I. - EXPOSÉ DES FAITS
1.1. Présentation de Mobius
Mobius précise, d'une part, que depuis le mois d'août 2000, elle propose des services d'accès sécurisé haut débit à internet aux professionnels de la Réunion, d'autre part, qu'elle est le premier fournisseur d'accès à internet (FAI) à proposer des connexions SDSL puis GSHDSL normalisées ETSI.
Mobius indique que les transmissions sur le segment de la boucle locale sont assurées via des paires de cuivre nues et dédiées louées à France Télécom, raccordées chez le client au moyen d'un équipement routeur fourni par Mobius et au point de concentration Mobius à ses propres châssis DSLAM concentrateurs d'accès. Mobius souligne que depuis juillet 2003 elle tente de parvenir à un accord d'accès à la boucle locale de France Télécom correspondant à l'architecture actuelle de son réseau et non à la convention type de dégroupage proposée par France Télécom.
1.2. Présentation du réseau de Mobius
Mobius précise que, pour raccorder ses clients à ses Points de Présence Opérateurs (POPs), elle utilise la technologie G.SHDSL. Mobius indique qu'elle a débuté la commercialisation de ses services en 2002 et qu'elle a déployé son activité au moyen de liaisons analogiques dites « LLA M1040 », louées à France Télécom en continuité métallique pour raccorder les locaux de ses clients à son POP le plus proche. Mobius rappelle qu'une LLA M1040 de France Télécom, en continuité métallique, est composée de deux extrémités :
- la première reliant le local du client de Mobius au répartiteur de France Télécom ;
- la seconde reliant ce même répartiteur au POP de Mobius.
Ces deux extrémités sont reliées entre elles par une jarretière installée par France Télécom dans son répartiteur pour assurer la continuité métallique ; France Télécom utilise cette technologie pour ses propres clients.
Sur les demi-liaisons Transfix :
Mobius indique qu'elle fournit ses services en utilisant des liaisons Transfix louées à France Télécom ou le réseau commuté avec, au choix des clients, la technologie RTC ou RNIS ; Mobius dispose de serveurs d'accès distants capables de recevoir et de traiter ces appels.
Sur la collecte du trafic RNIS et RTC :
Mobius souligne que ses clients nomades se connectent à son réseau au moyen des technologies RNIS ou RTC en utilisant le réseau de France Télécom et en ayant à leur charge de payer les communications à France Télécom au tarif public.
Sur l'interconnexion des POPs de Mobius :
Mobius rappelle que son réseau comprend 14 points de concentration situés à proximité des concentrateurs de France Télécom et reliés entre eux par un maillage de liaisons spécialisées numériques (Transfix 2Mb/s) aussi louées à France Télécom.
Mobius indique qu'elle collabore au projet « Gazelle » que développent EDF et le conseil régional de la Réunion qui permettra aux opérateurs alternatifs de disposer d'un réseau backbone en fibre optique, indépendant du réseau de France Télécom, reliant entre eux tous les POPs de Mobius à compter de 2005.
Encapsulage, analyse et qualification du trafic :
Mobius souligne que l'ensemble du trafic TCP/IP collecté dans les points de concentration au moyen de châssis DSLAM est routé au sein de son réseau privé, toutes les informations relatives à internet transitent par le coeur du réseau Mobius : sa salle blanche principale. Mobius précise que cette salle abrite de nombreux matériels interconnectés grâce auxquels elle gère la fourniture du haut débit à ses clients et leur apporte une sécurisation optimale. Mobius indique qu'elle a dupliqué ses principaux équipements dans un local de secours situé dans un lieu géographique distinct et équipé d'un second accès à internet afin d'assurer une continuité dans la fourniture de ses services.
La remontée du trafic vers internet :
Mobius précise que, lorsque le trafic internet est collecté de ses clients vers son réseau, elle doit basculer celui-ci sur le réseau mondial internet. Pour ce faire, Mobius doit avoir recours à une offre de transport de données longue distance lui permettant d'acheminer le trafic de données de son point de concentration situé à la Réunion via une offre spécifique au transit IP ou via une liaison louée longue distance. Mobius rappelle que ce trafic est livré en métropole puis relié à internet mondial par Transpac, filiale de France Télécom.
1.3. Le rôle du groupe France Télécom à la Réunion
Mobius précise que France Télécom intervient à la Réunion sur le marché des communications fixes de détail, sur le marché de la téléphonie et celui des liaisons spécialisées et qu'elle détient une position quasi monopolistique sur ces marchés.
Mobius indique que, concernant le marché de l'accès à internet à la Réunion, mi-2002, France Télécom, via Wanadoo, avait conquis 50 000 clients internet pour son accès bas débit, soit environ 90 % du marché et plus de 5 000 abonnés ADSL représentant 97 % de part de marché d'accès à internet haut débit.
Mobius précise que, s'agissant du marché de gros, notamment les prestations proposées aux FAIs et opérateurs se développant dans le secteur de l'internet, France Télécom propose plusieurs solutions.
Mobius rappelle qu'avant le mois de juin 2002 France Télécom fournissait ses offres de transport longue distance à partir de segments satellitaires et qu'aujourd'hui la majorité de ces offres empruntent l'infrastructure du câble sous-marin SAT-3/WASC/SAFE.
Mobius souligne que, malgré les annonces contraires faites par France Télécom en juin 2002, celle-ci n'a pas révisé ses offres de gros pour les opérateurs alternatifs et FAI afin de prendre en compte la mise en place de ce câble sous-marin. Mobius indique qu'elle a dû entamer des négociations commerciales avec France Télécom afin d'obtenir une baisse sensible des tarifs de cette dernière et des engagements de qualité de service correspondant à la nouvelle architecture technique d'acheminement des données via un câble sous-marin.
1.4. Sur l'échec des négociations
Mobius rappelle que, dans un courrier en date du 11 juillet 2003, elle demandait à France Télécom l'ouverture d'une négociation commerciale faisant suite à la mise en service du câble SAFE à la Réunion depuis un an afin d'obtenir un certain nombre d'offres de prestations.
Dans un courrier en date du 29 juillet 2003, France Télécom indiquait que certaines des prestations demandées relevaient de l'interconnexion et étaient réservées à des opérateurs de réseaux, et renvoyait pour les prestations de nature commerciale à l'agence commerciale de la Réunion.
Dans un courrier en date du 2 septembre 2003, Mobius insistait auprès de France Télécom pour disposer, dans un délai de quinze jours, de propositions précisant les prestations sur lesquelles elle souhaitait obtenir une offre et donnait une prévision de ses besoins en capacité jusqu'en 2006.
Mobius indique que France Télécom, dans un courrier en date du 24 septembre 2003, lui demandait de préciser si ses besoins en termes de transit IP relevaient de la mise en place de réseaux privés virtuels IP avec des partenaires ou de connectivité internet générale.
Dans un courrier en date du 8 octobre 2003, France Télécom lui adressait une proposition limitée aux offres suivantes :
- une solution de transit IP international sans accès au point de présence de la Réunion, c'est-à-dire avec un passage obligé par la métropole pour chaque communication, fût-elle locale ;
- des liaisons louées point à point en circuit complet de 2,34 et 45 Mbit/s entre le POP de Mobius de la Réunion et celui de Paris.
Dans un courrier en date du 4 novembre 2003, Mobius précise qu'après avoir étudié les aspects techniques et tarifaires des offres faites par France Télécom, elle lui faisait part de sa déception sur la proposition et lui demandait d'apporter des modifications, notamment qu'elle :
- revienne sur son refus de négocier pour les demandes relatives à des circuits complets de la Réunion vers l'Afrique du Sud, l'Inde et l'île Maurice et au titre des IRU ;
- accepte de modifier l'architecture de son offre de transit IP afin de fournir une proposition de transit IP à partir d'un POP IP situé à la Réunion ;
- accepte, tant pour le transit IP que pour les liaisons louées, le principe d'un prix au mégabit qui soit environ dix fois inférieur au tarif demandé, ainsi qu'un tarif réellement orienté vers les coûts pour les FAS.
Mobius souligne que depuis le 4 novembre 2003, France Télécom n'a pas modifié ses offres et s'est contentée de lui faire parvenir, par un courrier en date du 23 décembre 2003, ses tarifs d'IRU en demi-circuit sur l'Afrique du Sud, l'Inde et l'île Maurice. Au vu de cet échec des négociations, Mobius a saisi l'Autorité.
II. - EXPOSÉ DES MOYENS
Mobius rappelle que les prestations qu'elle demande relèvent de l'interconnexion ou/et des prestations d'accès au réseau de France Télécom au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications. C'est dans ce cadre que Mobius a saisi l'Autorité afin qu'elle précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier devant s'appliquer à ces prestations.
2.1. Les demandes de Mobius sont légitimes et justifiées
Mobius indique que les câbles sous-marins sont adaptés à des transmissions point à point, tandis que les satellites répondent mieux à des besoins de communication point multipoint. Les capacités disponibles sur ces câbles sous-marins se mesurent en Gbit/s ou en Tbit/s plutôt qu'en Mbit/s pour les satellites. Mobius rappelle que le temps de propagation qui est cinq à six fois plus rapide sur le câble et la montée en débit qui est immédiate rendent cette technologie apte à répondre aux besoins d'acheminement des services d'accès à internet haut débit, notamment à la Réunion.
Sur l'offre de transit IP avec un point de présence local à la Réunion :
Mobius considère que cette prestation répond à ses besoins à court terme pour les raisons suivantes :
- un échange local de données entre les abonnés Wanadoo et des sites hébergés par Mobius resterait local sans que les informations aient à faire un aller-retour inutile par la métropole, ce qui représente un gain important pour la qualité de service et de coût ;
- les capacités utilisées pourraient être mutualisées et bénéficier des créneaux horaires et des capacités libres abaissant ainsi les coûts de production pour l'acheminement de transit IP ;
- une offre d'hébergement de sites web à destination des clients réunionnais par Mobius pourrait être développée dans de meilleures conditions techniques.
Sur les demandes de liaisons louées :
Mobius estime que cette prestation permet de répondre à ses besoins :
- les liaisons louées permettent d'acheminer le trafic de Mobius vers le réseau mondial, via des prestataires de transit IP de son choix et sans recourir à l'offre de transit IP de France Télécom ;
- les liaisons louées permettent de se relier au réseau internet mondial, via les points de la zone et les fournisseurs compétitifs.
Sur la demande d'IRU :
Mobius indique que cette prestation ne répond pas à ses besoins à court terme, mais elle souhaite en connaître les modalités dans le cadre du développement de ses activités à moyen terme et afin de lui permettre d'apprécier son intérêt à basculer vers une telle offre et d'apprécier les durées d'engagement auxquelles elle peut souscrire pour les solutions répondant à ses besoins à court terme.
Sur la demande de demi-circuits :
Mobius considère que ces offres permettraient de choisir sur quel segment de transport il est préférable d'utiliser France Télécom ou un autre opérateur.
2.2. France Télécom dispose de la capacité
de satisfaire les demandes de Mobius
Mobius estime que France Télécom dispose de la capacité à satisfaire ses demandes, puisqu'elle dispose de 15 % des capacités globales du câble mis en service au milieu de l'année 2002.
S'agissant de l'ouverture du POP à la Réunion, Mobius considère que ce POP est déjà ouvert au bénéfice de Wanadoo, Transpac et d'autres filiales de France Télécom et il n'y a pas de raison de ne pas mettre cet équipement à disposition d'autres FAI indépendamment de l'usage ou non des prestations de France Télécom sur la partie boucle locale, comme c'est le cas en Martinique pour son offre Opentransit IP, qui comprend l'accès à un POP IP local ouvert pour Wanadoo et pour les autres FAI.
Mobius souhaite donc que France Télécom revoie les conditions de son offre Opentransit IP afin d'ouvrir au bénéfice de Mobius l'accès à un POP IP situé à la Réunion à un tarif orienté vers les coûts et dans des conditions non discriminatoires par rapport à celles faites à Wanadoo.
2.3. Les tarifs de France Télécom
ne sont pas orientés vers les coûts
Les principes devant être respectés dans la fixation des tarifs de France Télécom :
Mobius indique que France Télécom est tenue de justifier que chacun des tarifs proposés respecte le principe d'orientation vers les coûts, conformément à l'article 7-2 de la directive 97/33/CE « Interconnexion » et à l'article 13-3 de la directive 2002/19/CE « Accès ».
Mobius constate qu'au cas d'espèce, France Télécom n'a fourni aucun élément attestant de ses coûts.
Elle précise qu'à défaut de fournir de tels éléments dans le cadre du présent litige, l'Autorité pourra légitimement se fonder sur les éléments de comparaison et sur les différentes incohérences entre les tarifs de France Télécom pour imposer à cette dernière de réduire ses tarifs, conformément aux demandes présentées par Mobius.
Mobius rappelle que, dans la perspective de la production par France Télécom de ses coûts, ceux-ci doivent être examinés à l'aune de la méthode des coûts moyens incrémentaux à long terme désignée « CMILT ». Elle estime que cette méthode présente l'avantage de favoriser la dynamique du marché de l'internet, qui connaît une grande élasticité aux prix et qui peut, à la Réunion, connaître une croissance rapide et soutenue si les prix d'accès au service internet à haut débit diminuent rapidement.
Sur le caractère exorbitant des coûts de France Télécom :
Afin de démontrer le caractère exorbitant des coûts, Mobius a comparé les tarifs proposés par France Télécom à ceux pratiqués, tant par France Télécom que par d'autres acteurs (Mauritius Télécom, Flag Télécom), pour des prestations analogues dans d'autres zones que la Réunion.
En outre, Mobius indique qu'elle observe des incohérences de tarifs de la proposition faite par France Télécom attestant de leur caractère non orienté vers les coûts, tant au regard des tarifs de détail pratiqués par France Télécom, qu'en fonction des différences de tarifs selon le volume commandé à France Télécom et les distances parcourues.
Des incohérences au regard des tarifs de détail
Mobius estime que la proposition de France Télécom, s'agissant des FAS tant de l'offre de transit IP que pour les liaisons louées est identique aux FAS facturés à des clients finals non opérateurs, via l'offre commerciale de France Télécom et sont donc loin d'être orientées vers les coûts. Elle précise que l'offre faite à Mobius, pour les liaisons louées, comporte des FAS de 4 400 EUR pour une liaison louée 2 Mbits/s, prix pratiqués aux usagers finals alors que le catalogue d'interconnexion prévoit des FAS d'un montant de 832,80 EUR pour une même liaison, soit plus de 5 fois inférieur.
Mobius demande à l'Autorité de dire que le tarif des FAS applicables tant à l'offre de liaison louée qu'à l'offre de transit IP devra être égal au tarif des FAS des liaisons louées tel que figurant dans le catalogue d'interconnexion en cours.
Des incohérences au regard des volumes
Mobius indique que l'achat et la mise en service de capacités sur le câble sous-marin se fait au niveau d'affluents E3/DS3 ou STM1 mais que le taux de remplissage de telles capacités est toujours élevé. Le niveau de sur cote pour un lien de faible capacité ne devrait donc pas excéder 10 % dans le cadre d'une orientation vers les coûts ; or les chiffres proposés par France Télécom sont bien différents.
En outre, Mobius estime qu'il y a des incohérences au regard des distances.
Dans ces conditions, Mobius considère que ces multiples incohérences confirment que les tarifs proposés par France Télécom ne sont pas orientés vers les coûts et Mobius est dès lors légitime à solliciter que l'Autorité fixe les tarifs de France Télécom selon ses propositions.
2.4. Sur le respect du principe de non-discrimination
Mobius, se fondant sur l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications et les directives n° 97/33 et n° 2002/19, considère que France Télécom est tenue de lui offrir des services d'accès dans des conditions non-discriminatoires, notamment par rapport à celles consenties à d'autres entités du groupe France Télécom, telles que Wanadoo.
Or, Mobius constate les éléments suivants dans les prestations liées au transit IP :
- les échanges entre Wanadoo et Transpac se font localement, ce qui implique que Wanadoo ne soit pas client de l'offre « collecte IP/ADSL nationale y compris DOM » mais d'une offre de collecte IP/ADSL régionale ;
- les tarifs des offres de transit Oléane, Opentransit et des liaisons louées vers la métropole proposées par France Télécom à la Réunion sont incompatibles avec les tarifs au client final pratiqués par Wanadoo.
Ainsi, Mobius demande à l'Autorité de veiller à ce qu'elle puisse bénéficier d'offres qui ne soient pas moins favorables que celles dont bénéficient les filiales de France Télécom, tant en termes de solutions techniques mises en oeuvre, que de tarifs. Il appartiendra donc à l'Autorité de demander à France Télécom communication de la convention la liant à Wanadoo, Equant et Transpac.
Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 13 janvier 2004, communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;
Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique, en date du 23 janvier 2004, adressant un questionnaire aux parties et fixant au 12 février 2004 la date de clôture de remise des réponses ;
Vu les observations en défense enregistrées le 4 février 2004 présentées par la société France Télécom, RCS Paris n° 380 129 866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, secrétaire général ;
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