JORF n°0034 du 10 février 2018

Décision du 20 décembre 2017

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la décision du 8 septembre 2015 modifiant la décision 2013-11 du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 30 septembre 2017 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 1190, Lille) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 7 décembre 2017 ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 11 octobre 2017 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 19 et 30 novembre 2017 ;

Considérant que le projet de recherche utilise une lignée de cellules souches embryonnaires humaines (H1 - WA-01) provenant du WiCell Research Institute (Etats-Unis) ; qu'elle fait l'objet d'une demande d'autorisation d'importation annexée à la présente demande d'autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ; que le conseil d'orientation a rendu un avis favorable sur cette demande ; qu'à l'appui de la demande d'autorisation d'importation, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et de celles relatives à l'information et au recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande d'autorisation présente l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ; que la lignée est par ailleurs inscrite au registre du NIH, garantissant le respect des principes éthiques fondamentaux de consentement des donneurs, de gratuité du don et d'anonymat prévus par le droit français ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection ; que le laboratoire dispose des équipements nécessaires à la mise en œuvre de ce protocole de recherche dans des conditions optimales ;

Considérant que l'équipe de Julie Kerr-Conte est installée à Lille, un site majeur dans l'étude et le traitement du diabète ; que le site regroupe des équipes de notoriété internationale, notamment sur la génétique du diabète (Pr Froguel, U1019) et les approches de biothérapies (transplantation îlots pancréatiques, F. Pattou, J Kerr-Conte) ; que ces équipes se sont regroupées avec d'autres pour créer l'Institut projet EGID (European genomic Institute for diabetes) dédié spécifiquement au diabète et ses complications ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe est pérenne et les financements sont assurés ; que Julie Kerr-Conte possède une excellente notoriété internationale sur le sujet, et cette équipe est la seule en France à développer ce type de protocole en ayant une très longue expérience de la thérapie cellulaire du diabète ; qu'elle dispose de toute la légitimité à développer ce programme de recherche ;

Considérant que le diabète concerne actuellement plus de 200 millions de personnes dans le monde et est d'ores et déjà une des 5 premières causes de mortalité et de handicap (cécité, amputation…) ; que d'ici à 2030 les études démontrent que le nombre de personnes diabétiques va doubler ; que 90-95 % sont atteintes par sa forme la plus commune, le diabète de type 2 (DT2), dont le risque croît avec le degré d'obésité, le manque d'activité physique et l'alimentation, et atteint aujourd'hui une dimension épidémique ; qu'une partie importante de la variabilité interindividuelle observée pour le DT2 et les maladies qui lui sont associées est régie par des facteurs génétiques, et l'héritabilité du DT2 est supérieure à 30 % ; que le diabète de type 2 résulte d'une inadaptation de la production d'insuline (qui régule le taux de glucose sanguin), ou de son action inefficace sur les tissus devenus résistants à cette hormone ;

Considérant que l'objectif principal est de dériver des précurseurs pancréatiques des îlots de Langerhans, dont les cellules bêta pancréatiques sécrétant de l'insuline et du glucagon, à partir de cellules souches pluripotentes ; qu'à terme, l'équipe souhaite utiliser des cellules souches pluriotentes induites (dites cellules iPS), car sa stratégie est de modéliser les conséquences des différents variants génotypiques décrits chez les patients diabétiques, afin de mieux comprendre la diversité des facteurs sous-tendant l'émergence du DT2 ;

Considérant que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres types de cellules souches ; que l'équipe a tenté de mener des expériences de différenciation directement à partir de cellules iPS, qui ont permis d'obtenir une sécrétion d'insuline et de glucagon, mais qui reste très nettement inférieure à celle d'ilots humains ; qu'avant de concevoir et d'exploiter cette banque d'iPS-modèles, l'équipe souhaite donc mettre au point un protocole de différenciation robuste et reproductible à partir de cellules de la lignée H1, lignée de référence mondiale dans beaucoup de protocoles de différenciation de CSEh en cellules pancréatiques ;

Considérant que l'équipe a décidé de suivre un protocole proposé par une équipe canadienne, toujours à partir des lignées H1 ou H9 (Kieffer, 2013) ; que ce protocole comprend 7 étapes, mimant les étapes de spécification embryonnaire, en endoderme primitif, en intestin primitif, puis postérieur, pour aboutir à l'ébauche pancréatique puis la spécification en cellules endocrines, et la maturation en cellules sécrétrices d'insuline ; que ces étapes sont délicates, et la maîtrise des multiples paramètres intervenant dans ce processus ne peut s'acquérir en quelques mois seulement ; que pour assurer au mieux le succès de leur projet, Julie Kerr-Conte a établi une collaboration avec l'équipe de Kieffer ;

Considérant que la finalité médicale du projet et l'objectif thérapeutique est évidente à la fois en termes de modélisation du DT2 et de production de cellules pancréatiques de bonne qualité, homogènes, et en nombre suffisant, pour une recherche compétitive à visée médicale sur le diabète ; que les aspects techniques sont parfaitement maîtrisés et le projet est parfaitement intégré dans le contexte de l'institut EGID consacré au diabète ; que le conseil d'orientation souligne qu'un essai clinique utilisant des précurseurs pancréatiques dérivés de CSEh est en cours aux Etats-Unis « ViaCyte's VC-01™ Investigational Stem Cell-Derived Islet Replacement Therapy Successfully Implanted into First Patient » ;

Considérant que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues conformément aux conditions législatives et réglementaires,

Décide :

Article 1

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (UMR 1190, Lille) est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l'étude de la production in vitro d'ilots (cellules β, α, δ) de Langerhans humains pour la recherche. Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Julie Kerr-Conte.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de cinq ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 20 décembre 2017.

A. Courrèges