JORF n°0166 du 21 juillet 2010

Décision du 24 juin 2010

Considérant qu'en vertu de l'article L. 5122-1 du code de la santé publique « on entend par publicité pour les médicaments à usage humain toute forme d'information, y compris le démarchage, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de ces médicaments (...) » ;
Considérant que l'article L. 5122-9 du code de la santé publique dispose que « la publicité pour les médicaments auprès des professionnels de santé habilités à prescrire ou à dispenser des médicaments ou à les utiliser dans l'exercice de leur art doit faire l'objet dans les huit jours suivant leur diffusion d'un dépôt auprès de l'AFSSAPS » et que l'article R. 5122-8 du même code précise les informations devant obligatoirement être mentionnées dans une publicité pour un médicament auprès des professionnels de santé ;
Considérant par ailleurs qu'il ressort notamment des dispositions des articles L. 5122-2 et R. 5122-9 du code de la santé publique que la publicité doit respecter les dispositions de l'Autorisation de mise sur le marché (AMM), présenter le médicament de façon objective et que toutes les informations contenues dans cette publicité doivent être exactes, à jour, vérifiables et suffisamment complètes pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament ;
Considérant qu'une brochure intitulée « Attitudes techniques découvertes - Lacteol : Synthèse technique et scientifique », comportant la signature du laboratoire Axcan Pharma sur les première et quatrième pages de couverture, a été diffusée sur le stand du laboratoire Axcan Pharma lors du congrès de la Société nationale française de gastro-entérologie (SNFGE) qui s'est déroulé du 19 au 22 mars 2009 à Paris ; que cette brochure a donc été mise à la disposition de professionnels de santé (gastro-entérologues, médecins généralistes et pharmaciens hospitaliers notamment) ; qu'elle développe en particulier les propriétés pharmacologiques et des bénéfices cliniques associés à l'utilisation de la spécialité LACTEOL et qu'elle vise donc à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de cette spécialité ;
Considérant qu'ainsi cette brochure répond à la définition de la publicité telle que mentionnée à l'article L. 5122-1 du code de la santé publique ;
Considérant néanmoins que cette brochure n'a pas fait l'objet d'un dépôt auprès de l'AFSSAPS en tant que document promotionnel en application des dispositions de l'article L. 5122-9 du code précité et ne comporte pas les informations prévues à l'article R. 5122-8 précité ;
Considérant par ailleurs que la spécialité LACTEOL a notamment pour principes actifs un probiotique inactivé (Lactobacillus LB) et son milieu de culture fermenté, et est indiquée dans le « Traitement symptomatique d'appoint de la diarrhée chez l'adulte et l'enfant de plus de 6 ans, en complément des mesures de réhydratation et/ou des mesures diététiques qui restent le traitement de choix » ;
Que cette indication, associée au chapitre 4.4 Mises en garde et précautions d'emploi de l'AMM de LACTEOL, qui précise que « si au bout de deux jours de traitement, la diarrhée persiste, la conduite à tenir devra être réévaluée » placent clairement cette spécialité dans le traitement symptomatique d'appoint de la diarrhée aiguë ;
Considérant que cette brochure comporte en pages 11 et 12 une partie intitulée « Résultats de Lactéol dans l'éradication d'Helicobacter pylori », s'appuyant sur les résultats, d'une part, de l'étude in vitro Coconnier qui a évalué l'effet du Lactobacillus LB sur la viabilité et l'adhésion aux cellules intestinales mucosécrétantes d'Helicobacter pylori et, d'autre part, de l'étude de phase III Canducci qui conclut à un taux d'éradication d'Helicobacter pylori significativement supérieur dans le groupe associant LACTEOL à une trithérapie de type amoxicilline-claritromycine-IPP versus la trithérapie seule ; que sont développés, pages 12 et 13, dans une rubrique intitulée « LACTEOL et troubles fonctionnels intestinaux », des résultats d'efficacité de LACTEOL dans la diarrhée chronique fonctionnelle (étude Xiao) et dans le syndrome de l'intestin irritable (étude Halpern) ;
Considérant que la préconisation de LACTEOL dans l'éradication d'Helicobacter pylori en cas de maladie ulcéreuse gastroduodénale et l'utilisation au long cours de LACTEOL dans la diarrhée chronique fonctionnelle et le syndrome de l'intestin irritable ne respectent pas les dispositions de l'AMM qui limite son utilisation au traitement symptomatique d'appoint de la diarrhée, dans un contexte de diarrhée aiguë ;
Considérant de plus que la brochure présente les résultats de cinq études réalisées chez l'enfant et le nourrisson et une étude chez l'adulte, dont l'objectif était de comparer l'efficacité de LACTEOL à celle de traitements de référence et/ou à un placebo ;
Considérant ainsi que le document allègue, page 10, à propos de l'étude Boulloche (Ann pediatr. 1994), dont l'objectif était de comparer, en complément de la réhydratation orale, l'efficacité d'une préparation à base de Lactobacillus au lopéramide, d'une part, et à un placebo, d'autre part : « Une plus forte proportion de guérison (89,5 %) a été constatée avec Lactéol » ; que cette assertion, qui met en exergue un critère secondaire de l'étude, suggère une supériorité de LACTEOL par rapport au lopéramide et au placebo alors que l'analyse statistique n'a pas montré de différence statistiquement significative entre le pourcentage d'enfants guéris sous LACTEOL comparativement aux deux autres groupes ;
Considérant également que sont présentés les résultats d'un seul des critères principaux de l'étude, à savoir le délai de survenue de la première selle normale, mais sans mention des résultats du test statistique (p = 0,05) qui permettent d'interpréter ces résultats, alors que l'étude comportait deux autres critères principaux dont les résultats ne sont pas présentés dans la brochure, à savoir le délai de survenue de la dernière selle anormale (pas de différence statistiquement significative entre le groupe LACTEOL et les deux autres groupes) et la durée de la période sans selles (différence statistiquement significative en faveur de LACTEOL par rapport au lopéramide et au placebo) ;
Considérant ainsi que cette présentation partielle des résultats d'une étude clinique qui, d'une part, ne reprend qu'une partie des critères de jugement principaux tout en mettant en exergue un critère secondaire, et, d'autre part, ne précise pas les résultats des tests statistiques, n'est pas objective et n'est pas suffisamment complète pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament ;
Considérant que les résultats de l'étude randomisée Salazar-Lindo (J. Pediatr Gastroenterol Nutr. 2007), dont l'objectif était de comparer l'efficacité de LACTEOL à un placebo, sont présentés dans le tableau I, page 10, par l'allégation : « Durée de la diarrhée en cas de diarrhée ¹ 24 h à l'instauration du traitement : Lactéol 8,2 h - Placebo 30,4 h (p = 0,044) » ; que cette expression des résultats provient d'une analyse en sous-groupe exploratoire, sans ajustement du risque , alors que l'analyse globale (critère principal) n'a pas montré de différence statistiquement significative entre les deux groupes sur la durée de la diarrhée (16,6 h versus 10,0 h, p = 0,275) ; que, par ailleurs, l'analyse conduite dans le sous-groupe des diarrhées de plus de 24 heures avec ajustement de p ne montre pas de différence statistiquement significative, comme le précise la Commission de la transparence dans son avis du 29 mars 2006 ;
Considérant ainsi qu'une telle présentation consistant à sélectionner dans une étude les résultats d'une analyse secondaire exploratoire favorable à la spécialité et méthodologiquement critiquable n'est pas objective ;
Considérant que les résultats de l'étude Simakachorn (J. Pediatr Gastroenterol Nutr. 2000), dont l'objectif était d'évaluer l'efficacité de LACTEOL (versus placebo) en complément de la réhydratation orale, sont présentés dans le tableau I, page 10, en termes de pourcentages d'enfants guéris (à H58, H72 et H96) et d'enfants avec selles aqueuses (à J1 et J2) dans les groupes LACTEOL et placebo, et, en page 11, avec l'allégation « Dans l'étude thaïlandaise, la réduction de la durée de la diarrhée par rapport au placebo (gain moyen : 13,6 heures) était particulièrement importante dans le sous-groupe d'enfants n'ayant reçu aucun antibiotique avant leur inclusion (en moyenne 31,1 heures). Le bénéfice symptomatique était significatif (p = 0,012) chez les enfants souffrant d'une diarrhée à rotavirus » ;
Considérant que, d'une part, la publication ne précise pas la puissance ni le calcul de l'effectif de patients nécessaire pour conclure à la significativité des résultats et que, d'autre part, les résultats ont fait l'objet d'analyses multiples, notamment en sous-groupes en fonction des caractéristiques des patients à l'inclusion (antibiothérapie avant inclusion, test rotavirus positif), alors qu'il n'y a pas eu d'ajustement du risque ni de stratification de la randomisation ;
Considérant de plus que la tolérance n'a pas été étudiée et qu'ainsi cette étude ne permet pas d'apprécier objectivement le rapport bénéfices-risques de ce médicament ;
Considérant ainsi que cette présentation de résultats d'une étude méthodologiquement critiquable n'est pas objective ;
Considérant que le document présente les résultats de l'étude Li Xie Bin (Ann pediatr. 1995), dont l'objectif était d'évaluer l'efficacité de LACTEOL versus deux antiseptiques intestinaux (furazolidone et berberine) ; que cette étude présente de nombreuses faiblesses méthodologiques, avec notamment des critères de jugement nombreux, non hiérarchisés et une absence d'analyse statistique des résultats ; que l'utilisation de comparateurs n'ayant pas l'AMM en France compromet l'interprétation des résultats ;
Considérant ainsi que l'exploitation promotionnelle des résultats de cette étude méthodologiquement critiquable n'est pas objective ;
Considérant que des résultats de l'étude Mezard-Eurin (Vie médicale 1979), réalisée chez l'enfant, sont présentés dans le tableau page 10 par l'allégation « Bon résultat clinique : Lacteol 67 % - Placebo 27 % » ; que l'interprétation de ces résultats est compromise dans la mesure où ne figure aucune information concernant la méthodologie de l'étude (randomisation, définition et hiérarchisation des critères de jugement, analyse statistique, posologies des traitements testés) et que les caractéristiques des patients sélectionnés sont incomplètes (pathologies traitées, traitements associés) ;
Considérant qu'ainsi la présentation des résultats de cette étude n'est pas objective et n'est pas suffisamment complète pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament ;
Considérant que les résultats de l'étude Bodilis (Médecine actuelle 1983), dont l'objectif était de comparer l'efficacité de LACTEOL à un placebo et à un antiseptique quinoléique chez l'adulte, sont présentés page 11 de la brochure avec notamment le paragraphe alléguant : « L'analyse de l'ensemble des trois paramètres : nombre quotidien de selles, consistance des selles et signe cliniques associés, a montré qu'aux premier et deuxième jours de traitement, Lacteol 170 mg accélérait la guérison par rapport à l'antiseptique intestinal (p = 0,025) » ;
Considérant cependant que l'interprétation de ces résultats, qui suggèrent une supériorité de LACTEOL, est compromise dans la mesure où les résultats de l'analyse statistique concernant chacun des trois critères énoncés ne sont que partiellement présentés et ne montrent, pour la plupart, pas de différence significative entre les traitements ;
Considérant aussi que la description de la méthodologie de l'étude est incomplète dans la mesure où ne figure aucune information concernant la hiérarchisation des critères de jugement et le délai sur lequel porte l'analyse principale (J1 ou J2) et qu'il n'est pas précisé si l'essai à été randomisé et si il y a eu un ajustement du risque compte tenu des analyses statistiques multiples ;
Considérant qu'ainsi la présentation des résultats de ces études n'est pas objective et n'est pas suffisamment complète pour permettre au destinataire de se faire une idée personnelle de la valeur thérapeutique du médicament ;
Considérant enfin que sont développées dans la brochure, pages 8 à 12, les propriétés pharmacologiques de LACTEOL, avec notamment :
― page 8, l'allégation « Respect du péristaltisme intestinal », illustrée par une coupe d'intestin et référencée par l'étude Cézard, qui suggère une action de LACTEOL sur la motilité intestinale ;
― le premier paragraphe de la page 9 qui prête à LACTEOL « un effet protecteur vis-à-vis des altérations morphologiques (réarrangement des filaments d'actine) et fonctionnelles (défaut d'adressage des protéines fonctionnelles au pôle apical des cellules intestinales) » causées par une souche entéropathogène d'E.coli, citant en référence l'étude Liévin-le-Moal et al. (Gut. 2002) ;
― le paragraphe de la page 9 qui allègue « La souche Lacteol exerce un effet antisécrétoire », avec pour référence l'étude Liévin-le-Moal et al. (Pediatrics. 2007) ;
Considérant que ces propriétés pharmacologiques ne sont pas validées dans l'autorisation de mise sur le marché de LACTEOL ;
Considérant qu'ainsi ce document est contraire aux dispositions des articles L. 5122-2 et R. 5122-9 susmentionnées du code de la santé publique,
la publicité susvisée pour la spécialité pharmaceutique LACTEOL est interdite.