JORF n°0151 du 1 juillet 2011

Décision n°345540 du 15 juin 2011

Vu le jugement n° 1000926 du 14 décembre 2010, enregistré le 5 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, avant de statuer sur la demande de l'EARL DU PEYROU tendant à l'annulation de la délibération du 11 avril 2010 par laquelle le conseil municipal d'Arches a sursis à statuer sur la demande de M. Chassagnard tendant à l'attribution de terres à vocation agricole ou pastorale appartenant à la section de Cheix, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : dans l'hypothèse où un exploitant agricole a constitué une ecploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) dont il est devenu associé exploitant, est-il recevable à demander en son nom propre l'attribution de terres à vocation agricole ou pastorale, en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, pour les mettre ensuite à la disposition de l'EARL ou seule cette dernière, dès lors qu'elle est dotée d'une personnalité morale distincte de celle de ses membres et à supposer qu'elle puisse être regardée comme ayant droit de la section, est-elle compétente pour déposer une telle demande ?

Vu les observations, enregistrées le 9 mars 2011, présentées par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ;

Vu les observations, enregistrées le 14 mars 2001, présentées par M. Emmanuel Magne ;

La demande d'avis soumise au Conseil d'Etat pose la question de savoir si un exploitant agricole, associé exploitant d'une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), peut obtenir l'attribution de terres à vocation agricole ou pastorale en application des dispositions précitées.

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 324-1 du code rural et de la pêche maritime : « Une ou plusieurs personnes physiques peuvent instituer une société civile dénommée "exploitation agricole à responsabilité limitée”, régie par les dispositions des chapitres Ier et II du titre IX du livre III du code civil, l'exception de l'article 1844-5. Les associés ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports. » Les associés majeurs d'une EARL qui participent effectivement à l'exploitation sont dénommés « associés exploitants » en application de l'article L. 324-8 du même code.

Conformément à l'article L. 324-2 du code rural et de la pêche maritime, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) a pour objet l'exercice d'activités réputées agricoles au sens de l'article L. 311-1, selon lequel : « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation (...) ».

Enfin, en vertu de l'article L. 311-2 du même code, est regardée comme exploitant agricole « toute personne physique ou morale exerçant à titre habituel des activités réputées agricoles au sens de l'article L. 311-1 ».

Il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'une EARL, dotée d'une personnalité morale distincte de celle de ses associés exploitants, constitue un exploitant agriole, auquel peuvent être attribuées des terres à vocation agricole ou pastorale propriétés d'une section de commune en application des dispositions précitées de l'article L. 2411-10 du code général des colelctivités territoriales.

Lorsqu'une EARL est créée pour gérer une exploitation agricole, c'est cette EARL qui est attributaire de terres au titre de cette exploitation. Les respect des critères d'attribution des terres doit alors être apprécié au regard de la situation de la seule EARL, dont le siège doit être regardé comme le « domicile réel et fixe » au sens de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.

La demande d'attribution de terres peut être présentée par toute personne habilitée à représenter l'EARL ; en particulier, lorsque l'EARL est constituée par un associé unique, celui-ci peut présenter la demande au nom de l'EARL unipersonnelle.

Lorsqu'un associé exploitant d'une EARL conserve une activité agricole en dehors du périmètre de l'EARL, en qualité d'exploitant agricole à titre individuel, il peut demander à ce titre l'attribution de terres en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales. Les critères d'attribution sont alors appréciés au regard de sa situation personnelle et de celle de son exploitation individuelle.

Délibéré dans la séance du 16 mai 2011 où siégeaient : M. Christian Vigouroux, président adjoint de la section du contentieux, président ; M. Alain Ménéménis, M. Gilles Bachelier, présidents de sous-section ; M. Alain Christnacht, M. Yves Salesse, Mme Marie-Hélène Mitjavile, Mme Caroline Martin, M. Jean Courtial, conseillers d'Etat, et Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur-rapporteur.

Lu en séance publique le 15 juin 2011.