JORF n°0022 du 26 janvier 2017

Décision du 28 novembre 2016

Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 17 février 2016, sous le numéro 02-38-16, présentée par :

- la société Parc éolien du Col de Brugues, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro 493 610 489, dont le siège social est situé 77, allée Kléber, boulevard de Strasbourg, 34000 Montpellier, représentée par son président, M. Bjorn MUMMENTHEY ;
- la société Parc éolien du Mailleul de Lima, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro 493 608 210, dont le siège social est situé 77, allée Kléber, boulevard de Strasbourg, 34000 Montpellier, représentée par son président, M. Bjorn MUMMENTHEY ;
- la société Parc éolien du Viala, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro 493 609 622, dont le siège social est situé 77, allée Kléber, boulevard de Strasbourg, 34000 Montpellier, représentée par son président, M. Bjorn MUMMENTHEY,

et ayant pour avocat Me Paul ELFASSI, BCTG Avocats, 14, avenue Gourgaud, 75017 Paris.
Les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui les oppose à la société ENEDIS, anciennement dénommée Electricité Réseau Distribution France (ERDF), sur les conditions de raccordement de leurs installations de production éoliennes au réseau public de distribution d'électricité.
Il ressort des pièces du dossier que les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala développent trois projets de parcs éoliens, pour une puissance de production unitaire de 11,5 MW, situés sur la commune de Roquefort-des-Corbières (Aude). La société Enedis est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 24 décembre 2008, le préfet de l'Aude a accordé trois permis de construire aux sociétés demanderesses pour l'implantation sur la commune de Roquefort-des-Corbières :

- d'une ferme éolienne composée de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison aux lieux-dits « Col de Brugues, Beiral et Serre Grosse » pour la société Parc éolien du Col de Brugues (PC1132207L0006) ;
- d'une ferme éolienne composée de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison aux lieux-dits « Mailleul de Lima, Chemin de Villesèque et Femme Morte » pour la société Parc éolien du Mailleul de Lima (PC1132207L0007) ;
- d'une ferme éolienne composée de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison aux lieux-dits « Améric et Pincardelles » pour la société Parc éolien du Viala (PC1132207L0008).

Le 2 avril 2010, la société ERDF a communiqué à la société Eurocape New Energy, mandataire des trois sociétés demanderesses, une première proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de production éolienne de la société Parc éolien du Col de Brugues au réseau public de distribution d'électricité.
Le 21 mai 2010, la société ERDF a communiqué à la société Eurocape New Energy une proposition technique et financière modifiée pour le raccordement de cette installation de production éolienne au réseau public de distribution d'électricité.
Le 14 juin 2010, la société ERDF a communiqué à la société Eurocape New Energy une nouvelle proposition technique et financière pour le raccordement mutualisé des trois installations de production éoliennes au réseau public de distribution d'électricité.
Le 16 septembre 2010, la société ERDF a communiqué à la société Eurocape New Energy une proposition technique et financière modifiée pour le raccordement de ces trois installations de production éoliennes au réseau public de distribution d'électricité par trois liaisons souterraines en HTA (respectivement de 2 km, de 5,9 km et de 6,5 km, et avec la réalisation d'une tranchée commune), raccordées sur un nouveau poste source 63/20 kV de 36 MVA.
Cette proposition technique et financière a évalué le montant des travaux de raccordement à 5 238 706,73 € HT et prévoyait une durée de vingt-quatre mois pour la réalisation de ces travaux.
Le 17 septembre 2010, les sociétés demanderesses ont acceptées et signées cette proposition technique et financière.
Le 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les trois arrêtés, en date du 24 décembre 2008, accordant le permis de construire aux trois centrales de production éoliennes.
Le 21 février 2013, la société ERDF a communiqué à la société Eurocape New Energy le compte rendu de leur réunion, en date du 10 janvier 2013, dans lequel il était indiqué que l'« annulation des PC ne suspend pas la procédure ERDF et ne provoque pas la sortie de File d'Attente ».
Le 17 octobre 2014, la société ERDF a communiqué à la société Eurocape New Energy le compte rendu de leur réunion d'avancement des projets avec la société RTE, en date du 9 octobre 2014.
Le 28 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 22 novembre 2012, puis, statuant par la voie de l'évocation, a annulé les trois arrêtés, en date du 24 décembre 2008, accordant le permis de construire aux trois centrales de production éoliennes.
Le 2 décembre 2014, la société Eurocape New Energy a informé, par téléphone, la société ERDF que la cour administrative d'appel de Marseille avait, par un arrêt du 28 novembre 2014, confirmé l'annulation des trois permis de construire.
Le 11 décembre 2014, la société ERDF a indiqué à la société Eurocape New Energy qu'elle était dans l'obligation, en application de l'article 7.3.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement (document ERDF-PRO-RAC_14E) de mettre un terme aux trois demandes de raccordement, de les sortir de la file d'attente et de restituer l'ensemble des capacités d'accueil réservées en date du 28 novembre 2014.
Le 18 décembre 2014, la société Eurocape New Energy a indiqué à la société ERDF que l'annulation des permis de construire n'était pas définitive et que la procédure de sortie des projets de la file d'attente ne pouvait, en conséquence, avoir lieu. Elle a, également, indiqué qu'elle était encore dans les délais d'un éventuel pourvoi en cassation.
Le 8 janvier 2015, la société ERDF a confirmé à la société Eurocape New Energy ne pas pouvoir répondre favorablement à sa demande de maintien en file d'attente.
Le 6 février 2015, la société ERDF a restitué le solde de l'acompte versé lors de l'acceptation de la proposition technique et financière, d'un montant de 145 152,55 euros, après déduction des frais d'étude d'implantation du nouveau poste source (179 400,00 euros).
Le 18 février 2015, le conseil des sociétés demanderesses ont indiqué à la société ERDF que le 2 décembre 2014, elles ont déposé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat à l'encontre de l'arrêt rendu le 28 novembre 2014 et que l'annulation des permis de construire restait contesté devant le juge administratif. Elles ont, également, mis en demeure la société ERDF de réintégrer leurs projets d'installation de production éolienne, sans délai, dans la file d'attente.
Le 26 mars 2015, le conseil de la société ERDF a indiqué au conseil des sociétés demanderesses maintenir la sortie de la file d'attente de raccordement des trois projets des sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala.
Le 10 mai 2015, la société Eurocape New Energy a demandé à la société ERDF les motifs selon lesquels la procédure de traitement des demandes de raccordement ERDF-PRO-RAC_14E serait applicable et les justifications des coûts engagés pour l'« Etude d'implantation du poste source ».
Le 7 juillet 2015, la société ERDF a indiqué à la société Eurocape New Energy que la procédure applicable aux projets était la version ERDF-PRO-RAC_14E, V1.0, en vigueur au moment du dépôt des demandes complètes de raccordement et a rappelé qu'une facture de 179 400,00 euros TTC avait été adressée, le 28 novembre 2014, pour les sommes engagées (études réalisées pour l'implantation d'un nouveau poste source, dont le détail des coûts avait été adressé le 5 février 2015), conformément au paragraphe 7.3.5 de la procédure.
Le 17 juillet 2015, la société Eurocape New Energy a demandé à la société ERDF la raison pour laquelle elle considérait que les demandes de raccordement avaient été déposées le 2 août 2010 et non avant le 28 mai 2010.
Le 21 août 2015, la société ERDF a indiqué à la société Eurocape New Energy que c'était la date du 2 août 2010 qui était enregistrée informatiquement sur la base de données et la date du 28 mai 2010 qui était renseignée sur la version finale de la proposition technique et financière. Elle a, également, indiqué qu'en tout état de cause, la proposition technique et financière avait été élaborée en application de la procédure de traitement des demandes de raccordement ERDF-PRO-RAC_14E (V1) en vigueur à compter du 3 juillet 2010 et conformément à la délibération de la Commission de régulation de l'énergie, du 25 avril 2013.
Estimant que les conditions de raccordement de leurs installations de production éolienne n'étaient pas satisfaisantes, les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui les oppose à la société Enedis.
Le 8 juin 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, en date du 28 novembre 2014, et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Dans leurs observations, les sociétés demanderesses soutiennent que la société Enedis prétend à tort que la procédure ERDF-PRO-RAC_14E serait applicable, que ce soit dans sa version V.4.0, comme affirmé par courrier du 11 décembre 2014 et par courriel du 8 janvier 2015, ou que ce soit dans sa version V.1.0, comme prétendu par courriers du 26 mars 2015, puis du 7 juillet 2015.
Elles affirment que la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 25 avril 2013 est postérieure aux faits de l'espèce et que le comité de règlement des différends et des sanctions applique d'autres règles pour déterminer quelle procédure de traitement des demandes de raccordement est applicable. Elles indiquent que le comité a opéré une distinction sur la procédure à utiliser, « en fonction de la date du dépôt de la demande complète de raccordement ».
Les sociétés demanderesses considèrent que leur demande de raccordement mutualisée a été considérée comme complète à la date du 28 mai 2010, date indiquée dans la proposition technique et financière du 16 septembre 2010, et qu'à cette date et ce jusqu'au 2 juillet 2010, c'était la procédure ERDF-PRO-RES_21E qui était applicable. Elles concluent que la procédure ERDF-PRO-RAC_14E, quelle qu'en soit sa version, est postérieure au dépôt de la demande complète de raccordement et donc nullement applicable en l'espèce.
Elles soutiennent que les conditions posées par l'article 4.10, intitulé « Sortie de la file d'attente », de la procédure ERDF-PRO-RES_21E n'étaient pas réunies et que la décision du 11 décembre 2014 par laquelle la société Enedis a décidé de sortir de la file d'attente les projets est, donc, illégale.
Les sociétés demanderesses indiquent que, jusqu'au 28 novembre 2014, les démarches au titre du raccordement des projets se sont poursuivies sans que l'annulation des permis de construire par le tribunal administratif de Montpellier ne constitue une difficulté pour la société Enedis qui tenait alors compte du fait que le contentieux se poursuivait devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Elles font valoir que la circonstance que l'arrêt du 28 novembre 2014 soit « passé en force de chose jugée » est sans incidence sur le présent litige, car seul le caractère « irrévocable » ou non de cet arrêt détermine si l'annulation des permis de construire est « définitive » ou non. Elles ajoutent que l'annulation des permis de construire reste contestée devant le juge administratif et que le Conseil d'Etat a estimé qu'il y avait lieu de statuer sur le pourvoi en cassation déposé le 2 décembre 2014.
Les sociétés demanderesses demandent au comité de règlement des différends et des sanctions, aux termes de l'article L. 134-20 du code de l'énergie, de prononcer une injonction sous astreinte pour la réintégration des projets éoliens dans la file d'attente.
Les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :

- de constater que la procédure applicable est la procédure ERDF-PRO-RES_21E ;
- d'annuler la décision du 11 décembre 2014 par laquelle la société Enedis a décidé de sortir leurs projets de la file d'attente ;
- d'enjoindre la société Enedis, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la date de notification de la décision à intervenir à la société Enedis, de réintégrer leurs projets éoliens dans la file d'attente, en les traitant comme étant entrés et restés en file d'attente depuis le 28 mai 2010.

Vu les observations en défense, enregistrées le 11 avril 2016, présentées par la société Enedis, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 34, place des Corolles, 92079 Paris La Défense Cedex, représentée par son président du directoire, M. Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocat Me Romain GRANJON, Cabinet ADAMAS, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société Enedis rappelle que la Commission de régulation de l'énergie est venue préciser dans sa délibération du 25 avril 2013 que : « La procédure applicable au traitement d'une demande de raccordement est la procédure en vigueur lors de l'envoi au demandeur, par le gestionnaire de réseaux, d'une proposition technique et financière de raccordement. » Elle indique que la proposition technique et financière acceptées par les sociétés demanderesses a été élaborée le 16 septembre 2010 et qu'à cette date c'était la version V.1.0 de la procédure ERDF-PRO-RAC_14E qui était déjà en vigueur.
Elle soutient, également, que la date de complétude associée à la variante de la proposition technique et financière, acceptée par les requérantes, est le 2 août 2010 et qu'à cette date la procédure ERDF-PRO-RAC_14E était, également, applicable.
La société Enedis indique que le comité de règlement des différends et des sanctions et la cour d'appel de Paris ont déduit des procédures ERDF-PRO-RES_21E et ERDF-PRO-RAC_14E que le maintien d'un projet en file d'attente était subordonné à l'existence de l'autorisation d'urbanisme. Elle ajoute qu'à compter de la procédure ERDF-PRO-RAC_14E, elle a explicité ce principe dans un paragraphe 7.3.2 relatif à la restitution des capacités d'accueil qui prévoit que : « La capacité d'accueil est remise à disposition d'autres projets […] en cas d'annulation de l'autorisation d'urbanisme ou de l'autorisation administrative. »
Elle soutient que depuis l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Montpellier, le 22 novembre 2012, les sociétés demanderesses ne disposent plus de l'autorisation d'urbanisme ayant permis leur entrée en file d'attente de raccordement. Elle ajoute qu'elle a procédé aux retraits des projets de la file d'attente, en considérant que la décision de la cour administrative d'appel de Marseille, du 28 novembre 2014, passée en force de chose jugée avait clos le litige devant les juges du fond et qu'en conséquence, ils ne présentaient plus de perspective avérée de réalisation.
La société Enedis considère, enfin, que la circonstance qu'elle a accepté d'attendre les suites de leur recours en appel ne leur a nullement conféré un droit acquis à la réservation des capacités d'accueil sur le réseau, jusqu'à l'épuisement de toutes les voies de recours envisageables.
La société Enedis demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des demandes des sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala.

Vu les observations en réplique, enregistrées le 13 mai 2016, présentées par les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala.
Les sociétés demanderesses affirment que leur demande de raccordement mutualisé a été considérée comme complète le 28 mai 2010 et qu'il est constant que la procédure ERDF-PRO-RES_21E était applicable et ce jusqu'au 2 juillet 2010.
Elles soutiennent que la procédure ERDF-PRO-RAC_14E, quelle qu'en soit la version, est postérieure au dépôt de la demande de raccordement et donc nullement applicable en l'espèce.
Les sociétés demanderesses indiquent que le Conseil d'Etat a estimé qu'il y avait lieu de statuer sur le pourvoi à la suite de la procédure d'admission, mais encore, lors d'une séance de jugement du 12 mai 2016, que le rapporteur public devant le Conseil d'Etat avait admis le bien-fondé de cette contestation. Elle conclut que l'annulation des permis de construire n'est donc pas définitive et que la société Enedis ne peut pas faire abstraction de l'ensemble de ces circonstances de fait et de droit.
Les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala persistent, par conséquent, dans leurs précédentes conclusions.

Vu la nouvelle pièce, enregistrée le 15 juin 2016, présentée par les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala.
Les sociétés demanderesses ont communiqué au comité de règlement des différends et des sanctions la décision du Conseil d'Etat n° 387593, en date du 8 juin 2016, annulant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, en date du 28 novembre 2014, et renvoyant l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Vu les observations en duplique, enregistrées le 20 juin 2016, présentées par la société Enedis.
La société Enedis rappelle que les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme interdisent le raccordement de constructions qui ne sont pas légalement autorisées. Elle ajoute que ces dispositions s'imposent fermement aux gestionnaires de réseaux, comme au comité de règlement des différends et des sanctions. Elle conclut que le respect de cette interdiction de raccordement s'impose indifféremment aux projets en cours d'instruction ou en file d'attente de raccordement et qu'il conditionne l'entrée comme le maintien dans celle-ci.
Elle soutient que quels que soient son motif et la date de sa survenance, le défaut de permis de construire doit exclure le projet de la file d'attente de raccordement. Elle indique que le comité de règlement des différends et des sanctions a rappelé cette exigence dans deux décisions du 6 février 2013, société Folelli c./EDF (RD n° 25-38-12) et société Corsoleil c./EDF (RD n° 26-38-12), en indiquant que :

- les producteurs doivent justifier de la détention de l'autorisation d'urbanisme requises pour la réalisation des « constructions indispensables au fonctionnement même des installations de production d'électricité » ;
- à défaut de telles autorisation, les projets doivent être « regardés comme n'étant jamais entrés en file d'attente » ;
- et la « circonstance que par l'effet des annulations, successivement prononcées par le tribunal administratif […], des refus de permis de construire, l'autorité administrative s'est trouvée à nouveau saisie de la demande initiale de permis de construire, n'est pas de nature à faire regarder comme régulière une inscription en file d'attente » antérieure à la date d'obtention des permis.

La société Enedis indique que les impacts d'une annulation de l'autorisation d'urbanisme requise pour l'entrée en file d'attente sont expressément mentionnés dans le paragraphe 7.3.2 de sa procédure ERDF-PRO-RAC_14E, relatif à la restitution des capacités d'accueil : « La capacité d'accueil est remise à disposition d'autres projets […] en cas d'annulation de l'autorisation d'urbanisme ou de l'autorisation administrative. »
Elle soutient que, depuis le 22 novembre 2012, les projets des requérantes demeurent dépourvus de l'autorisation d'urbanisme requise, tant par l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme que par sa procédure de traitement des demandes de raccordement, qu'ils ne sont plus légalement autorisés et que les procédures contentieuses qu'elles mènent depuis cette date sont loin d'être abouties.
La société Enedis persiste, par conséquent, dans ses précédentes conclusions.

Vu les nouvelles observations, enregistrées le 29 juillet 2016, présentées par la société Enedis.
La société Enedis soutient que l'annulation prononcée par le tribunal administratif, le 22 novembre 2012, et confirmée en appel a suffi à justifier le retrait de la file d'attente des projets des requérantes, ceux-ci ne disposant plus de l'autorisation d'urbanisme requise, tant par l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme que par sa procédure de traitement des demandes de raccordement, pour pouvoir être raccordés.
La société Enedis persiste, par conséquent, dans ses précédentes conclusions.

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, et R. 134-7 et suivants ;
Vu la décision du 11 juin 2009 de la Commission de régulation de l'énergie, sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en œuvre ;
Vu la décision du 11 mars 2015, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 17 février 2016 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 02-38-16 ;
Vu la décision du 14 avril 2016 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala ;
Vu la décision du 2 novembre 2016 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, fixant la date de clôture de l'instruction relative au différend qui oppose les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala à la société Enedis.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 28 novembre 2016, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, M. Claude GRELLIER, M. Lionel GUERIN et M. Denis RAPONE, membres, en présence de :
Mme Alexandra BONHOMME, directrice juridique et représentant le directeur général empêché,
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur,
Me Jean-Luc HECKENROTH pour les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala,
Les représentants de la société Enedis, assistés de Me Gaëlle EZAN.
Après avoir entendu :

- le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Jean-Luc HECKENROTH, pour les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala ; les Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala persistent dans leurs moyen et conclusions ;
- les observations de Me Gaëlle EZAN pour la société Enedis ; la société Enedis persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 28 novembre 2016, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Les sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala demandent au comité de règlement des différends et des sanctions.

- de constater que la procédure applicable est la procédure ERDF-PRO-RES_21E ;
- d'annuler la décision du 11 décembre 2014 par laquelle la société Enedis a décidé de sortir leurs projets de la file d'attente ;
- d'enjoindre à la société Enedis, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la date de notification de la décision à intervenir à la société Enedis, de réintégrer leurs projets éoliens dans la file d'attente, en les traitant comme étant entrés et restés en file d'attente depuis le 28 mai 2010.

La société Enedis soutient que l'annulation prononcée par le tribunal administratif, le 22 novembre 2012, et confirmée en appel a suffi à justifier le retrait de la file d'attente des projets des requérantes, ceux-ci ne disposant plus de l'autorisation d'urbanisme requise, tant par l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme que par sa procédure de traitement des demandes de raccordement, pour pouvoir être raccordés.
Sur la procédure de traitement des demandes de raccordement applicable aux projets des sociétés demanderesses
En application de l'article L. 322-8 du code de l'énergie, le « gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies :
1° De définir et de mettre en œuvre les politiques d'investissement et de développement des réseaux de distribution afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs ainsi que l'interconnexion avec d'autres réseaux ; […]
4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux ;
5° De fournir aux utilisateurs des réseaux les informations nécessaires à un accès efficace aux réseaux, sous réserve des informations protégées par des dispositions législatives ou réglementaires ; […] ».
Pour répondre à ces exigences, l'ensemble des règles appliquées par le gestionnaire de réseaux publics de distribution d'électricité, et notamment la procédure de traitement des demandes de raccordement applicable au projet du demandeur, doivent être portées à la connaissance des utilisateurs de ces réseaux. C'est à cette condition qu'ils pourront faire valoir leurs droits lors de l'établissement des conventions relatives à leur raccordement et accès aux réseaux ou pour leur interprétation.
Au surplus, dans sa décision du 25 avril 2013, la Commission de régulation de l'énergie a rappelé que : « Dans chaque nouvelle procédure, les gestionnaires de réseaux publics de distribution précisent leur date d'entrée en vigueur. La procédure applicable au traitement d'une demande de raccordement est la procédure en vigueur lors de l'envoi au demandeur, par le gestionnaire de réseaux, d'une proposition technique et financière de raccordement. »
Il ressort des pièces du dossier que la société Enedis a communiqué à la société Eurocape New Energy, mandataire des trois sociétés demanderesses, le 2 avril 2010, une première proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de production éolienne de la société Parc éolien du Col de Brugues au réseau public de distribution d'électricité. Cette proposition technique et financière a été modifiée, le 21 mai 2010.
Puis, la société Enedis a communiqué à la société Eurocape New Energy, le 14 juin 2010, une nouvelle proposition technique et financière pour le raccordement mutualisé des trois installations de production éoliennes au réseau public de distribution d'électricité.
Le 3 juillet 2010, la nouvelle procédure de traitement des demandes de raccordement référencée ERDF-PRO-RAC_14 E V.1.0 et intitulée « Procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF » est entrée en vigueur.
La proposition technique et financière pour le raccordement mutualisé du 14 juin 2010 a fait l'objet d'une demande de modification qui a été considérée comme complète par la société Enedis le 2 août 2010. La proposition technique et financière ainsi modifiée a été transmise le 16 septembre 2010 et acceptée le 17 septembre 2010 par les sociétés demanderesses.
Tant à la date de complétude du dossier du 2 août 2010 associée à la dernière demande de modification du raccordement qu'à la date d'envoi de la dernière proposition technique et financière, le 16 septembre 2010 et acceptée le 17 septembre 2010 par les sociétés demanderesses, la procédure de traitement des demandes de raccordement en vigueur et utilisée par la société Enedis était la version du 3 juillet 2010.
La procédure de traitement des demandes de raccordement de la société Enedis, référence ERDF-PRO-RES_21E, n'était donc plus applicable aux demandes de raccordement des sociétés demanderesses.
Sur le maintien en file d'attente des projets des sociétés demanderesses
En application de l'article 7.3.1 de la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société Enedis, référence ERDF-PRO-RAC_14E : « Les demandes de raccordement sont classées en vue de leur traitement par ordre chronologique selon leur date de qualification notifiée au demandeur. La réservation de la puissance de raccordement est acquise au demandeur jusqu'à la mise en exploitation des ouvrages de raccordement de l'installation sous réserve des conditions énoncées au 7.3.. »
En application de l'article 7.3.2 de la même procédure : « La capacité d'accueil est remise à disposition d'autres projets dans les cas suivants :

- à l'initiative du demandeur, s'il abandonne le dossier ;
- le cas échéant, en cas de modification de la demande de raccordement selon les modalités définies au chapitre 10 ;
- […] ;
- en cas d'annulation de l'autorisation d'urbanisme ou de l'autorisation administrative. »

Il ressort des pièces du dossier que, le 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les trois arrêtés, en date du 24 décembre 2008, accordant le permis de construire aux trois centrales de production éoliennes.
La circonstance qu'il ait été fait appel de ce jugement n'a pas pour conséquence d'en suspendre l'exécution. Au surplus, la cour administrative d'appel de Marseille a, le 28 novembre 2014, annulé le jugement du 22 novembre 2012, puis, statuant par la voie de l'évocation, a également annulé les arrêtés.
Dès lors, les sociétés demanderesses ne disposant plus de l'autorisation d'urbanisme permettant, au titre de la procédure de traitement des demandes de raccordement, de réserver de la puissance de raccordement, la société Enedis a retiré à juste titre de la file d'attente de raccordement les trois projets éoliens.
La circonstance que le Conseil d'Etat ait annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille, en date du 28 novembre 2014, et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille, n'est pas de nature à permettre la réintégration des trois projets éoliens dans la file d'attente de raccordement, en les traitant comme étant entrés et restés en file d'attente depuis le 28 mai 2010.

Décide :

Article 1

Les demandes des sociétés Parc éolien du Col de Brugues, Parc éolien du Mailleul de Lima et Parc éolien du Viala sont rejetées.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien du Col de Brugues, à la société Parc éolien du Mailleul de Lima, à la société Parc éolien du Viala et à la société Enedis. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 28 novembre 2016.

Pour le comité de règlement des différends et des sanctions :

Le président,

M. Liebert-Champagne