JORF n°0158 du 10 juillet 2010

Décision n°2010-460 du 8 juin 2010

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,

Vu la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunication par satellite (Eutelsat), dans sa rédaction résultant des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999, publiée au Journal officiel du 9 juin 2001 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 15, 33-1, 42, 43-2 et 43-4 ;

Vu la lettre du 2 décembre 2008 du Conseil supérieur de l'audiovisuel mettant en garde la société Eutelsat contre le renouvellement, par le service Al Aqsa, de la diffusion de programmes incitant à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de religion ou de nationalité ;

Vu la décision n° 2009-773 du 3 novembre 2009 du Conseil supérieur de l'audiovisuel mettant en demeure la société Eutelsat, d'une part, de respecter les dispositions du III de l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 en informant le service de télévision Al Aqsa du régime qui lui est applicable, notamment des termes de l'article 15 de cette loi et, d'autre part, de se conformer à l'avenir au III de l'article 33-1 de la même loi et de veiller à ce que les contrats qu'elle conclut dans l'exercice de son activité subordonnent leur application au respect, par les services de télévision transportés, des règles et principes énoncés par les dispositions de cette loi ;

Vu les constats de visionnage des programmes du service de télévision Al Aqsa diffusés les 17 mars, 19 mars et 31 mars 2010 ;

Considérant qu'aux termes de l'article III de la convention du 15 juillet 1982 la société Eutelsat SA est soumise à l'obligation suivante : « pour ce qui est des services audiovisuels et des services futurs, ils seront offerts en conformité avec les réglementations nationales (...) » ;

Considérant qu'en vertu de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure les opérateurs de réseaux satellitaires de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de cette loi ;

Considérant qu'en vertu de l'article 15 de la même loi le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, d'une part, au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à la disposition du public par un service de communication audiovisuelle et, d'autre part, à ce que ces programmes ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité ; qu'en vertu du III de l'article 33-1 de cette loi les services de télévision relevant de la compétence de la France en application des articles 43-4 et 43-5 de la même loi sont soumis aux obligations résultant de celle-ci et au contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

Considérant que le service de télévision Al Aqsa a diffusé le 17 mars 2010 une séquence parlant des « sionistes qui ravagent tout sur leur passage » et au cours de laquelle les propos suivants ont été tenus : « Chaque jour, l'ennemi sioniste donne une preuve supplémentaire sur sa vilaine nature, sur sa propension à ne pas respecter les engagements » ; qu'au cours de cette séquence il a été affirmé que « l'ennemi ne peut être embarrassé que par les opérations de martyr » ; que, dans un prêche du vendredi 19 mars 2010 diffusé sur le même service, le prédicateur a présenté les juifs de manière dégradante, les qualifiant de « descendants des singes et des porcs », estimant qu'ils saliraient la mosquée d'Al Aqsa « par leur saleté et leur impureté » ; qu'au cours de ce prêche les propos suivants ont notamment été tenus : « Mes frères, soulevez-vous pour aider la mosquée Al Aqsa. Il n'y a pas de vie, ni de dignité tant qu'Al Aqsa est salie par les juifs, où paradent les plus vils des hommes. Ce ne sont même pas des êtres humains et ce ne sont même pas des hommes pour vivre tant que nous sommes ici » ; que, pendant l'émission On te demande diffusée le 31 mars 2010, toute atteinte à la mosquée d'Al Aqsa a été présentée comme « un motif légal [...] pour tuer tout sioniste, là où il se trouve » ; qu'au cours de la même émission, il a été affirmé que les juifs accompliraient des meurtres rituels lors des fêtes de Pâque afin de recueillir du sang, notamment de chrétiens, destiné à la fabrication de pain azyme ; que, pris dans leur ensemble, ces programmes s'inscrivaient dans une perspective militante antisémite ; que leur diffusion a constitué un manquement aux articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 en ce qu'ils ont porté atteinte à la dignité de la personne humaine et étaient susceptibles d'inciter à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité ;

Considérant que la diffusion par la société Eutelsat du service de télévision Al Aqsa étant ainsi contraire aux dispositions des articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986, il y a lieu de lui adresser la présente mise en demeure ;

Après en avoir délibéré,

Décide :

Article 1

La société Eutelsat est mise en demeure de cesser, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, la diffusion du service Al Aqsa.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société Eutelsat et publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 8 juin 2010.

Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :

Le président,

M. Boyon