JORF n°0085 du 11 avril 2013

Décision du 5 novembre 2012

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 21 janvier 2011, sous le numéro 21-38-11, présentée par la société Energie Solaire Investissement, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Toulouse sous le numéro B 531 230 530, dont le siège social est situé 13, rue Paul-Gauguin, 31100 Toulouse, représentée par son gérant, M. Patrick DUMAS, ayant pour avocat Me Rémi ANTOMARCHI, cabinet Abati Antomarchi, 1, rue André-Colledeboeuf, 75016 Paris.

La société Energie Solaire Investissement (ci-après désignée « ESI ») a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que la société ESI développe un projet de centrale photovoltaïque, dénommé « SCI Amica », d'une puissance de production maximale de 80 kW, sur le territoire de la commune de Perpignan (Pyrénées-Orientales). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

Le 31 août 2010, la société Neasol, agissant pour le compte de la société ESI, a adressé une demande de raccordement auprès de la société ERDF pour le projet de centrale photovoltaïque.

Le 13 septembre 2010, la société ERDF a notifié à la société Neasol son refus d'instruire sa demande, au motif que le dossier était incomplet pour défaut de mention du numéro SIRET, appuyant sa réponse d'un constat d'huissier.

Le 8 octobre 2010, le conseil de la société ESI a saisi la société ERDF d'une mise en demeure de confirmer la complétude du dossier de raccordement sous un délai de huit jours.

Le 18 octobre 2010, la société ERDF a retourné la demande de raccordement à la société Neasol au motif qu'elle était toujours incomplète.

Le 25 novembre 2010, la société ERDF a confirmé au conseil de la société ESI que le champ relatif au numéro de SIRET était un champ à préciser obligatoirement pour considérer un dossier comme complet.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société ESI a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.

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Dans ses observations, la société ESI soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du non-respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement et des conséquences qui en découlent pour le raccordement au réseau public de distribution de son installation de production, car d'une part, le différend oppose un gestionnaire de réseau de distribution à un utilisateur de ce réseau et, d'autre part, le litige porte sur l'accès audit réseau.

Elle estime que la société ERDF n'a respecté ni les textes légaux et réglementaires applicables aux demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité, ni sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement.

La société ESI affirme ainsi que la société ERDF devait, en application de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui devenu l'article L. 111-93 du code de l'énergie), justifier son refus de délivrer une proposition technique et financière, par des impératifs liés à l'accomplissement d'une mission de service public ou par des motifs tenant à la sécurité, la sûreté ou la qualité de fonctionnement des réseaux. Elle ajoute que la production d'un numéro SIRET ne saurait constituer l'un de ces motifs et que, par conséquent, sa demande ne peut être considérée comme incomplète.

Elle soutient, également, que, selon la délibération de la Commission de régulation de l'énergie en date du 11 juin 2009, le gestionnaire de réseau public doit garantir un accès efficace à ce réseau, sans exiger de conditions particulières au demandeur de la proposition de raccordement.

La société ESI considère, ainsi, que la société ERDF a fait preuve de discrimination dans le traitement de sa demande de raccordement, la production d'un numéro SIRET comme critère d'acceptation n'étant prévue par aucun texte législatif ou règlementaire.

Elle ajoute que le refus de la société ERDF de considérer sa demande de raccordement comme complète du seul fait que la société soit en formation et ne dispose, donc, pas de numéro SIRET, revient à nier le droit pour le représentant légal de cette société de s'engager en son nom et ce en violation des articles 1843 du code civil et L. 210-6 du code de commerce.

La société ESI demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :

― mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence et à ses propres constatations ;

Par conséquent :

― déclarer le dossier déposé par la société ESI complet au 31 août 2010 ;

― fournir une proposition technique et financière dans les plus brefs délais, cette dernière devant être réputée comme ayant été adressée au plus tard le 30 novembre 2010 ;

― en cas d'acceptation de la proposition technique et financière dès réception, la société ERDF ne pourra opposer les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ayant suspendu les demandes de contrat d'achat, puisque le retard dans l'envoi de la proposition technique et financière relève uniquement d'un rejet irrégulier de la demande de raccordement pourtant complète et ce sur la base d'un critère inexistant et juridiquement inopérant.

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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la demande jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

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Vu la lettre du directeur, adjoint au directeur général, du 9 août 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 18 septembre 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocat Me Romain GRANJON, cabinet Adamas, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.

La société ERDF soutient que les demandes de la société ESI tendant à ce que la société ERDF écarte les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne pourront qu'être rejetées dès lors que la puissance de l'installation est supérieure à 3 kVA et que la société n'a pas renvoyé la proposition technique et financière acceptée avant le 2 décembre 2010.

Elle ajoute que le comité de règlement des différends et des sanctions, tirant les conséquences de la décision du Conseil d'Etat sur la légalité dudit décret, a d'ailleurs rejeté de telles demandes dans une décision du 21 mars 2012.

La société ERDF ajoute, qu'en tout état de cause, le dossier de la société ESI était incomplet dès lors que le formulaire de la demande de raccordement ne comportait pas le numéro SIRET de la société et que ce dernier ne pouvait, donc, faire l'objet d'une attestation de complétude de la part de la société ERDF au 31 août 2010.

La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des prétentions de la société ESI.

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Vu la mesure d'instruction du 12 octobre 2012, par laquelle le rapporteur, chargé de l'instruction du dossier, a demandé à la société ESI de produire les statuts de la société signés le 20 août 2010.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce, ensemble l'article 1843 du code civil ;

Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;

Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 21 janvier 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 21-38-11 ;

Vu la décision du 18 mars 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la commission de régulation de l'énergie, relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par la société Energie Solaire Investissement ;

Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terres et autres.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 5 novembre 2012, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Pierre-François RACINE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :

M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant la directeur général empêché ;

M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur adjoint ;

Me Rémi ANTOMARCHI, pour la société ESI ;

Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Gaëlle COGNET.

Après avoir entendu :

― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

― les observations de Me Rémi ANTOMARCHI pour la société ESI ; la société ESI persiste dans ses moyens et conclusions ;

― les observations de Me Gaëlle COGNET pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 5 novembre 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur la recevabilité de la demande de la société ESI :

En l'absence de la communication des statuts ou de tout autre acte donnant mandat à l'un des associés ou au gérant non associé de prendre des engagements pour le compte de la société ESI alors en cours d'immatriculation, il n'est pas établi que la demande de raccordement faite auprès de la société ERDF, le 31 août 2010, ait été faite par une personne habilitée, en sorte que l'immatriculation, intervenue le 24 mars 2011, ne peut être interprétée comme valant reprise de cette demande.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que la société ERDF a refusé d'instruire la demande de raccordement.

Au surplus, un même raisonnement vaut pour la demande de règlement de différend.

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Décide :

Article 1

Les demandes de la société Energie Solaire Investissement sont rejetées.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société Energie Solaire Investissement et à la société Electricité Réseau Distribution France et sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 5 novembre 2012.

Pour le comité de règlement

des différends et des sanctions :

Le président,

P.-F. Racine