JORF n°0182 du 7 août 2013

Délibération du 20 juin 2013

Participaient à la séance : Olivier CHALLAN BELVAL, Hélène GASSIN, Jean-Pierre SOTURA et Michel THIOLLIÈRE, commissaires.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 22 avril 2013, par la ministre chargée de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, d'un projet d'arrêté modifiant l'arrêté tarifaire du 19 mai 2011 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent le biogaz.

Ce projet d'arrêté a pour objet de modifier la valeur maximale de la prime applicable aux installations de production d'électricité qui valorisent le biogaz issu du traitement d'effluents d'élevage.

La CRE rappelle les recommandations qu'elle avait faites dans son avis du 28 avril 2011 et qui n'avaient pas été prises en compte dans l'arrêté du 19 mai 2011 :

― porter la durée du contrat d'achat de quinze à vingt ans pour la faire coïncider avec la durée d'exploitation de ce type d'installation et réduire les tarifs et primes de 7 % ;

― prévoir une dégressivité des tarifs suivant le rythme de développement de la filière ou, à tout le moins, une révision rapide des tarifs ;

― prolonger le délai de mise en service en cas de retard dans la procédure de raccordement ;

― réduire à quinze jours le délai laissé à l'ADEME pour délivrer son récépissé, en lieu et place des trois mois de l'arrêté, afin de ne pas allonger inutilement la durée des procédures administratives pour les porteurs de projet ;

― diminuer le niveau des tarifs de référence d'au moins 10 % pour les ISDND (1) de moins de 150 kW et d'au moins 40 % pour celles de plus de 2 000 kW ;

― modifier les coefficients d'indexation pour refléter la structure des coûts.

  1. Etat du parc au 31 décembre 2012

Les installations qui produisent de l'électricité à partir du biogaz sont de deux types : les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) et les installations de méthanisation agricole.
Depuis la mise en place du tarif d'achat de 2006, la filière biogaz se développe à un rythme régulier d'environ 28 MW en moyenne installés par an.
Au 31 décembre 2012, le parc des installations de production d'électricité à partir de biogaz bénéficiant d'un dispositif de soutien comptait 222 installations, pour une puissance cumulée de 217,7 MW. Parmi celles-ci, 221 installations bénéficient d'un tarif d'achat, une installation est issue d'une procédure d'appel d'offres.
En 2012, 61 installations ont été mises en service dans le cadre de l'obligation d'achat. Leur répartition en fonction de la puissance est donnée dans le tableau ci-dessous.

Nombre d'installations de production d'électricité à partir de biogaz
mises en service en 2012 dans le cadre de l'obligation d'achat

| PUISSANCE |< 50 kW|ENTRE 50 ET 150 kW|ENTRE 150 ET 300 kW|ENTRE 300 ET 1 000 kW|PLUS DE 1 000 kW| |-------------------------|--------|------------------|-------------------|---------------------|----------------| | Arrêté du 19 mai 2011 | 5 | 10 | 19 | 6 | 12 | |Arrêté du 26 juillet 2006| 0 | 3 | 1 | 2 | 3 |

Depuis 2006, la puissance moyenne des installations mises en service est en baisse constante, passant de 2 054 kW à 504 kW en 2012.

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 182 du 07/08/2013 texte numéro 80

  1. Description de la modification proposée

La présence d'effluents d'élevage est indispensable au bon fonctionnement du processus de méthanisation dans les installations agricoles. Cependant, leur pouvoir méthanogène est faible. De manière à inciter les producteurs à utiliser les effluents au-delà du volume strictement nécessaire, et, ainsi, de réduire l'utilisation d'autres intrants qui pourraient être affectés à un usage différent, une prime spécifique a été introduite dans l'arrêté tarifaire biogaz du 19 mai 2011.
Le projet d'arrêté envisagé modifie la valeur maximale de la prime pour le traitement d'effluents d'élevage, comme indiqué dans le tableau ci-dessous. Il ne modifie pas le calcul de la valeur de la prime dont peut bénéficier une installation, qui reste définie en fonction de la proportion d'effluents d'élevage dans l'approvisionnement.

|PUISSANCE ÉLECTRIQUE
maximale installée|PRIME MAX (c€/kWh)
Arrêté du 19 mai 2011|PRIME MAX (c€/kWh)
Projet d'arrêté| |---------------------------------------------|----------------------------------------------|----------------------------------------| | Pmax ≤ 150 kW | 2,6 | 2,6 | | Pmax ≤ 300 kW | ― | 2,6 | | Pmax = 300 kW | 2,1 | 2,6 | | Pmax = 500 kW | 1,53 | 2,1 | | Pmax ≥ 1 000 kW | 0 | 0 |

Les valeurs intermédiaires de la prime maximale sont déterminées par interpolation linéaire.

Vous pouvez consulter le tableau dans le
JOn° 182 du 07/08/2013 texte numéro 80

  1. Analyse de rentabilité

L'article L. 314-7 du code de l'énergie dispose que le niveau des tarifs d'achat « ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé ».
L'analyse de rentabilité a été réalisée sur les installations de méthanisation agricole, visées par la modification tarifaire envisagée.

3.1. Hypothèses techniques

Les caractéristiques techniques des installations ayant fait l'objet d'une analyse de rentabilité sont détaillées dans le tableau ci-après :

| Puissance électrique installée (kW) | [50 ; 2 000] | |:-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:|:---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------:| | Disponibilité (h/an) | 7 500 | | Efficacité énergétique (%) | [35 ; 70] (*) | | Autoconsommation de la chaleur produite (%) | [20 ; 35] | | Nature des intrants dans la centrale de production d'électricité |Déchets agricoles, industriels et ménagers (codigestion).
La proportion d'effluents d'élevage varie de 20 à 60 % du tonnage entrant| | (*) Une efficacité énergétique de 35 % correspond à une installation ne produisant que de l'électricité, tandis qu'une valeur de 70 % correspond à une installation de cogénération valorisant une partie importante du biogaz sous forme de chaleur.| |

3.2. Hypothèses économiques

L'analyse de rentabilité des tarifs envisagés compare le taux de rentabilité interne du capital investi après impôts (TRI projet) avec le coût moyen pondéré du capital pris comme référence, qui est estimé à 5,1 % sur la base du coût du capital moyen d'un échantillon d'entreprises du secteur des énergies renouvelables.
Les données utilisées par la CRE pour établir son avis du 28 avril 2011, issues d'études commandées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) (2), n'ont pas été mises à jour. Par ailleurs, compte tenu des délais dont elle dispose pour rédiger son avis, la CRE n'a pas été en mesure de recueillir les données nécessaires à l'évaluation des coûts actuels.
Aucune subvention ou aide à l'investissement n'est considérée dans le calcul. En outre, aucune baisse de revenus liée aux redevances (3) que le producteur perçoit pour le traitement des déchets n'est prise en compte à moyen terme. En effet, si une telle baisse était retenue dans la détermination du niveau des tarifs, les exploitants auraient la possibilité d'accepter des rémunérations plus faibles pour le traitement des déchets grâce à des tarifs d'achat plus élevés. De plus, prendre en compte une telle baisse reviendrait à faire financer le traitement des déchets, obligation de nature réglementaire, par la contribution au service public de l'électricité.

(2) « Expertise de la rentabilité des projets de méthanisation rurale », rapport final, 2010, étude réalisée pour le compte de l'ADEME par SOLAGRO, EREP, PSPC, SOGREAH, PERI G et « Etude de marché de la méthanisation et de la valorisation du biogaz », rapport final, 2010, Etude réalisée pour le compte de l'ADEME et GrDF par Ernst et Young. Ces travaux n'ont pas été actualisés. (3) Le niveau des redevances pour le traitement des déchets répond à une logique de marché et son prix est très volatil selon les régions.

3.3. Résultats

Pour des installations de méthanisation agricole présentant des efficacités et puissances équivalentes, les coûts d'investissement et les recettes issues de la vente de chaleur ou du traitement des déchets peuvent fortement varier. Les plages de valeurs de rentabilité indiquées dans le tableau ci-après sont la traduction de ces variations.
Quelle que soit l'efficacité énergétique de l'installation, les projets de moins de 100 kW ne sont pas rentables avec le tarif d'achat envisagé. Ces installations trouvent leur justification dans l'atteinte d'autres objectifs que la seule production d'électricité (aménagement du territoire, protection de l'environnement, etc.). Il est dès lors normal que leur mise en œuvre soit facilitée par des dispositifs (subventions notamment) dont les coûts ne sont pas supportés par les consommateurs d'électricité via la contribution au service public de l'électricité.
Les tarifs permettent de rentabiliser les projets efficaces de plus de 100 kW. Le cumul des tarifs avec des subventions, par exemple pour les projets retenus dans le cadre des appels d'offres lancés par le ministère en charge de l'agriculture, induirait des rentabilités élevées.

Taux de rentabilité interne après impôts (TRI projet)
résultant des tarifs d'achat envisagés

| EFFICACITÉ
énergétique |MÉTHANISATION AGRICOLE| | | | | |------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|----------------------|--------------|-----------------------------------|-----------------------------------|-------------| | | 50 kW | 150 kW | 300 kW | 500 kW | 2 000 kW | | 35 % | NS (*) | [NS ; 6,0] | [― 7,0 ; 8,1]
[― 7,9 ; 8,1] | [― 5,8 ; 8,2]
[― 6,9 ; 8,2] |[― 6,0 ; 5,9]| | 50 % | [NS ; ― 7,0] |[― 6,9 ; 8,6] |[― 2,1 ; 10,2]
[― 2,7 ; 10,2]|[― 1,0 ; 10,7]
[― 1,8 ; 10,7]|[― 0,7 ; 8,7]| | 70 % | [NS ; ― 0,8] |[― 1,6 ; 11,0]| [1,7 ; 12,6]
[1,4 ; 12,6] | [2,3 ; 13,3]
[1,9 ; 13,3] |[2,6 ; 11,5] | | (*) NS : « non significatif » correspond à une situation dans laquelle le producteur ne fait pas de bénéfices.
Les rentabilités issues des tarifs en vigueur sont rappelées en italique.| | | | | |

Les rentabilités les plus élevées sont atteintes pour les projets d'une puissance comprise entre 300 et 1 000 kW. La CRE identifie un risque d'atteindre des rentabilités plus de deux fois supérieures à la valeur de référence dans le cas d'installations qui présentent de faibles coûts d'investissement (de l'ordre de 5 300 €/kW) et une forte efficacité énergétique, et qui perçoivent des redevances pour plus de la moitié de leur approvisionnement. Ce risque pourrait s'étendre à d'autres installations si les coûts d'investissement devaient baisser grâce au développement de la filière. Une telle baisse est vraisemblable au vu des coûts d'investissement actuellement observés en Allemagne, de 35 à 60 % inférieurs à ceux constatés en France. Cet écart s'explique en partie par une standardisation accrue des installations en Allemagne et par les différences structurelles des coûts de construction entre les deux pays.

  1. Avis de la CRE

La CRE émet un avis favorable aux modifications de l'arrêté du 19 mai 2011 qui lui sont soumises compte tenu de son très faible effet sur les taux de rentabilité, tout en rappelant par ailleurs que les recommandations formulées dans son avis du 28 avril 2011 et qui n'avaient pas été prises en compte dans cet arrêté restent pertinentes.
En particulier, compte tenu du risque de rentabilité excessive pour certains types de projet, la CRE insiste sur l'importance de prévoir une dégressivité des tarifs suivant le rythme de développement de la filière ou leur révision régulière.
Fait à Paris, le 20 juin 2013.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

O. Challan Belval