JORF n°0270 du 22 novembre 2014

AVIS DIVERS du

La région Rhône-Alpes est un pôle majeur de développement économique et touristique au niveau français et européen, en s'appuyant sur un large panel d'activités, notamment industrielles, et en bénéficiant de la richesse de son histoire et de ses sites, de sa qualité de vie et de la proximité de la montagne.
L'exploitation de tels atouts nécessite l'existence d'infrastructures de qualité, notamment de transport, et particulièrement de transport aérien.
C'est encore plus vrai pour la région lyonnaise, pôle central de la région ; elle doit disposer d'un aéroport qui offre la capacité, l'attractivité et la qualité de service qui répondent aux besoins et aux attentes de ses clients, tant pour les déplacements hexagonaux, européens que mondiaux.
Cette ambition est partagée par toutes les parties concernées : acteurs économiques, clientèle de loisirs, collectivités locales et opérateurs aériens. Elle est naturellement portée par la société aéroportuaire.
C'est bien ce qui sous-tend les propositions d'Aéroports de Lyon dans son dossier de consultation du contrat de régulation économique pour la période 2015-2019.
Ces propositions s'appuient sur une évolution volontariste du trafic qui traduit les espoirs raisonnés mis par la quasi-totalité des acteurs régionaux dans le développement de l'activité aérienne sur la région lyonnaise.
Le dossier prévoit une amélioration très significative du traitement des passagers en aérogare en augmentant la capacité par la construction d'un nouveau terminal dont le pari architectural est ambitieux, et en leur offrant une meilleure qualité de service. La surcapacité qui en découle permettra de faire face pendant de nombreuses années à l'augmentation du trafic. Mais elle induira des coûts supplémentaires, tant en investissements qu'en exploitation, dont la couverture devra être assurée sur une longue période ; la question qui se pose est : comment ces surcoûts doivent être supportés par les différentes parties concernées ? La commission fait des propositions à cet effet.
Les développements infra du présent avis et les propositions formulées par la commission répondent aux questions que la ministre lui a posées dans sa lettre de saisine. Sont précisés notamment son appréciation et ses avis sur les hypothèses de trafic, le programme d'investissement, la qualité de service, la rentabilité des capitaux engagés et in fine l'évolution souhaitable des tarifs des redevances aéroportuaires.
La commission souligne par ailleurs, comme elle l'a déjà fait dans ses précédents avis, le rôle central et global de la société aéroportuaire, qui a la responsabilité d'animer une exploitation harmonieuse et performante de la plate-forme dans toute ses composantes, et d'assurer son développement dans les meilleures conditions de dialogue, de capacité, de qualité de service et de coûts.

I. - L'évolution du trafic

    • Le trafic de l'aéroport de Lyon - Saint-Exupéry se distingue de celui des autres grands aéroports de province par sa forte composante extranationale, supérieure à 60 %, qui s'explique notamment par la desserte ferroviaire à grande vitesse. La typologie du trafic est actuellement en pleine mutation, initiée à la fin des années 2000, avec une forte croissance du segment low-cost qui compense une stagnation voire un recul des autres segments et en particulier du hub.
      De manière générale, et particulièrement dans le contexte précité, les prévisions de trafic sont un exercice délicat, et d'autant plus lorsqu'elles concernent un horizon temporel de cinq ans. En effet, dans le secteur du transport aérien, particulièrement sensible aux aléas de toute nature, la probabilité pour qu'un accident de parcours se produise sur une telle période n'est pas négligeable et, si tel était le cas, la période est trop courte pour que son impact soit atténué.
      C'est pourquoi il paraît important de prévoir dès l'origine des mécanismes d'ajustement ou de révision du contrat de régulation économique.
    • Les principaux usagers de la plate-forme jugent optimistes les prévisions de croissance retenues dans le dossier de consultation des usagers de juin 2014.
      ADL et la sous-direction des études, des statistiques et de la prospective de la direction générale de l'aviation civile présentent des prévisions qui conduisent à un scénario de croissance médian de 3,6 % pour le nombre de passagers sur la période 2015-2019.
    • La commission estime que le contrat de régulation devrait retenir ce scénario central, compte tenu de la convergence des prévisions de l'exploitant et de la DGAC.
    • La commission considère que les écarts qui seront immanquablement constatés entre le scénario retenu et la réalité doivent pouvoir être pris en compte sur les paramètres du contrat de régulation, sans pour autant conduire à des ajustements trop volatils, d'une année à l'autre, sur les tarifs des redevances.
      C'est pourquoi le contrat de régulation doit prévoir des mécanismes d'intéressement des partenaires, aéroport et compagnies aériennes, selon les écarts à la hausse et à la baisse du trafic.
      Au regard de la prévision d'une croissance annuelle moyenne du trafic passagers de 3,6 % jugée optimiste par les principaux usagers, la commission accueille favorablement la plage de franchise importante proposée par ADL, dans laquelle aucun ajustement tarifaire ne s'appliquerait, ce qui fait porter l'essentiel du risque de non-réalisation de ces prévisions sur ADL.
      Par ailleurs, la commission maintient son appréciation constante selon laquelle le partage de l'écart des recettes en dehors de la plage de franchise doit être plus fort en cas de hausse du trafic, considérant que, si l'exploitant aéroportuaire n'engage que peu de dépenses additionnelles en cas de trafic supérieur aux prévisions, il devrait en revanche mieux partager avec les compagnies aériennes les efforts à consentir, notamment en termes de productivité, en cas de trafic inférieur aux prévisions. Cette considération s'applique d'autant plus au présent contrat de régulation qu'ADL prévoit sur les cinq prochaines années la mise en service de surcapacités qui permettront d'accueillir sans surcoût excessif un excédent de trafic.
      Dans ces conditions, la commission propose que :

- la plage de franchise proposée par ADL soit retenue : dans une fourchette de 3 % de trafic la première année et de plus ou moins 1,5 % au-delà de cette fourchette les années suivantes, l'évolution prévue des tarifs reste inchangée ;
- en cas de dépassement de ces seuils, les effets sur les recettes aéronautiques d'un niveau de trafic s'écartant du scénario de base soient compensés sur les tarifs des redevances, à hauteur :
- de 50 % environ de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la hausse de ces seuils ;
- de 30 % environ de l'écart de recettes dans le cas d'un dépassement à la baisse de ces seuils ;
- si le trafic devait s'écarter de 4 % du scénario de base en première année, et de plus ou moins 2 % au-delà de cette fourchette les années suivantes, cela constituerait un motif de révision du contrat, pour prendre en compte le changement notable de ses conditions économiques.

II. - Les enjeux pour ADL et les utilisateurs
a) Les investissements

    • La commission regrette que le programme d'investissements proposé ne s'appuie pas sur une vision de l'évolution à long terme de la plate-forme, explicitée dans le dossier de consultation transmis par ADL, discutée et si possible partagée par les partenaires, et notamment par les compagnies aériennes.
    • Le programme d'investissements proposé par ADL est très important sur la période concernée, avec un montant total de 362 M€ dont 272 M€ d'investissements de capacité. Il est marqué par la mise en service en deux phases, en 2016 puis 2018, d'un nouveau terminal (« Futur terminal 1 » ou FT1) pour un montant total de 181 M€. Ce terminal doit porter la capacité de l'aéroport de 10 millions de passagers annuels actuellement à 14 millions en 2019, soit le niveau de trafic qui serait atteint en 2028 avec une croissance annuelle des passagers maintenue à 3,6 %.
      Sans contester le besoin de capacité dans les années à venir, ni l'amélioration de l'image de l'aéroport et de sa qualité de service permise par cette nouvelle infrastructure, la commission regrette, d'une part, que ce projet soit déjà très engagé au moment de la préparation du contrat de régulation économique et, d'autre part, l'impossibilité de phaser l'opération, ce qui mettra l'aéroport en situation de surcapacité durable. La commission note également que le coût de ce projet est relativement élevé pour la capacité créée, en comparaison avec d'autres projets sur des aéroports comparables, ce qui résulte de la volonté d'ADL de doter l'aéroport d'une nouvelle infrastructure au parti architectural ambitieux.
      Bien que le projet soit déjà bien engagé, la commission recommande de reporter au-delà de 2019 un maximum d'éléments de la phase B du FT1, sans que ces reports n'engendrent de surcoût excessif à terme ni qu'ils ne dégradent sensiblement les conditions d'accueil des passagers. Ces reports conduiraient à diminuer a minima de 7,5 M€ l'investissement correspondant sur les cinq prochaines années.
      Par ailleurs, la commission estime qu'il n'est pas de son rôle d'interférer dans les choix de gestion et d'aménagement d'ADL, et donc de revenir sur la pertinence et l'opportunité du projet FT1. Les appréciations susmentionnées sont en revanche prises en compte dans l'appréciation de la commission sur le taux de retour sur les capitaux engagés (RCE) du périmètre régulé d'ADL sur la période du contrat de régulation économique, évoqué en partie III.
    • Le programme d'investissements d'ADL comporte d'autres opérations d'envergure, en particulier une opération de relocalisation du fret pour 34 M€ qui sera rendue nécessaire suite à la mise en service du FT1, compte tenu de son emprise sur les aires avions, et des opérations immobilières sur l'aérodrome de Lyon-Bron pour 40 M€.
      S'agissant de la barre de fret, ADL a transmis à la commission des éléments qui conduisent à penser que la rentabilité de l'opération est satisfaisante. Elle ne devrait donc pas peser de manière excessive sur la rentabilité du périmètre régulé à terme. Par ailleurs, la commission ne préconise pas à ce stade de repousser de manière artificielle certaines opérations à 2020 pour jouer sur la base d'actif du contrat de régulation économique.
      Concernant les opérations immobilières sur Lyon-Bron, la commission comprend que certaines opportunités devraient se présenter dans les cinq années à venir, et qu'ADL souhaite se positionner en tant que co-investisseur sur certaines d'entre elles. La commission ne souhaite pas priver ADL de ces opportunités, mais s'interroge sur l'impact qu'elles auraient sur la rentabilité du périmètre régulé et le risque qu'elles lui feraient porter. A ce titre elle préconise, comme elle l'a fait pour l'aéroport de Toulouse-Blagnac, de sortir les activités de diversification immobilière du périmètre de régulation. La commission précise qu'elle estime que seule l'activité d'ADL en tant qu'investisseur doit être exclue, à l'inverse des redevances domaniales perçues sur les terrains concernés, qui résultent de la situation patrimoniale de l'aéroport et doivent contribuer à l'équilibre financier du périmètre régulé.
      La commission estime que les autres opérations comme la mise en service d'un nouveau dépôt d'hydrocarbures sont pertinentes et doivent être maintenues.
    • Le programme d'investissements est également composé d'opérations de renouvellement pour 59 M€ visant à maintenir un niveau d'exigence élevé en matière d'équipements dédiés aux usagers. La commission ne préconise pas de diminuer cette enveloppe, dans la mesure où les opérations visées doivent contribuer à la qualité du service rendu aux usagers ainsi qu'à diminuer l'impact environnemental de l'activité aéroportuaire.
    • Le programme d'investissements est enfin complété par une ligne « aléas » à hauteur de 17 M€, soit 5 % du total des investissements. La commission estime qu'au regard de l'ampleur du programme d'investissements, tout aléa devrait être traité par ADL dans le cadre de l'enveloppe prévue avant aléa, et être le cas échéant compensé par la baisse correspondante d'une autre ligne d'investissements.
    • La commission observe que l'entreprise est incitée à tenir le calendrier des principales opérations capacitaires et en particulier du FT1 : les retards engendreraient en effet pour elle des surcoûts d'investissement et de moindres recettes commerciales. La commission considère donc qu'il n'est pas nécessaire de prévoir de pénalités spécifiques pour des retards dans la mise en service des investissements de capacité, d'autant plus que la majorité des dépenses concernent des opérations déjà engagées.
      La commission estime en revanche que toute augmentation des coûts du programme d'investissements mentionné ci-dessus devrait être en totalité prise en charge par ADL.
      La commission approuve l'initiative d'ADL d'inclure pour cette période une clause d'ajustement des tarifs 2019 en fonction de l'atteinte des objectifs d'investissement à fin 2017. La commission remarque toutefois que le taux de répercussion à la baisse sur les tarifs, limité à 30 % de la différence de coûts induite sur le périmètre régulé par le non-respect des objectifs en volume des investissements, doit être substantiellement augmenté afin de faire profiter davantage les compagnies aériennes des efforts de l'exploitant par rapport à sa prévision stratégique. La commission n'est par ailleurs pas favorable à l'exclusion de certains investissements de ce mécanisme, telle que proposé par ADL, dans la mesure où ils contribuent tous à augmenter la base d'actifs régulés financée par les redevances aéroportuaires.

b) Les charges et la productivité

    • La position de monopole de l'aéroport sur les activités du périmètre régulé implique que le régulateur économique accorde une attention particulière aux efforts de productivité que l'exploitant aéroportuaire est à même de réaliser.
    • La commission considère qu'ADL a consenti par le passé des efforts dans ce domaine et l'encourage à les intensifier. Pour les cinq prochaines années, s'agissant des charges d'exploitation, la mise en service d'une nouvelle infrastructure qui augmentera sensiblement les surfaces en aérogare rend l'analyse de la productivité plus difficile. Il ressort cependant de cette analyse que les charges d'exploitation hors FT1 évoluent selon des élasticités acceptables vis-à-vis du trafic et de l'inflation, et que la hausse de charges « fixes » spécifiques au FT1 (nettoyage, entretien, énergie) est assez contenue au regard de l'augmentation des surfaces.
      Par suite, la commission considère que l'évolution des charges d'exploitation proposée par ADL, compte tenu de la construction du FT1, est acceptable.
    • La commission observe que, malgré les efforts consentis ces dernières années, ADL a le ratio de coûts opérationnels par passager le plus élevé parmi les grands aéroports de province. Elle estime donc qu'il convient a minima de s'assurer qu'ADL tienne les objectifs de coûts annoncés.
      La commission suggère en conséquence qu'un objectif maximal de croissance de coûts opérationnels hors amortissements et impôts et taxes soit inscrit dans le CRE. Cet objectif pourrait au maximum être en ligne avec le taux de croissance annuel moyen annoncé par ADL, éventuellement paramétré en fonction de l'inflation et du trafic prévisionnels. En cas de dépassement de cet objectif de coûts, l'aéroport devrait être pénalisé par l'application d'un malus sur les tarifs 2019.

c) La qualité de service

    • L'amélioration de la qualité de service rendu aux usagers doit constituer un enjeu central pour ADL sur la période 2015-2019, au regard notamment de la mise en service du FT1. Les investissements réalisés sur la période 2015-2019 contribueront à cet effort, mais la commission estime que l'entreprise doit également continuer à développer une véritable « attitude de service » tournée vers les besoins des clients et leur satisfaction.
    • La commission considère à ce titre que les objectifs proposés par ADL pour certains indicateurs, en particulier le taux de contact avion, ne sont pas assez ambitieux en particulier en fin de CRE après la mise en service du FT1. De même, elle estime que la satisfaction relative à la propreté en aérogare et à la signalétique devrait évoluer plus rapidement à la hausse. Elle pense par ailleurs qu'il serait pertinent de différencier les indicateurs par aérogare ou typologie de trafic, compte tenu des différents niveaux de service proposés par ADL sur Lyon - Saint-Exupéry.
    • La commission estime peu justifiée la distribution de bonus sur la qualité de service compte tenu du droit des compagnies aériennes à bénéficier d'un service aéroportuaire de qualité en contrepartie des redevances qu'elles paient, à moins que cette qualité de service ne soit à un niveau d'excellence pour l'atteinte duquel il ne serait pas illégitime que l'exploitant aéroportuaire ait une incitation financière.
      Elle suggère donc de retenir un dispositif asymétrique qui prévoie bonus et malus, mais comportant une amplitude d'ajustement tarifaire supérieure pour les malus et une plage de franchise supérieure pour les bonus.
    • La commission estime que, compte tenu de l'historique relativement limité des mesures effectuées par ADL, la prudence devrait être de mise quant à l'amplitude des incitations financières associées. Elle estime toutefois que les malus devraient être d'amplitude plus forte que celle proposée par ADL.
    • La commission estime qu'il est nécessaire de suivre des indicateurs de qualité de service globaux sans incitation financière. Elle considère en effet que l'exploitant aéroportuaire doit assumer son rôle de coordinateur des différents acteurs de la plate-forme même sur des services qui ne relèvent pas directement de sa responsabilité.

d) Les recettes extra aéronautiques

Le CRE sera marqué par la mise en service de nouvelles surfaces commerciales importantes en 2017 puis 2019 dans le FT1, avec en fin de période un doublement de ces surfaces pour l'aéroport. Ce contexte est favorable à l'augmentation des recettes commerciales d'ADL, qui sont déjà dans la fourchette haute des grands aéroports de province.
Si l'effet d'induction se voit dans le chiffre d'affaires des activités commerciales en 2017 et surtout en 2019, la commission estime que l'ambition d'ADL pour la première moitié du CRE, où le chiffre d'affaires par passager connaît une stagnation voire une légère baisse entre 2013 et 2016, n'est pas assez élevée.

e) Les tarifs des redevances aéronautiquess

    • La commission a noté que l'aéroport de Lyon - Saint-Exupéry était en 2013 le second grand aéroport de province en matière de chiffre d'affaires des redevances aéroportuaires par passager, et premier en dehors du faisceau low-cost. Les redevances aéroportuaires se situent donc déjà à un niveau élevé en amont du CRE.
    • Ce niveau de redevances a permis à ADL de connaître un haut niveau de rentabilité des capitaux engagés depuis 2010, pendant une période où l'investissement a été faible, et ainsi de contribuer au préfinancement de la phase de fort investissement à venir sur le CRE.
    • Compte tenu de ces éléments, auxquels s'ajoutent des prévisions dynamiques de trafic et une surcapacité à long terme engendrée par le FT1, la commission estime qu'il est souhaitable d'accompagner la croissance du trafic par une modération tarifaire sur le CRE.

III. - Les enjeux économiques et la rentabilité du capital

    • Un facteur important des enjeux économiques du CRE concerne les objectifs de rentabilité financière de l'entreprise. Ce facteur doit pouvoir, selon la commission, s'apprécier à la fois au regard de la situation spécifique d'ADL et des conditions d'une régulation économique saine.
    • La commission considère que l'un des fondements de la régulation économique doit par ailleurs consister à rechercher une bonne adéquation entre le retour sur les capitaux engagés par ADL (RCE) et le coût moyen pondéré de ces capitaux (CMPC).
      Cette adéquation n'est contestée par aucun des acteurs. Elle est cohérente avec l'article R .224-3-1 du code de l'aviation civile, qui stipule que l'exploitant d'aéroport reçoit une juste rémunération des capitaux investis évaluée au regard du CMPC.
      Dès lors, la commission estime que les deux questions fondamentales sont les suivantes :

- quel est le niveau de CMPC à retenir par le régulateur pour les activités d'ADL entrant dans le champ de la caisse unique ?
- à quelle échéance temporelle convient-il d'examiner l'adéquation entre le RCE et le CMPC ?

    • La méthode retenue par ADL pour le calcul du coût moyen pondéré du capital est le modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF). La commission approuve le choix de cette méthode, qu'elle estime précise et cohérente avec la théorie financière et la pratique professionnelle.
      La commission est en accord avec ADL sur les paramètres suivants :

- le levier financier VD/VCP proposé par ADL est 0,3 et correspond à l'endettement moyen des sociétés du secteur, bien qu'il résulte d'une valorisation de l'entreprise à hauteur de 13 fois l'EBITDA qui peut sembler ambitieuse ;
- le ß proposé de 0,635 est aussi raisonnable, en milieu de fourchette, et traduit un risque d'exploitation modéré ;
- le taux d'intérêt sans risque rf est égal à 2,5 %, ce qui reflète la situation présente ;
- le risque crédit est estimé à 1,25 %.

En revanche, la commission conteste la valeur avancée par l'aéroport pour la prime de risques d'action. ADL propose 6,9 % comme prime de risque actions, ce qui est tout à fait surestimé. Tous les historiques de sur-rendement de l'investissement « actions » par rapport au taux sans risque sont inférieurs au chiffre cité. La commission estime donc que ce chiffre est très exagéré et propose de le réduire à 5,5 %, ce qui se situe déjà dans la partie haute de l'échelle.
Compte tenu de ces éléments, le calcul du CMPC avec les paramètres suggérés conduit à une estimation entre 5,4 et 5,5 %.
4. - La seconde question concerne l'horizon temporel sur lequel doit s'apprécier la juste rémunération des capitaux investis.
L'appréciation de la commission sur cette question a particulièrement pris en compte les éléments suivants spécifiques à ADL :

- ADL sort d'une période 2010-2013 de faible investissement, sur laquelle le RCE a été supérieur à 9 % en moyenne, et il devrait se maintenir au-dessus de 7 % en 2014 ;
- le programme d'investissements d'ADL sur le CRE devrait porter la capacité de l'aéroport à un niveau suffisant pour les quinze prochaines années. La commission estime donc que cette durée représente un cycle complet d'investissements ;
- la commission estime que c'est sur cette durée que doit s'apprécier la juste rémunération des capitaux investis, le RCE devant passer d'une valeur inférieure au CMPC en phase de fort investissement en début du cycle à une valeur supérieure au CMPC en fin de cycle ;
- la commission relève par ailleurs que le nouveau terminal FT1 devrait générer des synergies opérationnelles et donc des gains de productivité à terme, qui se matérialiseront pleinement sur les CRE suivants. De même, les recettes commerciales devraient bénéficier plus fortement à terme des nouvelles surfaces disponibles.

Ces éléments incitent à prévoir un rattrapage du RCE par rapport au CMPC plutôt au CRE suivant.
Dans ces conditions, et compte tenu du CMPC proposé (entre 5,4 et 5,5 %), la commission recommande que la régulation économique prenne en compte l'objectif d'un RCE prévisionnel compris entre 3,5 % et 4 % à l'horizon de 2019, en visant plutôt le bas de la fourchette.
La commission tient à souligner que cet objectif tient compte notamment du parti architectural ambitieux d'ADL pour la réalisation du FT1, dont le coût élevé de réalisation traduit une volonté de doter l'aéroport d'une infrastructure de prestige. Dans la mesure où les compagnies aériennes ne sont pas responsables de ce choix et ne bénéficieront pendant de nombreuses années que partiellement de la capacité créée, il est naturel que l'objectif de rentabilité ne tienne pas pleinement compte des surcoûts d'investissement et de fonctionnement ainsi engendrés et reste inférieur au CMPC sur ce CRE. Le RCE pourra atteindre le CMPC au CRE suivant si ADL atteint les objectifs de productivité qu'il s'est fixés, qui sont la contrepartie indispensable d'un projet d'une telle ampleur.
5. - La révision partielle du périmètre régulé, du programme d'investissements et des objectifs de rentabilité devrait permettre d'aboutir à une évolution moyenne des tarifs des redevances aéronautiques de 0,5 % à 1 % au-dessous de l'inflation, ce qui ménage encore des marges de manœuvre à la société aéroportuaire pour améliorer sa rentabilité, notamment via les revenus extra-aéronautiques.

IV. - Les relations entre Aéroports de Lyon et ses usagers

    • La société aéroportuaire a une responsabilité qui dépasse la mise à disposition de capacités et de services dont elle assure directement la mise en œuvre, l'exploitation et la qualité de service. Elle doit également assumer la charge du développement harmonieux de toutes les composantes de la communauté aéroportuaire et des services qu'elles rendent, même si elle n'a pas prise directe sur elles.
      Cette charge n'est pas toujours comprise et acceptée ; il en va pourtant de la performance globale du système et les clients lui imputent normalement les dysfonctionnements, d'où qu'ils viennent.
      ADL bénéficie actuellement d'une réputation plutôt favorable à cet égard, et la commission invite ADL à poursuivre en ce sens, et tous les intervenants à lui reconnaître ce rôle.
      Par ailleurs, la commission a apprécié le choix d'ADL de retenir le principe dit « de la caisse unique ». La commission est fermement attachée à ce principe, en ligne avec les recommandations de l'OACI en matière de redevances aéroportuaires, qui permet de restituer aux compagnies, via une prise en compte dans le niveau des redevances qu'elles acquittent, les recettes extra-aéronautiques induites pour l'aéroport par les passagers qu'elles transportent. La commission est d'avis que ce principe est à même de fortifier la relation de confiance et de solidarité qui doit nécessairement lier l'aéroport à ses usagers.
      Seule l'exclusion du périmètre régulé des activités d'ADL en tant qu'investisseur dans des projets immobiliers de diversification, qui sont sans lien aucun avec les activités aériennes, lui semble acceptable.
    • Un tel positionnement comme la situation de monopole confirmée sur les activités du périmètre régulé impliquent un devoir de dialogue et de transparence d'ADL vis-à-vis de tous les utilisateurs, et en premier lieu des compagnies aériennes.
      Ce devoir de transparence concerne autant les perspectives à long terme de développement de la plate-forme aéroportuaire, le programme et le calendrier des investissements sur la période du CRE que l'organisation et l'exploitation de la plate-forme et de ses équipements, ou encore la fixation et le suivi des indicateurs de qualité de service ; elle passe par une concertation régulière et véritable au sein des commissions prévues à cet effet.
      Cette concertation nécessite également que les éléments financiers déterminants de l'entreprise soient régulièrement présentés dans le meilleur esprit de transparence et d'ouverture. Ces éléments devraient en particulier inclure l'évolution du montant de la base d'actifs régulés et le retour sur les capitaux engagés.
      La commission encourage ADL à poursuivre, voire à intensifier les efforts consentis par le passé.
    • Aménageur, constructeur, gestionnaire, ADL est également vis-à-vis de ses clients un prestataire de services, dont l'attitude première doit être l'écoute de leurs besoins et la recherche de leur satisfaction.
      Cette « attitude de service » n'est pas naturelle dans la situation spécifique dans laquelle se trouve la société aéroportuaire ; elle nécessite une prise de conscience de l'ensemble du management et des acteurs de terrain.
      La commission a apprécié les efforts consentis dans ce sens et encourage ADL à les poursuivre.

La préoccupation constante de la commission a été d'inscrire ses propositions dans la recherche de la satisfaction d'une ambition partagée : faire de l'aéroport de Lyon -Saint-Exupéry un outil performant au service du développement économique de la région Rhône-Alpes, sans toutefois faire payer un prix excessif aux usagers du service public aéroportuaire.
Cette ambition nécessite un effort important à consentir dans les cinq prochaines années.
Tous les acteurs sont intéressés par sa réussite.
Il est juste que cet effort soit réparti équitablement entre toutes les parties concernées. C'est le sens des propositions qui sont faites.

ANNEXES
Périmètre régulé

Le périmètre régulé est le champ d'activité d'ADL sur lequel est appréciée la rentabilité financière de l'entreprise pour l'exercice de la régulation économique.
Il comprend l'ensemble des activités d'ADL, à l'exclusion :

- des activités d'assistance en escale ;
- des activités de sécurité et de sûreté financées par la taxe d'aéroport ;
- des missions d'insonorisation des logements riverains financées par la taxe sur les nuisances sonores aériennes ;
- des activités immobilières de diversification dans lesquelles ADL agit en tant qu'investisseur.

Ce périmètre résulte de l'aménagement du périmètre de la « caisse unique » par la sortie des seules activités immobilières de diversification dans lesquelles ADL agit en tant qu'investisseur.
Membres de la commission consultative aéroportuaire :
M. Michel Bernard, président, ancien directeur général de l'aviation civile et ancien président-directeur général d'Air Inter, désigné comme personnalité qualifiée par la ministre chargée de l'aviation civile ;
M. Alain Quinet, directeur général délégué de Réseau ferré de France, désigné comme personnalité qualifiée par la ministre chargée de l'aviation civile ;
M. Dominique Jacquet, professeur à l'Ecole des Ponts ParisTech et président du département sciences économiques, gestion et finance, désigné comme personnalité qualifiée par la ministre chargée de l'aviation civile ;
M. Jean-François Bernicot, désigné par le premier président de la Cour des comptes ;
M. Francis Girault, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;
M. François-Michel Gonnot, désigné par le président de l'Assemblée nationale ;
un membre désigné par le président du Sénat, qui doit être désigné.
Séances de la commission dans le cadre de sa saisine par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :
Le 7 octobre 2014.
Le 8 octobre 2014.
Le 29 octobre 2014.
Le 13 novembre 2014.
Organismes auditionnés :
Aéroports de Lyon.
Agence des participations de l'Etat.
direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Air France-KLM.
EasyJet.
FNAM/CSTA.
SCARA ;
Conseil général de l'environnement et du développement durable.
Contributions écrites examinées :
Aéroports de Lyon.
Air France-KLM.
HOP !
easyJet.
FNAM/CSTA.
SCARA.