée en juillet 2012, ne soit pas évoquée, ni dans le projet, ni dans le rapport. La CNCDH considère qu'afin d'éviter le fossé entre le financement de l'urgence et celui du développement, et l'absence de prise en compte du développement dans la conception de la phase d'urgence, il est essentiel de renforcer la coordination entre les acteurs de l'urgence et ceux du développement et de créer des mécanismes financiers mieux articulés entre aide humanitaire et aide au développement.

La place des femmes dans les politiques de développement

  1. Les femmes sont les premières victimes du sous-développement ― plus de 60 % des personnes vivant dans la pauvreté sont des femmes d'après les estimations des Nations unies (26) ― et la discrimination envers les femmes est un facteur important de pauvreté et de violence.
  2. La CNCDH a contribué en 2012 à l'évaluation de la politique française en matière de genre et développement (27), ce qui a ensuite permis l'élaboration d'une deuxième stratégie sur le sujet (28). Cette stratégie intègre l'idée que les projets d'aide au développement doivent viser le respect des droits des femmes et des filles et renforcer l'autonomisation des femmes, actrices du changement et du développement.
  3. Or, si dans le projet de loi, l'égalité entre les femmes et les hommes est mentionnée au titre des objectifs de la politique de développement, l'intégration d'une perspective sexo-spécifique de cette politique ne figure que dans le rapport annexé et ce, de manière diluée. Les dispositions du projet de loi devraient souligner que la politique française de développement prend en compte de manière transversale la dimension du genre dans toutes ses phases et se fonde sur les droits des femmes, tels que proclamés dans la Convention internationale pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

Migration et développement

  1. La reconnaissance dans le projet de loi de l'importance de la cohérence entre la politique de développement et la politique migratoire (art. 3) ainsi que de la place des migrants comme acteurs du développement doit être saluée (29), les migrations constituant en effet « d'importants vecteurs de transformation sociale et de leviers politiques » (30).
  2. Cependant, l'instrumentalisation de l'aide au développement à des fins politiques, notamment de gestion des flux migratoires, est régulièrement dénoncée (31). Ainsi, en incluant par exemple des clauses de réadmission et de coopération policière renforcée, les accords de gestion concertée des flux migratoires cachent, derrière l'objectif affiché de développement des pays d'origine, la volonté de lutter contre l'immigration illégale et de contrôler « à la source » les flux migratoires (32). La CNCDH rappelle donc, qu'en aucune façon, le contrôle des flux migratoires par les pays tiers doit être compris comme une condition de l'aide au développement.

Le travail décent, la protection sociale et le rôle de l'OIT

  1. Les projets de coopération au développement doivent s'intégrer dans le cadre normatif international tel que défini par l'OIT. Il est fondamental que l'Agenda post-2015 inscrive pleinement le travail décent et la protection sociale comme objectifs identifiés, leviers contre les inégalités et la pauvreté et que le Gouvernement français promeuve ces objectifs sur la scène internationale.
  2. Le projet de loi devrait donc considérer explicitement le rôle indispensable des organisations syndicales dans les activités de coopération au développement.

L'obligation de transparence
Transparence démocratique

  1. Le projet de loi contient dans son article 10 des avancées en matière de transparence démocratique en prévoyant que la politique de développement et de solidarité internationale fera l'objet d'évaluations régulières par le Gouvernement, dont le programme sera communiqué au Parlement. Par ailleurs, une présentation de la politique de développement conduite par la France sera présentée tous les deux ans aux commissions compétentes du Parlement ainsi qu'au Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI). La CNCDH se réjouit du rôle confié au Parlement dans ce domaine et des efforts visant à améliorer la connaissance de la politique française et à renforcer l'appropriation démocratique. Il aurait toutefois été souhaitable que la composition du CNDSI, fixée par le décret du 11 décembre 2013, intègre une expertise en matière de droits de l'homme et prévoit un lien organique avec la CNCDH.

Utilisation de l'aide

  1. Aujourd'hui, le montant de l'aide publique au développement de la France s'élève à moins de 0,5 % du RNB. La CNCDH reste attachée à l'engagement réitéré depuis 1970 de la porter à 0,7 % du RNB (33). Le projet de loi devrait ainsi contenir des éléments de programmation budgétaire fixant ce pourcentage comme objectif à atteindre.
  2. Le projet de loi n'est pas suffisamment précis quant à l'obligation, tant pour les Etats donateurs que pour les Etats récipiendaires, de rendre publiquement des comptes s'agissant de l'utilisation de l'aide publique au développement (34). La France, en tant que 4e pays contributeur mondial, se doit d'adopter une politique d'aide au développement qui soit à la fois claire et transparente pour ses citoyens comme pour les populations qui en sont bénéficiaires. Elle doit rendre des comptes et être parfaitement transparente quant à l'utilisation de l'aide publique, afin que celle-ci ne soit jamais détournée, ni par des sociétés privées par lesquelles transite cette aide ni par les Etats récipiendaires.

Indicateurs de résultats

  1. Qu'il s'agisse des indicateurs de résultats de la politique de développement ou des indicateurs du seuil ou du taux de pauvreté, ceux-ci sont à considérer avec précaution, compte tenu des nombreux biais qu'ils peuvent comporter.
  2. Dès les propos introductifs, le présent texte contient des approximations, voire des erreurs. Il est question de « centaines de millions de femmes et d'hommes » qui ont pu sortir de la pauvreté, grâce à des progrès majeurs en matière de développement. Certes, des évolutions existent mais la réalité est plus nuancée. De même, l'indicateur du seuil de pauvreté, fixé à 1 euro par jour, ne peut donner qu'une définition quantitative et relative de la pauvreté, entendue simplement en termes monétaires. Or, la pauvreté reflète une situation plus complexe qui doit être appréhendée à l'aide d'indicateurs également qualitatifs, fondés sur les conditions de vie et le degré de privation dans les domaines de l'alimentation, de la santé, du logement, des relations sociales etc.
  3. La démarche de formulation d'indicateurs est bienvenue mais mériterait d'être complétée. La CNCDH recommande que la liste des indicateurs de résultats de la politique de développement et de solidarité internationale figurant à l'annexe 2 intègre, en plus des indicateurs quantitatifs, des indicateurs qualitatifs, sexués et participatifs (35), essentiels à une évaluation en profondeur de l'impact des politiques de développement.
    En résumé, la CNCDH recommande que le projet de loi :
    R1. Contienne des éléments de programmation budgétaire fixant l'engagement de porter l'aide publique au développement à 0,7 % du RNB comme l'objectif à atteindre.
    R2. Tienne compte des travaux préparatoires des Nations unies concernant l'Agenda du développement post-2015, notamment de la contribution française.
    R3. S'inspire et mette concrètement en œuvre les Principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme.
    R4. Consacre une approche du développement fondée sur les droits et affirme par conséquent que les actions de développement ont pour objet de renforcer le respect des droits de l'homme.
    R5. Inscrive comme principe de la politique de développement la participation des populations concernées.
    R6. Intègre, d'une part, un système d'évaluation et de redevabilité qui soit accessible et transparent pour les populations concernées, d'autre part, un système de recours et de réparation en cas de violations des droits de l'homme du fait d'actions de développement.
    R7. Rappelle la responsabilité des entreprises en matière de respect des droits de l'homme dans la mise en œuvre de la politique de développement.
    R8. Souligne la coordination indispensable entre les acteurs de l'urgence et ceux du développement et l'articulation nécessaire des mécanismes financiers entre aide humanitaire et aide au développement.
    R9. Affirme que la politique française de développement intègre de manière transversale, et comme objectif à part entière, l'égalité femmes-hommes et la dimension « genre » dans toutes ses phases de conception, de mise en œuvre et d'évaluation, afin de renforcer l'autonomisation et la participation des femmes, actrices du changement et du développement.
    R10. Souligne, dans son rapport, qu'en aucune façon, le contrôle des flux migratoires par les pays tiers doit être compris comme une condition de l'aide au développement.
    R11. Souligne la nécessaire adoption d'objectifs identifiés de travail décent et de protection sociale dans le cadre de l'Agenda post-2015 et renforce le rôle des organisations syndicales sur ces enjeux.
    R12. Renforce l'obligation de transparence quant à l'utilisation de l'aide publique, afin que celle-ci ne soit jamais détournée, ni par des sociétés privées par lesquelles transite cette aide ni par les autres intermédiaires et destinataires.
    R13. Intègre, en plus des indicateurs quantitatifs, notamment sexo-spécifiques, des indicateurs qualitatifs et participatifs essentiels à une évaluation en profondeur de l'impact des politiques de développement.
    Par ailleurs, la CNCDH recommande que :
    R14. La composition du CNDSI, fixée par le décret du 11 décembre 2013, d'une part, intègre une expertise en matière de droits de l'homme, d'autre part, prévoit un lien institutionnel avec la CNCDH pour veiller à la mise en œuvre du présent avis.
    Avis adopté à l'unanimité.

(1) Assemblée générale des Nations unies, déclaration sur le droit au développement, résolution 41/128, 4 décembre 1986. (2) Ce lien a été réaffirmé par Kofi Annan dans son rapport de 2005, Une liberté plus grande. (3) HCDH, Qui sera responsable ? Droits de l'homme et programme de développement pour l'après-2015, 2013. (4) Cet effort se manifeste également par des initiatives telles que le site internet dédié à la transparence de l'aide au Mali. (5) Voir à ce sujet : Wagdji Sabete, L'exigence de « portée normative de la loi dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et la notion de loi de programme. Eléments pour une théorie de la normativité de l'acte législatif à la lumière des décisions n° 2005-512 et n° 516, Revue de la recherche juridique ― Droit prospectif, 2005 (4), pp. 2237-2255. (6) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-512 DC, considérants 16 et 17. (7) Conseil constitutionnel, décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002, considérants 20 et 21 ; Conseil constitutionnel, décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, considérant 12. (8) L'un des principaux résultats de la Conférence de Rio + 20 a été l'accord des Etats membres sur l'élaboration d'un ensemble d'objectifs pour le développement durable (ODD) qui pourraient être un outil utile pour la poursuite de l'action ciblée et cohérente en matière de développement durable. (9) Agenda du développement post-2015 : papier de position français élaboré en concertation avec la société civile, septembre 2013. Ce rapport propose de capitaliser sur l'expérience des OMD et de faire converger en un seul agenda la révision des OMD et le processus de définition des Objectifs du développement durable. (10) Stratégie genre et développement 2013-2017, adoptée le 31 juillet 2013 par le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement. (11) La CNCDH a contribué à la réflexion autour des principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme ; voir par exemple, Avis sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, 14 juin 2007. (12) Principes directeurs, point 92. (13) Ibid. point 103 : « Pour assurer une bonne mise en œuvre des Principes directeurs il faudra les transposer dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté et de défense des droits de l'homme et mettre en place des mécanismes internes efficaces de surveillance et de contrôle, notamment par le biais des institutions nationales de défense des droits de l'homme constituées conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme ». (14) Selon les Nations unies, « Une approche fondée sur les droits de l'homme est un cadre conceptuel de développement humain dont la base normative est constituée par les règles internationales définies dans ce domaine, et qui vise concrètement à promouvoir et à protéger ces mêmes droits. Elle s'emploie à analyser les inégalités au cœur des problèmes de développement et à corriger les pratiques discriminatoires et les répartitions injustes de pouvoir qui entravent le processus de développement » ; haut-commissariat aux droits de l'homme (HCDH), Questions fréquentes au sujet d'une approche pour le développement fondée sur les droits de l'homme, p. 15. (15) Voir page 13 du projet de loi. (16) Article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. (17) L'exposé des motifs du projet de loi souligne que l'objectif de développement durable concerne aussi le domaine de « la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l'homme ». L'article 1er dispose quant à lui que « Cette politique (de développement) vise à participer à l'effort international de lutte contre la pauvreté extrême et à réduire les inégalités (...) en promouvant la paix, la stabilité, les droits de l'Homme et la diversité culturelle », et que « La politique de développement et de solidarité internationale promeut les principes et les normes définis par la communauté internationale en matière de défense des droits de l'homme ». (18) HCDH, Qui sera responsable ? Droits de l'homme et programme de développement pour l'après-2015, 2013. (19) Aux Nations unies, une vision commune a émergé en 2003 concernant la coopération pour le développement, réaffirmant notamment que les « normes relatives aux droits de l'homme contenues dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, ainsi que les principes qui découlent de cette déclaration et de ces instruments, doivent guider toutes les activités de coopération et de programmation pour le développement, dans tous les secteurs et dans toutes les phases du processus de programmation » et que « la coopération pour le développement contribue au renforcement des capacités des "détenteurs de devoirs” de s'acquitter de leurs obligations et/ou des "titulaires de droits” de faire valoir ceux-ci », Déclaration sur une vision commune d'une approche fondée sur les droits de l'homme pour la coopération pour le développement, appuyée par le groupe des programmes du Groupe de développement des Nations unies (UNDG), 2003. Dans le cadre de l'Union européenne, le Conseil de l'UE a récemment indiqué que le cadre général pour l'après-2015 devrait « assurer une approche fondée sur les droits englobant tous les droits de l'homme », Conseil de l'UE, Suivi de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio + 20), Programme général pour l'après-2015, approbations des conclusions du Conseil, 3 juin 2013. (20) Voir points 37 et 38 des Principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme qui soulignent notamment que : « Les Etats doivent assurer la participation active, libre, éclairée et constructive des personnes vivant dans la pauvreté à toutes les étapes de la conception, de la mise en œuvre, du suivi et de l'évaluation des décisions et des politiques qui les concernent ». (21) CNCDH, Entreprises et droits de l'homme : avis sur les enjeux de l'application par la France des Principes directeurs des Nations unies, 24 octobre 2013. (22) Avis de la CNCDH précité, 24 octobre 2013 ; voir également points 45 et 46 des Principes directeurs précités. (23) Déclaration adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies du 19 décembre 2011 (A/66/137). (24) Voir à cet égard les paragraphes 7 à 22 de l'avis précité du 24 octobre 2013. (25) Avis précité, p. 11. (26) Voir site du programme des Nations unies pour le développement (PNUD). (27) CNCDH et l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, Evaluation de la politique française « Genre et développement », 2012. (28) Stratégie genre et développement 2013-2017. (29) Point 1.3 du rapport annexé, Priorités transversales ; « Mobilité, migration et développement ». (30) Coordination Sud, Analyse du projet de loi d'orientation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, décembre 2013. (31) Voir par exemple, Pour un autre regard sur les migrations Par B. Badie, R. Brauman, E. Decaux, G. Devin et C. Wihtol de Wenden, La Découverte, 2008. (32) La France a signé ce type d'accord, sous des terminologies différentes, avec neuf pays : la Tunisie, le Gabon, la République du Congo, le Sénégal, le Bénin, le Cap-Vert, le Brésil, le Burkina Faso et le Cameroun. (33) Consensus de Monterrey, Conférence internationale sur le financement du développement, 2002. (34) L'article 4 dispose que la politique de développement et de solidarité internationale « favorise la transparence » et l'article 7 que la France « promeut l'amélioration de la coordination, de l'efficience et de la transparence du système multilatéral ». (35) Le rapport de Ban Ki Moon, A life of dignity for all, 26 juillet 2013, paragraphe 107 demande de « développer des sources d'information nouvelles et participatives » pour les indicateurs. De la même manière, le High Level Panel of Eminent Persons on the Post-2015 Development Agenda a publié le 30 mai 2013 son rapport intitulé A New Global Partnership. On y lit au chapitre 2, partie 1 : « To be sure that our actions are helping not just the largest number of people, but the neediest and most vulnerable, we need new ways of measuring success. Strategies and plans will have to be developed to reach those not adequately covered by existing programmes » (p. 7). Cette nouvelle manière de mesurer le succès est illustrée en annexe 1 : « Targets will only be considered achieved if they are met for all relevant income and social groups... especially for the bottom 20 % » (page 29).