JORF n°0291 du 16 décembre 2015

Décision du 2 novembre 2015

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 2151-5 et R. 2151-1 à R. 2151-12 ;

Vu la loi n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Vu la décision du 17 septembre 2013 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionné à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 mars 2015 par EFS Atlantic Bio GMP aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine en date du 6 août 2015 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 21 juillet et 25 septembre 2015 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine le 15 octobre 2015,

Considérant que EFS Atlantic Bio GMP est une plate-forme de statut public qui assure la production de médicaments de thérapie innovante ; que cette plate-forme a pour objectif de préparer les cellules thérapeutiques en vue d'un essai clinique de phase I/II ; que ces cellules ayant le statut de médicaments de thérapie innovante, elles ne peuvent, en application de la réglementation, être préparées que dans un établissement pharmaceutique ;

Considérant que le protocole de recherche initial a été développé par l'INSERM, au sein du laboratoire I-Stem, sous la responsabilité de Christelle Monville, en vertu d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine le 21 janvier 2011 ; qu'il s'agit de proposer une thérapie cellulaire dans le cadre de pathologies rétiniennes, de type rétinite pigmentaire (héréditaires) ou dégénérescence maculaire liée à l'âge, toutes deux conduisant à la cécité ;

Considérant que dans le cadre de la présente demande, l'essai clinique envisagé concerne les patients atteints de rétinite pigmentaire ; que cette thérapie est basée sur la greffe de cellules de l'épithélium pigmentaire rétinien (EPR) ; que les cellules de cet épithélium sont disposées en une couche de cellules en contact étroit dans la rétine avec les photorécepteurs et sont indispensables au développement et aux fonctions de ces photorécepteurs, en particulier au renouvellement de leurs segments externes ; qu'elles sont également en contact avec le réseau vasculaire et assurent l'apport de nutriments ;

Considérant que le laboratoire I-Stem et l'équipe de Christelle Monville ont développé un protocole de différenciation des cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) en cellules de l'EPR, qui expriment l'ensemble des marqueurs phénotypiques associés à cette population et qui sont fonctionnelles in vitro ; que la stratégie consistera à greffer en lieu et place de l'EPR une monocouche de cellules EPR dérivées des CSEh et implantées sur un support biocompatible (ici la membrane amniotique humaine décellularisée) ; que les essais chez le porc et le rat ont montré que, dans ces conditions, il était possible d'obtenir une récupération de la vision et que plusieurs essais cliniques étaient en cours dans le monde - incluant une centaine de patients - utilisant également des cellules de l'EPR dérivées de CSEh ; que deux articles sur le déroulement de l'essai chez les premiers patients ont été publiés, aucun effet délétère à court terme n'ayant été constaté ;

Considérant que la demande s'inscrit dans une finalité médicale dont l'objectif thérapeutique est clairement exprimé par l'équipe ;

Considérant que la plate-forme EFS-Atlantic Bio GMP aura pour mission de produire la banque de cellules de l'épithélium pigmentaire rétinien à partir de la lignée RC-09 ; que la production de la membrane amniotique sera quant à elle assurée par le laboratoire de thérapie cellulaire de l'hôpital Saint-Louis et l'équipe du professeur Jérôme Larghéro ; que le calendrier est précisé, la production de deux lots de développement en secteur contrôle qualité est prévu pour la fin du premier semestre 2016 et la production pharmaceutique des cellules de l'EPR dérivées des CSEh sera initiée début 2017, après la production de deux lots de transfert à grande échelle réalisés en zone de production en conditions réelles ;

Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que l'objectif même de la recherche envisagée explique la nécessité de recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; qu'il n'existe pas à ce jour de lignée de cellules souches pluripotentes induites établie en condition GMP (Good manufacturing practices, équivalent des bonnes pratiques de fabrication françaises nécessaires à l'utilisation d'un produit de thérapie cellulaire chez des patients) ; qu'il n'existe donc pas, contrairement aux cellules souches embryonnaires humaines, de lignée iPS de grade clinique actuellement validée et disponible ; que l'utilisation thérapeutique de dérivés de CSEh dans le cadre de pathologies rétiniennes fait l'objet d'essais cliniques dans le monde, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Corée et en Israël, et que, dans tous les cas, les cellules épithéliales pigmentaires greffées étaient dérivées de CSEh et non de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) ; qu'un seul essai est en cours au Japon avec les iPS (un seul patient inclus), mais est actuellement suspendu ;

Considérant que dans la mesure où le programme de l'équipe s'oriente vers une application clinique, il n'existe pas aujourd'hui de produit cellulaire alternatif ayant une efficacité comparable et qu'il est donc justifié que cette équipe poursuive son programme avec des CSEh, afin de parvenir à un essai clinique rapide dans l'intérêt des patients, dont le conseil d'orientation rappelle l'extrême gravité de leur maladie ; qu'une dizaine d'essais cliniques dans le monde utilisent des cellules dérivées de CSEh sans qu'aucun événement indésirable majeur n'ait été observé ;

Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche, d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques, d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des dispositions législatives et réglementaires ; qu'une lignée de CSEh est utilisée dans le cadre du projet de recherche envisagé, la lignée RC-09, provenant de Roslin Cells (Ecosse) ; qu'elle est déjà présente sur le territoire national, ayant été importée par Brigitte Dréno du centre hospitalier universitaire de Nantes (unité de thérapie cellulaire et génique) en vertu d'une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine le 17 décembre 2010 après avis favorable de son conseil d'orientation ; que le laboratoire de Brigitte Dréno transmettra cette lignée à Atlantic Bio GMP pour la mise en œuvre du projet ; qu'à l'occasion de cette demande d'autorisation d'importation, le respect des exigences posées par les articles 16 à 16-8 du code civil et celles en matière d'information et de recueil du consentement des couples a été vérifié et la demande d'autorisation présente de nouveau l'ensemble des documents permettant de s'assurer du respect des conditions législatives et réglementaires ;

Considérant que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ; que l'équipe comporte un ingénieur venant de l'équipe de Brigitte Dréno, parfaitement compétent pour la manipulation des cellules souches embryonnaires humaines et de leurs dérivés. Il dispose en outre d'une parfaite connaissance de la lignée RC-09 ;

Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires ; que les conditions matérielles de sécurité, de conservation, d'accès, de transferts, de locaux dédiés, de sécurisation desdits locaux, de désinfection, la qualité de l'ensemble des plateaux techniques sont parfaitement décrits et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la mission d'inspection de l'Agence de la biomédecine,

Décide :

Article 1

EFS Atlantic Bio GMP est autorisé à mettre en œuvre, dans les conditions décrites dans le dossier de demande d'autorisation, le protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité la production de l'implant sous-rétinien par un établissement pharmaceutique en vue d'un essai clinique de phase I/II (essai STREAM). Ces recherches sont placées sous la responsabilité de Mme Sophie Derenne, pharmacien responsable et directrice d'EFS Atlantic Bio GMP.

Article 2

La présente autorisation est accordée pour une durée de trois ans. Elle peut être suspendue à tout moment pour une durée maximale de trois mois, en cas de violation des dispositions législatives ou réglementaires, par le directeur général de l'Agence de la biomédecine. L'autorisation peut également être retirée, selon les modalités prévues par les dispositions du code de la santé publique susvisées.

Article 3

Toute modification des éléments figurant dans le dossier de demande d'autorisation doit être portée à la connaissance du directeur général de l'Agence de la biomédecine.

Article 4

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 2 novembre 2015.

A. Courrèges