JORF n°0147 du 27 juin 2015

AVIS DIVERS du

Dans le dossier de consultation du Contrat de régulation économique 2016-2020 (CRE3) proposé par Aéroports de Paris, son président indique que ce CRE doit être un « outil de conquête, de création de valeur pour l'ensemble du transport aérien à Paris et pour le groupe Aéroports de Paris ».
C'est une ambition que la commission partage, mais qu'elle complète en soulignant que la finalité première d'un aéroport est d'être un outil majeur de développement de l'activité économique, commerciale et touristique de la métropole et de la région qu'il dessert ; à ce titre le CRE 2016-2020 d'ADP doit être aussi apprécié au regard de la création de valeur qu'il peut apporter à l'ensemble de la région parisienne, et plus généralement à notre pays dans la mesure où les plateformes parisiennes en sont le point d'entrée principal.
La commission a examiné les propositions du dossier de consultation en ayant cette finalité première comme objectif essentiel, objectif qui passe aussi par la création de valeur pour le transport aérien à Paris et pour ADP.
Elle a apprécié si ces propositions étaient optimales pour satisfaire ce triple objectif que ce soit en matière de stratégie de développement du trafic, de capacités d'accueil et de traitement des passagers et des compagnies aériennes, de qualité de service, de rentabilité des capitaux et de niveau et politique tarifaires…
Les développements ci-dessous apportent l'avis de la commission sur ces différents points et répondent aux questions posées dans la lettre de saisine.
L'évolution tarifaire proposée sur la période du CRE est une résultante de ces différents avis et propositions. Elle est formulée dans le cadre actuel de caisse aménagée.
Elle n'intègre pas une contribution du résultat opérationnel des activités commerciales au périmètre régulé. La commission, dans le dernier chapitre de son avis, s'est penchée sur la pertinence d'une telle contribution, sur sa nature et sur l'impact qu'elle aurait sur les tarifs, le trafic et la création de valeur pour toutes les parties concernées.

I. - Les aspects opérationnels
a) L'évolution du trafic

  1. Sur la période actuelle du deuxième contrat de régulation économique (CRE 2), la poursuite des effets de la crise économique mondiale a pesé sur le trafic aérien, tout comme la concurrence des lignes ferroviaires à grande vitesse. Ainsi, malgré l'activité dynamique des compagnies à bas coûts et l'absence d'évènement majeur autre que les épisodes neigeux de fin 2010 et début 2013, la croissance annuelle du trafic passager devrait atteindre 2,7 % en moyenne sur la période 2010-2015, contre une prévision de 3,2 % dans le CRE 2.
  2. De manière générale, les prévisions de trafic sont un exercice délicat, qui plus est lorsqu'il concerne un horizon temporel de cinq ans. En effet, dans le secteur du transport aérien, particulièrement sensible aux aléas de toute nature, la probabilité pour qu'un accident de parcours se produise sur une telle période n'est pas négligeable et, si tel était le cas, la période est trop courte pour que son impact soit atténué.
    C'est pourquoi il paraît particulièrement important dès l'origine de prévoir à la fois des mécanismes d'ajustement et de révision du contrat de régulation économique.
  3. Il ressort des analyses des différents acteurs des appréciations globalement convergentes sur le rythme de croissance de l'activité sur les plates-formes parisiennes, en ligne avec celui présenté par Aéroports de Paris dans son dossier de consultation des usagers.
    Aéroports de Paris et les services compétents de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) présentent des prévisions de croissance moyenne respectives de 2,5 % et 2,4 % pour le nombre de passagers sur la période 2015-2020, soit un niveau proche de celui atteint sur la période précédente.
  4. La commission considère que les prévisions d'évolution du trafic ne peuvent pas être considérées comme une donnée absolue, déconnectée du coût de touchée des aéroports parisiens. Elles dépendent au moins partiellement des évolutions tarifaires, dans leur amplitude comme dans leur structure, qui impactent les prix et ainsi la demande du transport aérien sur les faisceaux les plus concurrentiels du trafic. Certains usagers représentant une part substantielle du trafic d'ADP ont confirmé que les perspectives d'évolution des tarifs des redevances avaient un impact direct sur leurs choix stratégiques de développement et donc à moyen terme sur l'évolution de leur activité dans les aéroports franciliens.
    Ainsi, ADP estime dans sa proposition que l'exonération de la taxe de l'aviation civile au titre des passagers en correspondance, qui s'appliquera pleinement en 2016, génèrera un trafic supplémentaire de 0,5 million de passagers à horizon 2020.
  5. Sur la base de ces considérations, le plafond d'évolution des redevances qui sera retenu in fine pour le CRE 3 aura très probablement un effet notable sur le trafic, s'il est sensiblement différent de celui proposé par ADP.
    De même, la répartition de la croissance du trafic entre ses différents segments, l'évolution de l'emport et du nombre de mouvement seront influencées par les modifications de structure tarifaire proposées par ADP. En proposant une structure tarifaire qui est favorable aux gros porteurs et au remplissage des avions, ADP prévoit de stimuler le trafic sur les destinations internationales dont elle anticipe une croissance moyenne de 3,6 % ainsi que l'emport moyen qui croitrait de 141 sièges en 2015 à 158 sièges en 2020. Le trafic national serait quant à lui quasi stable ainsi que le nombre de mouvements.
  6. Au-delà de ces effets de structure du trafic, compte tenu de la convergence globale entre les prévisions d'ADP et de la DGAC, la commission estime que le contrat de régulation peut retenir le scénario présenté par ADP sur la période du contrat, sur lequel a été construit le dossier public de consultation.
  7. La commission considère que les écarts qui seront immanquablement constatés entre le scénario retenu et la réalité devraient être pris en compte de manière souple et réactive, sans pour autant conduire à des ajustements trop volatils, d'une année à l'autre, sur les tarifs des redevances. C'est pourquoi le contrat de régulation devrait prévoir des mécanismes d'intéressement des partenaires, compagnies aériennes et aéroport, selon les écarts à la hausse et à la baisse du trafic.
    Par ailleurs, la commission maintient son appréciation selon laquelle le partage de l'écart des recettes en dehors de la plage de franchise doit être plus fort en cas de hausse du trafic, considérant que, si l'exploitant aéroportuaire n'engage que peu de dépenses additionnelles en cas de trafic supérieur aux prévisions, il devrait en revanche mieux partager avec les compagnies aériennes les efforts à consentir, notamment en termes de productivité, en cas de trafic inférieur aux prévisions. La commission approuve en ce sens la proposition d'ADP d'une répartition dissymétrique du risque. Par ailleurs, afin d'en encadrer la portée, le mécanisme d'ajustement des tarifs des redevances devrait être plafonné dans ses effets à la hausse comme à la baisse.
    Aéroports de Paris devrait, en cas de forte hausse du trafic permettant d'atteindre le plafond d'évolution à la baisse des redevances, utiliser l'excédent de recettes résultant de ce plafonnement pour prendre en charge des investissements nouveaux ou anticiper des investissements prévus, sans répercussion additionnelle sur les plafonds des tarifs des redevances. La commission n'est toutefois pas favorable à la proposition d'Aéroports de Paris d'abandonner totalement le malus tarifaire au-delà d'une certaine croissance du trafic. Elle considère qu'une forte croissance du trafic ne peut être que favorable à Aéroports de Paris à moyen terme, et que les ressources supplémentaires permises par le partage de l'écart des recettes et par le seuil appliqué au malus tarifaire permettent de dégager un financement suffisant à court terme pour amorcer des nouvelles opérations d'investissements.
    Compte tenu de l'incertitude forte entourant les prévisions actuelles de trafic, il convient également de prévoir un mécanisme de révision du contrat en cas de dépassement trop important de ces hypothèses.
    Ces considérations conduisent la commission à proposer :

- dans une fourchette de l'ordre de +/- 0,5 % de trafic, l'évolution prévue des tarifs reste inchangée ;
- en cas de dépassement de ces seuils, les effets sur les recettes aéronautiques d'un niveau de trafic s'écartant du scénario de base soient compensés sur les tarifs des redevances, à hauteur :
- de 50 % de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la hausse de ces seuils ;
- de 20 % de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la baisse de ces seuils ;
- un plafonnement du mécanisme précité sur le plafond tarifaire à - 0,5 % et + 0,2 %.
- en cas de hausse qui dépasserait de plus de 1 % par an les prévisions, Aéroports de Paris affecte tout ou partie de l'excédent de recettes éventuel résultant du plafonnement des effets de la clause d'ajustement sur les tarifs à la prise en charge d'investissements nouveaux ou l'anticipation de la programmation d'investissements prévus, sans répercussion additionnelle sur le plafond d'évolution des tarifs des redevances ;
- si le trafic devait s'écarter deux ou trois années de suite trop fortement du scénario de base, par exemple de plus de 2 % par an, cela constituerait un motif de révision du contrat, pour prendre en compte le changement notable de ses conditions économiques.

b) Le programme d'investissements

  1. Après la période 2011-2015 du deuxième contrat de régulation économique axée sur l'amélioration de la qualité des services offerts, le programme d'investissements du troisième contrat de régulation économique d'Aéroports de Paris 2016-2020 est principalement orienté vers des opérations visant à optimiser les infrastructures existantes et à rattraper un certain déficit de maintenance des infrastructures avant d'envisager des opérations de capacité de grande ampleur sur les périodes suivantes.
    La commission constate que l'objectif d'amélioration de la qualité de service, pour laquelle la nature, la capacité et le bon fonctionnement des installations sont des éléments majeurs, a dans une certaine mesure été atteint si l'on considère l'évolution des indicateurs prévus au CRE2 et du classement d'Aéroports de Paris dans les enquêtes internationales. Même s'il ne s'agit pas de l'axe principal du nouveau CRE, il convient de conserver cette amélioration comme objectif afin de consolider ce classement.
  2. La remarque unanime des usagers qui regrettent l'absence de présentation d'une vision à long terme du développement des infrastructures a retenu toute l'attention de la commission. Sans impliquer directement les usagers dans une forme de cogestion sur l'élaboration de la stratégie de moyen et long terme, la commission estime qu'une plus grande visibilité pourrait être donnée sur ce point dans le cadre des consultations.
    La commission suggère qu'à l'occasion de l'élaboration d'un contrat de régulation économique, au-delà du programme d'investissements sur la stricte période du contrat, l'exploitant aéroportuaire donne une information sur l'évolution prévisible des aéroports sur le moyen terme et sur les opérations engagées au cours du contrat qui s'intégreront dans cette évolution. Le programme d'investissements présenté pourrait ainsi s'étendre sur sept à huit ans pour mieux appréhender la transition avec le CRE suivant.
    C'est donc en ce sens que, au cours de la période de cinq ans à venir, la commission encourage Aéroports de Paris à entretenir un dialogue ouvert et continu avec ses usagers sur l'avancement des projets ayant une incidence sur le CRE suivant, en particulier la construction prévue d'un quatrième terminal à Paris-Charles de Gaulle.
  3. Aéroports de Paris ne souffre pas aujourd'hui d'un déficit chronique en matière de capacité, d'autant plus si l'on considère les infrastructures actuellement fermées au public. L'éclatement des infrastructures nuit cependant à la flexibilité opérationnelle, la productivité et la qualité de service. La situation est différente pour les deux plateformes parisiennes.
    Paris-Charles de Gaulle n'est pas saturé si l'on raisonne en capacité annuelle, mais il est caractérisé par son fonctionnement en hub sur le terminal 2 qui est régulièrement saturé aux pointes de trafic. Les ressources limitantes se situent au niveau de l'enregistrement et du système de traitement des bagages. Le terminal 1 rencontre également des situations de saturation à la pointe au niveau de ses salles d'embarquement dans ses satellites.
    Sur la base de ces constats, la commission approuve les choix d'Aéroports de Paris en matière d'investissements de capacité sur Paris-Charles de Gaulle, axés principalement sur le traitement des bagages du hub et la réduction de l'éclatement des terminaux permettant de fluidifier et d'optimiser le traitement des passagers. La mise en service en fin de CRE du terminal 2B et de sa jonction avec le terminal 2D ainsi que de la jonction de trois satellites du terminal 1 permettront de redonner de l'oxygène à la plateforme dans l'attente de nouveaux projets capacitaires de plus grande ampleur.
    Pour Paris-Orly, l'augmentation continue de l'emport des aéronefs et l'ancienneté de ses installations pourraient conduire rapidement à la saturation de ses infrastructures malgré les contraintes environnementales. La commission approuve ainsi le projet de jonction des deux terminaux et de jetée qui permettront d'accueillir le trafic attendu en 2020 dans de bonnes conditions.
    La commission note qu'une partie importante des infrastructures des deux plateformes sera en chantier et il conviendra de veiller en collaboration avec les compagnies aériennes, au travers par exemple des comités opérationnels, à ne pas trop perturber les opérations ni dégrader la qualité de service pendant cette période.
  4. La commission considère que les différents projets de jonctions devront impérativement se traduire par de réelles améliorations en matière de productivité et de qualité de service, y compris pour les missions de sureté même si ce domaine n'est pas couvert par le CRE. La commission relève en effet que ces projets sont coûteux si on les analyse uniquement sous l'angle de la capacité nominale créée, et doivent donc générer des améliorations sensibles sur le plan opérationnel qui puissent être perçues par les usagers qui les financent ainsi que par les passagers.
  5. L'amélioration de la desserte des plateformes parisiennes et en particulier de Paris-Charles de Gaulle est un enjeu majeur pour la compétitivité touristique, économique et commerciale de Paris, sa région et la France en général. Les accès actuels de l'aéroport sont soit saturés et soulèvent des problèmes de pollution (autoroutes A1 et A3), soit inadaptés (RER B). La commission soutient en ce sens les réflexions en cours sur la création d'une nouvelle liaison ferroviaire dédiée à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, dénommée « CDG Express ».
    Cependant, la commission considère qu'un tel projet ferroviaire devra, s'il est décidé, avoir un financement propre. Si Aéroports de Paris a pour mission d'aménager et exploiter des aires de dépose et de prise en charge des usagers des transports publics, l'aménagement de tunnels sous les pistes fait partie intégrante de la liaison et ne peut d'une manière ou d'une autre être financée par les redevances aéroportuaires. La commission considère ainsi que les 49 M€ d'investissements correspondant ne doivent pas être pris en charge par le périmètre régulé.
  6. Le programme d'investissements proposé par Aéroports de Paris est marqué par l'enveloppe dédiée à la maintenance, qui représente environ un tiers des 3,1 Md€ prévus. Cette enveloppe, bien que sensiblement plus élevée que celle du CRE précédent, est la conséquence de l'ancienneté des infrastructures d'Orly, en particulier ses aires aéronautiques, et des quinze ans d'âge d'une bonne partie des infrastructures du hub à Paris-Charles de Gaulle.
    La commission accueille favorablement la mise en place par Aéroports de Paris d'un outil de suivi de la vétusté des infrastructures. Elle approuve le choix de ne pas laisser se dégrader les infrastructures existantes avant de s'engager dans la construction d'un nouveau terminal.
  7. La commission note avec satisfaction qu'Aéroports de Paris a intégré des investissements dédiés au développement durable dans son programme d'investissements, à travers notamment le projet de traitement des eaux pluviales polluées ainsi que l'équipement en 400 Hz et en air conditionné des nouveaux postes avion. Ces équipements doivent être généralisés afin de réduire les émissions gazeuses.
  8. En conclusion, la commission n'a pas d'autres observations à formuler sur le contenu de ce programme que celle concernant les aménagements dédiés à CDG Express. S'agissant de son coût, elle considère que le contexte actuel du secteur aérien français justifie un effort de tous les acteurs pour réduire les coûts du service. Elle estime ainsi au regard du volume global du programme d'investissements que, au-delà des efforts très importants consentis par Aéroports de Paris pour contenir les coûts, une économie supplémentaire de 50 M€ devrait pouvoir être envisagée sans dégrader les opérations des compagnies aériennes ni la qualité de services des passagers.
  9. La commission a noté favorablement que les recommandations qu'elle avait formulées dans son avis publié le 24 octobre 2014 sur l'allocation des actifs entre le périmètre régulé et les autres activités d'Aéroports de Paris avaient été appliquées ; elle rappelle également ses recommandations complémentaires :

- l'inscription en annexe du CRE des principales méthodes d'allocation, ainsi que l'insertion d'une clause dans le CRE précisant que toute évolution de ces méthodes doit être soumise à la consultation des usagers dans le cadre des réunions annuelles de la commission consultative économique, puis à l'homologation du régulateur. Cette consultation devrait s'accompagner de la production d'une étude d'impact sur les actifs, les revenus, les charges et la rentabilité du périmètre régulé ;
- l'obligation pour Aéroports de Paris de préciser pour tout nouveau projet d'investissement dépassant un certain seuil la répartition prévisionnelle des actifs et des charges entre les différents périmètres ;
- la réalisation d'un audit comptable en cours de CRE sur la bonne application par ADP des méthodes d'allocation décrites dans le CRE, et permettant, le cas échéant, d'identifier des pistes d'amélioration.

  1. La commission observe qu'Aéroports de Paris est incité à respecter le calendrier des principales opérations : des retards engendreraient en effet pour elle des surcoûts d'investissements et de moindres recettes commerciales. La commission considère toutefois qu'il est nécessaire de prévoir des pénalités spécifiques pour des retards dans la mise en service des investissements de fort enjeu. La commission estime qu'une clause d'ajustement des tarifs en fonction du respect du calendrier en matière d'investissements devrait être prévue à cet effet.
    Elle note toutefois que la proposition correspondante d'Aéroports de Paris n'est pas satisfaisante dans la mesure où les principales opérations ont une date prévisionnelle de mise en service qui ne permet pas d'ajuster les tarifs au cours du CRE en cas de retard. Elle préconise l'identification de jalons intermédiaires plus précoces dans la réalisation de ces investissements afin de permettre un ajustement des tarifs le cas échéant. Cette clause devrait être effective dès la période tarifaire 2018 et n'agir qu'à la baisse sur les tarifs.
    Par ailleurs, une clause d'ajustement des tarifs en fonction de l'atteinte des objectifs de tout ou partie des dépenses d'investissements est nécessaire. La commission regrette qu'Aéroports de Paris n'ait pas proposé une telle clause qui est dans l'essence même du contrat, car les compagnies aériennes ne peuvent financer des investissements si ceux-ci ne sont pas réalisés. La commission préconise donc la reconduction d'une clause similaire à celle du CRE actuel, qui maintient une incitation à réduire les dépenses d'investissements. Elle recommande également d'étendre cette clause aux investissements de capacité s'il n'était pas possible de les prendre en compte dans l'ajustement lié au calendrier de réalisation.
    La commission considère enfin que toute augmentation des coûts du programme d'investissements devrait être en totalité prise en charge par Aéroports de Paris.
  2. Le contexte et les choix d'opportunité peuvent naturellement évoluer sur une période de cinq ans, ce qui a été le cas pour le CRE2 au cours duquel le programme d'investissements a fait l'objet de modifications notables par rapport au programme inscrit dans le contrat, avec notamment la transformation d'opérations de restructuration en opération de capacité de plus grande ampleur.
    La commission estime que de telles évolutions doivent être permises, mais que les conditions de leur mise en œuvre méritent d'être mieux encadrées dans le contrat.
    Ainsi, au-delà des mécanismes précités d'ajustement tarifaire, la commission estime que toute évolution notable du programme d'investissements telle que l'ajout, la suppression, le report ou la modification d'une opération majeure devrait être soumise à la consultation des usagers en commission consultative économique dès qu'elle est envisagée par Aéroports de Paris, puis à l'accord du ministre chargé de l'aviation civile.

c) Les charges et la productivité

  1. La position de monopole de l'aéroport sur les activités du périmètre régulé implique que le régulateur économique accorde une attention particulière aux efforts de productivité que l'exploitant aéroportuaire est à même de réaliser.
    Dans le cas d'Aéroports de Paris, il s'agit notamment de s'assurer que l'exploitant prévoit d'améliorer la productivité de son activité sur la période du contrat de régulation économique, à un niveau qu'il devrait consentir s'il était en situation concurrentielle.
  2. La productivité est une notion difficile à quantifier, notamment pour des gestionnaires d'infrastructure dont on peut attendre des économies d'échelle lorsque leur activité croît, du fait de la part importante des coûts fixes. Il existe toutefois des effets de seuil compte tenu de la nécessité, au-delà d'une certaine taille, de réaliser de nouvelles infrastructures dont la complexité liée à la concentration sur un périmètre donné est croissante. La définition d'un indicateur unique et incontestable semble difficile dans ces conditions.
    S'agissant d'un aéroport, l'approche la plus accessible consiste à rapporter les coûts par passager accueilli, même si cela ne prend pas en compte les effets de volume. La comparaison entre aéroports, qui plus est de différents pays, est toujours délicate compte tenu de l'absence d'homogénéité des missions et des charges prises en compte ainsi que de l'hétérogénéité des infrastructures. Il ressort toutefois des parangonnages dont la commission a pu prendre connaissance qu'Aéroports de Paris présente un niveau de charges par passager qui est dans l'ensemble plus élevé que la majorité de ses pairs européens.
    Au cours du deuxième CRE, Aéroports de Paris a su stabiliser le niveau de charges par passager du périmètre régulé en euros constants et pourrait les diminuer s'il tient ses objectifs pour 2015. Pour le CRE à venir, Aéroports de Paris propose de stabiliser les charges par passager en euros courants, avec une croissance des charges égale à la croissance du trafic. Cette proposition constitue un effort certain dans la mesure où elle implique d'absorber l'inflation des prix et les effets structurels d'augmentation des charges comme le glissement vieillesse technicité.
    En conclusion, la commission considère que la proposition d'Aéroports de Paris en matière de productivité constitue un effort réel, qui est raisonnablement calibré et nécessaire pour se rapprocher du niveau des autres hubs européens. Cet objectif implique des évolutions lourdes sur la gestion des ressources humaines d'Aéroports de Paris dont les usagers devront accepter les impacts éventuels.
  3. Afin d'inciter davantage Aéroports de Paris à respecter cet engagement, la commission suggère qu'un seuil maximal de croissance de coûts opérationnels hors amortissements et impôts et taxes soit inscrit dans le CRE. Ce seuil pourrait être paramétré en fonction de l'inflation et du trafic prévisionnels. En cas de dépassement de ce seuil de coûts, l'aéroport devrait être pénalisé par l'application d'un malus sur les tarifs 2020. La commission n'est sur ce point pas favorable à l'indicateur proposé par Aéroport de Paris qui dépend des revenus du périmètre régulé, et suggère de s'inspirer des mécanismes inscrits dans les derniers CRE.
  4. La commission insiste enfin sur l'importance d'améliorer le système de comptabilité pour que l'ensemble des charges du périmètre régulé soient clairement identifiées et réparties entre les différents postes de charges. L'ampleur des consommations internes, qui représentent environ la moitié des charges opérationnelles du périmètre régulé, ne permet pas en effet une analyse fine de la productivité. La commission note avec satisfaction qu'Aéroports de Paris s'est engagé dans une refonte de son système de gestion qui permettra à court terme de répartir ces consommations internes ainsi que les cessions internes du périmètre régulé, pour une meilleure transparence.

d) Les revenus non aéronautiques du périmètre régulé

  1. Depuis la publication de l'arrêté du 17 décembre 2009 qui institue pour Aéroports de Paris une caisse aménagée proche d'une double caisse, quelques activités non aéronautiques restent intégrées dans le périmètre régulé. Il s'agit essentiellement des parcs automobiles, des prestations industrielles refacturées à des occupants et des recettes locatives en aérogare et hors aérogares quand elles concernent des activités aéronautiques.
  2. Dans le cadre de régulation actuel, la commission n'a pas d'observation particulière à faire quant aux prévisions d'Aéroports de Paris. Elle note l'évolution modérée des loyers indiciels appliqués dans les aérogares ainsi que des tarifs des parcs automobile au regard des prix déjà pratiqués sur les plateformes parisiennes.

e) La qualité de service

  1. L'amélioration de la qualité du service rendu aux utilisateurs des plates-formes aéroportuaires parisiennes a constitué l'axe central du CRE2. Elle passe avant tout par une mobilisation du management de l'entreprise et par une association étroite des usagers à l'identification des facteurs de dégradation de la qualité de service et à la mise en œuvre de plans d'actions pour y pallier. La commission apprécie à ce titre le respect de l'engagement d'Aéroports de Paris à créer des comités opérationnels de la qualité de service en aérogares.
    L'amélioration de la qualité de service s'est traduite par la progression constante des indicateurs associés au CRE2 et par la progression d'Aéroports de Paris dans les classements internationaux. Cette progression a notamment reposé, au-delà de l'enveloppe d'investissements dédiés spécifiquement à la qualité de service, sur la mise en exploitation d'un certain nombre de nouvelles infrastructures qui ont permis de donner plus d'espace au passager et de fluidifier son parcours, essentiellement à Paris-Charles de Gaulle.
    La commission observe toutefois qu'Aéroports de Paris reste en retrait des autres aéroports européens comparables en matière de qualité de service et qu'il convient donc de poursuivre les efforts engagés.
  2. La commission accueille favorablement la proposition d'Aéroports de Paris qui consiste à identifier deux types d'indicateurs, à savoir sept indicateurs dits « standard de qualité » qui correspondent aux attentes naturelles des usagers, sanctionnés par un malus tarifaire en cas de sous-performance et trois indicateurs dits « d'excellence » dont les objectifs sont qualifiés d'ambitieux par Aéroports de Paris, qui donnent lieu à des bonus ou à des malus tarifaires en cas respectivement de surperformance et de sous-performance.
    Comme pour les derniers CRE, la commission estime peu justifiée la distribution de bonus sur la qualité de service compte tenu du droit des compagnies aériennes à bénéficier d'un service aéroportuaire de qualité en contrepartie des redevances qu'elles paient, à moins que cette qualité de service ne soit à un niveau d'excellence pour l'atteinte duquel il ne serait pas illégitime que l'exploitant aéroportuaire ait une incitation financière. Elle constate que le dispositif proposé par Aéroports de Paris répond à cette préoccupation dans la mesure où il est asymétrique.
    La commission recommande d'appliquer une amplitude similaire à celle du CRE2 pour les bonus et malus avec un maximum de 0,1 % pour chaque indicateur, ce qui ferait varier l'ajustement annuel dans une fourchette de - 1 % à + 0,3 %.
  3. S'agissant des indicateurs de satisfaction, la commission approuve le choix de se référer à la méthodologie ACI (Airports Council International) utilisée par la plupart des aéroports internationaux, qui permettra d'objectiver le résultat des enquêtes et le positionnement d'Aéroports de Paris parmi ses pairs. Cette nouvelle méthodologie ne devra toutefois pas conduire à réduire l'échantillon des personnes interrogées, afin de maintenir la robustesse des résultats.
  4. Le niveau d'objectif des indicateurs mis en place a vocation à être incitatif. La commission constate que l'asymétrie d'information existante entre Aéroports de Paris, ses usagers et le régulateur a été mise en exergue par les résultats atteint au cours du CRE2. En effet, les objectifs ont été largement dépassés sur la quasi-totalité des indicateurs dès la première année du CRE, permettant à Aéroports de Paris de bénéficier d'un bonus proche de 1 % chaque année.
    S'agissant du CRE3, les investissements mis en œuvre devraient être moins bénéfiques à la qualité de service qu'au CRE2. En effet, l'optimisation des infrastructures existantes implique que celles-ci seront en chantier pendant une bonne partie du CRE, et la mise en service des jonctions entre terminaux n'interviendra qu'en fin de période.
    La commission considère dans ces conditions que, au regard des données historiques disponibles, les objectifs fixés par Aéroports de Paris sont plutôt bien calibrés, même s'ils pourraient être plus ambitieux sur les indicateurs d'excellence dont la progression affichée est très modérée jusqu'en 2019, en particulier sur la correspondance car les infrastructures terminales concernées ne feront pas l'objet d'interventions lourdes. Elle estime également qu'une plage de franchise devrait être prévue autour des objectifs d'excellence pour que l'outil d'incitation ne devienne pas un facteur d'ajustement systématique des redevances.
    Concernant les indicateurs relatifs à la disponibilité des équipements et installations, la commission approuve le choix d'Aéroports de Paris de prendre en compte davantage de facteurs d'indisponibilité pour que le résultat traduise mieux l'impact opérationnel pour les usagers. Elle observe toutefois qu'un tel changement de méthode et l'absence d'historique rend difficile la fixation d'objectifs pour la période 2016-2020. Elle préconise donc d'ajuster l'objectif de la première période prise en compte en fonction des premiers résultats disponibles afin de réduire la marge d'erreur.
  5. La commission estime enfin qu'il est nécessaire de suivre des indicateurs de qualité de service globaux sans incitation financière. Elle considère en effet que l'exploitant aéroportuaire doit assumer son rôle de coordinateur des différents acteurs de la plate-forme même sur des services qui ne relèvent pas directement de sa responsabilité. La commission observe à cet égard que certains indicateurs relatifs au temps d'attente aux postes d'inspection-filtrage et de contrôle aux frontières se sont dégradés pendant le CRE2 et qu'il conviendra d'identifier collectivement les actions à mettre en œuvre pour inverser cette tendance.

II. - Les aspects financiers

La commission rappelle que l'un des fondements de la régulation, imposé par la réglementation, est que l'exploitant d'aérodrome reçoive une juste rémunération des capitaux investis, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur le périmètre régulé.

a) Le niveau du coût moyen pondéré du capital

  1. La commission note que le coût du capital pertinent pour apprécier la rentabilité d'Aéroports de Paris est celui du périmètre régulé, en application de la réglementation. L'estimation de ce coût s'avère toutefois techniquement très complexe à dires d'experts, compte tenu de l'imbrication étroite des activités régulées et non régulées d'Aéroports de Paris. Par souci d'objectivité, la commission n'a pas souhaité se risquer à une telle estimation. L'évaluation qui suit concerne donc le coût moyen pondéré du capital de la société Aéroports de Paris.
  2. La méthode retenue par Aéroports de Paris pour le calcul du coût moyen pondéré du capital est le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF). La commission approuve le choix de cette méthode, qu'elle estime précise et cohérente avec la théorie financière et la pratique professionnelle.
  3. La commission porte cependant des appréciations différentes d'Aéroports de Paris sur l'évaluation des paramètres pris en compte dans le calcul du coût moyen pondéré du capital :

- Le levier prospectif est évalué à 28,93 % par Aéroports de Paris, soit une contribution respective des actionnaires et des créanciers de l'ordre de 70/30. Il s'agit d'une approche plutôt conservatrice en termes de stratégie financière mais, compte tenu des ambitions de croissance affichées, il semble raisonnable à la commission d'adopter une certaine prudence. Au regard des marges d'incertitudes, la commission propose de retenir une valeur de 30 %.
- Le taux d'imposition est choisi à 38 %, ce qui correspond à l'état de la législation, à la moyenne sur cinq ans et au taux apparent constaté en 2014. La commission propose de conserver cette valeur.
- Le béta de l'actif économique, qui représente le risque spécifique de la société, est pris à 0,58 par Aéroports de Paris. Ce point semble plus critiquable à la commission. Le calcul du béta d'Aéroports de Paris depuis 2008 montre que celui-ci est en décroissance continue. Ceci témoigne d'une insensibilisation progressive d'Aéroports de Paris aux fluctuations du marché. La commission conteste par ailleurs le choix du béta « ajusté » qui relève selon elle d'une méthodologie peu fondée du point de vue économique et financier. Par prudence et malgré la tendance baissière du béta, la commission propose de retenir la valeur de 0,5 qui correspond au béta constaté en 2011 et qui continue à décroître depuis.
- L'estimation du taux d'intérêt sans risque à horizon 2020 est délicate, du fait des taux actuels proches de zéro. Aéroports de Paris retient une valeur de 2,68 %. Il est vraisemblable que ces taux vont augmenter et il est donc légitime d'être prudent. La commission considère que la prise en compte d'un taux sans risque de 2,5 % est réaliste à moyen terme.
- Concernant la prime de marché, estimée à 6 % par Aéroports de Paris, la commission maintient l'appréciation qu'elle a exprimée dans ses derniers avis au regard des données historiques, selon laquelle cette prime ne peut être supérieure à 5,5 %, valeur qui constitue une évaluation haute. Compte tenu de la prudence appliquée à l'évaluation des autres paramètres, la commission considère qu'il n'est pas justifié de retenir le haut de la fourchette pour ce paramètre, et propose donc de retenir la valeur de 5 %, qui était celle retenue par Aéroports de Paris pour le CRE2.
- Enfin, le taux de la dette évalué par Aéroports de Paris à 4,35 % parait surévalué, compte tenu notamment de la valeur du taux sans risque, de la notation financière de la société et de sa politique de financement. La commission propose de retenir une valeur de 3,5 %, qui témoigne encore d'une certaine prudence à l'égard d'un éventuel relèvement des taux d'intérêt.

La prise en compte de ces paramètres conduit à un coût moyen pondéré du capital de 4,6 %.
4. La commission estime que la valeur précitée de 4,6 %, calculée en application des méthodes usuelles de la théorie financière et à partir de paramètres qu'elle juge réalistes et prudents, représente un coût moyen pondéré du capital acceptable pour les actionnaires d'Aéroports de Paris au regard de l'activité économique de la société et des risques sous-jacents. Elle considère notamment que l'activité d'Aéroports de Paris est sensiblement moins risquée que celle des aéroports régionaux sur lesquels elle s'est prononcée ces dernières années, qui sont de taille plus modeste, moins diversifiés et dont les actifs sont moins liquides que ceux d'une société cotée en bourse.
Cependant, l'évaluation de certains paramètres à horizon 2020, et les appréciations diverses qui l'ont entourée conduit la commission à considérer qu'un coût moyen pondéré du capital légèrement supérieur à 4,6 % pourrait être envisagé, sans qu'il puisse dépasser 5 %.

b) La juste rémunération des capitaux investis

  1. Dans son avis relatif au précédent CRE d'Aéroports de Paris, la commission avait estimé que la problématique de l'adéquation entre la rentabilité des capitaux investis et le coût du capital serait reportée au CRE3, car le changement de régulation, avec la sortie des activités commerciales et immobilières du périmètre régulé, avait mécaniquement abaissé de manière sensible la rentabilité du périmètre régulé, à un niveau tel qu'une convergence n'était pas envisageable sur la période du CRE2.
  2. La commission estime que l'appréciation du « juste » niveau de rémunération des capitaux investis ne peut être déconnectée de la définition du périmètre régulé.
    Dans le cas d'un système proche d'une caisse unique, la rémunération des capitaux investis sur le périmètre régulé est proche de la rentabilité de l'exploitant aéroportuaire dans son ensemble. La commission considère dans ces conditions, comme elle l'a indiqué dans son avis du 13 novembre 2014 concernant le CRE d'Aéroports de Lyon, qu'il est légitime de rechercher une adéquation sur le moyen terme entre la rémunération des capitaux investis sur le périmètre régulé et le coût moyen pondéré du capital.
    Dans le cas d'un système en caisse aménagée qui se rapproche d'une double caisse comme celui d'Aéroports de Paris, la commission estime en revanche que le coût du capital doit être considéré comme une borne supérieure de la rentabilité des capitaux investis sur le périmètre régulé.
  3. Sur la base de ces considérations, la commission approuve l'objectif proposé par Aéroports de Paris d'une adéquation entre la rentabilité et le coût des capitaux en 2020, et non en moyenne sur le CRE3.

III. - Les redevances aéroportuaires
a) La structure tarifaire

  1. Au-delà de l'évolution globale des redevances aéroportuaires, la structure de tarification constitue également un enjeu important pour les usagers des aéroports. En effet, en fonction de la structure de flotte des compagnies et de leurs conditions d'exploitation, les charges aéroportuaires qu'elles supportent peuvent être sensiblement différentes.
    Aéroports de Paris a exposé dans le dossier public de consultation sa stratégie en matière de structure tarifaire dont il propose des évolutions importantes.
  2. Les principales évolutions envisagées sont les suivantes :

- Diminution du poids des redevances assises sur le passager aérien et accentuation des redevances assises sur les mouvements ;
- Augmentation de la redevance d'atterrissage pour les petits porteurs et diminution pour les gros porteurs ;
- Simplification de la tarification de certaines redevances accessoires.

La commission considère que ces mesures permettront respectivement d'encourager le remplissage des avions, de valoriser l'accès aux aéroports parisiens dont les capacités d'accueil sont limitées et de simplifier la grille tarifaire pour une meilleure lisibilité.
Elle n'est donc pas opposée à leur mise en œuvre.
3. Sans remettre en question les objectifs généraux qui sont recherchés, la commission a été sensible aux remarques de certains usagers pour lesquels ces évolutions auront pour conséquence un renchérissement notable des redevances aéroportuaires. Elle encourage Aéroports de Paris à ouvrir un dialogue avec les compagnies aériennes potentiellement les plus touchées afin de rechercher une solution acceptable par les deux parties si leur modèle économique était réellement mis en péril par la nouvelle structure tarifaire.

b) Les modulations tarifaires

  1. En parallèle, Aéroports de Paris propose l'instauration de modulations tarifaires visant à améliorer l'utilisation de ses infrastructures, qui consistent en :

- Un abattement sur la redevance passager applicable au trafic origine-destination en croissance au-delà d'un certain seuil, similaire à celle appliquée sur le CRE2 ;
- Un abattement sur la redevance passager et bagage applicable au trafic en correspondance en croissance ;
- Un abattement sur la redevance stationnement pour toute rotation au contact d'une durée inférieure à 45 minutes ;
- La gratuité du stationnement de nuit.

  1. La commission est favorable à l'application de ces mesures qui contribueront au développement de l'activité des plateformes parisiennes, dans les limites permises par le droit des redevances.

c) Les plafonds tarifaires

  1. Le niveau des plafonds tarifaires annuels est la résultante mécanique de l'ensemble des paramètres abordés dans les précédentes parties de l'avis. Par rapport à la proposition d'Aéroports de Paris, qui propose des plafonds tarifaires annuels égaux à 1,75 % au-delà de l'inflation sur la période du CRE3, les discussions précédentes conduisent la commission à recommander les évolutions suivantes, calculées sur la base du plan d'affaires transmis par Aéroports de Paris :

- Une diminution d'environ 0,25 % liée à la diminution de 100 M€ du programme d'investissements ;
- Une diminution comprise entre 1,2 % et 1,8 % selon le coût moyen pondéré du capital qui sera retenu.

  1. La commission considère ainsi que des plafonds tarifaires annuels sensiblement à hauteur de l'inflation (plus ou moins 0,3%) permettront à Aéroports de Paris de rémunérer à un juste niveau les capitaux investis sur le périmètre régulé, tout en développant les infrastructures des aéroports parisiens de manière à accueillir les passagers dans de bonnes conditions.
  2. La commission estime en outre que cette trajectoire tarifaire, qui permettra aux redevances aéroportuaires d'être inférieures de l'ordre de 10 % en 2020 par rapport à la proposition d'Aéroports de Paris, devrait contribuer au développement du trafic aérien et à la compétitivité des plateformes parisiennes, ce qui ménagerait des marges de manœuvre à Aéroports de Paris pour améliorer sa rentabilité.

IV. - Pertinence d'une contribution des activités commerciales au périmètre régulé

  1. La commission a formulé plus haut son avis concernant le CRE3 d'Aéroports de Paris dans le cadre de régulation actuel. En parallèle, la commission a été saisie de la question d'une contribution du résultat opérationnel des activités commerciales au périmètre régulé.
  2. Les activités commerciales et de services, ainsi que les activités immobilières non aéroportuaires, ont été exclues du périmètre régulé d'Aéroports de Paris par arrêté du 17 décembre 2009 modifiant l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes. La régulation d'Aéroports de Paris est depuis lors en « caisse aménagée », à savoir que le périmètre des activités pris en compte dans l'appréciation de la rentabilité par le régulateur est essentiellement constitué des activités du service public aéroportuaire rendu aux compagnies aériennes, auxquelles s'ajoutent notamment l'immobilier en aérogare et les parkings automobiles.
  3. La commission constate que cette situation est la seule en France qui s'écarte des dispositions de l'arrêté du 16 septembre 2005 relatives à la caisse unique, applicables à l'ensemble des autres aéroports d'Etat français et sur la base desquelles ont été conclus les CRE concernant ces aéroports.
    Pour les autres grands aéroports européens avec lesquels Aéroports de Paris peut légitimement se comparer, la situation est variable. Certains pays privilégient la caisse unique comme l'Angleterre, d'autres la caisse double comme l'Allemagne. La commission remarque que les systèmes se rapprochant d'une caisse double sont généralement associés à des mécanismes de modération tarifaire via un coût moyen pondéré de capital fixé normativement à un niveau bas par le régulateur (comme c'est le cas à Amsterdam) ou via une contribution financière au périmètre régulé des activités hors périmètre régulé.
  4. La commission observe une certaine imbrication des activités commerciales d'Aéroports de Paris avec le service public aéroportuaire.
    Les activités commerciales et de service prennent essentiellement appui sur les passagers des compagnies aériennes.
    Les objectifs d'Aéroports de Paris sur la performance des activités commerciales ont un impact sur la conception des circuits passagers en aérogare, donc sur leur configuration, comme le montrent les projets de jonctions entre terminaux.
    C'est pourquoi il ne paraît pas illégitime à la commission de prévoir une contribution du résultat opérationnel des commerces au périmètre régulé.
  5. Cette contribution ne devrait représenter qu'une partie de ce résultat opérationnel pour qu'Aéroports de Paris poursuive le développement de cette activité, qui est positive pour sa performance économique mais également pour les retombées qu'elle génère sur l'économie de notre pays.
    Elle pourrait être fixée à un niveau qui permette une stabilité ou une légère réduction des redevances aéroportuaires, ce qui aurait pour triple avantage de :

- dynamiser le trafic et notamment le trafic point à point. Dans le temps imparti à l'élaboration de son avis, la commission n'a pas été en mesure d'apprécier l'élasticité du trafic à une baisse des tarifs. Mais les quelques éléments qu'elle a pu recueillir laissent penser que cette élasticité est bien réelle ;
- changer l'image d'aéroports chers véhiculée par les aéroports parisiens ;
- contribuer modestement mais symboliquement à l'effort des compagnies aériennes qui traversent pour la plupart des périodes économiquement difficiles.

L'objectif de stopper l'augmentation des tarifs répond bien, en dynamisant le développement du trafic, à la vocation première de plateformes aéroportuaires comme celles d'Aéroports de Paris de créer de la valeur pour leur région et leur pays, tout en en créant également pour les usagers et pour l'exploitant aéroportuaire lui-même.
6. Cette contribution ne serait pas nécessaire si, par ailleurs, les dispositions prises dans le CRE conduisaient à un résultat similaire sur les tarifs (de 0,7 % à 1,0 % sous l'inflation par exemple). Ce n'est pas le cas dans la proposition formulée dans cet avis. C'est pourquoi la commission recommande une contribution annuelle des activités commerciales à la caisse régulée de 50 à 75 M€, contribution dont les modalités et l'ampleur sont à ajuster en fonction des éléments qui seront retenus au final dans le CRE.
Cette proposition, si elle est retenue, conduira à modifier l'arrêté du 17 septembre 2009.

En conclusion, la commission recommande, dans le cadre de régulation actuel, de fixer les plafonds tarifaires annuels à hauteur de l'inflation (plus ou moins 0,3 %). Elle estime en outre qu'un mécanisme de contribution financière des activités commerciales serait légitime et pertinent dans l'objectif de réduire l'évolution des redevances aéroportuaires en dessous de l'inflation (- 0,7 % à - 1 %), ce qui permettrait à Aéroports de Paris de retrouver une meilleure compétitivité.
L'analyse de la commission et ses propositions cherchent à trouver un bon équilibre entre la dynamique de développement du transport aérien à Paris, les réalités opérationnelles rencontrées par l'exploitant aéroportuaire et les intérêts de ses actionnaires. Les intérêts des uns et des autres peuvent être antagonistes sur le court terme mais ils convergent sur le moyen-long terme car c'est bien la croissance du trafic qui créée de la valeur pour toutes les parties.
Périmètre régulé :
Le périmètre régulé est le champ d'activités d'Aéroports de Paris sur lequel est appréciée la rentabilité financière de l'entreprise pour l'exercice de la régulation économique. Il a été modifié par arrêté du 17 décembre 2009.
Il comprend actuellement l'ensemble des activités d'Aéroports de Paris à l'exclusion :

- des activités d'assistance en escale ;
- des activités de sécurité et de sûreté financées par la taxe d'aéroport ;
- des missions d'insonorisation des logements riverains financées par la taxe sur les nuisances sonores aériennes ;
- des activités foncières et immobilières dites de « diversification » ;
- des activités commerciales et de services.

Ce périmètre correspond à celui dit de la « caisse aménagée ».
Membres de la commission consultative aéroportuaire :
M. Michel Bernard, président, désigné comme personnalité qualifiée par le ministre chargé de l'aviation civile ;
M. Jean-François Bernicot, désigné par le premier président de la Cour des comptes ;
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sénatrice, désignée par le président du Sénat ;
M. Francis Girault, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;
M. François-Michel Gonnot, Député, désigné par le président de l'Assemblée nationale ;
M. Dominique Jacquet, professeur à l'Ecole des Ponts ParisTech et président du département sciences économiques, gestion et finance, désigné comme personnalité qualifiée par la ministre chargée de l'aviation civile ;
M. Alain Quinet, directeur général délégué de SNCF Réseau, désigné comme personnalité qualifiée par la ministre chargée de l'aviation civile.
Séances de la commission dans le cadre de sa saisine par le secrétaire d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche :

- le 4 mai 2015 (une audition) ;
- le 6 mai 2015 (trois auditions) ;
- le 20 mai 2015 (deux auditions) ;
- le 29 mai 2015 (trois auditions) ;
- le 19 juin 2015.

Organismes auditionnés :

- Aéroports de Paris ;
- Agence des participations de l'Etat ;
- Air France ;
- EasyJet ;
- FNAM/CSTA/CSAE ;
- IATA ;
- BAR ;
- AOC CDG ;
- SCARA.