JORF n°0257 du 5 novembre 2015

DÉCISION du 15 juin 2015

La directrice générale de l'Agence de la biomédecine,

Vu le code de la santé publique, et notamment les articles L. 2151-5, et R. 2151-1 à 12 ;

Vu la décision du 10 février 2006 fixant le modèle de dossier de demande des autorisations mentionnées à l'article R. 2151-6 du code de la santé publique ;

Vu la demande présentée le 31 janvier 2015 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité U1085, Nathalie Dejucq-Rainsford) aux fins d'obtenir une autorisation de protocole de recherches sur l'embryon humain ;

Vu les informations complémentaires apportées par le demandeur ;

Vu le rapport de la mission d'inspection en date du 23 avril 2015 ;

Vu les rapports d'expertise en date du 16 et 18 avril 2015 ;

Vu l'avis émis par le conseil d'orientation le 21 mai 2015 ;

Considérant que le projet envisage d'analyser la possibilité de transmission du virus VIH-1 à l'embryon par le sperme lors d'une assistance médicale à la procréation dans un couple dont l'homme est séropositif ; que la procédure applicable actuellement dans les centres d'assistance médicale à la procréation consiste à isoler d'une part la fraction de spermatozoïdes, d'autre part le plasma séminal puis à évaluer la charge virale (par la mesure du nombre de virus) dans le plasma séminal qui contient d'autres cellules potentiellement infectables par le VIH ; que si le nombre de virus est supérieur au seuil fixé (100 000 copie/ml), est alors mesuré l'ARN viral dans la fraction de spermatozoïdes ; que l'assistance médicale à la procréation ne peut alors être envisagée par la suite que si cette mesure est négative (40 copies/ml) ; que si la charge virale du plasma séminal est négative, l'examen spécifique des spermatozoïdes n'est pas réalisé systématiquement ;

Considérant que l'équipe de Nathalie Dejucq-Rainsford, à la lumière de certaines publications, souhaite explorer l'hypothèse d'un nouveau mode de transmission aux spermatozoïdes, et donc à l'embryon, de séquences virales qui auraient échappé à la détection actuelle des spermatozoïdes dont la charge virale est considérée comme négative ; que le questionnement porte sur la sensibilité des techniques de détection et le mécanisme de contamination des spermatozoïdes ; que l'équipe propose d'analyser les embryons non transférables et les ovocytes infectés mais non fécondés issus de procédures d'assistance médicale à la procréation pour des couples dont l'homme est séropositif, mais dont la charge virale a été jugée suffisamment faible dans le plasma séminal pour être compatible avec la procédure décrite ;

Considérant que les experts scientifiques et le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine ont émis un avis défavorable à l'autorisation du protocole de recherche au motif que le demandeur n'apporte pas les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques et de son intérêt pour la santé publique d'autre part ; que l'hypothèse soulevée par l'équipe n'a pas fait l'objet de publications en nombre suffisant ; que le dossier de demande d'autorisation ne fait aucune mention de cas d'infection VIH avérée dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation réalisée après validation de l'absence de risque de transmission sur la base des techniques actuellement appliquées depuis de nombreuses années sur les couples pris en charge dans ce contexte ;

Considérant l'absence de description claire et précise des objectifs et des approches expérimentales utilisées, ainsi que la méthodologie succincte ; que des précisions pourraient également être apportées sur la démarche scientifique, insuffisamment justifiée et argumentée, les modalités d'utilisation des techniques envisagées (détection du génome viral par PCR et RT-PCR dépassant la limite des techniques courantes) et les résultats dans la littérature scientifique (publication ou communication) ;

Considérant les questions soulevées par les experts, reprises par le conseil d'orientation de l'Agence, concernant l'alternative que pourrait constituer l'analyse de cette possible transmission du VIH à l'embryon lors d'une procédure d'assistance médicale à la procréation chez le singe macaque, dont l'infection est proche du modèle humain, alors même que l'équipe de Nathalie Dejucq-Rainsford publie régulièrement des études sur l'analyse de la transmission virale via le sperme chez ce primate ;

Considérant enfin le document d'information et le formulaire de recueil du consentement des couples dans le cadre de cette prise en charge qui devraient être revus dans la mesure où ils sont rédigés en des termes techniques erronés ou peu compréhensibles qui risquent de générer une inquiétude pour ces couples,

Décide :

Article 1

La demande d'autorisation de protocole de recherche sur l'embryon humain présentée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (unité U1085, Nathalie Dejucq-Rainsford) est refusée.

Article 2

Le directeur général adjoint chargé des ressources de l'Agence de la biomédecine est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait le 15 juin 2015.

A. Courrèges