JORF n°0303 du 31 décembre 2019

Décision du 30 septembre 2019

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R. 2141-23, et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision n° 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 30 mars 2019 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Equipe 1231, centre hospitalier universitaire de Dijon Bourgogne) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur l'embryon ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 4 juin 2019 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 10 et 25 juin 2019 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 18 septembre 2019 ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que le projet sera réalisé par un ingénieur de recherches auquel se joindra un étudiant post-doctorant ; que le professeur Patricia Fauque, qui dirige le projet, ainsi que deux autres biologistes participent au projet à temps partiel ; que l'équipe de recherche est très compétente et collaborera avec l'équipe de Déborah Bourc'his ;

Considérant que le programme s'inscrit dans la continuité des travaux menés par l'équipe de Patricia Fauque dans le cadre d'une autorisation délivrée en 2016 par l'Agence de la biomédecine après avis de son conseil d'orientation ;

Considérant que le protocole de recherche a pour finalité d'étudier la possibilité que les techniques d'assistance médicale à la procréation (AMP) aient un retentissement sur la reprogrammation épigénétique qui a lieu au cours du développement embryonnaire précoce ; qu'au cours de cette période, des remaniements épigénétiques majeurs touchent la méthylation de l'ADN (contrôlant l'expression de certains gènes), la régulation des séquences transposables (séquences mobiles endogènes disséminées dans le génome et qui modulent l'organisation et l'expression des gènes) et surtout leur inactivité, ou encore l'empreinte parentale (qui désigne le marquage épigénétique différentiel des génomes du spermatozoïde et de l'ovocyte) ; que plusieurs arguments indiquent que l'AMP est susceptible de modifier ces remaniements, avec pour conséquence un possible effet délétère non seulement sur l'implantation et le développement de l'enfant, mais également sur sa santé future ; que le profil épigénétique est en effet différent chez des enfants nés après AMP et après une grossesse naturelle, ce qui pourrait entraîner une susceptibilité accrue à certaines maladies, en particulier métaboliques, la sensibilité épigénétique propre à cette période, y compris lors des grossesses naturelles (influence bien connue des régimes alimentaires maternels) étant aujourd'hui connue ;

Considérant qu'un autre exemple documenté des effets de l'AMP est la proportion exagérée de patients nés par une procédure d'AMP et qui sont atteints de « maladies de l'empreinte parentale » comme le syndrome de Beckwith-Widemann ; que cette variabilité épigénétique après fécondation in vitro (FIV) a été décrite à de nombreuses reprises dans les modèles murin et bovin et le milieu de culture des embryons est un des facteurs susceptibles d'influencer ces modifications ;

Considérant qu'il apparaît donc essentiel, aujourd'hui que les techniques le permettent, d'aborder expérimentalement cette relation entre modifications épigénétiques et développement embryonnaire après procédure d'AMP ;

Considérant que l'équipe de recherche définit dans son protocole trois objectifs : connaître l'impact de la composition du milieu de culture, connaître la variabilité épigénétique intercellulaire au sein d'un même embryon et relier l'intégrité épigénétique et la « qualité » embryonnaire ; que, pour répondre à ces questions, la démarche expérimentale (commune aux trois objectifs) sera fondée sur l'analyse conjointe du transcriptome (séquençage de l'ARN) et du méthylome (analyse des zones de méthylations de l'ADN) à l'échelle globale du génome afin de déterminer non seulement les modifications épigénétiques, mais aussi leur conséquence sur l'expression des gènes ; que les analyses seront faites à la fois sur embryon total, mais aussi sur cellule unique ; qu'il apparaît en effet important de déterminer le degré de variabilité d'une cellule à une autre dans l'embryon précoce ; que l'analyse de la méthylation et le séquençage haut débit (RNA-Seq) sont très précisément décrits, et la hiérarchie des expériences est elle aussi bien précisée ;

Considérant que les embryons utilisés dans le cadre du projet de recherche ont été conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation et sont dépourvus de projet parental ; que l'équipe fournit à l'appui de sa demande des éléments attestant du respect des dispositions législatives applicables en la matière ; que le consentement des couples sera recueilli conformément aux dispositions des articles L. 2141-1 et suivants et L. 2151-1 et suivants du code de la santé publique et selon les modèles-types de consentement rédigés par l'Agence de la biomédecine et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ;

Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique sont évidents ; que les données issues de cette recherche pourraient être déterminantes pour la prise en charge des tentatives de fécondation in vitro, en particulier au regard de l'influence du milieu de culture (cela pourrait être l'occasion de définir des biomarqueurs prédictifs) et de l'existence du lien entre la morphologie de l'embryon (seul critère de transfert) et sa capacité de développement ; que le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine souligne en outre qu'il est exceptionnel de pouvoir analyser des embryons d'une cohorte associée à une pathologie liée à l'empreinte et les résultats pourraient ainsi modifier totalement la prise en charge ultérieure des couples concernés (dont les embryons surnuméraires ne sont actuellement pas transférés pour un autre projet parental) ;

Considérant que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces embryons ont été obtenus conformément aux conditions législatives et réglementaires ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à des embryons humains ; que les modèles animaux, petits ou gros mammifères, et en particulier les modèles murins, comportent des divergences quant aux mécanismes mis en œuvre ; qu'ils ne représentent pas une alternative pour ce type de recherche ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Equipe 1231, centre hospitalier universitaire de Dijon Bourgogne, laboratoire de biologie de la reproduction) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude des relations entre l'épigénome et la qualité embryonnaire et le milieu environnemental. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Patricia Fauque.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

A. Courreges