JORF n°0158 du 9 juillet 2023

Délibération

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Délibération de la Commission nationale consultative des droits de l'homme sur la lutte contre les exclusions

Résumé La Commission des droits de l'homme dit que la loi contre les exclusions de 1998 n'a pas bien fonctionné et demande de nouvelles mesures qui respectent les droits de chacun et impliquent les personnes pauvres.

Assemblée plénière - 6 juillet 2023 Adoption à l'unanimité

Il y a 25 ans, le 29 juillet 1998, était promulguée la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Elle faisait de cette lutte « un impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la nation », et se fixait comme objectif de « garantir sur l'ensemble du territoire l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l'enfance ». A cette fin, le gouvernement d'alors revendiquait une approche inclusive faisant des plus démunis « des partenaires à part entière », appelés à contribuer à la définition des politiques publiques.
Dès 1988, dans un avis portant sur la grande pauvreté et les droits de l'Homme, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) avait appelé de ses vœux une telle loi d'orientation pour asseoir une politique nationale de lutte contre la grande pauvreté et les précarités qui en découlent. Dans de nombreux avis qui ont jalonné ces deux dernières décennies, relatifs à la pauvreté ou aux difficultés d'accès pour les plus démunis à certains droits fondamentaux, la CNCDH a pu relever les écarts entre la force des intentions à l'origine de la loi et la faiblesse de leur mise en œuvre. Le constat s'impose : les promesses de la loi de 1998 n'ont pas été tenues.
Initialement, la loi prévoyait la remise d'un rapport d'évaluation de son application au Parlement, tous les deux ans, en s'appuyant en particulier sur les travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale et sur le retour des personnes en situation de précarité et les acteurs de terrain. Cette obligation d'évaluation globale a été abrogée en 2011 et les pouvoirs publics ont cessé de faire de cette loi le cadre de référence de leur action en la matière.
Depuis, le président de la République a présenté en 2018 une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui inclut une trentaine de mesures regroupées autour de cinq thèmes : petite enfance et éducation ; santé ; accompagnement, formation et emploi ; logement et droits sociaux. Mais dans son dernier rapport de 2022, le Comité d'évaluation de la stratégie a relevé l'absence d'amélioration des indicateurs d'inégalités en matière de petite enfance et de réussite éducative et a fait part de sa difficulté à accomplir sa mission, notamment en raison du « manque de données permettant le suivi de l'évolution des indicateurs macro pour le logement, la santé et les droits sociaux ».
Dans le prolongement de son avis du 3 juillet 2018 consacré à la promotion de « l'approche par les droits de l'Homme », la CNCDH tient à réaffirmer la nécessité d'adopter une approche de la pauvreté par les droits fondamentaux. Cela implique notamment de penser les politiques publiques à partir d'une recherche des moyens permettant de garantir les droits fondamentaux des personnes en difficulté, en ce qui concerne tant leurs droits civils et politiques que leurs droits économiques, sociaux et culturels. La Commission rappelle en effet l'indivisibilité et l'interdépendance de ces droits. Le contexte économique et social ne peut évoluer sans l'exercice effectif, par les catégories les plus défavorisées socialement, de leurs droits civils et politiques. La stratégie nationale de lutte contre la pauvreté ne répond pas aux exigences de cette approche. La CNCDH presse donc les pouvoirs publics de renouer avec les ambitions exprimées dans la loi de 1998 afin de leur conférer une pleine effectivité.
Cette réorientation de l'action publique doit s'accompagner d'une évaluation périodique et indépendante de son impact sur les droits fondamentaux des personnes. Convaincue que l'efficacité et la pérennité des politiques publiques dépendent largement du degré d'adhésion et d'investissement des bénéficiaires eux-mêmes à leur élaboration, à leur mise en œuvre et à leur évaluation, la CNCDH recommande donc aux pouvoirs publics de renouer là encore avec la logique qui a présidé à l'adoption de la loi de 1998 en faisant des plus démunis des partenaires à part entière des acteurs publics.
A l'occasion des 25 ans de la loi relative à la lutte contre les exclusions, la CNCDH tient à rappeler que, loin d'être le produit inéluctable de défaillances et d'insuffisances personnelles, la pauvreté est une production sociale. Et parce qu'elle viole les droits de l'Homme, il y a urgence, devant sa persistance et sa croissance parfois sous des formes nouvelles, à la combattre sans concession. Les attaques dont les personnes en situation de pauvreté ou démunies sont trop souvent la cible indiquent que cet enjeu est central pour la démocratie, la solidarité et, en définitive, pour la défense et la promotion des droits de l'Homme.