JORF n°0282 du 21 novembre 2020

Décision du 26 septembre 2020

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5, R. 2141-17 à R.2141-23, et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 mars 2020 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Institut Gustave Roussy, U1287) aux fins d'obtenir le renouvellement de son autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 12 août 2020 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 4 et 17 août 2020 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 9 septembre 2020 ;

Considérant que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédemment autorisé en 2005, 2010 et 2015 par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche puis par décision de la directrice générale de l'Agence de la biomédecine ;

Considérant que le projet de recherche utilise les lignées de cellules souches embryonnaires humaines, dites CSEh, H1, H9 provenant du WiCell Research Institute (Etats-Unis), HUES1, HUES2, HUES3 et HUES7 provenant du Howard Medical Institute (Etats-Unis) ; que ces lignées de cellules sont déjà présentes sur le territoire national ; qu'elles ont été importées, par William Vainchenker (Inserm, Institut Gustave Roussy) dans le cadre de la demande initiale d'autorisation de ce protocole de recherche, en vertu d'autorisations délivrées le 21 mars 2005 par arrêté des ministres chargés de la santé et de la recherche dans le cadre du dispositif transitoire mis en place par la loi du 6 août 2004 (article 37), et le 19 juin 2006 par décision du directeur général de l'Agence de la biomédecine en application des dispositions de l'article L. 2151-6 du code de la santé publique ; qu'à l'occasion de la demande d'autorisation d'importation, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande de renouvellement d'autorisation de recherche présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; que le conseil d'orientation souligne dans son avis que l'ensemble de ces documents sont de nouveau fournis en annexe ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe de recherche, est compétente et possède toute la légitimité nécessaire pour mener ce protocole ; que la demande est présentée par le Docteur Françoise Porteu, directrice de l'unité INSERM U1287, au sein de l'Institut Gustave Roussy (Villejuif) ; que cette unité regroupe les différentes équipes qui ont participé à ce protocole depuis la date de sa première autorisation en 2005 ; que le projet sera mis en œuvre au sein d'une unité INSERM particulièrement importante (deux équipes, regroupant plus de 100 personnes), dont l'excellence dans le domaine de l'hématologie n'est plus à démontrer ; que leader international dans le domaine, elle a fait des découvertes majeures ayant conduit à des publications importantes dans des revues internationales prestigieuses ; que 8 chercheurs statutaires seront directement impliqués dans le protocole, ainsi qu'une dizaine d'étudiants, postdoctorants et techniciens (tous financés, et tous consacrant au moins 30 % de leur temps au projet) ; que la cohérence thématique du programme, dont les divers aspects s'intriquent étroitement et impliquent toutes les équipes, explique le choix qui a été fait de le présenter comme un seul projet global ;

Considérant que la structure est pérenne et le financement est assuré par des subventions acquises auprès de l'Inserm, l'InCA, la Ligue Nationale contre le Cancer, le programme européen H2020 et le programme d'investissements d'avenir Labex ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine dans son rapport ou lors de sa visite sur site le 1er septembre 2020 ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales ;

Considérant que le projet de recherche de Françoise Porteu a pour objectif de modéliser les maladies hématologiques pour en comprendre les mécanismes moléculaires ; que les maladies étudiées sont des maladies malignes, en particulier des syndromes myéloprolifératifs, des leucémies, souvent du jeune enfant, et touchant la différenciation mégacaryocytaire ; que ces pathologies constituent depuis plus de 20 ans les domaines de recherche des équipes ayant porté ce projet, auxquels elles ont fait des contributions majeures reconnues sur le plan international ; que l'analyse des pathologies est indissociable de celle des processus normaux de différenciation ; qu'il existe en effet une grande cohérence à ce va-et-vient entre « normal » et maladie au sein d'un même laboratoire, les résultats obtenus chez les malades pouvant aider à comprendre le développement de ces leucémies et inversement ; qu'il s'agit d'un élément clé du succès des chercheurs de cette unité (dont beaucoup sont médecins et possèdent par ailleurs des responsabilités cliniques) ;

Considérant que dans le cadre de la demande de renouvellement, l'équipe poursuit deux objectifs complémentaires ;

Considérant que le premier objectif consiste à étudier le processus physiologique de différenciation et maturation des cellules sanguines, appelé hématopoïèse ; qu'il s'agit d'un processus très complexe qui se met en place chez l'embryon en plusieurs vagues et dans différents organes (sac vitellin, aorte dorsale, et foie) ; qu'il est maintenant acquis que l'hématopoïèse embryonnaire et l'hématopoïèse fœtale sont très différentes de l'hématopoïèse adulte, et ce en particulier pour la production de globules rouges (les types d'hémoglobines sont différents) et de plaquettes ; qu'à terme, cet objectif pourrait conduire à la production de plaquettes dans un but transfusionnel, ce qui est compliqué car le processus de différenciation à partir du stade mégacaryocyte en plaquettes est subtil ; que l'équipe est probablement la seule à pouvoir mener ce projet et qu'outre la différenciation mégacaryocytaire, elle explorera deux autres questions : (1) l'obtention, à partir de CSEh, de « vraies » cellules souches hématopoïétiques (capables de reconstituer toutes les lignées hématopoïétiques), ce que personne n'a décrit jusqu'à aujourd'hui, et (2) l'obtention de progéniteurs érythroïdes (et donc de globules rouges) de type adulte, synthétisant de l'hémoglobine adulte, et non pas embryonnaire ;

Considérant que le second objectif consiste en la modélisation de maladies hématologiques ; que trois types de pathologies - toutes leucémiques donc malignes - sont étudiés dans ce projet : (1) des syndromes myéloprolifératifs, maladies chroniques rencontrés chez l'adulte aux tableaux cliniques très divers (hyperproduction par la moelle osseuse des cellules d'une ou plusieurs lignées myéloïdes, qui maturent normalement, mais résultent de la transformation cancéreuse d'une cellule souche), (2) des leucémies résultant d'anomalies génétiques constitutionnelles et (3) des leucémies mégacaryocytaires, particulières par leur développement très précoce chez l'enfant ; que le projet vise à reproduire in vitro les étapes successives conduisant aux anomalies hématologiques telles qu'elles s'expriment cliniquement ; que cette modélisation est étudiée en comparant des CSEh dans lesquelles ont été créés artificiellement les différentes mutations, et des cellules provenant des patients, donc porteuses des mutations ; que beaucoup des maladies étudiées par l'équipe sont à début précoce (enfance, nouveau-né) et que l'élément déclenchant se produit vraisemblablement in utero, donc dans un contexte cellulaire fœtal ;

Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique sont évidents ; que les aspects techniques sont parfaitement maîtrisés et que toutes les garanties sont réunies pour mener à bien le projet de recherche ; que les recherches effectuées par cette équipe depuis 2005 portent sur la modélisation des conséquences cellulaires et fonctionnelles de gènes impliqués dans diverses pathologies humaines ; que certaines de ces pathologies sont associées à un pronostic particulièrement défavorable et le développement de nouvelles approches thérapeutiques est indispensable ; que la modélisation de ces pathologies nécessite des modèles physiologiques permettant de comprendre les mécanismes de transformation tels qu'ils surviennent dans un contexte physiologique ; que la caractérisation des mécanismes moléculaires de transformation permettra de développer de nouvelles thérapies ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres types de cellules souches ; que s'agissant des cellules souches embryonnaires murines et primates, il n'est pas envisageable d'utiliser des cellules d'origine animale alors que l'objectif général du projet est de développer un produit de thérapie cellulaire en vue d'une utilisation en clinique chez l'homme ; que l'utilisation des cellules souches pluripotentes induites, dites cellules iPS, est maintenant largement mise en œuvre par cette équipe pour modéliser les pathologies hématologiques, mais des cellules souches embryonnaires humaines sont indispensables pour effectuer les contrôles de pluripotence et de fonctionnalité au cours de la différenciation ; que les nombreux articles publiés par cette équipe dans des revues prestigieuses à comité de lecture montrent la pertinence de cette approche et le caractère indispensable des cellules souches embryonnaires humaines comme standard de pluripotence pour les iPS ; que dans certains cas, de nouvelles molécules en cours de tests précliniques ont déjà été caractérisées, notamment par ce laboratoire de l'Inserm et que le développement de ces modèles permettrait de mieux comprendre leur efficacité sur des cellules humaines ;

Considérant que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues conformément aux conditions législatives et réglementaires,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Institut Gustave Roussy, unité U1287) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur l'embryon humain ayant pour finalité l'étude de l'identification des gènes impliqués dans le contrôle de l'autorenouvellement des cellules souches embryonnaires humaines ainsi que la différenciation hématopoïétique des cellules souches embryonnaires humaines. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Françoise Porteu.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

La présente décision, sera publiée au Journal officiel de la République française.

E. Cortot-Boucher