JORF n°0286 du 10 décembre 2010

Délibération du 2 décembre 2010

Participaient à la séance : M. Philippe de LADOUCETTE, président, M. Maurice MÉDA, vice-président, M. Michel THIOLLIÈRE, vice-président, M. Jean-Paul AGHETTI, M. Emmanuel RODRIGUEZ et Mme Marie-Solange TISSIER, commissaires.
Conformément à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie pour avis, le 16 novembre 2010, par la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique d'un projet d'arrêté sur les tarifs en distribution publique (DP) de GDF Suez.
Le projet d'arrêté fixe la nouvelle formule tarifaire permettant d'estimer l'évolution des coûts d'approvisionnement de GDF Suez à prendre en compte pour fixer les tarifs DP.
Le projet d'arrêté prévoit par ailleurs que les barèmes entrés en vigueur au 1er juillet 2010 n'évoluent pas au 1er janvier 2011.
Le décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009 qui encadre la fixation des tarifs réglementés de vente de gaz prévoit que les coûts d'approvisionnement du gaz à couvrir par les tarifs sont estimés par une formule.
La formule actuellement utilisée a été conçue pour s'appliquer sur les années 2008, 2009 et 2010. Cette formule a fait l'objet de deux audits par la CRE, dont les conclusions ont été rendues publiques par délibérations du 17 décembre 2008 et du 31 août 2010. Dans sa délibération du 31 août 2010, la CRE a formulé les recommandations suivantes :
« ― une nouvelle formule devrait être mise en place pour prendre en compte les nouvelles indexations introduites dans certains contrats de long terme sur les prix des marchés de gros du gaz ;
― les écarts constatés entre la formule et les coûts réels des contrats de long terme de gaz importé en France devraient faire l'objet d'un examen annuel en vue d'adaptations éventuelles de la formule ;
― l'impact sur le prix moyen d'importation de sources d'approvisionnement autres que le gaz importé par contrats de long terme doit être mesuré. »

Contexte

La CRE a été saisie pour avis par le Gouvernement sur un projet d'arrêté à la suite du dépôt par GDF Suez d'une nouvelle proposition de formule tarifaire permettant d'estimer les coûts d'approvisionnement à prendre en compte dans les tarifs réglementés de vente, en remplacement de la formule actuellement utilisée. Cette nouvelle formule introduit le prix de marché (indice TTF - Pays-Bas) comme indice supplémentaire.
Elle intègre les conséquences des renégociations avec ses fournisseurs intervenues depuis 2009, et notamment l'introduction, dans les formules de prix des contrats de long terme, d'une part d'indexation sur les marchés de gros gaziers. Elle est basée sur l'état le plus récent connu du portefeuille de contrats d'approvisionnement long terme. La nouvelle formule intègre également l'actualisation des modèles de corrélation des prix des produits pétroliers.
Le périmètre d'approvisionnement du portefeuille de GDF Suez retenu pour estimer la formule proposée reste inchangé par rapport à la précédente formule. Il est construit sur la base des contrats de long terme de gaz importé en France, conformément aux dispositions du contrat de service public liant l'Etat et GDF Suez. La formule proposée est évaluée en considérant les valeurs moyennes des quantités contractuelles indiquées dans les clauses de take-or-pay.
Cette nouvelle formule tient compte des éléments suivants :
― la moyenne des prix futurs du trimestre calendaire du marché de gros gazier néerlandais, calculée sur un mois se terminant un mois avant le mouvement tarifaire, s'applique pendant trois mois. L'indice retenu est celui de la place de marché des Pays-Bas, le TTF ;
― la moyenne des prix des produits pétroliers sur les six mois passés, avec un décalage d'un mois, s'applique pendant trois mois (formule dite en 6.1.3). Ces produits sont identiques à ceux de la formule actuellement en vigueur (BTS, FOD, BRENT ainsi que la parité euro/dollar et une constante). Les coefficients d'indexation ont été mis à jour en prenant notamment en compte l'impact de l'intégration de l'indice de marché gaz défini précédemment.
Les travaux d'estimation de cette nouvelle formule par GDF Suez ont fait l'objet d'un audit de la CRE.

Observations

Le projet d'arrêté fixe la formule permettant d'estimer l'évolution des coûts d'approvisionnement de GDF Suez entre deux échéances, qui correspond à la nouvelle formule mise au point par GDF Suez sans la constante. La CRE a analysé la formule proposée par GDF Suez, pour s'assurer qu'elle donnait une approximation correcte des coûts d'approvisionnement des contrats de long terme de gaz importé en France.

Indexation sur les marchés de gros du gaz

La nouvelle formule prend en compte les renégociations, intervenues en 2009 et 2010, entre GDF Suez et ses fournisseurs qui ont introduit une indexation de certains contrats sur les prix des marchés de gros gaziers. La part du volume des contrats à long terme de gaz importé en France indexée sur les prix des marchés de gros gaziers est évaluée à 9,5 %. Cette pondération est retenue pour la nouvelle formule proposée, qui reflète donc l'évolution de ces contrats.

Indice marché retenu

L'indice TTF n'est pas le seul indice de prix figurant dans les contrats d'approvisionnement qui ont introduit une indexation sur le prix de marché.
Compte tenu de la forte corrélation entre les différentes places européennes et du niveau de liquidité de la place de marché TTF (Pays-Bas), GDF Suez n'a retenu dans la formule que ce dernier indice comme référence d'indexation au prix de marché. La CRE ne remet pas en cause ce choix.
Elle considère par ailleurs que le choix de la référence marché devra être examiné périodiquement. En particulier, la référence à des indices spécifiques au marché de gros français du gaz, dont la liquidité est en progression, pourrait être envisagée à terme.

Volatilité de la nouvelle formule

La volatilité des prix des marchés de gros du gaz est plus élevée que celle des produits pétroliers. L'intégration des prix de marché dans la formule pourrait donc occasionner des fluctuations plus importantes, à la baisse comme à la hausse.
Cependant, ce risque potentiel est limité dans la mesure où l'indexation sur les prix marché du gaz ne représente que 9,5 %.

Adéquation de la nouvelle formule aux coûts

GDF Suez a présenté des simulations de l'adéquation de la nouvelle formule aux coûts futurs (ex-ante).
Les simulations ex-ante sont probabilistes et font apparaitre les écarts possibles entre la formule proposée et les coûts selon différentes hypothèses d'évolution des prix des marchés de gros gaziers, des produits pétroliers et du taux de change euro-dollar. Ces écarts permettent d'apprécier le risque de surévaluation ou de sous-évaluation des coûts par la formule. Les éléments communiqués par GDF Suez permettent de considérer, ex-ante, que la formule fournit une approximation correcte des coûts.
Sur la base des données préliminaires de coûts d'approvisionnement connus à fin novembre depuis le mois de juillet, soit les quatre mois de juillet à octobre, la CRE constate que la nouvelle formule aboutit en moyenne à des niveaux comparables à ces données.
Comme la CRE l'avait dit dans sa délibération du 31 août 2010, l'adéquation de cette nouvelle formule aux coûts effectivement constatés en 2011 (ex-post) devra être vérifiée, et la formule adaptée si besoin.

Avis de la CRE

La CRE considère que la nouvelle formule tarifaire fournit une approximation correcte des coûts d'approvisionnement des contrats de long terme de gaz importé en France de GDF Suez, qui incluent pour certains une indexation sur les prix de marché du gaz.
La CRE rend donc un avis favorable au projet d'arrêté.
La CRE vérifiera la pertinence de la formule à intervalles réguliers au cours de l'année à venir.
La CRE considère enfin que le choix de la référence marché devra être examiné périodiquement. En particulier, la référence à des indices spécifiques au marché de gros français du gaz, dont la liquidité est en progression, pourrait être envisagée à terme.
Fait à Paris, le 2 décembre 2010.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette